Contrats d'affaires

Aux termes de l’article 14 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975, une caution bancaire n’a pas lieu d’être fournie lorsque “l’entrepreneur délègue le maître de l’ouvrage au sous-traitant dans les termes de l’article 1338 du Code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant”. La délégation de paiement, qui est imposée par le texte à peine de nullité, consiste pour  …

Conditions de mise en oeuvre

Aux termes de l’article 14 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975, une caution bancaire n’a pas lieu d’être fournie lorsque “l’entrepreneur délègue le maître de l’ouvrage au sous-traitant dans les termes de l’article 1338 du Code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant”. La délégation de paiement, qui est imposée par le texte à peine de nullité, consiste pour l’entrepreneur principal, délégant, à obtenir du maître d’ouvrage, le délégué, qu’il s’oblige envers le sous-traitant, délégataire, qui l’accepte comme débiteur (art. 1336, al. 1, C. civ.).

La délégation opère novation en application de l’article 1337, alinéa 1, du Code civil. Dès lors que le contrat stipule que l’entrepreneur principal est dégagé de toute obligation de paiement vis-à-vis du sous-traitant à concurrence des sommes dont le paiement par le maître d’ouvrage est prévu, la délégation est parfaite, le créancier ayant expressément entendu décharger le débiteur, ce qui exclut toute possibilité pour le sous-traitant de demander paiement à l’entrepreneur principal . A l’inverse, lorsque le sous-traitant ne l’a pas déchargé de sa dette, la délégation est imparfaite et n’opère pas novation . Dans ce cas, la délégation donne, aux termes de l'article 1338 du Code civil, au délégataire un second débiteur et le paiement fait par l’entrepreneur ou le maître d’ouvrage libère l’autre, à due concurrence.

Le sous-traitant, auquel aucun texte n’impose d’exiger de l’entrepreneur principal ou du maître d’ouvrage une délégation de paiement , ne peut pas renoncer aux droits que lui confèrent les dispositions d’ordre public de l’article 14 de la loi de 1975 . Cependant, la preuve de l’accord du maître de l’ouvrage sur la délégation de paiement proposée par l’entrepreneur principal, au moment de la conclusion du contrat, doit être apportée . Elle ne peut découler de l’acceptation du sous-traitant et de l’agrément des conditions de paiement du contrat de sous-traitance . Ainsi, la délégation de paiement, annexée au contrat, qui n’est signée que par l’entrepreneur principal et le sous-traitant, n’a pas valeur de délégation de paiement lorsqu’elle ne comporte aucun engagement du maître d’ouvrage, l’apposition d’un simple tampon de ce dernier ne suffisant pas à constituer cet engagement, et que l’entrepreneur principal produit un second exemplaire du document, identique au premier, sauf en ce qu’il est revêtu de la signature du représentant du maître de l’ouvrage, mais qu’il n’est pas l’exemplaire annexé au contrat de sous-traitance .

La Cour de cassation considère que la clause de la convention emportant délégation de paiement au bénéfice du sous-traitant à concurrence des sommes dues au titre du contrat de sous-traitance, qui stipule que “le maître de l’ouvrage ne procédera au règlement des situations présentées par le sous-traitant que sur ordre de l’entreprise principale”, ne peut être valablement opposée au sous-traitant dès lors qu’à la date de la signature de cette convention, le maître d’ouvrage connaissait le montant des travaux de maçonnerie sous-traités et savait que ces travaux étaient achevés . En effet, l’ordre de paiement n’est ni une condition de validité ni un élément constitutif de la délégation, mais une modalité de son exécution . Si sa mise en œuvre n’est pas subordonnée à l’action directe et peut être appliquée de manière autonome, la délégation de paiement doit porter sur l’ensemble de la prestation du sous-traitant, de sorte qu’elle doit inclure les livraisons déjà effectuées avant sa signature, sauf au maître d’ouvrage à démontrer que ces livraisons ont déjà été payées . Le sous-traitant ne bénéficie, en principe, de la délégation de paiement qu’à concurrence du montant des prestations à exécuter. Le maître d’ouvrage ne peut être tenu du paiement correspondant à des travaux complémentaires à moins d'établir qu'il avait connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier pour la réalisation de ces nouveaux travaux .

En vertu de l’article 1336 du Code civil, le maître d’ouvrage ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au sous-traitant aucune exception tirée de ses rapports avec l’entrepreneur principal ou des rapports entre ce dernier et le sous-traitant. Même s’il instaure le principe d’inopposabilité des exceptions, ce texte n’interdit pas d’y déroger. Toutefois, la Cour de cassation estime que dès lors que la délégation de paiement relève des dispositions impératives de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, il est interdit aux parties de déroger à l’interdiction faite au maître d’ouvrage d’opposer au sous-traitant les exceptions tirées des rapports entre ce dernier et l’entrepreneur principal . En revanche, la convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître d’ouvrage, comme le prescrit l’article 14 de la loi de 1975, mais l’entrepreneur principal, ne constitue pas une délégation de paiement au sens de ce texte . Dans ce cas, la délégation de paiement est soumise aux seules dispositions supplétives de l’article 1336 du Code civil, de sorte que les parties peuvent déroger à l’interdiction faite au délégué d’opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire .

Cass. 3e civ., 15 décembre 1993, LawLex202200003868JBJ.

Toulouse, 10 janvier 2018, LawLex202300005045JBJ.

Cass. 3e civ., 12 juin 2002, LawLex202200005102JBJ, JCP E 2003, 369, obs. LUTUN.

Cass. 3e civ., 7 juin 2018, LawLex202200005381JBJ, D. 2018, 1624, obs. PELLIER ; RDI 2019, 270, obs. PERINET-MARQUET ; Const.-Urb. 2018, 105, obs. SIZAIRE, qui casse l’arrêt d’appel qui retient que, si la délégation consentie par l’entrepreneur principal au maître d’ouvrage prive ce dernier de la possibilité d’opposer au sous-traitant des exceptions tirées de son contrat avec l’entrepreneur principal, elle ne lui interdit pas de lui opposer les exceptions inhérentes à la dette de l’entrepreneur principal résultant des travaux sous-traités ou celles résultant de ses rapports personnels avec le sous-traitant, de sorte que le maître de l’ouvrage est recevable à contester les factures comme aurait pu le faire l’entrepreneur principal en l’absence de délégation de paiement ; Cass. 3e civ., 1er février 2024, LawLex202400006701JBJ.

Cass. 3e civ., 23 novembre 2023, LawLex202300014184JBJ ; Orléans, 9 avril 2024, LawLex202400006920JBJ.

Cass. 3e civ., 23 novembre 2023, LawLex202300014184JBJ, préc.

Cass. 3e civ., 5 juin 1996, LawLex202200005086JBJ, RDI 1996, 573, obs. MALINVAUD et BOUBLI ; JCP G 1996, II, 22715, n° 72, 10, obs. PERINET-MARQUET ; Gaz. Pal. 1998, 328, obs. PEISSE ; Constr. - Urb. n° 3, Mars 2017, 40, obs. SIZAIRE ; 19 janvier 2017, LawLex202200005234JBJ, Const.-Urb. 2017, 40, obs. SIZAIRE, qui désapprouve les juges du second degré d’avoir reproché au sous-traitant de n’avoir pas demandé une délégation de paiement au maître d’ouvrage ni ne l’a informé des difficultés rencontrées avec l’entrepreneur principal avant la date de réception des travaux, alors que la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 ne lui impose aucune diligence particulière à l’égard de l’entrepreneur principal ou du maître de l’ouvrage.

Cass. 3e civ., 4 février 2004, LawLex202200005377JBJ, RDI 2004, 441, obs. PERINET-MARQUET ; Constr.-Urb. 2004, n° 48, obs. SIZAIRE ; Nîmes, 16 juin 2021, LawLex202200004075JBJ.

Cass. 3e civ., 8 novembre 2000, LawLex202200005130JBJ, qui casse l’arrêt d’appel qui retient qu’aucun texte n’exige une acceptation expresse du maître d’ouvrage en matière de délégation de paiement ; 4 février 2004, LawLex202200005377JBJ, préc. ; 26 septembre 2007, LawLex202200005138JBJ, D. 2007, AJ 2533, obs. DELPECH ; JCP 2008, I, 104, 17, obs. BARTHEZ ; 10 juillet 2012, LawLex202200005378JBJ, RDI imm. 2012, 503, PERINET-MARQUET, qui casse l’arrêt d’appel qui retient que le sous-traité comprend une clause dégageant l’entrepreneur de toute obligation de paiement vis-à-vis du sous-traitant à concurrence des sommes dont le paiement direct par le maître de l’ouvrage est prévu au marché, même en cas de retard ou de non-paiement par celui-ci et que cette clause s’analyse en une délégation parfaite ; 27 avril 2017, LawLex202200005380JBJ, RTD civ. 2017, 636, obs. BARBIER ; RDI 2018, 222, obs. PERINET-MARQUET, selon laquelle la preuve de l’accord du maître de l’ouvrage sur la délégation de paiement proposée par l’entrepreneur principal, au moment de la conclusion du contrat, doit être apportée.

Cass. 3e civ., 26 septembre 2007, LawLex202200005138JBJ, préc. ; Cass. com., 11 février 2014, LawLex202100005021JBJ, qui ajoute que la demande d’agrément du sous-traitant présentée au maître d’ouvrage, qui l’a accepté, stipulant un “paiement direct par le maître de l’ouvrage à 30 jours le 15”, ne contient aucune délégation de débiteur donnée par l’entrepreneur principal au maître de l’ouvrage, aucune acceptation de celui-ci de s’obliger envers le créancier ni aucune déclaration expresse du sous-traitant déchargeant le débiteur en vertu d’une délégation emportant novation.

Cass. 3e civ., 27 avril 2017, LawLex202200005380JBJ, préc.

Cass. 3e civ., 23 mai 2007, LawLex202300004635JBJ, qui ajoute qu’une expertise ultérieure, ordonnée sur la demande du maître d’ouvrage, a permis d’établir qu’il n’existait pas de désordres concernant les travaux effectués et que le prix demandé était conforme aux prix habituellement pratiqués.

Cass. 3e civ., 23 mai 2007, LawLex202300004635JBJ, préc. ; 19 décembre 2012, LawLex202200005379JBJ, qui casse l’arrêt d’appel qui retient que la délégation de paiement, qui fait la loi des parties, a expressément prévu que le maître d’ouvrage ne procéderait au versement des situations présentées par le sous-traitant que sur ordre de l’entrepreneur principal, qu’il ne s’agit pas d’une simple modalité de paiement, mais de l’instauration d’une procédure de vérification par l’entrepreneur principal du bien-fondé des prétentions du sous-traitant, et que faute d’exercice par l’entrepreneur de sa fonction de vérificateur et de donneur d’ordre de paiement, le sous-traitant ne peut revendiquer le versement du montant des deux factures par l’entrepreneur principal.

Rennes, 7 juillet 2022, LawLex202200004079JBJ.

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