Contrat de bail, loyer, renouvellement ...

Baux commerciaux

L’article L. 145-17, I, 1° du Code de commerce autorise le bailleur à refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s’il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Le texte ne définit pas la notion de motif grave et légitime. Le motif invoqué par le bailleur ne doit pas nécessairement être propre au statut des baux commerciaux  ou se  …

Motifs

L’article L. 145-17, I, 1° du Code de commerce autorise le bailleur à refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s’il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Le texte ne définit pas la notion de motif grave et légitime. Le motif invoqué par le bailleur ne doit pas nécessairement être propre au statut des baux commerciaux  ou se rattacher à l’exécution du bail . En effet, la jurisprudence admet que le bailleur puisse se prévaloir d’une faute extracontractuelle dès lors que celle-ci présente un lien suffisant avec l’exécution du bail . Il ne semble pas non plus exiger que le bailleur justifie de l’existence d’un préjudice . 

Le motif grave et légitime du refus de renouvellement peut être constitué par une faute imputable au preneur mais également aux personnes dont il répond . En cas de colocation, les agissement délictueux de l’un des preneurs à bail constituent à l’encontre de ses copreneurs un motif grave et légitime de refus d'indemnité d'éviction dès lors que ces derniers sont responsables à l’égard du bailleur d’une exploitation commerciale licite . Le bailleur ne peut invoquer que les faits imputables au locataire sortant lui-même. Aussi, en cas de cession du droit au bail, le bailleur ne peut-il pas opposer ces motifs au cessionnaire, qui a droit au versement de l’indemnité d’éviction en raison du refus opposé par le bailleur en réponse à sa demande de renouvellement .

Le bailleur, qui refuse le renouvellement pour motif grave et légitime, doit motiver son refus (art. L. 145-9, al. 5 et art. L. 145-10, al. 4 C. com.). S'il ne peut, en cours d'instance, modifier les motifs de refus indiqués dans son congé , il lui est possible, en revanche, en tout état de cause, de dénier au preneur le bénéfice du statut des baux commerciaux . Toutefois, il existe deux exceptions à ce principe. D’une part, le bailleur peut se prévaloir à l’encontre du preneur d’infractions révélées après l'expiration du bail . Il appartient alors aux juges du fond de rechercher si les manquements allégués étaient connus du bailleur lors de la délivrance du congé avec refus de renouvellement . En particulier, le fait que le bailleur et le locataire principal n’aient pas invoqué le motif lors de leur refus de renouvellement du contrat de sous-location en offrant une indemnité d’éviction, ne les empêche pas de se prévaloir du manquement du sous-locataire à ses obligations contractuelles dès lors que ce manquement, bien que contemporain du refus de renouvellement du contrat, était inconnu du bailleur et du preneur principal à cette date, le sous-locataire échouant à démontrer leur connaissance antérieure . D’autre part, le bailleur est également en droit de se prévaloir d’infractions commises par le preneur postérieurement à son refus de renouveler le bail .

Si le bailleur peut renoncer à invoquer le refus de renouvellement pour motif grave et légitime, il doit le manifester de manière claire et non équivoque. La renonciation peut résulter d’une clause claire et précise, insérée au bail, qui stipule que le preneur bénéficiera de la “propriété commerciale”, même s’il n’occupe pas lui-même tout ou partie de l'immeuble, et que le propriétaire renonce dès à présent à refuser le renouvellement du bail sous prétexte que le preneur n'a pas occupé les lieux . En revanche, ne caractérise par un acte manifestant sans équivoque la volonté du bailleur de renoncer à se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-31 du Code de commerce,  le fait d'avoir conclu deux avenants de révision du loyer et consenti au renouvellement du bail portant sur des locaux sous-loués irrégulièrement .

La preuve de l'existence du motif grave et légitime invoqué par le bailleur à l’appui de son refus de renouvellement du bail, lui incombe , tandis que les juges du fond doivent apprécier souverainement  la gravité des motifs allégués . Si un seul motif, dès lors qu’il est suffisamment grave, peut justifier le non-renouvellement du bail, les juges peuvent se livrer à l'appréciation de la gravité de plusieurs motifs, même considérés dans leur ensemble . Lorsqu’ils sont saisis d’une instance en refus de renouvellement de bail, ils ne sont nullement liés par l’appréciation qui, lors de décisions ayant un autre objet, a été portée sur l’importance et la gravité des infractions au bail commises par le preneur, et peuvent dès lors retenir que ces mêmes manquements revêtent une gravité suffisante pour fonder un refus de renouvellement du bail . Le refus de renouvellement et la résiliation peuvent reposer sur des faits de même nature . En effet, l'action en refus de renouvellement du bail n'a pas le même objet que l'action en résiliation, les juges, statuant sur ce refus, n’étant pas liés par l’autorité de la chose jugée qui découle d'une précédente procédure en résiliation . Les juges du fond doivent se placer à la date du refus de renouvellement pour apprécier la gravité des motifs allégués par le bailleur , et non à la date à laquelle ils statuent .

Enfin, l’absence de motifs graves et légitimes ne peut donner lieu qu’au paiement d’une indemnité d’éviction et, en aucun cas, à la nullité du congé et au renouvellement du bail . Il en est ainsi lorsque le motif grave et légitime, invoqué par le bailleur, résulte d’un manquement de sa part à ses obligations .

Cass. 3e civ., 24 janvier 1996, LawLex202300011857JBJ, Rev. loyers 1996, 172.

Cass. 3e civ., 29 juin 1977, LawLex202300011858JBJ, Bull. civ. III, n° 295, selon laquelle le bailleur peut se prévaloir de faits imputables au gérant de la société locataire que celle-ci a introduit dans les lieux loués et qui la représente.

Cass. 3e civ., 1er mars 1995, LawLex202300011865JBJ, AJPI 1995, 687, note BLATTER ; JCP 1995, II, 22480, note BOCCARA ; Loyers et copropr. 1995, comm. 427, note BRAULT ; Administrer juill. 1995, 27, note BARBIER, qui casse l’arrêt qui retient, pour décider que le refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction n’est pas justifié et que le preneur a droit à une indemnité d'éviction, qu'il convient d'examiner les seuls motifs invoqués dans le congé et qu'il ne peut être tenu compte des autres reproches formulés par le bailleur postérieurement à cet acte.

Paris, 13 juin 2024, LawLex202400004534JBJ.

Cass. 3e civ., 26 janvier 2017, LawLex202300011866JBJ, JCP N 1991, 1832, BRAULT ; Gaz. Pal. 14 mars 2017, 82, note CONSEIL, qui casse l’arrêt qui retient, pour dire que le refus de renouvellement du bail sans paiement d'une indemnité d'éviction est dépourvu de motif grave et légitime, que seuls les loyers, visés dans le congé, sont l'objet de la discussion, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le bailleur a délivré un nouveau commandement de payer les loyers et charges restant dus à cette date, lui permettant d'invoquer les retards de paiement postérieurs au congé.

Cass. 3e civ., 20 juin 1990, LawLex202200000714JBJ, Bull. civ. III, n° 152 ; RTD com. 1991, 183, obs. PEDAMON ; Loyers et copropr. 1991, comm. 164.

Cass. 3e civ., 29 novembre 1995, LawLex202300011867JBJ, RDI 1996, 624, obs. DERRUPPE ; Loyers et copropr. 1996, comm. 267.

Cass. 3e civ., 1er février 1995, LawLex202300011868JBJ, Bull. civ. III, n° 35 ; Loyers et copropr. 1996, comm. 29, obs. BRAULT ; Versailles, 4 juillet 2024, LawLex202400005170JBJ, qui précise que le bailleur doit justifier de la gravité et de la persistance du motif.

Cass. 3e civ., 11 octobre 1972, LawLex202300011869JBJ.

Cass. 3e civ., 1er avril 1998, LawLex202300011870JBJ, Bull. civ. III, n° 77 ; D. 1998, IR 115 ; D. affaires 1998, 874, n° 118 ; JCP G 1998, IV, n° 2197 ; JCP E 1998, 870, qui approuve les juges du fond d’avoir souverainement apprécié que les manquements commis par le preneur, en exerçant des activités complémentaires non autorisées, ne sont pas, dans les circonstances de la cause, suffisamment graves pour priver le locataire du droit à renouvellement.

Cass. 3e civ., 14 juin 1995, LawLex202300011871JBJ, qui approuve les juges du fond d’avoir souverainement retenu que, même considérés dans leur ensemble, les manquements du preneur aux clauses du bail ne constituent pas un motif grave et légitime de refus de renouvellement du bail sans versement d'une indemnité d'éviction.

Cass. com., 20 janvier 1965, LawLex202300011872JBJ, qui estime que les juges du fond n’ont fait qu’user de leur pouvoir souverain d’appréciation, lorsqu'après avoir constaté que, postérieurement au congé signifié par les bailleurs, les preneurs ont récidivé en édifiant de nouvelles constructions prohibées,  ils décident que les bailleurs sont encore en droit d’invoquer les changements successifs apportés à l’enseigne de l’établissement alors qu’aux termes du bail, le nom du café-restaurant du commerce devait être conservé.

Cass. com., 14 février 1961, LawLex202300011861JBJ, Bull. civ. III, n° 83 ; AJPI 1961, II, n° 120, 171, selon laquelle le fait du conjoint du preneur, appelé à hanter continuellement les passages communs aux deux logements étroitement contigus, a créé une ambiance de constant et profond malaise, rendant intolérable le maintien dans les lieux des époux locataires, et justifie le refus de renouvellement du bail pour motif grave et légitime dès lors que ce trouble constaté se rattache au bail consenti au preneur ; Cass. com., 10 octobre 1961, LawLex202300011862JBJ, Bull. civ. III, n° 351 : en l’espèce, des violences invoquées par le bailleur ont été commises par un prépose du preneur au cours d'un incident locatif, survenu à l’intérieur de l’'immeuble dont dépend le local loué.

Cass. 3e civ., 18 novembre 1980, LawLex202300011873JBJ, Bull. civ. III, n° 178 ; RTD civ. 1981, 633, obs. CHABAS, erratum 1982, 421.

Cass. civ. 3e, 5 octobre 1994, LawLex202300011874JBJ, Bull. civ. III, n° 163 ; RTD civ. 1995, 367, obs. MESTRE ; Administrer janv. 1995, 35., qui casse l’arrêt qui retient, pour décider que le preneur ou l’acquéreur de son commerce a droit au renouvellement du bail, que l'instance tendant à voir statuer sur la poursuite du même bail et l'action, qui oppose les mêmes parties que celles d’un précédent arrêt, reposant sur le défaut d'exploitation effective du fonds de commerce qui fondait la précédente procédure en résiliation de bail, que le preneur est fondé à exciper de la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée.

Cass. 3e civ., 18 décembre 1961, LawLex202300011875JBJ.

Cass. 3e civ., 3 juin 1992, LawLex202300011876JBJ, Defrénois 1993, 792, obs. VERMELLE.

Versailles, 4 juillet 2024, LawLex202400005170JBJ, préc.

Paris, 28 mars 2024, LawLex202400002881JBJ, qui considère que le défaut d'exploitation du fonds de commerce, par le preneur, ne peut s'analyser en un motif grave et légitime de privation de l'indemnité d'éviction dès lors qu'il résulte du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, qui rend impossible cette exploitation.

Cass. 3e civ., 22 mai 1979, LawLex202300011853JBJ, Bull. civ. III, n° 113 ; Gaz. Pal. 1979, 395.

Cass. 3e civ., 11 juin 2008, LawLex202300011859JBJ, Bull. civ. III, n° 104 ; D. 2008, AJ, 1823, obs. ROUQUET ; AJDI 2008, 848, note DUMONT ; JCP N 2010, 1148, note ROUSSILLE ; JCP E 2008, 2083, note DJIGO ; Rev. loyers 2008, 425, note VAISSIE ; Loyers et copropr. 2008, Comm. 223, note CHAVANCE ; Administrer août-sept. 2008, 30, note BARBIER ; Administrer août-sept. 2008, 32, obs. LIPMAN-W. BOCCARA.

Cass. 3e civ., 4 janvier 1985, LawLex202300011860JBJ, Bull. civ. III, n° 4 ; Rev. loyers 1985, 221.

Cass. 3e civ., 15 septembre 2010, LawLex202300011899JBJ, Bull. civ. III, n° 156 ; D. 2010, 2151 ; D. 2011, Pan. 1791, obs. DUMONT-LEFRAND ; AJDI 2011, 289, obs. ROUQUET ; JCP E 2011, chron. 1030, n° 6, obs. PETEL ; Act. proc. coll. 2010, comm. 247, note PETIT ; RJDA 1/11, n° 17 ; LEDEN oct. 2010, 6, obs. COUARD, qui casse l’arrêt qui retient que la cession de contrat plaçant le cessionnaire dans la situation qui était celle du cédant, le premier n'a pu acquérir et revendiquer plus de droits que n'en avait le second, que les fautes graves commises par ce dernier, consistant en défaut et retards de paiement de loyers, sont opposables au cessionnaire, qui avait connaissance, à la date de la cession, de la délivrance du congé, que ces fautes constituent un motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement sans versement de l'indemnité d'éviction.

Cass. 3e civ., 19 mai 1971, LawLex202300011863JBJ, Bull. civ. III, n° 323 ; 10 mai 1991, LawLex202300011864JBJ, RJDA 6/91, n° 470, qui casse l’arrêt qui retient, pour débouter le preneur de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction, qu'il a commis des infractions au bail en raison desquelles le bailleur est fondé à résilier celui-ci, sans répondre aux conclusions du preneur faisant valoir que les motifs invoqués par le propriétaire pour refuser le paiement de l'indemnité d'éviction sont différents de celui dont il a fait état dans le congé.

Cass. 3e civ., 19 mai 1971, LawLex202300011863JBJ.

Cass. 3e civ., 4 janvier 1985, LawLex202300011860JBJ.

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