Contrats d'affaires

Aux termes de l’article L. 420-2 du Code de commerce, “ l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci est prohibée. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établ …

Abus de position dominante

Aux termes de l’article L. 420-2 du Code de commerce, “ l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci est prohibée. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ”.

Mais cette liste de pratiques n’est pas exhaustive. La lutte pour la conquête de la clientèle n'autorise pas non plus tous les comportements, surtout de la part d'une entreprise qui, du fait de sa position dominante , encourt une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte à une concurrence effective et non faussée sur le marché. Dans une récente affaire, l’Autorité de la concurrence a considéré  que “ même si le rôle d'une autorité de concurrence est avant tout de protéger les conditions concurrentielles d'une libre fixation des prix par les acteurs du marché et non pas d'être un régulateur des prix et de leurs augmentations, il n'est pas exclu que, dans certaines circonstances, lorsqu'une entreprise en position dominante dispose, en l'absence d'une réglementation ou d'une régulation de ses tarifs, de la latitude suffisante pour imposer des conditions commerciales inéquitables au regard du contexte juridique et économique dans lequel elles sont mises en œuvre, elle puisse apprécier la politique tarifaire de l'entreprise, et la sanctionner au regard des règles relatives aux abus de position dominante ” .

Une entreprise en position dominante n’est donc pas libre d’adopter n’importe quelle politique de prix. Il ne lui est ainsi pas loisible de s’aligner postérieurement sur les prix d’un concurrent pour l’évincer , d’adopter des stratégies de prix imposés  ou de prix prédateurs tendant à éliminer un concurrent du marché , de pratiquer des prix excessivement élevés  ou excessivement bas , de mettre en œuvre des offres provoquant un effet de ciseau tarifaire  ou encore d’imposer des prix inéquitables .

Comme en matière d’ententes, tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par l’article L. 420-2 est nul (art. L. 420-3, C. com) et la participation frauduleuse à une pratique abusive est punie d'un emprisonnement de quatre ans et d'une amende de 75000 euro (art. L. 420-6, C. com).

La position dominante désigne une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs, CJCE, 14 février 1978, United Brands Company, aff. 27-76, LawLex200200004112JBJ, RTD eur. 1978, 302, obs. DELANNAY ; Cah. dr. eur., 1978, 617-633, obs. CHRISTOYANNOPOULOS.

Décision Aut. conc. n° 18-D-17 du 20 septembre 2018, LawLex201800001372JBJ, RDC 2018, 595, obs. PRIETO.

Paris, 7 mai 1997, LawLex200200003233JBJ.

Décision Cons. conc. nº 99-D-45 du 30 juin 1999, LawLex200200002829JBJ : la politique d'un fournisseur en position dominante, qui a pour objet et pour effet de limiter la liberté commerciale de ses revendeurs grossistes et détaillants et de restreindre la concurrence entre eux en leur imposant un prix minimum de revente, est contraire à l'article L. 420-2.

Décision Cons. conc. nº 94-D-30 du 24 mai 1994, LawLex200200003059JBJ, relevant que des prix inférieurs aux coûts moyens variables ou inférieurs aux coûts moyens totaux, s'il est établi qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie de prédation, sont des prix prédateurs constitutifs d'abus de position dominante; n° 07-D-39 du 23 novembre 2007, LawLex200700001915JBJ, Rev. Lamy dr. aff., 2007, n° 1355, obs. ANADON ; Contrats Conc. Consom., 2008, n° 21, obs. BOSCO ; RLC, 2008/14, n° 974, obs. SELINSKY ; Concurrences, n° 1-2008, 119, obs. WACHSMANN ; Concurrences, n° 1-2008, 173, obs. LEMAIRE ; RDC, 2008, 802, obs. IDOT et PRIETO.

Cass. com., 4 décembre 2001, LawLex200200002236JBJ, Contrats Conc. Consom. 2002, nº 31, obs. POILLOT-PERUZZETTO  et nº 46, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RTD com., 2002, 296, obs. CLAUDEL : la mise en oeuvre d'une tarification à un prix sans rapport raisonnable avec le coût de la prestation fournie, constitutive d'abus de position dominante.

Cass. com., 9 juin 2021, LawLex202100003697JBJ, Contrats Conc. Consom. 2021, n° 139, obs. BOSCO : l'offre par une entreprise en position dominante de prix de 15 à 30 % inférieurs à ses coûts pour remporter les contrats les plus importants, qui auraient permis aux nouveaux entrants sur le marché de se développer, sans avoir égard à la rentabilité de l'opération, caractérise son intention d'éliminer la concurrence et s’analyse comme une politique visant à protéger sa position dominante.

Décision Cons. conc. nº 04-D-48 du 14 octobre 2004, LawLex200400002369JBJ, RDLC, n° 1-2005, 66, obs. SPECTOR, retenant que La pratique de ciseau tarifaire consistant pour un opérateur, généralement verticalement intégré, fixant à la fois les tarifs de détail sur un marché et le tarif d'une prestation intermédiaire nécessaire pour l'accès au marché de détail, à ne pas laisser subsister entre les deux tarifs un espace suffisant pour permettre à un concurrent de couvrir ses autres coûts liés la fourniture de la prestation de détail, constitue un abus de position dominante ; Cass. com., 3 mars 2009, LawLex200900000932JBJ, M. Chagny, Comm. com. électr. 2009, comm. n° 55. ; G. Decocq, Contrats, conc., consom. 2009, n° 142 ; Sibony, Concurrences, n° 2-2009, 118 à 120 ; Maitrepierre, Concurrences, n° 2-2009, 183 ; RJDA 2009, n° 893 ; Claudel, RTD com. 2010, 89 ; Europe 2009, chron. 2, p. 6 ; Sibony, Concurrences, n° 2-2009, 118 à 120, précisant qu’une pratique de ciseau tarifaire produit un effet anticoncurrentiel si un concurrent potentiel aussi efficace que l'entreprise dominante verticalement intégrée, auteur de la pratique, ne peut entrer sur le marché aval qu'en subissant des pertes.

V. Cass. com., 7 juillet 2021, LawLex202100004874JBJ, Contrats Conc. Consom. 2021, n° 152, obs. BOSCO ; RJDA 1/22, chron., 3, obs. LORIEUL, précisant qu’une augmentation tarifaire, qui consiste dans la fixation d'un prix, ne revêt de caractère inéquitable, et donc abusif, que si le prix est en lui-même inéquitable, sauf si l'entreprise en position dominante viole le contrat qui la lie à son client pour lui imposer une augmentation tarifaire avant l'heure.

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