Contrats d'affaires

Les exemples d'inexécution de son obligation de conseil par l'entrepreneur sont multiples et variés. Manque à son obligation de conseil, le locateur d'ouvrage qui installe un insert sans se renseigner de manière suffisamment précise sur les attentes du maître d'ouvrage quant aux performances de l’installation de chauffage envisagée . Il en va de même de l'entrepreneur qui, en dépit de son interven …

Manquement.

LETARTRE, La responsabilité du notaire, principe et illustrations, JCP N, 1999, 1798.

Les exemples d'inexécution de son obligation de conseil par l'entrepreneur sont multiples et variés. Manque à son obligation de conseil, le locateur d'ouvrage qui installe un insert sans se renseigner de manière suffisamment précise sur les attentes du maître d'ouvrage quant aux performances de l’installation de chauffage envisagée . Il en va de même de l'entrepreneur qui, en dépit de son intervention pour exécuter les préconisations de l'expert, ne procède pas à des vérifications minimales et n'émet pas auprès des maîtres de l'ouvrage des réserves sur l'efficacité des travaux prescrits , ou de l'entreprise qui effectue une mauvaise implantation d'une maison individuelle, en s'abstenant de procéder à toute vérification au regard des règles du plan d'occupation des sols , ou encore de l'entrepreneur spécialisé dans le domaine des tuyaux métalliques, qui, alors qu'il connaît la nature du projet et sa situation géographique - et ne peut donc ignorer le risque de corrosion dû à la composition de l'eau naturelle -, omet de se renseigner sur l'existence ou non d'un dégazage de cette eau et, en l'absence d'une étude de l'eau du canal, ne conseille pas au maître d'ouvrage, dépourvu de compétence en la matière et ne disposant pas d'une connaissance suffisante des risques encourus à la date de la commande, l'achat de tuyaux revêtus de protection interne . Méconnaît également son obligation de conseil à l'égard du maître d'ouvrage, l'entrepreneur qui ne refuse pas de mettre en place des éléments qu'il sait inadaptés . 

Manque également à son obligation de conseil le maître d'oeuvre qui n'attire pas l'attention du maître d'ouvrage sur les risques d'édifier une construction en violation des droits du propriétaire du fonds voisin , ou qui, même investi d'une mission limitée, ne met pas en garde les maîtres de l'ouvrage sur le climat de précipitation et d'inorganisation dans lequel les travaux s'engagent , ou qui, après réception des travaux, ne préconise pas les modifications du système d'évacuation des eaux pluviales et de la terrasse nécessaires  ou encore, qui n'a pas alerté le maître d'ouvrage sur les mesures à prendre pour éviter les désordres qui sont apparus par la suite, alors qu'il rentrait dans sa mission de suivi des travaux de se préoccuper de la pérennité de l'ouvrage .

De même, n'ont pas rempli leur obligation de conseil, l'architecte et le bureau d'études, qui, en dépit de leurs missions respectives, n'ont émis aucune préconisation, observation, remarque ou conseil sur le mode d'exploitation de l'ouvrage litigieux situé dans un parc des expositions, et, en particulier, la question des charge roulantes, même si le maître de l'ouvrage ne justifie pas les avoir informés de son souhait de faire circuler des charges lourdes à l'intérieur du hall . En revanche, il ne peut être reproché à un centre de contrôle technique d'avoir manqué à son devoir de conseil en ne recherchant pas auprès du constructeur et de l'organisme central de l'automobile UTAC les explications relatives à la norme technique qui permettent de mettre le véhicule en conformité, et, partant, de remédier aux désordres constatés, dès lors que la mission de tels centres se limite, eu égard aux dispositions qui les régissent, à la détection de défaillances en des points définis . 

En vertu de l’article 1353, alinéa 2, du Code civil, qui reprend les dispositions de l'ancien article 1315, "celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation”. En cas de litige, il appartient donc à l'entrepreneur de prouver qu'il a effectivement exécuté son obligation de conseil, quel que soit le contrat d'entreprise visé . Selon la Haute juridiction, le notaire doit ainsi démontrer qu'il a mis les parties en garde contre le risque d'annulation de l'acte qu'il a établi, dès lors que ce risque apparaît évident pour un professionnel . Le garagiste, qui a vendu un véhicule automobile d’occasion accidenté, doit prouver qu’il a exécuté son obligation de renseignement à l'égard de son client . De même, le maître d'oeuvre doit établir qu'il s'est acquitté de son obligation de conseil à l'égard du maître d'ouvrage . Plus généralement, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit apporter la preuve de l'exécution de cette obligation, sous peine d'engager sa responsabilité . 

Comme l'a récemment rappelé la Cour de cassation, l'entrepreneur est condamné au paiement de dommages-intérêts toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution de son obligation de conseil provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait eu aucune mauvaise foi de sa part . Un lien de causalité entre le préjudice et le travail réalisé par l'entrepreneur est toutefois nécessaire. Le maître d'ouvrage n'est pas fondé à obtenir des dommages et intérêts, dès lors que les désordres et malfaçons ne sont pas imputables aux travaux réalisés par l’entrepreneur et qu'il ne démontre pas non plus qu'ils résulteraient d'une violation par ce dernier de son obligation de conseil et d'information . 

Pour s'exonérer, l'entrepreneur peut alléguer la force majeure - très difficile à démontrer -, la faute de la victime ou le fait du tiers. Toutefois, selon les juges, l'entrepreneur ne saurait invoquer le choix du maître d'ouvrage de ne pas recourir à un maître d'œuvre dès lors qu'en l'absence de maître d'œuvre, son obligation de conseil s'en trouve renforcée , ou faire valoir qu'il a fait son possible sur un plan technique pour travailler dans les mauvaises conditions offertes par le fournisseur des matériaux, dès lors que le manquement à son obligation de conseil a contribué à la production des désordres . Un professionnel de la maintenance ne peut pas non plus se retrancher derrière le libre choix du client ou une acceptation par celui-ci du risque d'inefficacité de la réparation choisie, voire une faute de la victime, au motif que l'option 1 était présentée comme une réparation “ sans garantie ”, cinq fois moins chère que l'option 2, dès lors que ledit client, qui n'était pas du tout spécialiste des vérins hydrauliques, n'était pas en mesure de comprendre par cette seule mention, que la réparation, si elle n'était pas garantie, était en plus susceptible d'exposer l'utilisateur de la timonerie à un danger pour son intégrité corporelle . En revanche, le maître d'ouvrage professionnel, qui  possède un service de maintenance du bâtiment dont il est propriétaire et connaît l'état de grande vétusté de sa couverture, ne saurait reprocher à un entrepreneur un manquement à son devoir de conseil pour ne pas avoir attiré son attention sur la nécessité de faire davantage de travaux, dès lors qu'il ne l’a fait intervenir que pour de simples réparations .

Limoges, 25 novembre 2010, LawLex202200006750JBJ.

Cass. 3e civ.,11 mars 2015, LawLex202200007474JBJ, Constr.-Urb. 2015, 74, obs. PAGES DE VARENNE.

Cass. 1re civ., 21 juin 2005, LawLex202200003853JBJ, D. 2006, 1221, obs. HUET.

Cass. 3e civ., 15 avril 2021, LawLex202200003881JBJ, RDI 2021, 352, obs. FAURE-ABBAD ; JCP 2021, 1019, obs. KARILA, censurant une cour d'appel qui, après avoir constaté que le parquet en cause se dégradait anormalement vite et était inadapté aux lieux de vie considérés, une cour d'appel a retenu, pour rejeter les demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur, que le choix du modèle du parquet était le fait exclusif du maître de l'ouvrage et qu'aucun défaut de pose ou d'exécution n'était imputable à l'entrepreneur, sans rechercher si ce dernier n'avait pas manqué à son devoir d'information et de conseil sur le parquet choisi au regard de l'usage auquel il était destiné.

Cass. 1re civ., 25 juin 1991, LawLex202300001425JBJ.

Cass. 1re civ., 15 mai 2002, LawLex200500005850JBJ, Contrats, conc., consom. 2002, 135 obs. LEVENEUR ; JCP 2002, I, 184, 2113, obs. LABARTHE ; RTD civ. 2003, 84, obs. MESTRE.

Cass. 3e civ., 12 janvier 2011, LawLex202300001406JBJ, D civ. 2011, 122, obs. FAGES ; Constr.-Urb. 2011, n° 44 , obs. PAGES de VARENNE.

Cass. 1re civ., 25 février 1997, LawLex200800001632JBJ, Contrats, conc. consom. 1997, n° 5, obs. LEVENEUR ; JCP G 1997, I, 4025, n° 7, obs. VINEY ; RCA 1997, chron. 8, obs. LAPOYADE-DESCHAMPS ; RTD civ. 1997, 434, obs. JOURDAIN, à propos de l'obligation d'information du médecin.

Cass. 3e civ., 15 avril 2021, LawLex202200003881JBJ, RDI 2021, 352, obs. FAURE-ABBAD ; JCP 2021, 1019, obs. KARILA.

Cass. 3e civ., 20 mai 2015, LawLex202200007881JBJ, RDI 2015, 310, obs. MALINVAUD.

Riom, 22 septembre 2020, LawLex202200006734JBJ, précisant au contraire que l'obligation de conseil de l'entrepreneur est renforcée en l'absence de maître d'œuvre ; Rennes, 11 mai 2023, LawLex202400006930JBJ, relevant que l'absence de maître d'oeuvre renforce l’obligation de conseil de l’entrepreneur, de sorte qu’un maître d’ouvrage ne commet pas de faute et ne concourt pas à la réalisation de son préjudice en s’abstenant de recourir aux services d’un maître d’œuvre.

Cass. 3e civ., 20 novembre 2007, LawLex202200007541JBJ.

Cass. 3e civ., 27 janvier 2010, LawLex202200007880JBJ, RDI 2010, 215, obs. NOBLOT ; Defrénois 2010, 1696, obs. LECUYER ; Montpellier, 12 septembre 2024, LawLex202400006438JBJ : l'entrepreneur-concepteur d'une éolienne de pompage qui ne s'est pas interrogé sur l'implantation exacte de l'installation dans un département sujet à de brusques et importants événements pluvieux et n'a pas tenu compte des fluctuations possibles de la nappe et de l'ampleur de la pluviométrie, engage sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil, dès lors qu’il n'a pas attiré l'attention de son client sur les possibles variations de niveau au moment de la prise de mesures.

Aix-en-Provence, 7 juillet 2022, LawLex202400006121JBJ, précisant qu'un professionnel de la maintenance et de la réparation, en sus de la prestation expressément promise au contrat, est tenu de fournir à son cocontractant toutes les informations relatives à l'objet du contrat et de le conseiller sur le plan technique, notamment quant à l'opportunité des décisions à prendre, sa qualification professionnelle lui imposant en outre de connaître toutes les données nécessaires à son contractant, de sorte qu’en proposant à son client deux solutions, dont une totalement inadaptée, mais moins chère, pour laquelle ce dernier a opté, il ne l'a pas utilement renseigné sur la décision à prendre, compte tenu de l'usure très marqué des tiges du vérin, ni sur les risques susceptibles de découler, au-delà de l'inefficacité de la réparation, de l'absence de remplacement des tiges.

Cass. 3e civ., 28 février 2018, LawLex202200007422JBJ.

Cass. 3e civ., 19 janvier 2017, LawLex202200003882JBJ, RDI 2017, 151, obs. MALINVAUD.

Cass. 3e civ., 15 octobre 2015, LawLex202200003880JBJ.

Cass. 3e civ., 23 septembre 2009, LawLex202200003884JBJ, RDI 2010, 548, obs. PERINET-MARQUE.

Cass. 3e civ., 16 janvier 2013, LawLex202200003886JBJ.

Paris, 14 juin 2024, LawLex202400006918JBJ.

Cass. 3e civ., 2 juin 2016, LawLex202200003888JBJ.

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308. Manquement.(1)

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