Contrats d'affaires

Le contrat par lequel une entreprise offre à son co-contractant un travail ou un service réalisé par son propre personnel placé sous sa direction et sous sa responsabilité avec pour objet la réalisation d'une tâche objective, définie avec précision et habituellement rémunérée de façon forfaitaire constitue un contrat d'entreprise voire de sous-traitance . Le contrat de sous-traitance suppose l'ind …

Existence d'un lien de subordination

Le contrat par lequel une entreprise offre à son co-contractant un travail ou un service réalisé par son propre personnel placé sous sa direction et sous sa responsabilité avec pour objet la réalisation d'une tâche objective, définie avec précision et habituellement rémunérée de façon forfaitaire constitue un contrat d'entreprise voire de sous-traitance . Le contrat de sous-traitance suppose l'indépendance et l'absence de subordination de celui exécutant le travail, son personnel devant conserver une autonomie dans la réalisation des travaux confiés . En cela, il se distingue du contrat de travail qui implique nécessairement l'existence d'une relation subordonnée entre l'employeur et le salarié.  

Aux termes de l'article L. 8221-6 du Code de travail, l'existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque des professionnels fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordres dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanent à l'égard de celui-ci. Ainsi, des relations qui unissent une société et quatre artisans constituent des relations de travail, dès lors que les ouvriers ne jouissent pas d’une véritable indépendance pour l’exécution de leur travail, qu’ils l’effectuent sous le contrôle de la société qui les rémunère mensuellement par un salaire fixe, et sont ainsi intégrés dans un ensemble les plaçant en état de dépendance économique et de subordination juridique qui caractérise l’existence d’un contrat de travail et la fictivité d'un contrat de sous-traitance . Les artisans, chauffeurs de taxis, ambulanciers, ou commerçants loueurs de véhicules, qui sont missionnés par une société pour le transport rapide de colis sur le territoire français et qui sont qualifiés de sous-traitants sur leur contrat, sont en réalité des salariés, dès lors qu’ils perçoivent une rémunération fixe et régulière versée mensuellement en fonction d’un taux kilométrique, qu’ils sont astreints au respect d’une discipline interne à l’entreprise et soumis à des sujétions nombreuses et importantes concernant les horaires et itinéraires ou la présentation extérieure du véhicule et son contrôle, qu’ils sont liés par une clause d’exclusivité avec la société et ainsi soumis à un lien de subordination et intégrés dans un service organisé par la société qui est leur employeur . De même, un chauffeur routier se trouve placé dans un lien de subordination qui caractérise l'existence d'un contrat de travail et non de sous-traitance, en dépit de l'inscription au registre du commerce et des sociétés laquelle ne constituait qu'une simple présomption de non-salariat et de l'embauche d'un personnel de remplacement qui lui permettait de fournir la prestation de travail demandée par personne interposée, pour prendre du repos, dès lors que le commissionnaire de transport lui donne des directives précises, définit la périodicité et les horaires de travail, et sanctionne par la rupture des relations contractuelles l'impossibilité où le chauffeur s'est trouvé d'effectuer ses tournées, en raison d'un congé maladie . 

Le contrat de sous-traitance n'exclut pas cependant toute possibilité de contrôle de l'entrepreneur principal sur le sous-traitant dès lors que ce dernier conserve suffisamment d'indépendance vis-à-vis de l'entrepreneur principal pour que les obligations qui pèsent sur lui ne soient pas constitutives d'un lien de subordination . Il n'en résulte pas pour autant un lien de subordination au sens du droit du travail. La Cour de cassation a en effet retenu que l’entreprise à laquelle il a été confié les travaux de fondation, de maçonnerie et de génie civil, dont les rapports avec son cocontractant sont uniquement régis par une lettre de commande prescrivant d’exécuter un travail déterminé payé en fonction des quantités et à partir des prix unitaires, sans cahier des charges, qui n’a pas d’initiative à prendre en ce qui concerne les études du sol, déjà réalisées, qui doit fournir pour une certaine date, au visa de l’entrepreneur principal, les plans et notes de calcul des ouvrages, ce dernier tenant à conserver un pouvoir de contrôle sur la tâche confiée, n’est pas liée par un contrat de travail mais par un contrat de sous-traitance, dès lors que ces éléments ne suffisent pas à caractériser un lien de subordination . Il en est également ainsi en cas de contrat de louage de services liant un médecin dont l'indépendance professionnelle dans l'exercice même de son art n'est pas incompatible avec l'état de subordination qui résulte de ce contrat .

Certains auteurs considèrent que la clientèle constitue l'un des critères le plus sûr pour distinguer les deux contrats. Ils observent en effet que l'existence d'une clientèle fait indubitablement obstacle à une requalification du contrat d'entreprise en contrat de travail  .

Le louage d'ouvrage peut par ailleurs receler un risque de prêt illicite de main-d'œuvre. En vertu de l'article L. 8241-1, alinéa 1, du Code du travail, le prêt de main-d'oeuvre est interdit, sauf lorsque l'opération est réalisée dans le cadre du travail temporaire , lorsqu'elle ne poursuit pas de but lucratif , ou lorsqu'elle porte sur une opération licite de sous-traitance . Là encore, l'existence d'un lien de subordination, qui exclut d'office la sous-traitance, est déterminante pour la qualification de la relation contractuelle. Le prêt de main-d’œuvre est une convention conclue entre deux sociétés dont le seul objet est la mise à disposition de salariés prévoyant le transfert du lien de subordination de sorte que l’obligation pour l’utilisateur de payer les prestations est calculée uniquement en fonction du prix de la main d’œuvre sans aucun apport de technique ou de savoir-faire propre à la société fournissant la main d’œuvre . Ainsi, le fait pour une entreprise de prêter à son cocontractant en dehors des règles de travail temporaire, des salariés exécutant des travaux peu spécialisés sous l’autorité de membres de l’entreprise utilisatrice qui ne règle que le coût de la main-d’œuvre et non les charges sociales et financières, de sorte que le but lucratif de l’opération est caractérisé, constitue un contrat de prêt de main d’œuvre et non une convention de sous-traitance  . De même, une société dont l'intervention s'est presque exclusivement limitée, à des dates déterminées par l'entrepreneur principal, qui a conservé la maîtrise de l'approvisionnement du matériel, à des prestations de main-d'œuvre pour des tâches de pose et de réglage sur des éléments qui lui étaient fournis, n'est pas un sous-traitant car elle n'a pas exécuté une partie autonome et identifiable du contrat d'entreprise . 

En revanche, une opération ne peut être qualifiée de prêt de main-d’œuvre illicite dès lors que les tâches qui la constituent sont clairement définies et effectuées sous la direction exécutive du sous-traitant lequel utilise ses propres matériaux et bénéficie d’une rémunération forfaitaire . De même, le fait de devoir rendre compte du travail, d'être tenu d'une obligation de résultat et d'être responsable de la bonne exécution des travaux, du respect, par le personnel placé sous ses ordres, des règles de sécurité, d'hygiène et de discipline en vigueur sur le site, loin de refléter un prêt de main-d'œuvre, constitue au contraire la marque d'une sous-traitance . La sous-traitance ne dissimule pas non plus de prêt de main-d'œuvre illicite lorsque des salariés effectuent pour le compte de l'entreprise utilisatrice une tâche spécifique et restent sous l'autorité de leur employeur et que le prix des prestations fournies en exécution du contrat de sous-traitance est calculé de manière forfaitaire . 

Paris, 15 janvier 2009, LawLex202300003590JBJ.

Nancy, 7 juin 2021, LawLex202200005050JBJ.

Cass. soc., 4 mars 2020, LawLex202400005813JBJ.

Cass. crim., 23 mars 1993, LawLex202300003539JBJ.

Cass. 3e civ., 28 mai 2002, LawLex202200005015JBJ, RD imm. 2003, 62, obs. PERINET-MARQUET.

Cass. crim., 10 septembre 2014, LawLex202200005231JBJ ; Paris, 15 janvier 2009, LawLex202300003590JBJ, considérant que l’exécution d’un contrat de travail dans le cadre d’un contrat de prestations de services conclu entre deux sociétés n’est pas constitutive d’un prêt de main-d’œuvre illicite dès lors que l’entreprise prêteuse qui apporte son savoir-faire à travers ses méthodes, l’intervention de son personnel qualifié d’attachés commerciaux et son encadrement, exerce le lien de subordination dans le cadre de prestations dont le prix est fixé de façon annuel et forfaitaire avec facturation mensuelle.

Versailles, 29 mai 2008, LawLex202200005012JBJ, précisant que la fourniture d'études non plus que l'agrément du sous-traitant ne sont consubstantiels à la sous-traitance, le prix pratiqué n'étant nullement démonstratif d'un prêt de main-d'œuvre.

Cass. soc., 6 février 2008, LawLex202300003584JBJ.

Cass. crim., 29 octobre 1985,LawLex202200005071JBJ, Gaz. Pal. 7 janvier 1986, n° 5 à 7, obs. DOUCET, retenant en outre que la volonté des parties à un contrat est impuissante à soustraire des travailleurs au statut social qui découle nécessairement des conditions d’accomplissement de leur tâche, dès lors que les juges du fonds ont le pouvoir, dans une matière d’ordre public telle que le droit du travail, d’interpréter les contrats qui unissent les parties afin de leur restituer leur véritable nature juridique.

Cass. soc., 27 février 1992, LawLex202200005018JBJ.

Cass. soc., 8 juillet 2003, LawLex202200005073JBJ, D. 2004, 383, obs. PASQUIER.

Cass. soc., 27 février 1992, LawLex202200005017JBJ.

Cass. 3e civ., 17 février 1982, LawLex202200005017JBJ.

Cass. crim., 5 mars 1992, LawLex202200004187JBJ.

MALAURIE et AYNES, Cours de Droit civil – Les contrats spéciaux civils et commerciaux, 717, 413, éd. CUJAS.

Pour une application, V.  Paris, 15 janvier 2009, LawLex202300003590JBJ.

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