Contrats d'affaires

Une partie peut-elle remettre en cause une clause relative à la détermination du prix, ou même le prix lui-même, en faisant valoir que cette clause traduit une soumission à un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, autrement dit qu’elle est abusive ? Cela est possible dans les relations entre professionnels, mais pas entre professionnel et consommateur.
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Déséquilibre significatif

Une partie peut-elle remettre en cause une clause relative à la détermination du prix, ou même le prix lui-même, en faisant valoir que cette clause traduit une soumission à un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, autrement dit qu’elle est abusive ? Cela est possible dans les relations entre professionnels, mais pas entre professionnel et consommateur.

Plusieurs dispositifs répriment les clauses abusives.

Au sein du Code de la consommation, l’article L. 212-1 dispose que “ dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ”. Mais cette disposition exclut expressément le contrôle de l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu. Le juge ne peut donc, sous peine d'anéantir la liberté contractuelle des parties, se prononcer ni sur la légitimité de la rémunération convenue, ni sur sa proportionnalité.

La lutte contre les clauses abusives constitue l’une des innovations majeures introduites par l’ordonnance 2016-131 dans le Code civil. L’article 1171 nouveau répute ainsi non écrite “ toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dans tous les contrats d’adhésion ”. Toutefois, comme l’article L. 212-1 du Code de la consommation, il précise que “ l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation ”. Le prix convenu entre les parties  ne saurait donc être remis en cause sur le fondement de cette disposition, dont le champ d’application est limité aux contrats d’adhésion.

Le déséquilibre significatif dans les contrats entre professionnels est régi par l’article L. 442-1, I, 2° nouveau du Code de commerce. Initialement, l’ancien article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, devenu l'article L. 442-1, I, 2° permettait d'appréhender toute relation de dépendance  ou tout déséquilibre entre partenaires économiques dès lors qu'ils donnaient lieu à un abus. Puis, à la suite de l'abandon de la référence à la situation de dépendance, trop difficile à démontrer, s’est instauré un véritable contrôle des clauses abusives entre professionnels . Cette disposition a connu une dernière évolution avec la suppression de la référence à la notion de partenariat commercial à la suite de l’entrée en vigueur de l’ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019 .

L’article L. 442-1, I, 2° prévoit que le fait de soumettre ou de tenter de soumettre la partie cocontractante à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé. Le texte précise qu’il relève du “ cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat ” et s’applique “ à toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ”. Revenant sur le champ d’application ratione materiae de cette disposition, la Cour d’appel de Paris  a estimé que les dispositions de l'article L. 442-1, I, 2° (ancien art. L. 442-6, I, 2°) du Code de commerce, qui ne s'appliquent qu'aux activités de production, de distribution ou de services, ne peuvent être invoquées pour apprécier les modalités de détermination du prix de vente d'un fonds de commerce. La Haute juridiction a entériné cette position en énonçant que le prix de vente d'un fonds de commerce, qui résulte de la libre négociation des parties, ne peut être apprécié au regard des dispositions relatives au déséquilibre significatif .

Il demeure cependant que, contrairement aux deux autres dispositifs régissant les clauses abusives précités, l’article L. 442-I, 2° n’exclut pas que le déséquilibre significatif puisse résulter d’une inadéquation du prix au bien vendu. C’est précisément ce qu’a retenu la Cour de cassation par un arrêt remarqué du 25 janvier 2017  en apportant d’importantes précisions. D’abord, le principe de libre négociabilité institué par la loi sur la modernisation de l’économie ne signifie pas que les réductions de prix obtenues par un distributeur puissent être dénuées de contrepartie ou de justification. Ainsi, l’obtention de réductions de prix sous la forme de ristournes de fin d’année, par un distributeur qui ne fournit aucune contrepartie, calculées sur un chiffre d’affaires très supérieur à celui sur lequel il s’est engagé, et versées par acomptes avant qu’il ait réglé le prix des marchandises, traduit l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. En outre, lorsque le déséquilibre observé résulte non du niveau des prix consentis au distributeur, mais du mécanisme de mise en œuvre de la ristourne, le juge n’est pas tenu d’évaluer le juste prix et d’apprécier si celui obtenu s’en écarte significativement. Enfin, la soumission des fournisseurs à des obligations déséquilibrées peut résulter du fait que la ristourne obtenue figure non dans leurs conditions générales de vente, mais dans une annexe aux contrats cadres prérédigée par le distributeur et signée par tous, sans négociation effective, alors qu’il existe une contradiction entre certaines clauses et que le seul élément distinctif, le taux de la ristourne, procède non d’une négociation, mais de sa prédéfinition par le distributeur.

Pour sa part, le Conseil constitutionnel estime que les dispositions de l'article L. 442-1, I, 2° du Code commerce, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, qui autorisent un contrôle judiciaire du prix dès lors que celui-ci ne résulte pas d'une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les obligations des partenaires commerciaux, ne sont contraires ni au principe de la légalité des délits et des peines, ni aux libertés contractuelle et d'entreprendre .

Il réprimait le fait “ d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées (…) ”.

LEROY et BEAUMONT, Le déséquilibre significatif permet un contrôle judiciaire du prix convenu entre les parties, RLDA, 2017, 6186 ; VANNI et MARTIN, De l'ordre dans le déséquilibre significatif ?, RLC, 2017, 3147 ; ERÉSÉO, Déséquilibre significatif : la Cour de cassation enterre la libre négociabilité des prix, LD, février 2017, 1 ; HENRY, Clauses abusives dans les contrats commerciaux : état des lieux dix ans après, AJ Contrat 2018, 370 ; OUIAL BASSILANA, RESTREPO, COLOMBANI, Le déséquilibre significatif dans les contrats commerciaux : nouvel outil de lutte contre les GAFA, AJ Contrat 2018, 471 ; Louis et Joseph VOGEL, Le droit du déséquilibre significatif : une contrainte de plus en plus forte pour les entreprises, BRDA 9/18, 27 ; CHANTEPIE et SAUPHANOR-BROUILLAUD, Déséquilibre significatif, Rép. com. Dalloz, mai 2019 ; BEHAR-TOUCHAIS, La nécessité de tenir compte de la rentabilité du contrat dans l'analyse du déséquilibre significatif ou de la disproportion, in Mélanges en l'honneur du Professeur Gilbert Parleani, IJRS Editions, 2021, 25 ; CHAUDOUET, La déséquilibre significatif, LGDJ, 2021 ; HAMELIN, De la disproportion au déséquilibre économique, RLC 2022, n° 4194.

Portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

Paris, 10 avril 2019, LawLex201900000537JBJ.

Cass. com., 16 mars 2022, LawLex202200001723JBJ.

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Cons. Constit., 30 novembre 2018, LawLex201800001830JBJ, JCP 2018, n° 1638 et RDC 2019, 68, obs. BÉHAR-TOUCHAIS ; LD décembre 2018, 1, obs. ERÉSÉO ; LEDICO janvier 2019, 4, obs. GRIMALDI ; AJ Contrat 2019, 29, obs. BUY ; D. 2019, 285, obs. MEKKI ; RLC 2019, n° 3540, obs. LEROY et BEAUMONT ; D. 2019, 787, obs. N. FERRIER ; Concurrences 2/2019, 110, obs. FOURGOUX ; RJDA 2019, n° 139.

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