Le Droit de la consommation, troisième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : publicité, pratiques commerciales déloyales, conditions de validité du contrat, clauses abusives, conformité des produits, vices cachés, sécurité des produits.

Droit de la consommation

Tout comme les allégations mensongères, le “mensonge par réticence ou omission” tombe dans le champ d'application de l'article 1137 (ancien art. 1116) du Code civil. Le dol peut en effet être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter . Même si l'article 1137 ne requiert pas une erreur sur les quali …

Dol par réticence.

BETOULLE, L'aspect "délictuel" du dol dans la formation des contrats : illustrations dans la jurisprudence récente de la Cour de cassation en matière de vente d'immeubles, in Rapport Cour de cassation 2001, 258 ; LARDEUX, la réticence dolosive n'est pas un dol comme les autres, D. 2012, 2986 ; BALLOT, L'intention, élément survalorisé de la réticence dolosive ?, LPA 1er février 2018, 6. 

Tout comme les allégations mensongères, le “mensonge par réticence ou omission” tombe dans le champ d'application de l'article 1137 (ancien art. 1116) du Code civil. Le dol peut en effet être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter . Même si l'article 1137 ne requiert pas une erreur sur les qualités essentielles de la chose vendue, mais seulement une erreur déterminante du consentement de la victime, en pratique, la réticence dolosive porte souvent sur une qualité essentielle  de la chose vendue, telle que pour un véhicule, son caractère accidenté  ou son ancienneté , pour un immeuble, son caractère inhabitable du fait d'une infestation par les termites  ou d'une interdiction préfectorale d'habiter , ou encore son absence d'alimentation en eau potable . Le mensonge par omission concerne aussi, souvent, le non-respect d'exigences de conformité  ou de sécurité . Ainsi, le vendeur professionnel qui n'établit pas avoir informé l'acheteur sur les conséquences de la mise en place d'un moteur ne présentant pas les mêmes caractéristiques que le moteur d'origine, dont il ne peut résulter qu'un défaut d'homologation et donc une impossibilité de circuler, se rend coupable de réticence dolosive . Il en va de même du vendeur-installateur d'une chaudière, qui, lors de la conclusion du contrat, omet de renseigner l'acheteuse, consommatrice profane âgée, sur des éléments déterminants de son consentement (difficultés de maniement de l'appareil ; manque d'accessibilité ; puissance inadaptée ; fonctionnalités inutiles) .

Cependant, la seule existence de vices cachés n'est pas de nature à caractériser l'existence d'un dol .

Sous l'empire de l'article 1116, la jurisprudence a admis que le dol par réticence permet de sanctionner l'erreur sur les motifs  ou sur la valeur , indifférente en principe, sur le fondement l'ancien article 1110. L'actuel Code civil consacre la solution. Aux termes de l'article 1139, l'erreur qui résulte d'un dol “est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif”. 

S'agissant de l'erreur sur les motifs, les juges ont ainsi retenu que le vendeur d'un restaurant qui néglige d'informer les acquéreurs sur un élément susceptible de les priver du principal intérêt qu'ils trouvent à la transaction - à savoir la jouissance de la terrasse, construite illégalement sur le domaine public maritime et de ce fait, susceptible d'être détruite à tout instant  - commet une réticence dolosive. Il en est de même du vendeur d'immeuble qui se tait sur l'existence d'un projet de modification du réseau routier  ou la mise en oeuvre d'un programme immobilier concernant la parcelle voisine  . 

En matière d'erreur sur la valeur, la jurisprudence a distingué là où la loi ne fait aucune différence. Le silence de la partie venderesse sur la valeur de l'objet vendu est traditionnellement considéré par les juges comme dolosif . Le dol permet en effet de sanctionner l'erreur sur la valeur, lorsque l'acheteur en est la victime. La question devient, en revanche, plus délicate lorsque la réticence dolosive émane de l'acheteur lui-même qui tait la valeur de l'objet acheté. Dans la célèbre affaire Baldus , la première Chambre civile de la Cour de cassation a retenu que la réticence dolosive de l'acheteur ne saurait justifier la nullité d'un contrat de vente, aucune obligation d'information ne pesant sur lui quant à la valeur réelle des biens achetés. Quelques mois plus tard, la troisième Chambre civile a considéré que l'acheteur qui maintient son vendeur dans l'ignorance concernant sa qualité de prête-nom et la richesse de la composition du sol de la parcelle vendue, qu'elle compte exploiter pour un usage de carrière, commet un dol . La troisième Chambre civile s'est finalement ralliée à la position de la première Chambre en relevant que l'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis . Autrement dit, l'erreur sur la valeur, lorsqu'elle prend sa source dans une réticence dolosive de l'acheteur, reste indifférente. Cette distinction jurisprudentielle est appelée à disparaître en raison d'une récente intervention du législateur  pour modifier l'article 1137 qui prévoit désormais in fine que “ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation”.

Depuis la réforme du droit des contrats, il est nécessaire de délimiter la frontière entre le dol par réticence et la violation du devoir précontractuel d'information de l'article 1112-1 du Code civil. En effet, aux termes de ce texte, il est notamment prévu que “celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant” et que “outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants”. Par la référence à une information déterminante du consentement et par les sanctions encourues, le devoir d'information de l'article 1112-1 se rapproche de l'obligation d'information précontractuelle implicitement reconnue à l'article 1137. La similitude s'arrête là car la réticence dolosive nécessite une intention de tromper, qui n'est pas requise en soi - même si elle n'est pas exclue - dans le cadre du devoir d'information précontractuel, dont le champ d'application est limité aux contrats soumis à négociations précontractuelles. 

Cass. civ. 1re, 19 juin 1985, LawLex200500006106JBJ : le comportement du vendeur professionnel, qui ne révèle pas l'ancienneté réelle du moteur monté sur le véhicule d'occasion vendu, est constitutif d'une réticence dolosive de nature à vicier le consentement de l'acheteur non-spécialiste.

Cass. civ. 1re, 15 juillet 1999, LawLex200500009086JBJ, approuvant la cour d'appel qui "ayant souverainement relevé que le véhicule avait été accidenté avant la vente, que ce fait était connu du vendeur et que l'absence d'accident constituait une condition substantielle de la vente, en a déduit à bon droit que cette dissimulation constituait un dol de la part du vendeur". 

Orléans, 24 avril 2017, LawLex201700000841JBJ.

Cass. civ. 3e, 15 janvier 2000, LawLex200500004992JBJ.

Art. 1135 C. civ. : L'erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation ou du contractant, n'est pas une cause de nullité, à moins que les parties n'en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement".

Art. 1136 C. civ. : "L'erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n'est pas une cause de nullité".

Chambéry, 6 février 2007, LawLex200700000766JBJ.

Cass. com., 4 janvier 1997, LawLex200500005014JBJ ; Cass. civ. 3e, 15 janvier 2000, LawLex200500004992JBJ, aux motifs que la cour d'appel n'avait pas constaté "que l'acquéreur avait fait de la possibilité d'agrandissement du bien un élément déterminant de son consentement ni préciser d'où il résultait que les vendeurs avaient connaissance de l'existence d'un permis de construire un bâtiment sur la parcelle voisine [...] ".

Paris, 2 décembre 1997, LawLex200600000721JBJ. 

En matière de cautionnement, V. Cass. civ. 1re, 15 février 2000, LawLex200700000784JBJ, approuvant versailles 12 septembre 1997, LawLex200700000855JBJ et Cass. com., 28 mai 2002, LawLex200700000787JBJ, confirmant Bastia, 18 décembre 1996, LawLex200700001066JBJ.

Cass. civ. 1re, 3 mai 2000, LawLex200500005938JBJ, Defrénois, 2000, 1110, obs. MAZEAUD ; Defrénois, 2000, 1114, obs. DELEBECQUE ; RTD civ. 2000, 566, obs. MESTRE et FAGÈS ; D. 2002, 928, obs. TOURNAFOND ; JCP G, 2000, 272, obs. LOISEAU ; JCP G, 2001, 10510, obs. JAMIN ; Contrats Conc. Consom. 2000, n° 140, obs. LEVENEUR. - Comp. Cass. civ. 3e, 27 mars 1991, LawLex200500006064JBJ : le fait pour l'acquéreur intermédiaire, de dissimuler au vendeur originaire son intention de revendre alors qu'il est déjà en pourparlers avec un acheteur éventuel, ne suffit pas à caractériser une manoeuvre dolosive, sauf s'il fait preuve de mauvaise foi en lui taisant par ailleurs la révision du plan d'occupation des sols, de nature à conférer une plus-value au terrain litigieux.

Cass. civ. 3e, 15 nov. 2000, LawLex200500006061JBJ, RDC 2008, 716, obs. GENICON ; Contrats Conc. Consom. 2008, n° 10, n° 224, obs. LEVENEUR ; Dr. et patr. 2009, n° 178, 120, obs. AYNÈS et STOFFEL-MUNCK, approuvant Rennes, 8 décembre 1998, LawLex200500010331JBJ, ayant retenu qu'une société qui se dissimule derrière un prête-nom, afin de cacher au vendeur la richesse de la composition du sol de la parcelle vendue et de l'entretenir dans la croyance, à défaut d'autres informations, qu'elle n'a d'autre but que d'acheter des terres à usage agricole alors qu'elle compte acquérir des matériaux exploitables industriellement, commet une réticence dolosive.

Nîmes, 10 octobre 2013, LawLex201400000413JBJ ; Agen, 2 novembre 2011, LawLex201200001523JBJ. - Dans le même sens, Cass. 1re civ., 12 janvier 2012, LawLex201200001421JBJ : le vendeur professionnel, tenu d'une obligation de renseignement et d'information envers l'acquéreur profane qui reconnaît avoir présenté sur le bon de commande le véhicule accidenté comme "réparé dans les règles de l'art" et déclaré, avant la vente, que l'accident s'était limité à une aile froissée, alors même qu'il ignorait l'ampleur de l'accident et les modalités des réparations effectuées, commet un dol. - V. aussi, Colmar, 7 septembre 2006, LawLex200700000758JBJ : omission de révéler les dommages et réparations antérieurement subis par la véhicule.

Cass. civ. 3e, 17 janvier 2007, LawLex200700000464JBJ, Dr. et patr. septembre 2007, 82, obs. AYNÈS et STOFFEL-MUNCK ; Contrats Conc. Consom. 2007, n° 117, obs. LEVENEUR ; JCP E, 2007, 1444, obs. JAMIN ; RLC 2007/03, n° 2434, DOIREAU ; D. 2007, 1051, obs. MAZEAUD ; RJDA 2007, n° 599. - V. cep., Cass. com., 11 juillet 2006, LawLex200700000114JBJ, RJDA 2006, n° 1104 : le cessionnaire qui dissimule aux cédants une information de nature à influer sur leur consentement, à savoir l'existence de négociations conduites avec un tiers en vue de la revente d'actions dont il s'est porté acquéreur, commet une réticence dolosive.

Loi 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du doit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, applicable aux actes juridiques conclus ou établis à compter du 1er octobre 2018, JO 93 du 21 avril 2018.

Cass. civ. 1re, 19 juin 1985, LawLex200500006106JBJ.

Cass. civ. 3e, 14 mars 2006, LawLex200600001986JBJ, Contrats Conc. Consom. 2006, n° 126, obs. LEVENEUR.

Paris, 4 juin 1988, LawLex200500004217JBJ.

Cass. civ. 3e, 10 février 1999, LawLex200500006062JBJ, Contrats Conc. Consom. 1999, n° 90, obs. LEVENEUR, approuvant Douai, 16 juin 1997, LawLex200500008853JBJ

Cass. civ. 3e, 7 novembre 2006 LawLex200700000461JBJ : le vendeur commet un dol lorsqu'il cache à l'acquéreur des modifications substantielles de nature à rendre les locaux, objets de la vente, impropres à l'usage commercial auquel ils étaient destinés.

Toulouse, 13 février 2008, LawLex201200000983JBJ.

Caen, 18 novembre 2008, LawLex201200001530JBJ.

Droit de la consommation

373. Dol par réticence.(1)

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