Contrats d'affaires

Le maître d'ouvrage est tenu de prendre livraison de la chose et de “réceptionner” le travail de l'entrepreneur. 

L'obligation de prendre de livraison, qui n'a lieu d'être que lorsque le contrat d'entreprise porte sur une chose corporelle, consiste pour le maître d'ouvrage dans l'acte matériel de venir la retirer chez l'entrepreneur, sauf stipulations contraires mettant la livraison à la charge d …

Obligation de prendre livraison et réception de l'ouvrage

STRICKLER, Le défaut de retirement en matière de contrat d'entreprise, JCP E, 1994, 393.

Le maître d'ouvrage est tenu de prendre livraison de la chose et de “réceptionner” le travail de l'entrepreneur. 

L'obligation de prendre de livraison, qui n'a lieu d'être que lorsque le contrat d'entreprise porte sur une chose corporelle, consiste pour le maître d'ouvrage dans l'acte matériel de venir la retirer chez l'entrepreneur, sauf stipulations contraires mettant la livraison à la charge de ce dernier. Le manquement à cette obligation de retirement est sanctionné par la loi. Lorsque le contrat d'entreprise porte sur un meuble destiné à être façonné, réparé ou nettoyé, une loi du 31 décembre 1903 relative à la vente de certains objets abandonnés permet à l'entrepreneur de saisir la justice pour faire vendre aux enchères les objets non retirés passé un certain délai , et se faire ainsi payer, sur le produit de la vente, sa prestation et les éventuels frais de conservation de la chose . Le propriétaire peut s'opposer à la vente par exploit signifié au professionnel, sachant que cette opposition emporte de plein droit citation à comparaître à la première audience de la juridiction qui a autorisé la vente .

La réception consiste pour le maître d'ouvrage à acquiescer au travail exécuté par l'entrepreneur. Selon l'avant-projet du droit des contrats spéciaux, “la présentation de l'ouvrage achevé au client oblige celui-ci à le réceptionner” , la réception s'entendant comme “l'acte juridique par lequel le client déclare accepter l'ouvrage, avec ou sans réserves” . En reprenant la définition de l'actuel article 1792-6 du Code civil en matière de contrats de construction ,  l'avant-projet entend ainsi généraliser cette définition à tous les autres marchés, dès lors que la réception est une composante essentielle du contrat d'entreprise et que le travail à exécuter peut aussi bien porter sur un meuble que sur un immeuble.

Si, lorsque le contrat d'entreprise porte sur un objet mobilier corporel, la livraison se confond en pratique avec la réception, la jurisprudence distingue entre les deux lorsque le contrat porte sur un immeuble. Selon la Haute juridiction, la réception ne consiste pas seulement dans la livraison de l'ouvrage, mais aussi dans l'approbation du travail réalisé par le maître d'ouvrage . La réception, qui est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, avec ou sans réserves, a pour objet de consacrer l'accord des parties sur sa conformité aux termes du contrat tandis que la livraison, qui est le fait pour le constructeur de mettre son cocontractant en possession de l'immeuble, se caractérise par la remise effective des clés et suppose que les travaux pouvant rester à achever ou à reprendre ne lui interdisent pas d'y habiter dans des conditions normales . La réception peut être intégrale ou partielle . La réception définitive de l'ouvrage ne peut intervenir qu'après l'achèvement des travaux par la suppression des malfaçons . 

La réception emporte différentes conséquences. D'abord, c'est à compter de la réception définitive des travaux que le maître d'ouvrage est tenu de régler le prix ou le solde du prix des travaux réalisés par l'entrepreneur . En l'absence de réception, il ne saurait y avoir transfert de la garde de l'ouvrage et des risques . En effet, à défaut de réception de l'ouvrage, la charge des risques doit être supportée par l'entrepreneur, même si la destruction de la chose constitue pour lui un cas de force majeure imprévisible et irrésistible . En outre, la réception sans réserves couvre les défauts de conformité apparents . Par ailleurs, la réception de l'ouvrage - avec ou sans réserves - met fin au contrat d'entreprise  et marque le point de départ des garanties dues par l’entrepreneur en faisant courir les délais des actions en responsabilité contre lui . 

La réception peut prendre différentes formes: elle peut être expresse , tacite  ou judiciaire . La réception tacite a donné lieu à un contentieux abondant. Selon la Haute juridiction, la prise de possession ne vaut réception tacite que si, intervenant après l'achèvement des travaux, elle révèle l'approbation du maître d'ouvrage . Cette prise de possession doit être caractérisée par une volonté non équivoque du client d'accepter les travaux . La réception tacite est présumée, lorsque la prise de possession se cumule avec le paiement intégral des travaux facturés par l'entrepreneur . En l'absence de réception amiable, la réception judiciaire peut être ordonnée si les travaux sont en état d'être reçus , c'est-à-dire s'il satisfait à sa destination, ce qui n'exclut pas l'existence de réserves .

L. 31 décembre 1903, art. 1er : “Les objets mobiliers confiés à un professionnel pour être travaillés, façonnés, réparés ou nettoyés et les navires et bateaux de plaisance déposés chez un professionnel pour être réparés, entretenus, conservés ou gardés, et qui n'auront pas été retirés dans le délai d'un an pourront être vendus dans les conditions et formes déterminées par les articles suivants. S'il s'agit de véhicules terrestres à moteur, motocycles à deux ou trois roues ou quadricycles à moteur, le délai prévu au premier alinéa est réduit à trois mois”.

Cass. 3e civ., 9 mai 1972, LawLex202300000668JBJ. – V. déjà Cass. 3e civ.,10 décembre 1970, LawLex202300000665JBJ, précisant en matière de construction immobilière, qu'au cours de l'édification d'un immeuble la garde du terrain et des constructions appartient à l'entrepreneur, cette garde n'étant restituée ou transférée au propriétaire du sol et maître de l'ouvrage qu'après la réception. – V. Avant-projet du droit des contrats spéciaux, art. 1178, alinéa 3: “Sauf stipulation contraire, [la réception] emporte transfert de propriété et des risques de l’ouvrage”.

Cass. 3e civ., 19 février 1986, LawLex202200004167JBJ.

Cass. 3e civ., 20 janvier 1982, LawLex202200009741JBJ ; 16 décembre 1987, LawLex202200008814JBJ. – V. également : Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, art. 1778 : “La réception couvre tout vice ou défaut de conformité apparents n'ayant pas fait l'objet de réserves (…)”.

Cass. 3e civ., 6 septembre 2018, LawLex202200003859JBJ, RDI 2018, 552, obs. BOUBLI ; Constr.-Urb. 2018, 143, obs. SIZAIRE.

Avant-projet du droit des contrats spéciaux, art. 1178, alinéa 2.

Avant-projet du droit des contrats spéciaux, art. 1175 : “La réception expresse est contradictoire. Quand la réception est expresse, les réserves doivent l'être aussi”.

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, art. 1774, al. 2.

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, art. 1777.

Cass. 3e civ., 8 octobre 1974, LawLex202200003860JBJ.

Cass. 3e civ., 4 octobre 1989, LawLex202200007711JBJ, retenant que le fait pour les maîtres de l’ouvrage de prendre possession des lieux sans dresser de manière contradictoire le procès-verbal de réception ne suffit pas à caractériser leur volonté non équivoque d’accepter les travaux, et, partant que cette prise de possession vaut réception tacite  ; Cass. 3e civ.,  23 mai 2024, LawLex202400003920JBJ, relevant que dès lors que les travaux de réparation en cause comprenaient un temps de latence entre le gros oeuvre et les finitions, destiné à observer le comportement du bâtiment, et que les travaux de finition n'ont été ni exécutés ni payés, la seule circonstance que le maître de l'ouvrage occupait déjà les lieux avant l'exécution des travaux, qui ne permet pas de présumer une réception tacite, ne caractérise pas sa volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage.

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, art. 1172.

Cass. 3e civ., 16 mars 1994, LawLex202200007552JBJ, RDI 1994, 455, obs. MALINVAUD et BOUBLI. – V. Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, art. 1176 : “La réception peut être tacite si est caractérisée une volonté non équivoque du client d'accepter l'ouvrage. La prise de possession de l'ouvrage et le paiement du solde du prix font présumer la volonté non équivoque du client de le recevoir, avec ou sans réserves” ; V. pour des illustrations récentes, Poitiers, 3 juin 2020, LawLex202200011068JBJ, retenant que la réunion d'une prise de possession par le maître de l'ouvrage  et du paiement de l'intégralité ou de la quasi-intégralité du prix crée  une présomption de réception tacite, avec ou sans réserve ; Pau, 21 mai 2024, LawLex202400005134JBJ, relevant que la réception peut être tacite dès lors que  la prise de possession manifeste une volonté non équivoque d'accepter  l'ouvrage à condition qu'elle s'accompagne d'autres éléments tels que  le paiement du prix ; Toulouse, 28 mai 2024, LawLex202400006795JBJ ; Chambéry, 18 juin 2024, LawLex202400006796JBJ.

Cass. 3e civ., 12 octobre 2017, LawLex202200007845JBJ, RDI 2018, 31, obs. BOUBLI ; JCP G 2017, 1371, obs. KARILA ; Constr.-Urb. 2017, 163, obs. PAGES-DE-VARENNE. V. déjà, Cass. 3e civ., 30 juin 1993, LawLex202200007850JBJ ; Defrénois 1993, 1431, obs. AUBERT ; RDI 1993, 511, obs. MALINVAUD et BOUBLI ; D. 1994, 124, obs. ATIAS : une cour d'appel saisie d'une demande de prononcé de la réception judiciaire se doit de rechercher si les travaux sont, lors de la prise de possession, en état d'être reçus.

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, art. 1777 : “La réception peut être prononcée judiciairement avec ou sans réserves si l'ouvrage satisfait à sa destination”.

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, art. 1774.

C. civ., art. 1792-6 al. 1er : “ La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves”.

Montpellier, 5 avril 2012, LawLex202200004786JBJ.

Pour une application en matière de construction, Cass. 3e civ.,16 novembre 2010, LawLex202200007540JBJ, Defrénois 2012, 40289, obs. PERINET-MARQUET : La réception partielle par lots n'est pas interdite par la loi. 

Cass. 3e civ., 15 novembre 1968, LawLex202200009607JBJ.

Cass. 3e civ., 8 octobre 1974, LawLex202200003860JBJ. L'avant-projet reprend cette solution jurisprudentielle à l'article 1774 in fine : “Sans réserve, [la réception] rend le prix, ou le solde du prix, exigible ”.

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301. Obligation de prendre livraison et réception de l'ouvrage(1)

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