Contrats d'affaires

Le “louage d’ouvrage”, plus communément appelé “contrat d'entreprise”, est défini par l’article 1710 du Code civil comme “un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles”. Cette définition imprécise a entraîné des difficultés de qualification, au regard d'autres conventions, notamment du contrat de vente, auxquelles la juri …

Contrat d'entreprise

LABARTHE, Les conflits de qualification (Éléments de réflexion à partir de la distinction entre le contrat d'entreprise et d'autres contrats), Les droits et le Droit, Mélanges dédiés à Bernard Bouloc, D. 2007, 539.

Le “louage d’ouvrage”, plus communément appelé “contrat d'entreprise”, est défini par l’article 1710 du Code civil comme “un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles”. Cette définition imprécise a entraîné des difficultés de qualification, au regard d'autres conventions, notamment du contrat de vente, auxquelles la jurisprudence a tenté de pallier en identifiant les éléments caractéristiques du contrat d’entreprise.  

Alors qu'aux termes de l'article 1582 du Code civil, “la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer”, il résulte des dispositions de l’article 1710 que l'une des parties, l’entrepreneur, s'engage à faire quelque chose pour l'autre, le maître d’ouvrage, contre rémunération. Le contrat d’entreprise implique donc de la part de l’entrepreneur l’exécution d’une obligation de faire, par opposition à l’obligation de donner, qui, classiquement caractérise le contrat de vente . 

La Haute juridiction a donc posé le principe selon lequel le contrat qui porte, non sur des choses dont les caractéristiques sont déterminées d'avance par le fabricant, mais sur un travail spécifique, pour les besoins particuliers exprimés par le maître d'ouvrage, constitue un contrat d'entreprise , et non un contrat de vente . La caractérisation d'un travail spécifique exclut la possibilité de production en série . Ainsi, la prestation accomplie par une société, qui comprend le remplacement de plusieurs produits par des éléments en série qu’elle fabrique sans qu’elle n’ait à fournir un travail spécifique en vertu d’indications particulières rendant impossible de substituer au produit commandé un autre équivalent, et qui de ce fait ne présente pas un caractère unique, s’inscrit dans le cadre d’un contrat de vente . Ce “travail spécifique” induit, selon les juges, une certaine complexité de l'ouvrage à effectuer, qui se traduit par une fabrication sur-mesure, incompatible avec l'existence d'un contrat de vente, qui réside dans une obligation de fourniture moyennant le paiement d'un prix. Ainsi, une prestation qui consiste dans la fourniture et la pose d'une chose, opération complexe, qui répond à un besoin particulier, exige une étude préalable et s'exécute en plusieurs phases, sans se limiter à la simple livraison de ladite chose, constitue un contrat d'entreprise et non un contrat de vente . De même, le contrat qui porte sur la réalisation d'une station de découpe de jetons, qui ne constitue pas une machine standard, mais une machine fabriquée sur mesure spécialement pour être utilisée dans le cadre d'un projet innovant du maître d’ouvrage, selon les critères expressément spécifiés par ce dernier, s'analyse en un contrat d'entreprise . En revanche, constitue un contrat de vente le contrat par lequel une entreprise fabrique un câble à fibre optique destiné à un dispositif de télécommunication pour une autre entreprise, dès lors que les parties ont déterminé, ensemble et à l’avance, les modalités de fourniture dudit câble et que les spécifications données par l’acheteur ne représentent que le minimum d’informations indispensables à l’examen de la demande, qui font simplement référence aux caractéristiques de la fourniture et de son emploi, sans impliquer une connaissance dans la façon de les satisfaire, ni traduire une exigence impliquant une confection particulière .

Parfois, les juges font prévaloir le critère du prix pour retenir la qualification de contrat de vente, dès lors que dans le cadre d'une vente, les parties doivent nécessairement s'entendre sur la chose et le prix pour que le contrat soit valablement formé, alors qu'un accord préalable sur le montant exact de la rémunération ne constitue pas un élément essentiel du contrat d'entreprise . La partie qui commande une machine destinée à la découpe sur mesure de baguettes fabriquées est liée à son cocontractant par un contrat de vente, et non un contrat d’entreprise, la qualification que les parties ont donné à leur contrat étant indifférente, dès lors que l’objet du devis accepté est une commande de machine moyennant le versement d’un prix, ce qui correspond à la définition du contrat de vente, et que la dernière page du devis contient des conditions générales de vente . De même, constitue un contrat de vente le contrat par lequel une partie s’engage à fournir une certaine quantité d’eau brute à une autre partie en contrepartie du paiement d’une somme d’argent à échéances régulières, dès lors que l’objet du contrat n’est pas l’exécution d’un travail mais la fourniture d’une chose de genre .

Parfois, en présence d'une convention comportant une obligation de faire et de donner consistant dans “la fourniture de matière”, la qualification peut être ardue. La Haute juridiction considère que le contrat constitue un contrat de vente, et non un contrat d'entreprise, lorsque l'élément “matière” l'emporte sur l'élément “façon” , et réciproquement. Lorsque l'un ne prévaut pas sur l'autre, la Cour de cassation estime que le contrat peut être qualifié de convention complexe comportant à la fois un louage d’ouvrage et une vente de fournitures .

Avant la réforme du droit des contrats en 2016, l'ancien article 1136 du Code civil de 1804 distinguait entre l’obligation de donner et les obligations de faire et ne pas faire, visées à l’ancien article 1142, mais cette classification a été abandonnée depuis lors.

Cass. com., 4 juillet 1989, LawLex200600002119JBJ ; D. 1990, 246, obs. VIRASSAMY ; JCP G 1990, II, 21515, obs. DAGORNE-LABBE ; RDI, 1990, 370, obs. MALINVAUD et BOUBLI ; RTD civ. 1990, 105, obs. REMY, portant sur la commande d'une installation de distillation ; Cass. 1re civ., 14 décembre 1999, LawLex202100006380JBJ, sur la fourniture et l'installation de moteurs sur un bateau de pêche ; Cass. 3e civ., 20 avril 2022, LawLex202200003797JBJ, pour une commande de projecteurs.

Cass. com., 27 novembre 2001, LawLex202100006383JBJ.

Cass. 1re civ., 27 avril 1976, LawLex202100006400JBJ, énonçant que le contrat par lequel une personne fournit à la fois son travail et des objets mobiliers destinés à s’intégrer dans le décor familial est considéré comme une vente dès lors que le travail en constitue l’accessoire. 

Cass. 3e civ., 16 mars 1977, LawLex202100006459JBJ, JCP N 1978, II, n°18913, obs. ASLER.

Cass. 3e civ., 11 juillet 2012, D. 2012, 2540, chron., obs. PIC, GEORGET et GUILLAUDIER : RDI 2012, 575, obs. DESSUET : le contrat par lequel une entreprise fournit un kit de ferraillage avec un plan fabriqué par une société qui n’est pas son sous-traitant, est un contrat de vente dès lors que l’entreprise n’est pas chargée d’un travail spécifique.

Versailles, 13 juin 2024, LawLex202400004557JBJ. 

Chambéry, 6 février 2024,  LawLex202400001365JBJ.

Angers, 8 avril 2022, LawLex202200004134JBJ.

Versailles, 7 septembre 2021, LawLex202200004226JBJ, AJCA mars 2019, 145, obs. BUCHER. V. déjà en ce sens, Cass. com., 3 janvier 1995, qualifiant de contrat d'entreprise et non de vente, un contrat portant sur la fabrication de barres de céréales dès lors que les barres de céréales ont été produites à partir de billes fournies par le donneur d'ordre, sur du matériel et selon un processus défini et arrêté par lui, ce dont il résulte que ces produits étaient destinés à répondre à ses besoins particuliers, et ne répondaient pas à des caractéristiques déterminées à l'avance par le fabricant.

Cass. com., 6 mars 2001, LawLex202100006403JBJ, JCP 2001, II, n° 10564, obs. LABARTHE. 

Cass. com., 28 novembre 2000, LawLex202200000806JBJ, JCP 2001, I, 301, obs. LABARTHE ; Contrats Conc. Consom. 2001, n° 38, obs. LEVENEUR.

Lyon, 14 avril 2022, LawLex202200002123JBJ.- V. dans le même sens, Cass. com., 5 décembre 2018, LawLex201900002105JBJ, AJCA mars 2019, 145, obs. BUCHER.

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