Contrat de bail, loyer, renouvellement ...

Baux commerciaux

L’obligation de garantir au preneur la jouissance paisible des lieux loués imposée au bailleur par l’article 1719, 3° du Code civil ne présente aucun caractère exclusif. En effet, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel il n’est pas tenu de lui assurer, en l’absence d’une stipulation expresse contraire et à défaut de circonstances particulières, le bénéfice d'une exclusivité dans l'im …

Obligation d’exclusivité

L’obligation de garantir au preneur la jouissance paisible des lieux loués imposée au bailleur par l’article 1719, 3° du Code civil ne présente aucun caractère exclusif. En effet, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel il n’est pas tenu de lui assurer, en l’absence d’une stipulation expresse contraire et à défaut de circonstances particulières, le bénéfice d'une exclusivité dans l'immeuble loué pour son commerce . Ainsi, lorsqu’un bail ne contient aucun engagement d’exclusivité, le preneur doit être débouté de son action en réparation du préjudice résultant de la location précaire, dans le centre commercial dont le bailleur est propriétaire, d'emplacements au profit de commerçants ambulants exerçant une activité identique à la sienne , la lettre du directeur d’un centre commercial, qui n'est pas le représentant du bailleur, ne pouvant constituer la reconnaissance d'une exclusivité tacitement admise par ce dernier antérieurement à la signature du bail . La Cour de cassation admet l’existence d’une obligation implicite, à la charge du bailleur, de garantir le preneur de toute concurrence, lorsqu’elle découle de circonstances particulières, dont il appartient à ce dernier de démontrer l’existence . Aussi, est-ce par une interprétation nécessaire de la convention, qui lie les parties, que des juges du fond considèrent que la stipulation du bail, qui énumère les activités commerciales autorisées, impose au bailleur l’obligation implicite de prémunir le preneur de la concurrence, et l’interdiction de consentir à l’avenir, dans le même immeuble, un bail destiné à un commerce similaire .

Même si aucune clause d’exclusivité n’est stipulée dans le bail, le preneur est en droit de demander réparation lorsqu’il résulte de circonstances particulières, l’intention frauduleuse du bailleur de favoriser une concurrence déloyale. Ainsi en est-il lorsque le bailleur a tenté habilement, dans une pensée de fraude, de se réinstaller dans les lieux mêmes où il avait exercé le commerce cédé au preneur . Le preneur peut même obtenir la nullité du bail commercial lorsqu’il justifie de la matérialité de son erreur en démontrant avoir conclu le bail dans la croyance erronée qu'il permettait l'exercice de son activité sans concurrence dans le centre commercial et que la perspective d'une situation avantageuse, qui a été prise en compte dans la détermination du prix du bail, constitue une qualité substantielle de la chose louée, comprise dans le champ contractuel et exempte d’aléa .

Lorsque le bailleur s’engage à garantir l’exclusivité au preneur, il ne peut ni louer un local en vue de l’installation d’un commerce identique, ni exercer la même activité. Ainsi, le bailleur d’un local situé dans un centre commercial, destiné à l’activité d’officine pharmaceutique, ne peut, sans violer la clause d’exclusivité, consentir un bail dans un local dépendant du centre destiné à une activité de parapharmacie . La clause d’exclusivité, dont la validité est subordonnée à son caractère limité dans le temps ou dans l'espace , doit s'interpréter restrictivement . En cas de renouvellement du bail offert par le bailleur “aux mêmes clauses et conditions que le précédent bail sauf quant au montant du loyer”, les juges considèrent que la clause d’exclusivité n’est pas limitée à la durée du premier bail , ce qui n’est pas le cas quand il est expressément fait référence, dans l’acte de location, à la caducité de la clause limitative d’activité à l’expiration du bail . Le preneur, qui bénéficie d'une clause d'exclusivité, peut exiger que le bailleur fasse respecter cette clause par ses autres locataires, même si ceux-ci ne sont pas parties au contrat . La violation, par le bailleur, d’une telle clause caractérise un trouble manifestement illicite, pour lequel il peut être condamné sous astreinte à faire cesser l'activité en cause . Il importe peu qu’un nouveau bailleur ait acquis les droits de l’ancien bailleur, sa responsabilité contractuelle pouvant être engagée dès lors que la violation de la clause contractuelle limitative d’activité se poursuit . Les juges du fond ne peuvent se fonder, pour rejeter la demande d’un preneur en vue de faire interdire à un autre locataire du même immeuble une activité semblable à la sienne, sur des méthodes de fabrication différentes . En revanche, il a été considéré qu’en présence d'une clause limitative d’activité, qui interdit au bailleur de louer ou de mettre à disposition plus de deux locaux dans la même galerie marchande pour une activité principale de parfumerie, la location, consentie ultérieurement, d’un local n'ayant pas pour activité principale la parfumerie, ne caractérise pas une violation, par le bailleur, de ses obligations contractuelles, même s'il existe une surface de vente dédiée exclusivement à la parfumerie dans ce local .

La Cour de cassation estime que lorsqu’en l'état de la législation en vigueur à l'époque de la convention, il était impossible au bailleur de faire respecter l'engagement d'exclusivité à l'égard du preneur d'un local dans son centre commercial, la somme versée en contrepartie de cette exclusivité doit être restituée à ce dernier, son obligation de verser cette somme étant dépourvue de cause .

Enfin, il peut être inséré dans le bail une clause de non-concurrence imposant au preneur de ne pas concurrencer un autre commerce , sans pour autant avoir pour effet de l’interdire de solliciter la déspécialisation partielle .

Cass. 3e civ., 16 octobre 1985, LawLex202200001769JBJ, Bull. civ. III, n° 123, 95. – V. aussi Cass. com., 2 juillet 1991, LawLex202100005559JBJ, Contrats Conc. Consom. 1991, Comm. 231. – V. égal. Cass. 3e civ., 19 mars 1997, LawLex202100005598JBJ, Rev. loyers 1997, 482, selon laquelle si le bail ne contient pas de promesse d'exclusivité en faveur du preneur, le bailleur n'a aucune obligation légale ou conventionnelle d'éviter que des locataires ne se fassent concurrence.

Cass. 3e civ., 4 décembre 1991, LawLex202100005596JBJ, Bull. civ. III, n° 300 ; D. 1992, IR 5 ; JCP G 1992, IV, 458.

Cass. com., 5 octobre 1981, LawLex202200001766JBJ, Bull. civ. IV, n° 340 ; D. 1982, 16 ; JCP G 1981, IV, 399.

Toulouse, 20 novembre 2012, LawLex202200001777JBJ, AJDI 2013, 438.

Cass. 3e civ., 4 mai 2006, LawLex202100004580JBJ, Bull. civ. III, n° 107 ; D. 2006, AJ 1454, obs. ROUQUET ; D. 2007, Pan. 1827, obs. ROZES ; RTD civ. 2006, 554, obs. MESTRE et FAGES ; RDC 2006, 1154, obs. SEUBE ; RDC 2007, 267, obs. MAZEAUD ; RDC 2007, 295, note VINEY ; RDC 2007, 419, note BEHAR-TOUCHAIS ; RJ com. 2007, 138, obs. AUQUE ; JCP G 2006, II, 10119, note DESHAYES ; JCP E 2006, 2504, note RAYNARD ; RJDA 2006, n° 876 ; Rev. loyers 2006, 328, obs. HUMBLOT-GIGNOUX ; Administrer 7/2006, 46, BARBIER.

Cass. 3e civ., 11 octobre 2018, LawLex202100005601JBJ, AJDI 2019, 442, obs. BLATTER ; RTD com. 2019, 335, obs. MONEGER ; JCP E 2019, 1238, obs. MBOTAINGAR ; Administrer 2018, n° 525, 18, note BARBIER.

Toulouse, 20 novembre 2012, LawLex202200001777JBJ, préc.

Cass. 3e civ., 9 novembre 1976, LawLex202200010233JBJ, Bull. civ. III, n° 397, en l’espèce, les activités des deux preneurs distincts avaient la caractéristique commune de concerner la fabrication et la vente de certains bijoux en or, l’un étant toutefois fabricant industriel, et l’autre un artisan travaillant sur commande.

Cass. 3e civ., 3 mai 2007, LawLex202100005599JBJ, Bull. civ. III, n° 67 ; D. 2007, AJ 1335, obs. ROUQUET ; D. 2007, 2068, note ROCHFELD ; D. 2008, Pan. 249, obs. GOMY ; D. 2008, Pan. 1648, obs. ROZES ; RDC 2007, 1210, obs. SEUBE ; RDC 2008/2, 272, obs. MAZEAUD ; JCP G, 2007, act. 225 ; JCP G 2007, II, 10179, note ROUSSILLE ; JCP N 2007, 1258, note AUQUE ; JCP N 2007, 1330, note ROUSSILLE ; JCP E 2007, 2009, note AUQUE ; RJDA 2007, n° 939 ; RLDA oct. 2007, 49, note AUGAGNEUR ; RLDC 2007/44, n° 2762, note RAVENNE ; Dr. et patr. 9/2007, 91, obs. STOFFEL-MUNCK ; Contrats, conc. consom. 2007, Comm. 181, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Gaz. Pal. 2007, 2533, note BARBIER ; Gaz. Pal. 2007, 2552, note GUERCHOUN ; Defrénois 2007, 1379, obs. RUET ; Defrénois 2008, 1940, note BOULOGNE-YANG-TING ; LPA 27 juin 2007, note BERLIOZ ; LPA 2 oct. 2007, note HUMANN ; Rev. loyers 2007, 336, note QUEMENT.

Cass. 3e civ., 15 février 2012, LawLex202100005600JBJ, Bull. civ. III, n° 29 ; Dalloz actualité, 22 févr. 2012, obs. ROUQUET ; D. 2012, 551, obs. ROUQUET ; D. 2012, 1844, obs. DUMONT-LEFRAND ; AJDI 2012, 665, note PLANCKEEL ; RTD com. 2012, 507, obs. MONEGER ; JCP E 2012, 1210 ; JCP E 2012, 1400, n° 6, obs. GRIGNON ; RDC 2012, 867, obs. SEUBE ; RDC 2012, n° 3, 875, note GRIMALDI ; RJDA 7/12, n° 648 ; RLDA oct. 2012, 49, note GOMY ; Contrats Conc. Consom. 2012, comm. 91, note MALAURIE-VIGNAL ; Rev. loyers 2012, 160, obs. RACLET ; Administrer avr. 2012, n° 453, 32, obs. LIPMAN-W. BOCCARA.

Cass. com., 2 juillet 1991, LawLex202100005559JBJ, préc. : en l’espèce, le bail ne comportait aucune clause garantissant au preneur l'exclusivité de l'activité de restauration dans un centre commercial, mais prévoyait que toute modification de ses clauses ne pouvait résulter que d'un document écrit et exprès du bailleur ou de son mandataire habilité.

Caen, 26 janvier 2012, LawLex202200010234JBJ, AJDI 2013, 208, selon laquelle il appartient au preneur de démontrer l'existence de circonstances particulières de nature à établir l'engagement implicite du bailleur de lui garantir l’exclusivité de son commerce.

Cass. 3e civ., 19 mai 1971, LawLex202200010231JBJ. – V. aussi Colmar, 11 mars 1998, n° 96/01563.

Ass. Plén., 29 mai 1970, LawLex202200010232JBJ : en l’espèce, les juges du fond ont constaté qu’après avoir cédé son fonds de commerce, aux droits duquel se trouve le preneur, le bailleur, également propriétaire de l’immeuble, lui a loué une partie des locaux commerciaux où il a exploité ledit fonds, sans garantie particulière d’exclusivité, qu’il a entrepris quelque temps après de vendre de nouveau les mêmes articles dans les lieux qu'il a conservés, et que la disposition des locaux, qui ne sont séparés que par une étroite cloison et comportent une enseigne commune, donne l'apparence aux deux magasins de n'en former qu'un seul.

Cass. 3e civ., 2 octobre 2013, LawLex202100003267JBJ, Dalloz actualité, 11 févr. 2014, obs. LECOURT ; D. 2013, Pan. 2813, obs. GOMY ; AJDI 2014, 519, note DUMONT-LEFRAND ; JCP 2014, 115, obs. SERINET ; JCP G 2014, doctr. 115, n° 4, obs. GHESTIN.

Cass. 3e civ., 28 janvier 2021, LawLex202100006093JBJ, AJDI 2022, 113, obs. MEHDY ABBAS KHAYLI ; RTD com. 2021, 308, obs. MONEGER ; JCP E 2021, 1481, n° 8, obs. MBOTAINGAR ; Loyers et copropr. 2021, comm. 57, note MONEGER.

Cass. 3e civ., 7 avril 1993, LawLex202100006059JBJ, Bull. civ. III, n° 52 ; D. 1994, somm. 222, obs. SERRA ; JCP E 1993, pan. 731, qui casse l’arrêt d’appel qui déclare nulle la clause d’exclusivité visant “ un commerce similaire à celui du preneur ”, qualifiée d’illimitée quant à l’activité, alors que celle-ci est limitée à la durée du bail et à l’immeuble appartenant au bailleur.

Cass. 3e civ., 8 janvier 1997, LawLex202100005597JBJ, Bull. civ. III, n° 2 ; D. 1997, 33 ; JCP G 1997, IV, 382 ; JCP N 1997, II, 770 ; JCP E 1997, pan. 167, en l’espèce, le preneur a été débouté de ses demandes aux fins de cessation du trouble et réparation du préjudice résultant de la violation de la clause d'exclusivité professionnelle, les parties n'ayant entendu viser que la galerie marchande créée en 1973, et non la nouvelle galerie ouverte en 1988.

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