Contrats d'affaires

En vertu de l'article 1710 du Code civil, le contrat d'entreprise est un contrat à titre onéreux  et synallagmatique : les parties à un contrat d'entreprise sont réciproquement tenues par leurs obligations, le maître d'ouvrage devant payer les travaux commandés et exécutés par l'entrepreneur, qui en cas de défaut de paiement, pourra opposer son droit de rétention sur la chose qu'il détient. Ainsi, …

Paiement du prix des travaux.

En vertu de l'article 1710 du Code civil, le contrat d'entreprise est un contrat à titre onéreux  et synallagmatique : les parties à un contrat d'entreprise sont réciproquement tenues par leurs obligations, le maître d'ouvrage devant payer les travaux commandés et exécutés par l'entrepreneur, qui en cas de défaut de paiement, pourra opposer son droit de rétention sur la chose qu'il détient. Ainsi, dans une hypothèse où le maître d'ouvrage avait versé un acompte en contrepartie de travaux inexécutés par un entrepreneur, mis en liquidation judiciaire, la Cour de cassation a admis que le maître d'ouvrage pouvait, en garantie du remboursement de son acompte, opposer son droit de rétention au crédit-bailleur d'une machine apportée sur les lieux du chantier, puis abandonnée par l'entrepreneur crédit-preneur défaillant, dès lors qu'il justifie d'une créance certaine, liquide et exigible à l'égard de ce dernier . 

Selon la Haute juridiction, le paiement du prix par le maître d'ouvrage suppose l'achèvement des travaux par la suppression des malfaçons . Aussi, les défauts d'exécution relevés contre l'entrepreneur et dénoncés par le maître d'ouvrage en cours de chantier sont-ils susceptibles de justifier son refus de paiement ou son retard dans le versement des sommes réclamées . L'exécution incomplète des obligations de l'entrepreneur emporte les mêmes conséquences que leur mauvaise exécution, à savoir la possibilité pour le maître d'ouvrage de se soustraire à l'exécution de son obligation de paiement tant qu'il ne reçoit pas la prestation due. 

Pour être fondé à opposer l'exceptio non adimpleti contractus, le maître d'ouvrage se doit de justifier de l'inexécution , quelle qu'elle soit, des obligations de l'entrepreneur. Ainsi, le maître d'ouvrage qui, sans apporter la preuve objective et techniquement fondée de l'inachèvement des travaux, se refuse à en payer la facture, ne justifie pas d'un intérêt légitime à présenter une demande d'expertise, qui ne peut avoir pour objet de pallier sa carence dans l'administration de la preuve . 

Inversement, lorsque le maître d'ouvrage ne conteste pas que les travaux litigieux ont été réalisés conformément à sa demande, l'entrepreneur est fondé à en réclamer le paiement. Aussi, lorsque les montants portés dans le descriptif de travaux sont cohérents au regard des différents postes détaillés et des prix habituellement pratiqués, mais que le maître d'ouvrage réfute le montant de la facture sans indiquer en quoi elle serait excessive au regard des prestations réalisées, ce dernier doit-il payer la somme réclamée par l'entrepreneur . La mise en demeure d’avoir à payer le principal fait de plein droit courir les intérêts, dès lors qu’aucune disposition légale ou stipulation contractuelle n’oblige l’entrepreneur à rappeler au maître d’ouvrage le taux conventionnellement prévu . 

Pour remédier à l'inexécution de son obligation de paiement par le maître d'ouvrage, l'entrepreneur peut, de son côté, soulever l'exceptio non adimpleti contractus, et ainsi suspendre l'exécution des obligations auxquelles il est tenu en vertu du contrat d'entreprise, soit faire jouer son droit de rétention. Pour se prémunir de tout risque d'impayés, il peut également imposer au contrat un cautionnement  à son profit ou toute autre sûreté conventionnelle. Lorsqu'il est dépositaire d'une chose en exécution du contrat d'entreprise, l'entrepreneur bénéficie en outre du privilège spécial pour les frais de conservation d'un meuble prévu à l'article 2332, 2°, du Code civil . Les architectes, entrepreneurs, maçons et autres ouvriers disposaient auparavant d'un privilège immobilier prévu à l'ancien article 2374, 4° du même code , désormais supprimé à compter du 1er janvier 2022, par l'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des suretés . 

Par ailleurs, dans le domaine des marchés de travaux privés portant sur un ouvrage immobilier où les sommes en jeu peuvent être importantes et les risques d'impayés élevés pour l'entrepreneur, le législateur a imposé au maître d'ouvrage l'obligation de garantir son paiement . En vertu du premier alinéa de l'article 1799-1 du Code civil , le maître d'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé, doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues, lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en conseil d'Etat. L'article 1er du décret 99-658 du 30 juillet 1999 fixe ce seuil à 12 000 euro, hors taxes, les sommes dues s'entendant du prix convenu au titre du marché, déduction faite des arrhes et acomptes versés lors de la conclusion de celui-ci. La possibilité d'une compensation future avec une créance du maître d'ouvrage, même certaine en son principe, ne dispense pas celui-ci de l'obligation légale de fournir la garantie de paiement du solde dû sur le marché .

L'article 1799-1 du Code civil édicte un principe impératif selon lequel le maître d'ouvrage doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues au titre des marchés de travaux privés dès la conclusion des marchés . A défaut, l'entrepreneur peut légitimement interrompre sa prestation . Le maître d'ouvrage ne peut dès lors s'abriter derrière des difficultés pour prétendre être déchargé de l'exécution de son obligation   ou encore exiger de l'entrepreneur qu'il lui fournisse des documents comptables pour la mise en place de ladite garantie, quand bien même ceux-ci auraient été sollicités par la banque . La garantie de paiement peut être sollicitée à tout moment, y compris en fin de chantier, tant que celui-ci n'est pas soldé , et même après la réalisation des travaux par l'entrepreneur qui n'a pas été payé par le maître d'ouvrage . En d'autres termes, l'obligation de garantie qui prend naissance dès la signature du marché, persiste pendant toute la durée du contrat d'entreprise et ne s'éteint qu'au jour du paiement. Par ailleurs, les parties ne peuvent ni y renoncer, ni y déroger, les dispositions de l'article 1799-1 du Code civil étant d'ordre public . Aussi, le cautionnement qui garantit le paiement des sommes excédant 12 000 euro dues en exécution d'un marché de travaux privé, ne doit-il être assorti d'aucune condition ayant pour effet d'en limiter sa mise en oeuvre . 

Cass. com., 17 février 2021, LawLex202200001096JBJ, Gaz. Pal. 26 octobre 2021, 77, obs. BOUSTANI-AUFAN ; JCP G 2021, chron. 418, n° 21, obs. DELEBECQUE ; Rev. proc. coll. 2021, n° 68, obs. AYNÈS.

Anc. art. 2374, 4°, C. civ. abrogé :" Les créanciers privilégiés sur les immeubles sont : (…) Les architectes, entrepreneurs, maçons et autres ouvriers employés pour édifier, reconstruire ou réparer des bâtiments, canaux ou autres ouvrages quelconques, pourvu néanmoins que, par un expert nommé d'office par le tribunal judiciaire dans le ressort duquel les bâtiments sont situés, il ait été dressé préalablement un procès-verbal, à l'effet de constater l'état des lieux relativement aux ouvrages que le propriétaire déclarera avoir dessein de faire, et que les ouvrages aient été, dans les six mois au plus de leur perfection, reçus par un expert également nommé d'office (…).

Tombé en désuétude - d'où sa suppression - ce privilège supposait la mise en œuvre d'une procédure d'inscription lourde et complexe, de sorte que les architectes et assimilés lui préfèrent en général la constitution d'hypothèque conventionnelle ou judiciaire.

Cette garantie de paiement a été instituée par l'article 5 de la loi n° 94-475 du 10 juin 1994, relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, qui a ensuite introduit l'article 1799-1 du Code civil.

C. civ., art. 1799-1, al. 1er: “Le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l'article 1779 doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat”.

Rennes, 14 septembre 2017, LawLex202200009616JBJ ; Rouen, 12 janvier 2022, LawLex202400006540JBJ ; Chambéry, 17 janvier 2023, LawLex202400006122JBJ ; Aix-en-Provence, 22 juin 2023, LawLex202400006541JBJ.

Cass. 3e civ., 9 septembre 2009, LawLex202200009561JBJ.

Colmar, 8 mars 2017, LawLex202200009601JBJ.

Cass. 3e civ., 13 janvier 2009, LawLex202200009606JBJ.

Cass. 3e civ., 7 avril 2016, LawLex202200009559JBJ.

Cass. 3e civ., 13 octobre 2016, LawLex202200009564JBJ ; Chambéry, 17 janvier 2023, LawLex202400006122JBJ, retenant que le maître d'ouvrage est débiteur de l'obligation de délivrer une garantie de paiement dès la signature du marché, laquelle peut être sollicitée à tout moment, même après la résiliation du contrat, dès lors que le montant des travaux n'a pas été intégralement réglé, la possibilité d'une compensation future avec une créance du maître de  l'ouvrage ne dispensant pas celui-ci de l'obligation légale de fournir  la garantie de paiement du solde dû sur le marché.

Cass. 3e civ., 15 novembre 1968, LawLex202200009607JBJ, précisant que le maître d'ouvrage ne doit le paiement du solde du prix qu'une fois que l'entrepreneur a procédé à l'achèvement des travaux par la suppression des malfaçons, leur réception définitive n'étant pas établie.

Cass. 3e civ.,15 septembre 2016, LawLex202200003869JBJ ; V. en ce sens, Rouen, 12 janvier 2022, LawLex202400006540JBJ. 

Rouen, 12 janvier 2022, LawLex202400006540JBJ, retenant que la garantie instaurée par l’article 1799-1 du Code civil est d’ordre public et que les parties ne peuvent y déroger ; Aix-en-Provence, 22 juin 2023, LawLex202400006541JBJ, précisant que les dispositions de l’article 1799-1 du Code civil sont d’ordre public, de sorte que la garantie peut être exigée par l’entrepreneur à tout moment tant qu’il reste des sommes impayées, y compris en référé mais elle ne doit pas se heurter à une contestation sérieuse. 

Cass. 3e civ., 4 mars 2021, LawLex202200009566JBJ, JCP G 2021, 418, n° 2, obs. SIMLER ; D. 24 mars 2021, obs. GARCIA ; Constr. -Urb. 2021, n° 5, 69, obs. SIZAIRE.

Cass. 3e civ., 21 mai 2003, LawLex202200006731JBJ : A contrario, le paiement sans aucune réserve vaut approbation des travaux exécutés, de sorte qu’un maître de l'ouvrage ne peut plus le contester sauf à démontrer qu'il a commis une erreur ou qu'il a été trompé, Rennes, 15 septembre 2022, LawLex202400006042JBJ.

Cass. com., 3 janvier 1991, LawLex202400005716JBJ.

Poitiers, 26 octobre 2012, LawLex202200004302JBJ.

Paris, 30 juin 2010, LawLex202200004200JBJ.

Cass. 3e civ., 16 décembre 1987, LawLex202200008814JBJ.

C. civ., art. 2332  : “Outre celles prévues par des lois spéciales, les créances privilégiées sur certains meubles sont : (…) 2° Les frais de conservation d'un meuble, sur celui-ci  (…)”.

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