Contrats d'affaires

Aux termes de l’article 13-1, alinéa 1, de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975, “l’entrepreneur principal ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l’ouvrage qu’à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu’il effectue personnellement”. L’entrepreneur, qui cède valablement sa créance, ne peut en poursuivre le recouvrement aup …

Conditions de l'opposabilité au sous-traitant

Aux termes de l’article 13-1, alinéa 1, de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975, “l’entrepreneur principal ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l’ouvrage qu’à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu’il effectue personnellement”. L’entrepreneur, qui cède valablement sa créance, ne peut en poursuivre le recouvrement auprès du maître d’ouvrage . Lorsque l’entrepreneur principal cède à la banque, non seulement une partie de sa créance sur le maître d’ouvrage, mais également la partie correspondant aux travaux sous-traités, l’établissement de crédit ne peut opposer au sous-traitant aucun droit sur les sommes dues par le maître d’ouvrage pour ces derniers travaux . En effet, l’article 13-1, alinéa 2, de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 précise que l’entrepreneur principal ne peut céder ou nantir l’intégralité des créances résultant du marché qu'à la condition “d’obtenir, préalablement et par écrit, le cautionnement personnel et solidaire visé à l’article 14 de la présente loi, vis-à-vis des sous-traitants”. Il n'en résulte pas pour autant qu'en imposant cette obligation à l'entrepreneur principal le législateur ait entendu réduire la nature et la portée de la garantie prévue par l’article 14 de la même loi en faveur du sous-traitant .

En l’absence de tout conflit entre les sous-traitants et le banquier cessionnaire, le maître d’ouvrage, débiteur cédé, n’est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l’article 13-1, alinéa 2 , qui bénéficient au seul sous-traitant . La loi de 1975 ne met, par ailleurs, aucune obligation à la charge du cessionnaire de la créance résultant du marché sous-traité envers le maître d’ouvrage auquel ce dernier ne peut reprocher de faute . En outre, soumis à une obligation de surveillance, le maître d’ouvrage, qui connaît la présence du sous-traitant sur le chantier, doit veiller à la mise en œuvre des dispositions protectrices de la loi de 1975 à l’égard des sous-traitants, ce qui englobe les dispositions concernant les cessions de créances visées à l’article 13-1 .

En l’absence de fourniture, préalable et par écrit, d’un cautionnement personnel et solidaire, par l’entrepreneur principal, la cession de sa créance sur le maître d’ouvrage, correspondant à sa dette envers le sous-traitant, est inopposable à ce dernier , nonobstant l’existence d’une convention d’escompte liant l’entrepreneur principal à la banque et l’absence de faute de celle-ci . Il importe peu, par ailleurs, que la cession et le paiement effectué pour en assurer l’exécution soient intervenus antérieurement à l’exercice de l’action directe du sous-traitant contre le maître d’ouvrage . De même, le sous-traitant de premier rang, qui est considéré, aux termes de l’article 2 de la loi de 1975, comme un entrepreneur principal à l’égard du sous-traitant de second rang, ne peut céder les créances résultant du marché que pour le prix des travaux qu’il a effectués personnellement . A défaut de cautionnement personnel et solidaire, une telle cession est, sans égard à sa date de notification, inopposable au sous-traitant, même occulte, du seul fait qu’elle est intervenue en fraude de ses droits . 

La méconnaissance des dispositions de l’article 13-1 n’entraîne pas l’annulation de la cession de créance, mais fait obstacle au paiement, par le maître d’ouvrage, au profit du cessionnaire, des sommes dues au titre des travaux que l’entrepreneur principal n’a pas personnellement effectués . Cependant, le maître d’ouvrage peut exercer, après subrogation, l’action en restitution bénéficiant au sous-traitant dont la créance a été cédée en violation des dispositions de l’article 13-1, sans qu’une caution préalable ait été fournie, dès lors que cette action, qui n’est pas personnelle, a été transmise au maître de l’ouvrage et peut être exercée contre le cessionnaire du montant des travaux sous-traités . Il peut également invoquer, à l’égard du cessionnaire, l’inopposabilité de la cession de créance faite en fraude des droits du sous-traitant lorsque celui-ci exerce l’action directe prévue par l’article 12 de la loi de 1975 . Aussi, lorsque le sous-traitant a agi en indemnisation de son préjudice sur le fondement quasi-délictuel de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 et n'est, par conséquent, pas en conflit avec le cessionnaire pour l’attribution des sommes dues par le maître d’ouvrage en exécution du marché de travaux, la demande en paiement de la banque à l’encontre du maître d’ouvrage doit-elle être rejetée puisqu’il est impossible pour ce dernier, débiteur cédé, de payer au cessionnaire le prix de travaux que le cédant n’a pas réalisés lui-même, alors que le sous-traitant n’a pas été indemnisé sur le fondement d’une action directe mais sur un fondement quasi-délictuel .

Enfin, les prescriptions de l’article 13-1, alinéa 1, ne peuvent être valablement opposées aux banques cessionnaires qu’à la condition que la loi française soit applicable au contrat liant le cédant et le sous-traitant . Il appartient aux juges du fond de caractériser l’existence d’un lien de rattachement de l’opération avec la France au regard de l’objectif de protection des sous-traitants poursuivi par le texte . A cette condition, le sous-traitant étranger ayant contracté avec une société française bénéficie de la même protection que le sous-traitant français . La Cour de cassation considère que ni la circonstance que le recours au sous-traitant ait permis à l’entreprise principale française, dont le siège social est situé à Paris, de remplir ses obligations et de recevoir en contrepartie le paiement de ses factures, ni le fait que le financement de cette société soit assuré par des banques françaises ne suffisent à caractériser l’existence d’un tel lien dès lors que le financement de l’entrepreneur principal et la satisfaction de ses objectifs économiques ne répondent pas au but de l’article 13-1. La Cour ajoute que la situation, sur le territoire français, du siège social de l’entreprise principale, ne constituant pas un critère suffisant et que l’Italie étant le pays bénéficiaire économique de l’opération de sous-traitance, la condition du lien de rattachement à la France, exigée pour faire une application immédiate à l’opération litigieuse des dispositions de l’article 13-1, n’est pas remplie en l’absence de tout autre critère de rattachement à la France qui soit en lien avec l’objectif poursuivi, tels que le lieu d’établissement du sous-traitant, mais également le lieu d’exécution de la prestation ou la destination finale des produits sous traités, lesquels sont tous rattachés à l’Italie .

Cass. 3e civ., 16 mars 2022, LawLex202200005194JBJ, D. 12 mai 2022, obs. GARCIA ; Constr. Urb. 2022, n° 5, 53, obs. SIZAIRE, qui casse l’arrêt d’appel qui retient, pour condamner le maître d’ouvrage à payer au liquidateur de l’entreprise principale une somme correspondant au solde non contesté du marché de cette entreprise, qu’en l’absence de tout conflit entre le cessionnaire et le sous-traitant, il n’y a pas d’obstacle au paiement, par le maître de l’ouvrage, du prix du marché, alors qu’elle a constaté que la créance a été cédée à la banque, qui, seule, peut en poursuivre le recouvrement.

Cass. 3e civ., 29 mai 1991, LawLex202200004979JBJ, D. 1992, 117, obs. BENABENT ; RDI 1991, 480, obs. MALINVAUD et BOUBLI.

Cass. com., 4 janvier 1994, LawLex202200005383JBJ.

Cass. 3e civ., 30 janvier 2007, LawLex202200005386JBJ, RDI 2007, 416, obs. BOUBLI et PERINET-MARQUET, qui casse l’arrêt d’appel qui retient, pour condamner l’entrepreneur principal à payer une somme à la banque, que le sous-traitant de second rang ne saurait valablement soutenir que la cession de créance du sous-traitant de premier rang sur l’entrepreneur principal a été faite en fraude de ses droits puisque cette cession a été notifiée au débiteur cédé, suivant bordereau, opposable aux tiers, avant que ce débiteur n’ait eu connaissance de la créance litigieuse dont le règlement lui a été réclamé.

Cass. 3e civ., 17 janvier 2019, LawLex202200005389JBJ, RDI 2019, 69, obs. PERINET-MARQUET ; Constr.-Urb. 2019, 25, Obs. SIZAIRE, qui casse l’arrêt d’appel qui retient, pour rejeter la demande en paiement de la banque à l’encontre du maître d’ouvrage, qu’en application de l’article 13-1 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975, l’entrepreneur principal ne pouvant procéder à une cession de créance relative aux travaux sous-traités, la cession de créance est nulle.

Cass. 3e civ., 16 juin 2016, LawLex202200005089JBJ, RDI 2017, 81, obs. PERINET-MARQUET, qui ajoute que la faute du cessionnaire, qui est antérieure au paiement effectué par le maître d’ouvrage, est la seule cause de l’action subrogatoire dès lors qu’il n’a pas exercé un contrôle minimal sur la validité de la cession de créance, alors que les dispositions de l’article 13-1 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance impliquent le contrôle, par la banque, de l’obtention de la caution écrite préalable à la cession de la partie de créance correspondant aux travaux sous-traités.

Cass. 3e civ., 16 mars 2022, LawLex202200005194JBJ, préc.

Cass. com., 19 décembre 2006, LawLex202200004893JBJ, Dr. et patr. déc. 2007, 83, obs. ANCEL ; Banque et droit juill.-août 2007, 38, obs. AFFAKI et STOUFFLET.

Cass. com., 27 avril 2011, LawLex202200003727JBJ, D. 2011, 1654, obs. LE BOS ; D. 2011, 2438, obs. D'AVOUT ; JDI 2012, 148, obs. VAREILLES-SOMMIERES ; Rev. crit. DIP 2011, 624, rapp. PIERRE, obs. ANCEL, qui casse l’arrêt d’appel qui retient, pour dire que les cessions de créances consenties par l’entrepreneur principal aux banq ues étaient inopposables au sous-traitant en application de l’article 13-1 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 et confirmer la condamnation du maître d’ouvrage au paiement direct de la somme restant due à ce dernier, que cette loi étant une loi de protection du sous-traitant et de sauvegarde de l'organisation économique du pays, elle doit être considérée comme une loi de police.

Cass. com., 20 avril 2017, LawLex202200003721JBJ, D. 2017, 2054, obs. D'AVOUT et BOLLEE ; D. 2018, 966, obs. CLAVEL et JAULT-SESEKE ; AJ contrat 2017, 289, obs. PIRONON ; RDI 2018, 221, obs. PERINET-MARQUET ; JDI 2018, 125, obs. BRIERE ; Rev. crit. DIP 2017, 542, obs. BUREAU.

Cass. com., 20 avril 2017, LawLex202200003721JBJ, préc.

Cass. 3e civ., 18 juillet 2001, LawLex202200005258JBJ. RDI 2002, 56, obs. PERINET-MARQUET ; Constr.-urb. 2001, 201, obs. SIZAIRE.

Cass. com., 18 juin 2002, LawLex202200005384JBJ, RDBF 2002, n° 174, 253, obs. CREDOT et GERARD ; 3 décembre 2002, LawLex202200005385JBJ.

Cass. com., 13 novembre 2007, LawLex202200005387JBJ, D. 2007, 3004, obs. DELPECH ; RTD com. 2008, 410, obs. BOULOC ; RD transp. 2008, n° 2, obs. DELEBECQUE ; Banque et Dr. 3-4/2008, 16, obs. BONNEAU.

Cass. com., 13 novembre 2007, LawLex202200005387JBJ, préc.

Cass. 3e civ., 6 juillet 2010, LawLex202200005388JBJ, RDI 2010, 545, obs. PERINET-MARQUET.

Cass. com., 22 novembre 1988, LawLex202300004642JBJ, D. 1989, 189, obs. VASSEUR ; D. 1989, 212, obs. BENABENT ; RTD com. 1989, 281, obs. MARTIN-SERF ; RJ com. 1989, 252, obs. GAVALDA ; RDI 1989, 54, obs. MALINVAUD et BOUBLI ; RDBF 1989, 108, obs. CREDOT et GERARD ; JCP G 1990, II, 21396, obs. SYNVET ; JCP E 1989, II, 15574, obs. DUBOIS ; 3 décembre 2002, LawLex202200005385JBJ, préc., selon laquelle les cessions de créances pratiquées en contravention à l’interdiction édictée par l’article 13-1 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975, ne sont pas nulles mais seulement inopposables aux sous-traitants concernés ; Cass. 3e civ., 18 mars 1992, LawLex202200004939JBJ, D. 1994, 151, obs. BENABENT ; RDI 1992, 328, obs. MALINVAUD et BOUBLI, qui casse l’arrêt d’appel qui retient, pour déclarer opposable au sous-traitant la cession, par l’entrepreneur principal, d’une créance portant, pour partie, sur des sommes correspondant aux travaux sous-traités, et limiter, en conséquence, la somme que le maître de l’ouvrage lui restait devoir, qu’il n’est pas établi que le cessionnaire de la créance de l’entrepreneur principal envers le maître de l’ouvrage, ait eu connaissance du contrat de sous-traitance et que cette cession, effectuée antérieurement à l’exercice de l’action directe, soit intervenue en fraude des droits du sous-traitant.

Cass. com., 12 février 1991, LawLex202200005174JBJ, RDI 1991, 222, obs. MALINVAUD et BOUBLI ; RDI 1991, 347, obs. MALINVAUD et BOUBLI.

Cass. com., 16 mai 1995, LawLex202200005256JBJ, qui casse l’arrêt d’appel qui retient que les dispositions des articles 11 à 15 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 et les sanctions qu’elles prévoient ne sont édictées que dans le cadre de l’action directe du sous-traitant et pour les sommes encore dues par le maître de l’ouvrage à la date où elle est exercée ; Colmar, 8 février 2023, LawLex202300002946JBJ : si la cession, par l’entrepreneur principal, de l’intégralité des créances nées du marché est inopposable au sous-traitant, pour sa part correspondant aux fournitures et prestations assurées par celui-ci, l’inopposabilité peut être invoquée par le sous-traitant, même s’il exerce l’action directe après paiement effectué par le maître d’ouvrage.

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