Contrats d'affaires

L'article 1788 du Code civil dispose : “Si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose”.

En vertu de ce texte, l'entrepreneur supporte les risques de la perte de la chose jusqu'à la réception ou la mise en demeure de recevoir c …

Fourniture de la matière.

MARINO, Le transfert de propriété dans le contrat d'entreprise, Defrénois 2001, 907.

L'article 1788 du Code civil dispose : “Si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose”.

En vertu de ce texte, l'entrepreneur supporte les risques de la perte de la chose jusqu'à la réception ou la mise en demeure de recevoir celle-ci . Ainsi, dès lors qu'au jour de l'incendie, la réception des travaux n'a pas eu lieu et que la majeure partie de l'ouvrage a été détruite par un sinistre, de cause inconnue, il y a lieu de considérer que le maître de l'ouvrage n'a pas été mis en demeure de procéder à la réception et que, partant, la perte est pour l'entrepreneur. Dès lors, ce dernier ne pourra pas prétendre au paiement du coût des travaux qu'il n'a pas été en mesure de livrer et devra restituer au maître d'ouvrage les acomptes qu'il aurait perçus en paiement de ces travaux, alors même que leur inexécution n'est pas fautive . 

Si, en vertu du principe res perit domino, le transfert de propriété emporte en principe celui des risques de la chose , il convient toutefois de remarquer que la jurisprudence dissocie propriété et risques de la chose en admettant l'application de l'article 1788 en matière de construction immobilière, alors même que la matière fournie par l'entrepreneur en s'incorporant à l'immeuble devient, avant toute réception, la propriété du maître d'ouvrage. Mais, faisant implicitement prévaloir l'adage res perit debitori, la Haute juridiction retient que si l'article 1788 du Code civil a pour objet de déterminer celui à qui incombent les risques en cas de perte de la chose, il n'implique en rien que l'immeuble en construction sur le terrain d'autrui auquel il s'incorpore, édifié en exécution d'un contrat de louage d'ouvrage, soit la propriété de l'entrepreneur, même avant la réception des travaux par le maître d'ouvrage . 

Pour s'appliquer, les dispositions de l'article 1788 nécessitent, outre d'établir la perte de la chose , de rechercher si l'entrepreneur a ou non fourni la matière. Rappelant ce principe, la Haute juridiction est venue censurer l'arrêt d'une cour d'appel, qui, s'abstenant d'une telle recherche, avait déclaré un entrepreneur responsable de la perte du bâtiment sur lequel il réalisait des travaux au seul motif qu'il effectuait la pose d'un chauffe-eau au moment où s'était déclaré le sinistre, demeuré de cause inconnue, et que la réception des travaux n'avait pas eu lieu, le maître de l'ouvrage n'ayant pas été mis en demeure d'y procéder . 

En application de l'article 1788, la perte de la chose est supportée par l'entrepreneur, “si la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit”. Il en est ainsi en cas d'incendie, survenu avant la réception des travaux par le maître d'ouvrage et qui résulte non pas d'une cause inhérente à l'ouvrage, mais d'une circonstance accidentelle extérieure à l'acte de construire . Tel est aussi le cas, en présence de dégradations volontaires de travaux de plomberie par injection dans les canalisations de mousse polyuréthane  ou lorsque la destruction de la chose provient d'une explosion criminelle dont les auteurs demeurent inconnus, constituant, pour lui, un cas de force majeure imprévisible et irrésistible . En effet, selon la Haute juridiction, la charge des risques n'a pas à être supprimée ni modifiée, lorsque la perte est due à un évènement qui présente les caractères de la force majeure . 

Concernant la portée de l'article 1788, la Haute juridiction a rappelé, à plusieurs reprises, que ce texte ne s'applique pas lorsque le problème posé est, non celui de la charge du risque de la perte ou de la détérioration de la chose, mais celui de la responsabilité de l'un des cocontractants dans cette perte ou cette détérioration  ou lorsque la perte ou la détérioration de la chose est due à l'inexécution fautive des obligations de l'entrepreneur .

Le régime de l'article 1788 du Code civil s'applique dans les rapports entre le sous-traitant et l’entrepreneur principal. Il en résulte qu'une cour d’appel ne peut laisser au sous-traitant la charge du dommage causé à l’ouvrage par des chutes exceptionnelles de neige poudreuse, après exécution, mais avant réception des travaux, au motif qu'en vertu des conditions générales du contrat de sous-traitance, le sous-traitant est seul responsable de ses travaux, matériaux, équipements jusqu'à la réception des travaux, qui doit être simultanée pour tous les corps d'état et coïncider avec la réception prononcée par le maître d'ouvrage à l'égard de l'entrepreneur principal, sans rechercher si le sous-traitant mis en cause n’avait pas livré son ouvrage à l'entrepreneur principal, s’exonérant ainsi de ses obligations .

Poitiers, 23 mai 2023, LawLex202400007237JBJ, relevant qu'une société à qui il a été confié le lot charpente-menuiserie, est responsable des dommages affectant le chantier, de sorte que, en qualité de gardien, elle doit en assumer le risque jusqu’à réception, le fait que les dommages soient intervenus avant la réception des travaux étant indifférent ; Rennes, 18 juin 2024, LawLex202400007236JBJ : un entrepreneur n'est pas fondé en sa réclamation des travaux de changement d'un moteur perdu à la suite du vol puis de l'incendie d'un véhicule et doit subir les conséquences de la perte du véhicule, s'agissant du coût de son intervention en tant que garagiste prestataire.

Cass. 3e civ., 27 janvier 1976, LawLex202200010054JBJ.

Cass. 1re civ., 2 décembre 1997, LawLex202200010047JBJ, RTD civ. 1998, 380, obs. JOURDAIN ; V. en ce sens, Grenoble, 18 mai 2021, LawLex202400007242JBJ, retenant que l’article 1788 du Code civil a pour objet de faire supporter à l'entrepreneur les risques de la perte de l'ouvrage, quelle qu'en soit la cause, et en dehors de toute recherche de responsabilité, de sorte que l’entrepreneur se doit, même en cas de perte de la chose due à la force majeure, soit de rembourser au maître d'ouvrage le coût de la construction selon les conditions du marché, soit de reconstruire l'ouvrage détruit ; Poitiers, 23 mai 2023, LawLex202400007237JBJ, ajoutant que les risques de perte ou de détérioration de la chose sont supportés par l’entrepreneur sans qu’il soit nécessaire de démontrer sa faute, de sorte que la conservation de la chose est à la charge de l’entrepreneur, charge liée aux pouvoirs que l’entrepreneur a sur la chose jusqu’à réception des travaux, la perte supportée par l’entrepreneur se limitant à la chose qu’il fournit.

Cass. 3e civ., 13 octobre 2016, LawLex202300000039JBJ, RCA 2017, n° 23, obs. GROUTEL.

Cass. 3e civ., 2 novembre 1983, LawLex202200004163JBJ.

C. civ., art. 1196 al. 3: “Le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose. Toutefois le débiteur de l'obligation de délivrer en retrouve la charge à compter de sa mise en demeure, conformément à l'article 1344-2 et sous réserve des règles prévues à l'article 1351-1”.

Cass. 3e civ., 23 avril 1974, LawLex202200004165JBJ, D. 1975, 287, obs. MAZEAUD.

A défaut d'établir la perte de l'ouvrage, l'article 1788 du Code civil n'a pas vocation à s'appliquer, V. Cass. 3e civ., 16 septembre 2015, LawLex202200004166JBJ, Constr.-Urb. 2015, 159, obs. PAGES-DE-VARENNE, précisant qu'il ne peut être fait application de l'article 1788 du Code civil, lorsqu'il n'est pas établi, au vu du constat d'huissier, que la chose a péri, aucune expertise n'ayant été réalisée par les assureurs aux fins d'évaluer les dommages subis, et aucun élément ne permettant de dire que la reprise des travaux ne pourrait pas être envisagée, après, le cas échéant, remise en état.

Cass. 3e civ., 14 juin 1983, LawLex202200010055JBJ.

Cass. 3e civ., 15 décembre 2004, LawLex202200004172JBJ, ajoutant que, même si, dans le cas où l'entrepreneur fournit la matière et où la chose vient à périr avant d'être livrée, la perte en est pour ce dernier, un entrepreneur n'est tenu de procurer au maître de l'ouvrage que la chose qu'il s'est engagé à fournir, de sorte qu'une cour d'appel ne peut pas retenir que toutes les entreprises sont nécessairement tenues au même risque en cas de survenance d'un incendie avant la réception des travaux par le maître de l'ouvrage. Dans le même sens, V. Cass. 3e civ., 12 octobre 1971, LawLex202200004168JBJ, énonçant que l'application de l'article 1788 du Code civil doit être écartée dès lors que la chose détruite par un incendie n'est pas celle fournie par l'entrepreneur ; Orléans, 26 janvier 2023, LawLex202400007257JBJ, retenant que l'obligation qui pèse sur l'entrepreneur ne porte que sur l'ouvrage qu'il s'est engagé à livrer, chaque entrepreneur ne supportant le risque de la perte que de son propre ouvrage, de sorte qu'il ne peut être condamné in solidum avec les autres constructeurs à supporter le coût global de la reconstruction.

Aix-en-Provence, 27 juin 2024, LawLex202400007235JBJ.

Cass. 3e civ., 19 février 1986, LawLex202200004167JBJ.

Cass. 1re civ., 9 novembre 1999, LawLex202200004171JBJ, JCP G 2000, I, 219, MAYAUX ; D. 2000, 507, obs. CRISTAU  ; V. en ce sens, Orléans, 26 janvier 2023, LawLex202400007257JBJ, relevant que la charge du risque n'est pas diminuée ou supprimée si l'évènement qui a causé la perte de l'ouvrage revêt le caractère de la force majeure pour l'entrepreneur, y compris lorsque les dommages sont dus à une action criminelle, de sorte que le caractère indéterminé de l'origine de l'incendie ne fait pas obstacle à ce qu'il en supporte le risque.

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