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Cass. 2e civ., 12 décembre 2024, n° 22-15.596

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. 2e civ. n° 22-15.596

12 décembre 2024

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 décembre 2024

Cassation

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 1178 F-B+R

Pourvoi n° H 22-15.596

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024

1°/ M. [E] [G], domicilié [Localité 6],

2°/ Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 19], [Localité 7],

3°/ Mme [J] [G], domiciliée [Adresse 18], [Localité 7],

tous trois agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de [B] [Y] veuve [G],

ont formé le pourvoi n° H 22-15.596 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Villedieu-Mécanelec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 13], [Localité 16],

2°/ à Mme [K] dite [F] [H] veuve [L], domiciliée [Adresse 11], [Localité 16],

3°/ à Mme [A] [L],

4°/ à Mme [M] [L],

5°/ à M. [N] [L],

ces trois derniers domiciliés [Adresse 12], [Localité 16],

6°/ à M. [X] [L], domicilié [Adresse 15], [Localité 7],

7°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3],

8°/ à la société Allianz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 16],

9°/ à la société RL assurance, dont le siège est [Adresse 9], [Localité 16], représentante de la société Allianz,

10°/ à [B] [Y] veuve [G], ayant été domiciliée [Adresse 20], [Localité 6], décédée,

11°/ à M. [D] [G], domicilié [Adresse 20], [Localité 5],

12°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 10], [Localité 4],

ces deux derniers pris tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de [B] [Y] veuve [G],

13°/ à la société Polynesian distribution, société à responsabilité limitée, exploitée sous l'enseigne Batipro, dont le siège est [Adresse 14], [Localité 16],

14°/ à la société Generali, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 16],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [E] [G], Mme [I] [G] et Mme [J] [G], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de [B] [Y] veuve [G], de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, la société Villedieu-Mécanelec, Mme [K] dite [F] [H] veuve [L], Mme [A] [L], Mme [M] [L], M. [N] [L] et M. [X] [L], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Polynesian distribution et de la société Generali, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. Il est donné acte à M. [E] [G], Mme [I] [G], Mme [J] [G] de leur reprise d'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 27 janvier 2022) et les productions, M. [W] (dit [V]) [G], d'une part, Mme [K] dite [F] [H] veuve [L], Mme [A] [L], Mme [M] [L] et M. [X] [L] (la succession [L]), d'autre part, étaient propriétaires, chacun, d'un immeuble contigu à l'autre.

3. L'immeuble appartenant à [V] [G] a été pour partie, pris à bail par la société Polynesian distribution, et pour partie, utilisé par M. [E] [G], fils de [V] [G]. M. [D] [G] occupait l'appartement de l'étage. Une partie de l'immeuble contigu, appartenant à la succession [L], a été donnée à bail à la société Villedieu-Mécanelec.

4. Le 12 novembre 2009, un incendie s'est déclaré dans l'immeuble de [V] [G] et s'est propagé à l'immeuble voisin de la succession [L]. Les deux immeubles ont été entièrement détruits.

5. La société Villedieu-Mécanelec, la succession [L] et leur assureur, la société d'assurance Allianz, ont saisi le tribunal civil de première instance en indemnisation de leurs préjudices. La société Polynesian distribution et son assureur, la société Generali, sont intervenus volontairement à l'instance pour demander la réparation du préjudice subi par la première et le remboursement des sommes versées par l'assureur.

6. Par jugement du 10 septembre 2019, le tribunal civil de première instance, après avoir, notamment, déclaré [W] dit [V] [G], décédé le 31 octobre 2012, et Mme [B] [Y] veuve [G], entièrement responsables de l'incendie survenu le 12 novembre 2009, a condamné in solidum Mme [B] [Y] veuve [G] et les ayants droit de [W] [G], à payer certaines sommes à la société Villedieu-Mécanelec, à la succession [L], à la société d'assurance Allianz, subrogée dans les droits de la société Villedieu-Mécanelec, à la société d'assurance Allianz, subrogée dans les droits de la succession [L], à la société Polynesian distribution et à la société d'assurance Generali.

7. M. [E] [G], Mme [I] [G] et Mme [J] [G] (les consorts [G]) ont formé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe de la cour d'appel le 18 décembre 2019.

Recevabilité du pourvoi en tant que dirigé contre [B] [Y] veuve [G], examinée d'office

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application des articles 975 et 615 du code de procédure civile.

9. Le recours en cassation constitue une instance nouvelle qui ne peut être introduite contre une personne décédée et le demandeur ayant connaissance du décès d'une partie doit diriger son pourvoi contre sa succession.

10. La déclaration de pourvoi, déposée au greffe de la Cour de cassation le 27 avril 2022, est dirigée, notamment, contre [B] [Y] veuve [G], décédée le 20 janvier 2021, décès dont M. [E] [G], Mmes [I] et [J] [G] avaient connaissance.

11. En conséquence, le pourvoi n'est pas recevable en ce qu'il est dirigé contre [B] [Y] veuve [G].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

12. M. [E] [G], Mme [I] [G] et Mme [J] [G] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur appel du jugement en date du 19 septembre 2019, alors :

« 2°/ qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, la déclaration d'appel est remise à la juridiction par voie électronique ; qu'il convient, pour apprécier la date à laquelle a été formé un appel, de prendre en compte la date de dépôt de la requête, et non celle de son enregistrement par le greffe ; qu'en l'espèce, l'avocat de M. [E] [G], Mme [I] [G] et Mme [J] [G] a adressé la requête d'appel à la cour par message RPVA du 17 décembre 2019 à 14h36, heure de [Localité 16] ; qu'il en a été accusé réception par message RPVA du 18 décembre 2019 à 1h36, heure de [Localité 17], soit le 17 décembre 2019 à 14h36, heure de [Localité 16] ; qu'en se fondant, pour juger la requête irrecevable, sur le fait qu'elle aurait été enregistrée le 18 décembre 2019, tandis qu'à la supposer avérée, cette circonstance était inopérante, la cour d'appel a violé les articles 440-1 et 440-6 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

3°/ que le délai pour interjeter appel prévu par l'article 338 du code de procédure civile de Polynésie française est un délai franc, de sorte qu'il y a lieu de décompter le jour de la notification et le jour de l'échéance ; qu'en jugeant que « l'article 29 du code de procédure civile de la Polynésie française qui implique que le jour de la notification et le jour de l'échéance ne sont pas comptés pour les délais de procédure, ne trouve pas à s'appliquer dès lors que les dispositions de l'article 336 et 337, spécifiques au délai d'appel, indiquent expressément d'une part que le délai d'appel commence à courir du jour de la signification à personne (et non le lendemain), et se calculent de quantième en quantième, soit en tenant compte du numéro de jour du mois concerné (et non le lendemain de ce dernier jour) », tandis que l'article 339 précité précise que ce délai est franc, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 29 du code de procédure civile de la Polynésie française par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

13. En premier lieu, la société Polynesian distribution et la société Generali contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que les consorts [G], par leurs dernières conclusions du 9 août 2021, n'ont saisi la cour d'appel d'aucune demande, si bien que la déclaration d'irrecevabilité de leur appel ne leur fait pas grief.

14. Cependant, seules les conclusions qui déterminent l'objet du litige ou qui soulèvent un incident, de quelque nature que ce soit, susceptible de mettre fin à l'instance, sont soumises aux prescriptions des articles 21-2,du code de procédure civile de la Polynésie française, dans sa rédaction issue de la délibération n° 2016-63 APF du 8 juillet 2016, et 440-5-I, du même code, dans sa rédaction issue de la délibération n° 2017-100 APF du 12 octobre 2017, qui prévoient que les parties qui ne reprennent pas dans leurs dernières écritures les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures, sont réputées les avoir abandonnés, la cour d'appel ne statuant alors que sur les dernières conclusions déposées.

15. Si les dernières écritures des consorts [G], du 9 août 2019, ne contenaient aucune prétention, leurs conclusions du 5 août 2019 tendaient à l'infirmation du jugement et formulaient des prétentions.

16. Il en résulte que les demandeurs ont intérêt à obtenir la cassation de l'arrêt ayant déclaré leur appel irrecevable.

17. En second lieu, la société Polynesian distribution et la société Generali contestent la recevabilité du moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

18. Cependant, il résulte des énonciations de la cour d'appel que les consorts [G] ont soutenu avoir fait appel le 17 décembre 2019.

19. Le moyen, qui n'est pas nouveau en sa deuxième branche, est dès lors recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 336, 337-1°, 430-3, 440-1 et 440-6, dans leur rédaction issue de la délibération n° 2016-63 APF du 8 juillet 2016, du code de procédure civile de la Polynésie française :

20. Selon le premier de ces textes, le délai pour interjeter appel des jugements est de deux mois francs, se calculant de quantième à quantième en matière contentieuse. Il en résulte que le jour de la notification et le jour de l'échéance ne sont pas comptés dans le calcul du délai.

21. Selon le deuxième, ce délai court pour les jugements contradictoires, du jour de la signification à personne ou à domicile réel ou d'élection.

22. Il résulte des trois derniers, que l'appel est formé par une requête remise à la juridiction par voie électronique, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, et que la cour d'appel est saisie de la requête d'appel qu'une partie lui a transmise par le réseau privé virtuel avocat, en pièce jointe à un message électronique ayant fait l'objet d'un avis électronique de réception mentionnant cette requête d'appel au nombre des pièces jointes.

23. Pour dire l'appel des consorts [G] irrecevable, après avoir constaté que le jugement a été signifié le 9 octobre 2019 à M. [E] [G] et à Mme [I] [G], le 15 octobre 2019 à Mme [J] [G], l'arrêt retient, d'abord, que les dispositions de l'article 29 du code de procédure civile de la Polynésie française, qui impliquent que le jour de la notification et le jour de l'échéance ne sont pas comptés, ne trouvent pas à s'appliquer, dès lors que les dispositions des articles 336 et 337, spécifiques au délai d'appel, indiquent d'une part que le délai d'appel commence à courir du jour de la signification à personne, et se calculent de quantième à quantième, soit en tenant compte du numéro du jour du mois concerné et non du lendemain de ce dernier jour.

24. Il relève que la requête d'appel des consorts [G] a été enregistrée par le greffe le 18 décembre 2019, et que l'original de la requête d'appel comporte le tampon de réception du greffe à cette date.

25. Il ajoute que le raisonnement erroné des appelants consistant à faire partir le délai le 16 octobre 2019 pour se terminer le 17 décembre 2019 ne parvient pas à leur faire éviter la forclusion, le délai d'appel ayant débuté le 9 octobre 2019 pour M. [E] [G] et Mme [I] [G], le 15 octobre 2019 pour Mme [J] [G] pour expirer le 9 décembre 2019 pour les deux premiers, le 15 décembre 2019 pour la dernière.

26. Il en déduit que le délai d'appel avait commencé à courir le 9 octobre 2019 pour M. [E] [G] et Mme [I] [G] et expirait le 9 décembre 2019, et celui de Mme [J] [G] avait commencé à courir le 15 octobre 2019 pour expirer le 15 décembre 2019 et que l'appel était tardif.

27. En statuant ainsi, alors que le message électronique du 17 décembre 2019 a fait l'objet d'un avis électronique de réception du greffe mentionnant la requête d'appel en pièce jointe, et qu'ainsi, les consorts [G] ont remis par la voie électronique une requête d'appel dans le délai franc de deux mois suivant la signification du jugement à Mme [J] [G], le 15 octobre 2019, qui avait commencé à courir le 16 octobre 2019 et expirait le 17 décembre 2019, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Mise hors de cause

28. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Allianz IARD, la société Villedieu-Mécanelec, M. [X] [L], Mme [A] [L], Mme [M] [L], M. [N] [L], Mme [K] dite [F] [H] veuve [L], dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi de M. [E] [G], Mme [I] [G] et Mme [J] [G] en ce qu'il est dirigé contre [B] [Y] veuve [G] ;

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Allianz IARD, la société Villedieu-Mécanelec, M. [X] [L], Mme [A] [L], Mme [M] [L], M. [N] [L], Mme [K] dite [F] [H] veuve [L] ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ;

Condamne la société Generali, la société Polynesian distribution, la société Allianz IARD, la société Villedieu-Mécanelec, M. [X] [L], Mme [A] [L], Mme [M] [L], M. [N] [L], Mme [K] dite [F] [H] veuve [L], M. [D] [G], tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de [B] [Y] veuve [G], M. [C] [G], tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de [B] [Y] veuve [G], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Generali, la société Polynesian distribution, la société Allianz IARD, et les condamne à payer avec la société Villedieu-Mécanelec, M. [X] [L], Mme [A] [L], Mme [M] [L], M. [N] [L], Mme [K] dite [F] [H] veuve [L] à M. [E] [G], Mme [I] [G] et Mme [J] [G] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du douze décembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.