Contrats d'affaires

Excepté lorsque le contrat emporte l'obligation pour le maître d'ouvrage de venir retirer la chose, objet du contrat d'entreprise, l'entrepreneur est tenu non seulement d'exécuter sa prestation, mais également de livrer l'ouvrage à la date contractuellement prévue. L'entrepreneur est tenu d'exécuter sa prestation dans un délai raisonnable , même lorsque les devis ne mentionnent aucun délai d'exécu …

Contenu de l'obligation.

Excepté lorsque le contrat emporte l'obligation pour le maître d'ouvrage de venir retirer la chose, objet du contrat d'entreprise, l'entrepreneur est tenu non seulement d'exécuter sa prestation, mais également de livrer l'ouvrage à la date contractuellement prévue. L'entrepreneur est tenu d'exécuter sa prestation dans un délai raisonnable , même lorsque les devis ne mentionnent aucun délai d'exécution et qu'aucun planning n'a été fixé . Ce principe a récemment été rappelé par la Haute juridiction qui, dans un arrêt, en date du 20 avril 2022, est venue censurer l'arrêt d'une cour d'appel, qui, pour débouter le maître d'ouvrage de sa demande en réparation consécutive à un retard du chantier avait retenu qu'il appartenait au maître d'ouvrage de contracter avec un nouvel entrepreneur après la rupture du contrat et que la cessation des travaux résultait de cette carence, alors qu'elle aurait dû rechercher “si l'arrêt du chantier n'avait pas pour cause le commencement des travaux par l'architecte avant l'obtention d'un permis de construire, des imprécisions concernant les travaux à réaliser et un manquement de l'architecte à son obligation d'informer le maître de l'ouvrage, avant le début des travaux, de l'inadéquation entre le budget alloué et le projet retenu” . 

Lorsque le contrat d'entreprise porte sur un immeuble, les juges distinguent entre réception et livraison de l'ouvrage. La réception, qui, selon l'article 1792-6, alinéa 1er, du Code Civil, est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves, a pour objet de consacrer l'accord des parties sur sa conformité aux termes du contrat tandis que la livraison, qui est le fait pour le constructeur de mettre son cocontractant en possession de l'immeuble et de lui en transférer ainsi la responsabilité, se caractérise par la remise effective des clés et suppose que les travaux pouvant rester à achever ou à reprendre ne lui interdisent pas d'y habiter dans des conditions normales .

Si le Code civil prévoit des règles spécifiques concernant la responsabilité des constructeurs qui tiennent compte de la qualité ou la conformité de leurs prestations , il ne prévoit pas, comme en matière de vente  ou de baux , de dispositions générales concernant la conformité de la livraison, au sens large. Or,  la livraison n'est en réalité parfaite, que si elle intervient dans le délai contractuellement prévu - ou, à tout le moins, dans un délai raisonnable – et, si elle est conforme aux stipulations du contrat d'entreprise, y compris dans le cas d'un contrat d'entreprise portant sur une chose mobilière. L'avant-projet du droit des contrats spéciaux tente de remédier à cette lacune dans ses dispositions consacrées au contrat d'entreprise mobilière lorsqu'il énonce que “l’entrepreneur a, comme le vendeur, l’obligation de délivrer l’ouvrage au client” et qu'il répond des défauts de conformité affectant l'ouvrage". La jurisprudence sanctionne en réalité les défauts de conformité par l'intermédiaire de l'obligation de résultat dont est tenu l'entrepreneur à l'égard du maître de l'ouvrage . La Cour d'appel de Paris considère ainsi que l'entrepreneur est tenu à une obligation de résultat dans le cadre de ses rapports avec le maître de l'ouvrage se définissant comme l'obligation de livrer des travaux conformes à la destination convenue, exécutés en respectant les règles de l'art et les normes en vigueur au jour de son intervention, et ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en établissant l'existence d'une cause étrangère ou d'un cas de force majeure . Lorsque la prestation à délivrer est complexe, il n'est possible d'en déterminer la délivrance parfaitement conforme qu'une fois l'ensemble terminé et mis en fonctionnement, de sorte que les éventuelles réceptions intermédiaires ne peuvent valoir purge des non-conformités . Le Code de la consommation édicte par ailleurs une garantie de conformité dans les contrats de vente de biens, auxquels sont assimilés les contrats portant sur la fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire . Sur ces dispositions, la Haute juridiction a très récemment précisé que le locateur d'ouvrage n'est pas tenu à garantie pour les matériaux qu'il fournit et met en œuvre en exécution d'un contrat de louage d'ouvrage, hormis le cas du contrat portant sur la fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire . 

Cass. 3e civ., 10 février 2009, LawLex202200003878JBJ ; V. en ce sens, Bourges, 18 novembre 2021, LawLex202400006900JBJ, retenant qu'à défaut de délai contractuellement stipulé entre les parties pour la réalisation des travaux en cause, il revient à l'entrepreneur d'exécuter lesdits travaux dans un délai raisonnable, conformément à l'article 1134 ancien du Code civil qui dispose que le contrat doit être exécuté de bonne foi.

Cass. 3e civ., 16 mars 2011, LawLex202200003879JBJ ; JCP E 2011, 1483, obs. LEVENEUR ; Constr.-Urb. 2011, n° 72, obs. SIZAIRE. L'avant-projet du droit des contrats spéciaux codifie cette jurisprudence à l'article 1763 qui dispose que l'entrepreneur est tenu de délivrer l'ouvrage “au client dans le délai fixé ou, à défaut, dans un délai raisonnable” ; V. en ce sens, Paris, 4 janvier 2023, LawLex202400006901JBJ, relevant que l'obligation principale de l'entrepreneur est de livrer l'ouvrage dans le délai convenu, de sorte qu’en l'absence de délais contractuels, l'exécution doit être faite dans un délai raisonnable.

Cass., 3e civ., 12 octobre 2022, LawLex202200008903JBJ, Contrats Conc. Consom. 2022, n° 183, obs. LEVENEUR ; n° 200, obs. BERNHEIM-DESVAUX, écartant la garantie légale de conformité en présence d'un contrat relatif à la fourniture et la pose d'un parquet, qui n'a pas pour objet ni la vente d'un bien meuble corporel, ni la fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire.

Cass. 3e civ., 20 avril 2022, LawLex202200010336JBJ.

Montpellier, 5 avril 2012, LawLex202200004786JBJ.

Art. 1792 C. civ : “Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère”.

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, art. 1789.

Paris, 7 décembre 2022, LawLex202200011122JBJ, pour une application, certes, en matière immobilière, mais dans laquelle la garantie décennale des articles 1792 ayant été écartée, la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur a été recherchée ; Paris, 19 avril 2023, LawLex202400006905JBJ, s'agissant de la réfection complète d'un bien endommagé à la suite d'un incendie ; V. en ce sens, Pau, 21 novembre 2021, LawLex202400006797JBJ, s'agissant de travaux d'agrandissement d'une maison consistant en la pose de garde-corps aussi bien pour la terrasse du rez-de-chaussée que pour deux portes fenêtres pour des chambres à l'étage ; Papeete, 9 novembre 2023, LawLex202400006907JBJ, s'agissant d'une convention consistant en la réparation d’une automobile confiée par un particulier à un garagiste ; Versailles, 18 décembre 2023, LawLex202400006904JBJ ; Douai, 19 septembre 2024, LawLex202400006906JBJ, s'agissant de la livraison et de l'installation de différentes fenêtres, portes et volets.

Toulouse, 27 février 2024, LawLex202400001971JBJ, retenant qu'en cas de non-conformités, il appartient au maître de l’ouvrage d'apporter la preuve que la prestation convenue n’a pas été délivrée ou qu’elle a été mal délivrée.

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