Introduction

Convention écrite

Déséquilibre significatif

Rupture brutale des relations établies

Enquête de concurrence – Droit français

Action civile de concurrence

Droit français de la concurrence

Enquête de concurrence – Droit européen

Droit européen de la concurrence

Restrictions verticales

Droit de la distribution

Responsabilité du fait des produits défectueux

Droit de la consommation

Prohibition des mesures d’effet équivalent

Droit européen des affaires

Corruption

Compliance

Droit économique

Pacte d’actionnaires

Révocation des dirigeants

Abus du droit de vote

Sociétés

Action en contrefaçon

Droits conférés par la marque

Conditions de la brevetabilité

Propriété industrielle

Révision du loyer commercial

Renouvellement du bail commercial

Déspécialisation

Baux commerciaux

Réforme du droit des contrats

Réforme du droit des contrats spéciaux

Avant-contrat de vente

Obligation de délivrance conforme

Qualification du contrat d’entreprise

Effets du mandat à l’égard des tiers

Contrats d’affaires

Contrats en cours

Revendications

Plan de cession

Procédures collectives

Atteintes aux données personnelles

Droit pénal des affaires

Droit commercial

Le droit des affaires en 500 questions

La doctrine fait généralement valoir que le préjudice doit être apprécié compte tenu de la marge nette ou semi-brute car en l’absence de poursuite des relations, une grande partie des frais liés à l’activité ne sont plus supportés par l’entreprise. De manière contestable, la jurisprudence s’est longtemps référée à la perte de marge brute liée à l’insuffisance du préavis .

La Cour d’appel de Paris …

Selon quels critères le préjudice est-il évalué ?

L’article L. 442-1, II du Code de commerce sanctionne la rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie, sans préavis écrit suffisant. Initialement, destinée à lutter contre la pratique des déréférencements abusifs opérés par certains distributeurs, sa rédaction en termes très généraux permet son application à l’ensemble des relations commerciales. Elle légalise :

la nécessité de respecter un délai de préavis raisonnable dans le cadre de relations commerciales établies ;

une extension considérable du champ d’application de la rupture de relations commerciales établies, qui couvre la quasi-totalité des professionnels.

Les règles spéciales prévoyant des délais de préavis, telles que celles concernant les contrats-types de transport public de marchandises ou les contrats d’agence commerciale demeurent applicables.

Même s’il a pu paraître légitime d’imposer un préavis en cas de rupture de relations, l’évolution du droit français des relations commerciales établies s’est révélée préoccupante.

La protection accrue des cocontractants a eu pour revers le maintien obligatoire pendant de longs préavis de courants d’affaires avec des partenaires qui ne sont pas nécessairement les plus compétitifs, sous peine d’engager sa responsabilité. La faute grave qui permet de se dispenser de préavis a été interprétée strictement .

Cette protection a conduit à l’octroi d’indemnités automatiques du seul fait du non-respect du préavis, au profit de partenaires qui n’ont pourtant subi aucun préjudice, puisqu’ils ont pu se reconvertir .

La perte d’efficience qui en est résulté s’est accompagnée d’autres effets pervers. Pour prévenir le risque de condamnation pour rupture brutale de relations commerciales établies, des entreprises ont mis en œuvre une politique de précarisation de la relation par le lancement permanent d’appels d’offres ou l’arrêt des relations avec tout fournisseur dépassant un certain taux de dépendance.

S’il n’est pas possible de priver, même partiellement, un partenaire par avance du droit à un préavis garanti par la loi, en revanche, une fois la résiliation prononcée, il est possible de transiger sur le litige lié à l’insuffisance alléguée du préavis et de l’aménager .

Pour répondre à certaines de ces préoccupations, l’ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du Livre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées a apporté une modification essentielle au régime de la rupture des relations commerciales établies : la responsabilité de l’auteur de la rupture ne pourra plus être engagée pour insuffisance de préavis, en cas de litige sur la durée de celui-ci, s’il a accordé un préavis de 18 mois. Il aurait cependant été plus judicieux de plafonner la réparation en cas de préavis insuffisant car le texte actuel pourrait conduire les plaideurs à continuer de réclamer des préavis de deux à trois ans en cas d’octroi d’un préavis inférieur à 18 mois.

Il aurait également été utile de préciser que la marge pouvant être obtenue s’entend déduction faite des frais évités, comme a fini par l'énoncer la Cour de cassation elle-même . Il est également regrettable, puisque ce critère ne constitue pas, selon une jurisprudence constante, un élément d’appréciation des indemnités accordées à la partie résiliée, que le texte ne fasse pas de la reconversion un critère à part entière dans la fixation de la durée du préavis. Enfin, le législateur aurait pu affirmer que l’application de cette mesure protectionniste à des contrats soumis au droit français destinés à être exécutés en dehors du territoire national ne se justifie pas.

Le manquement d'une partie à la clause d'objectifs ne constitue pas une faute suffisamment grave pour justifier une rupture immédiate des relations commerciales, même en présence d'une clause résolutoire en ce sens.

Cass. com., 5 avr. 2018, LawLex201800000568JBJ.

En cas d'insuffisance du préavis accordé dans le cadre d'une résiliation ordinaire, le partenaire évincé peut bénéficier d'une indemnité correspondant au nombre de mois de préavis manquants, sans qu'il soit tenu compte de sa reconversion ou de son absence de préjudice réel.

Cass. com., 9 juill. 2013, LawLex201300001090JBJ.

Les partenaires peuvent, lorsque la rupture est consommée, convenir des modalités de celle-ci et/ou transiger sur l'indemnisation, en dépit du caractère d'ordre public de l'article L. 442-1.

Cass. com., 16 déc. 2014, LawLex201400001505JBJ.

Le préjudice principal qui résulte du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont peut encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période.

Cass. com., 28 juin 2023, LawLex202300008431JBJ.

Quel est le contexte de la réglementation ?

Le texte ne vise explicitement aucun type de rapport en particulier, de sorte que la jurisprudence en a étendu l’application à de nombreux domaines :

contrats d’entreprise, telles les prestations de services informatiques ;

activité de formation ou d’enseignement privé ;

relations entre un courtier et son client  ;

Alors que l’article L. 442-1, II issu de l’ordonnance du 24 avril 2019 vise, en tant qu’auteur de la rupture, “ toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ”, l’ancien article L. 442-6, I se référait à “ tout commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ”. En application de ce texte, avaient été considérés comme relevant du champ d’application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce en tant qu’auteurs de la rupture :

une coopérative agricole (même dans le cas où elle exerçait une activité non lucrative, dès lors qu’elle procédait à une activité de production, de distribution ou de service) ;

une mutuelle d’assurances (dans ses rapports avec des carrossiers) ;

certaines associations (dès lors qu’elles exercent une activité de producteur, de commerçant, d’industriel, de prestataire de services ou d’artisan et que le demandeur le fait valoir contre elles) .

La nouvelle rédaction de l’article L. 442-1, II ne devrait pas remettre en cause ces solutions dans la mesure où la référence à “ toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ” autorise une large interprétation .

Le périmètre des victimes était encore plus large et la protection de l’ancien article L. 442-6-I, 5 du Code de commerce avait été accordée à :

Dans sa nouvelle mouture l’article L. 442-1, II ne définit pas plus le statut de victimes de la rupture. Aussi bien les solutions jurisprudentielles antérieures ne devraient-elles pas être remises en cause.

Conseil : Éviter de penser que le préavis ne s’impose qu’aux relations entre commerçants ou aux rapports de distribution.

Le GIE qui conclut un partenariat avec un courtier pour placer des produits d'assurance moyennant le versement de commissions effectue des actes de commerce qui le contraignent au respect d'un préavis raisonnable au sens de l'article L. 442-1, II du Code de commerce.

Paris, 20 déc. 2023, LawLex202400000076JBJ.

Une association telle que la Croix Rouge française, qui exerce une importante activité de prestation de services au travers de ses établissements de santé et de ses programmes de distribution alimentaire, d'aide à domicile et de formation, relève, dans ses relations avec un graphiste, des dispositions de l'article L. 442-1, II du Code de commerce.

TJ Paris, 10 nov. 2023, LawLex202300014475JBJ.

Un syndicat de copropriétaires entretient, en dépit de sa nature civile, une relation commerciale avec une société de services de sécurité incendie, qui entre dans le champ d'application de l'article L. 442-1, II du Code de commerce, lorsque le contrat conclu a exclusivement pour objet d'assurer une prestation de services pour les besoins de l'activité commerciale de ses membres.

L'interdiction de la rupture brutale de relations commerciales établies est-elle limitée aux rapports de distribution ?

Comme la notion de relation commerciale suppose au moins l’exécution d’actes de commerce de manière habituelle, les sociétés civiles immobilières et les sociétés civiles agricoles ne sont pas autorisées à se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-1, II. Les professions réglementées auxquelles leur statut interdit de se livrer à une activité commerciale sont exclues de la protection par la jurisprudence :

Cette exclusion apparaît peu logique, la relation commerciale étant interprétée par la jurisprudence davantage comme une relation d’affaires que comme l’exercice d’actes de commerce au sens strict. En outre, l’évolution de la réglementation va dans le sens d’une autorisation de certaines professions réglementées, comme les experts-comptables et les avocats, à exercer en partie des activités commerciales.

Toutefois, en dehors de ces activités accessoires, la Cour de cassation s'est prononcée en faveur de l'exclusion des experts-comptables du champ d'application de l'article L. 442-1, II .

Ne relèvent pas non plus du texte les personnes dont l’activité se déploie en dehors du secteur concurrentiel, telles que les syndicats , les caisses d’assurance sociale ou les entreprises publiques qui agissent dans le cadre de leur mission de service public .

L'article L. 442-1, II du Code de commerce n'est pas applicable aux relations entre un groupe de sociétés et un conseil en propriété industrielle, qui exerce une profession incompatible avec toute activité de caractère commercial, qu'elle soit exercée directement ou par personne interposée.

Cass. com., 1er déc. 2021, LawLex202100006104JBJ.

Les experts-comptables ne peuvent invoquer les dispositions de l'article L. 442-1, II du Code de commerce dans le cadre de la rupture de relations portant sur des prestations non accessoires.

Cass. com., 10 févr. 2021, LawLex202100000469JBJ.

Contrairement aux activités complémentaires, comme l'accompagnement juridique, administratif ou fiscal, qui peuvent présenter un caractère commercial, l'activité principale de comptabilité exercée par un expert-comptable ne relève pas des dispositions de l'article L. 442-1, II du Code de commerce relatives à la rupture brutale de relations commerciales établies.

Paris, 13 avr. 2023, LawLex202300005683JBJ.

Un syndicat qui n'intervient pas dans le secteur concurrentiel n'est pas tenu au respect du délai prévu par l'article L. 442-1, II du Code de commerce.

TGI Paris, 23 mars 2015, LawLex201500000550JBJ.

L'article L. 442-1, II du Code de commerce ne peut être opposé à un Etat qui agit dans le cadre de l'exercice de ses prérogatives de puissance publique.

Paris, 14 mars 2019, LawLex201900000359JBJ.

L'article L. 442-1, II du Code de commerce n'est pas applicable à la rupture d'un contrat qui entre dans le champ d'application du Code des marchés publics et revêt le caractère d'un contrat administratif.

CAA Nancy, 27 oct. 2015, LawLex201600001675JBJ.

Certaines professions sont-elles exclues de la protection ?

La jurisprudence s’est efforcée de contenir l’expansion du champ d’application du texte, même en cas d’existence d’une relation commerciale, lorsque la durée du préavis a été fixée par le législateur ou le pouvoir réglementaire. Ainsi, ne relèvent pas de l’article L. 442-1, II du Code de commerce :

les agents commerciaux, pour lesquels l’article L. 134-11 du Code de commerce fixe expressément la durée du préavis en fonction de la durée du contrat  ;

les transports publics de marchandises exécutés par des sous-traitants dans la mesure où la sous-traitance se réfère à la loi Loti qui prévoit des durées de préavis généralement plus courtes  ;

les rapports internes à une coopérative  ;

les baux commerciaux, au motif qu’il ne s’agirait pas d’une activité de production de biens ou de prestation de services  ;

les relations entre un banquier et son client en cas de rupture de concours bancaire, qui sont régies par le Code monétaire et financier .

L'article L. 442-1, II du Code de commerce ne s'applique pas à la cessation des relations entre un agent commercial et son mandant.

Cass. com., 18 oct. 2017, LawLex201700001747JBJ.

En l'absence de contrat écrit entre le transporteur et son sous-traitant, la rupture des relations contractuelles est régie par le contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants et non par l'article L. 442-1, II du Code de commerce.

Cass. com., 25 sept. 2019, LawLex201900001140JBJ.

L'article L. 442-1, II du Code de commerce, qui instaure une responsabilité de nature délictuelle, ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants lorsque le contrat-type institué par la LOTI, qui prévoit la durée des préavis de rupture, régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport.

Cass. com., 4 oct. 2011, LawLex201100001572JBJ.

L'exclusion d'un associé coopérateur par la coopérative ne relève pas du champ d'appli- cation de l'article L. 442-1, II du Code de commerce, mais de la loi 10 septembre 1947. Cass. com., 8 févr. 2017, LawLex201700000289JBJ.

Les conditions dans lesquelles les liens entre une société coopérative de commerçants détaillants et un associé peuvent cesser sont régies par les dispositions légales propres aux coopératives et ne relèvent pas de celles de l'article L. 442-1, II du Code de commerce. Cass. com., 16 mai 2018, LawLex201800000752JBJ.

Comp. Les dispositions de l'article L. 442-1, II du Code de commerce sont applicables lors- qu'il s'agit d'apprécier non le lien social entre une coopérative de commerçants détaillants et un associé coopérateur, mais les conditions de la rupture du lien d'affaires entre eux, dès lors que les textes spéciaux ne régissent pas la question du préavis.

Paris, 6 nov. 2019, LawLex201900001348JBJ.

L'article L. 442-1, II qui ne vise que les activités de production de biens ou de prestations de services ne s'applique pas à un bail commercial.

Paris, 27 janv. 2017, LawLex201700000179JBJ.

L'article L. 442-1, II du Code de commerce ne s'applique pas à la rupture ou au non-renouvellement de crédits consentis par un établissement de crédit à une entreprise, opérations exclusivement régies par les dispositions du Code monétaire et financier.

Cass. com., 25 oct. 2017, LawLex201700001719JBJ.

Certaines relations à régime spécial échappent-elles au champ d'application de l'article L. 442-1, II du Code de commerce ?

Le droit de la rupture brutale des relations commerciales établies semble avoir influencé la réforme du droit des contrats résultant de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 dans sa rédaction issue de la loi de ratification du 20 avril 2018, dont certaines dispositions sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 et d’autres le 1er octobre 2018.

Le nouvel article 1211 du Code civil prévoit en effet que “ lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable ”. Les victimes de résiliations de contrats à durée indéterminée exclues de la protection de l’article L. 442-1, II du Code de commerce pourront donc trouver une protection dans le droit commun pour les contrats conclus après le 1er octobre 2016, sauf stipulation d’un préavis contractuel.

La protection est-elle susceptible de s’appliquer en droit commun des relations contractuelles ?

Les partenaires commerciaux doivent entretenir un rapport direct pour relever de l’article L. 442-1, II. Sont donc exclues les relations indirectes entre :

sous-traitant et maître de l’ouvrage (entrepreneur interposé)  ;

fabricant et sous-revendeur (distributeur interposé) .

Toutefois, l’interposition d’un tiers n’empêche pas nécessairement l’applicabilité de l’article L. 442-1, II lorsque :

le fabricant est en rapport direct avec la victime ;

l’interposition n’est que temporaire ;

la personne interposée n’agit qu’à titre de mandataire ;

le tiers est en relation avec la victime et demande à être indemnisé en tant que victime par ricochet de la rupture .

Dans ce dernier cas, la solution est contestable car elle crée un système de responsabilité en cascade gravement préjudiciable à la sécurité juridique des entreprises qui s’exposent au risque d’être poursuivies par tous les sous-traitants ou fournisseurs du partenaire évincé. La jurisprudence après avoir exagérément étendu le champ d’application de l’article L. 442-1, II, est revenue à une appréciation plus stricte de la notion de relation directe. Ainsi le grossiste qui n’a jamais commandé de produits à une société appartenant au même groupe que son fournisseur ne peut être en relation commerciale avec cette dernière. De même, il n’y a pas de relations directes entre un importateur et un transporteur, ce qui exclut le grief de rupture brutale de relations commerciales établies.

La question de l’imputabilité de la rupture se pose aussi lorsque son auteur appartient à un groupe de sociétés. La Cour de cassation se montre réticente à engager la responsabilité solidaire de membres du même groupe .

La Cour de cassation pose deux conditions à la responsabilité solidaire de la société mère : celle-ci doit avoir pris seule la décision de notifier la rupture et les filiales, détenues à 100 %, doivent être privées d’autonomie dans la gestion de la relation .

L’entreprise qui a travaillé pour deux sociétés d’un même groupe ne peut prétendre à l’existence d’une seule relation lorsqu’il n’existe pas de centre de décision unique propre à ces dernières, qui n’interviennent pas sur le même marché, proposent des produits différenciés et lui sont liées par des contrats distincts qu’elles ont résiliés individuellement, même si elles agissent de manière concomitante.

L’identification des partenaires est déterminante en cas de restructuration. Après avoir écarté la possibilité de tenir compte de l’existence de relations commerciales établies pour toute la durée des rapports entretenus avec les repreneurs successifs d’un partenaire commercial, la jurisprudence a admis que s’il reprenait par avenant certaines obligations de son prédécesseur, un repreneur pouvait être considéré comme continuant la relation commerciale initialement nouée avec un distributeur . Il en va de même lorsque le contrat signé par un nouveau fournisseur stipule qu’il annule et remplace les précédents accords conclus entre le client et le tiers et que l’objet de ces contrats est identique.

Afin de poser des limites à l’allongement de la durée des relations commerciales par reprise de l’ancienneté des propriétaires successifs d’un fonds de commerce ayant fait l’objet d’une ou plusieurs cessions, la jurisprudence exige aujourd’hui que le cessionnaire du fonds ait manifesté son intention de poursuivre la relation commerciale initiale établie avec le partenaire commercial comme condition de reprise de l’ancienneté .

La notion de relation commerciale établie étant de nature économique et non juridique, les changements successifs de dirigeants à la tête de la société évincée demeurent sans influence sur l’application de l’article L. 442-1, II. Ainsi, lorsque deux prestataires qui ont la même activité, la même adresse et la même dirigeante se succèdent dans le temps et sans aucune interruption, la relation commerciale initialement nouée entre le client et le premier se poursuit avec le second.

Conseil : Ne pas s’imaginer à l’abri des règles sur le préavis en cas de relations non formalisées.

Le client qui rompt le contrat qui le lie à un prestataire n'engage pas sa responsabilité à l'égard des sous-traitants de ce dernier, en l'absence de relations directes avec ceux-ci.

Cass. com., 21 juin 2017, LawLex201700001109JBJ.

L'article L. 442-1, II du Code de commerce n'est pas applicable entre un fabricant et un distributeur, lorsque ce dernier n'a entretenu de relations commerciales qu'avec l'importateur des produits contractuels.

Cass. com., 3 nov. 2004, LawLex200400002730JBJ.

En l'absence de relation directe avec le fournisseur, le tiers à un contrat de distribution, qui assure de facto son exécution sur une partie du territoire concédé, ne peut, sur le fondement de l'article L. 442-1, II du Code de commerce, se prétendre victime de la rupture notifiée au distributeur.

Paris, 20 nov. 2019, LawLex201900001409JBJ.

Le tiers à une relation commerciale établie, victime par ricochet de la rupture, peut demander à être indemnisé sur le fondement du droit de la responsabilité délictuelle.

Cass. com., 6 sept. 2011, LawLex201100001450JBJ.

La rupture de relations commerciales établies entre un prestataire français et son client thaïlandais ne peut être imputée à la société mère française de ce dernier, qui constitue une personne morale distincte.

Cass. com., 7 mai 2019, LawLex201900000630JBJ.

Dépourvu de la personnalité morale, un groupe de sociétés ne peut s'engager par contrat, ni constituer un partenaire commercial au sens de l'article L. 442-1, II du Code de commerce.

Cass. com., 16 oct. 2019, LawLex201900001237JBJ.

La circonstance que des établissements sous enseigne jouissent d'une personnalité juridique distincte de celle de la tête de réseau n'exclut pas que celle-ci puisse avoir à répondre d'une rupture des relations commerciales qu'elle leur aurait imposée de fait.

Cass. com., 22 juin 2022, LawLex202200003355JBJ.

Dès lors que les filiales et les franchisés n'avaient disposé d'aucune autonomie dans la décision de nouer des relations commerciales avec un fournisseur puis dans celle de les rompre, la cour d'appel a pu retenir la responsabilité de la société tête de réseau.

Cass. com., 5 juill. 2016, LawLex201600001291JBJ.

En reprenant par avenant certaines obligations de son prédécesseur, le nouveau fournisseur continue la relation commerciale initialement nouée avec le distributeur.

Cass. com., 29 janvier 2008, LawLex200800000158JBJ.

Le cessionnaire d'un fonds de commerce qui n'a pas expressément manifesté son intention de poursuivre les relations établies entre le cédant et un prestataire, n'est pas tenu d'assumer l'obligation de préavis qui résulte de ces relations en tenant compte de leur ancienneté.

Cass. com., 15 sept. 2015, LawLex201500001126JBJ.

La seule poursuite de l'activité d'une entreprise, à la suite de la reprise de ses actifs, avec son client, selon les mêmes volumes et les mêmes produits ne suffit pas à mettre en évidence la commune intention des parties de poursuivre la relation commerciale antérieure.

Cass. com., 19 oct. 2022, LawLex202200009007JBJ.

Quelles sont les parties à la relation ?

L’article L. 442-1, II du Code de commerce ne définit pas la notion de relation. La jurisprudence, pour déterminer le caractère établi de celle-ci, recherche l’existence d’un courant d’affaires, d’échanges entre les parties, et relève l’importance du chiffre d’affaires.

L’application de l’article L. 442-1, II suppose seulement une relation de clientèle, situation née de l’habitude (série d’achats chez le fournisseur), indépendamment de tout contrat, au sens juridique du terme. L’absence d’écrit , de contrat-cadre , d’exclusivité  ou de garantie de chiffre d’affaires sont indifférents à la qualification.

Dès lors qu'il a existé entre deux sociétés un flux financier régulier et stable de 2012 à 2017, une relation commerciale est établie de sorte que le partenaire peut légitimement croire à sa continuation, même en l'absence de contrat écrit.

Paris, 1er mars 2023, LawLex202300003083JBJ.

Une relation commerciale, marquée par des commandes régulières depuis 30 ans, notamment par la redirection systématique des demandes concernant un département, avec des remises systématiques, voire exceptionnelles, sur les prix, présente un caractère suivi, stable et habituel même en l'absence d'un accord cadre entre les parties.

Paris, 7 sept. 2022, LawLex202200006919JBJ.

Le flux suivi, stable et habituel de commandes de matériels informatiques et de prestations entre les parties, qui représente un chiffre d'affaires passé de 233 000 euro de commandes à plus de dix millions d'euro sur cinq ans, caractérise l'existence de relations commerciales établies, même en l'absence d'engagement sur un volume d'affaires ou d'exclusivité consentie.

Paris, 25 juin 2021, LawLex202100004092JBJ.

Une relation commerciale caractérisée par une succession de commandes ponctuelles entre 1992 et 2017, portant sur des montants substantiels, présente un caractère établi même en l'absence de garantie de volume d'affaires.

Paris, 5 févr. 2020, LawLex202000000190JBJ.

Qu'est-ce qu'une relation ?

Une relation est établie lorsqu’elle s’inscrit dans la durée. Des relations de quelques mois ne suffisent pas à caractériser une relation établie.

l’importance économique de la relation.

Notion économique et non juridique, la notion de relation commerciale établie peut concerner une succession de relations :

contrats à durée déterminée, même s'ils excluent toute reconduction tacite  ;

La Cour de cassation estime que le recours à des appels d’offres est de nature à précariser la relation lorsqu'il présente un caractère systématique, même si le prestataire habituel est toujours retenu . Cependant, la Cour d'appel de Paris adopte une position source d'insécurité juridique car tantôt elle s'aligne sur la solution de la Haute juridiction, tantôt elle estime que la permanence du renouvellement des contrats sur une longue période ou le renouvellement systématique de ceux-ci traduit la stabilité de la relation .

Conseil : Recourir aux appels d’offres permet souvent mais pas nécessairement d’éviter l’application de la loi.

Une relation limitée à un mois et une semaine ne présente pas de caractère établi, même si les parties avaient l'intention de l'inscrire dans la durée.

Paris, 29 nov. 2023, LawLex202300014172JBJ.

La signature de contrats à durée déterminée d'un an non tacitement reconductibles, forme une relation commerciale établie dès lors que les reconductions ont eu lieu sans difficultés pendant six années consécutives.

Cass. com., 23 juin 2015, LawLex201500000835JBJ.

Une succession de contrats ponctuels peut suffire à caractériser une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-1, II du Code de commerce lorsqu'ils portent sur un même objet.

Cass. com., 6 sept. 2016, LawLex201600001407JBJ.

La société qui met fin en 2016 à une relation d’affaires en place depuis 1996 et qui relève de procédures annuelles d’appels d’offres depuis 2010, n’engage pas sa responsabilité, puisque l’introduction d’un aléa ne permet pas de caractériser une croyance légitime dans la pérennité de cette relation qui est devenue précaire.

Cass. com., 11 janv. 2023, LawLex202300000666JBJ.

Une relation commerciale, qui, bien qu'ayant duré plusieurs années, a été marquée par le recours systématique à une procédure d'appel d'offres, ne revêt pas le caractère de stabilité exigé par l'article L. 442-1, II du Code de commerce.

Cass. com., 18 oct. 2017, LawLex201700001743JBJ.

Une relation commerciale ininterrompue de onze années présente un caractère établi même si le prestataire ne bénéficiait d'aucune exclusivité et si sa mise en concurrence avec d'autres agences lui a été régulièrement rappelée.

Paris, 31 mars 2023, LawLex202300004939JBJ.

Qu'est-ce qu'une relation établie ?

La rupture prend parfois la forme d’un déréférencement sans préavis suffisant pour permettre au partenaire évincé d’assurer son redéploiement.

Qu’elle soit totale ou partielle, la rupture brutale est condamnée. La rupture partielle est caractérisée dès lors que les commandes diminuent sensiblement, à moins que cette baisse ne soit justifiée par des difficultés financières ou un déclin de l’activité du client (exception de crise économique) . La perte de chiffre d’affaires doit être significative pour le partenaire .

Conseil : Détecter toute velléité de déréférencement partiel ou total.

La pratique montre que le distributeur n’annonce pas nécessairement ses intentions de façon claire mais se livre plutôt à des déréférencements larvés. Le fournisseur surveillera attentivement l’évolution des chiffres d’affaires, conduira une veille juridique auprès des magasins et actera tout déréférencement par magasin et/ou gamme.

La baisse des commandes de prestations dénoncée par un transporteur n'engage pas la responsabilité de son client lorsqu'elle ne résulte pas d'une décision unilatérale de sa part, mais ne constitue que la répercussion de sa propre baisse d'activité.

Paris, 12 sept. 2019, LawLex201900001049JBJ.

Le droit des affaires en 500 questions

63. Selon quels critères le préjudice est-il évalué ?

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