Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

Lorsqu'au terme d'un exercice social, la société dégage un résultat positif, les associés peuvent souverainement décider de se verser des dividendes ou d'affecter le bénéfice en réserve. La prudence recommande d'opter pour cette dernière solution, qui permet de financer les besoins de la société ou de la prémunir contre d'éventuelles pertes futures. Il existe plusieurs variétés de réserves : légal …

Typologie

DONDERO, La distribution des bénéfices en dehors de l'assemblée approuvant les comptes de l'exercice, RJDA 5/2023, 13 ; GALLOIS-COCHET et BARRILLON, Les distributions aux associés en dehors de l'assemblée d'approbation des comptes, D. 2023, 1227.

Lorsqu'au terme d'un exercice social, la société dégage un résultat positif, les associés peuvent souverainement décider de se verser des dividendes ou d'affecter le bénéfice en réserve. La prudence recommande d'opter pour cette dernière solution, qui permet de financer les besoins de la société ou de la prémunir contre d'éventuelles pertes futures. Il existe plusieurs variétés de réserves : légales, statutaires ou facultatives. Si en principe, les réserves n'ont pas vocation à être distribuées, un prélèvement de dividendes sur les réserves facultatives peut, à titre exceptionnel, être décidé par l'assemblée générale. Un tel prélèvement diminue d'autant le montant des capitaux propres . 

Dans les sociétés par actions et les SARL, l'article L. 232-10 du Code de commerce impose la constitution de réserves à peine de nullité de toute délibération contraire, à hauteur d'un vingtième du bénéfice de l'exercice, diminué, le cas échéant, des pertes antérieures. Cette “réserve légale”, qui cesse d'être obligatoire lorsque son montant atteint le dixième du capital social, constitue une garantie pour les tiers qui traitent avec la société et ne peut être distribuée aux actionnaires ou aux associés, ni affectée au rachat ou au remboursement des actions ou des parts de la société . 

Afin de toujours garantir un certain niveau de capitaux propres, les statuts de la société peuvent prévoir la constitution de réserves dites “statutaires” , qui s'imputent sur le bénéfice distribuable. Les modalités de constitution de ces réserves et le taux de prélèvement sur le bénéfice distribuable relèvent de la liberté contractuelle. En cas de démembrement des parts sociales, les réserves statutaires sont indisponibles tant pour l'usufruitier  que pour le nu-propriétaire .  

Une fois les réserves légales et statutaires abondées, les associés peuvent volontairement décider d'en créer d'autres, dites “facultatives”, “extraordinaires” ou “libres”. La décision de constituer de telles réserves peut faire l'objet de divergences de vues entre associés, qui, pour les uns, peuvent s'estimer lésés d'avoir à constituer une réserve, plutôt que de percevoir des dividendes, et pour les autres peuvent les considérer indispensables au développement de la société. Ces divergences sont parfois source de contentieux qui peuvent conduire à une condamnation pour abus du droit de vote. De fait, l’associé titulaire de la moitié des parts d’une SARL, qui s’oppose à l’affectation des bénéfices en réserve, commet un abus d’égalité, dès lors que la société nécessite un autofinancement important pour ses investissements et son fonds de roulement du fait des délais séparant le financement de ses fabrications et l'encaissement du prix des ventes alors que la distribution de la totalité du résultat comptable sous forme de dividendes diminuerait son crédit auprès des banques . A l'inverse, l'affectation systématique des bénéfices aux réserves depuis la création de la société, sans que celles-ci soient incorporées au capital, caractérise un abus du droit de majorité, lorsqu'elle n'a eu aucun effet sur la politique d'investissement de l'entreprise, tandis que les associés majoritaires ont disposé de rémunérations importantes injustifiées au regard des fonctions qu’ils exercent  et qui leur ont permis de réaliser des investissements personnels se substituant à ceux qui auraient dû être effectués par la société . Il en va également ainsi de l’affectation en réserve des bénéfices réalisés par une SCI lorsqu’elle ne relève pas d’une politique de prudence nécessaire ou d'investissement et ne correspond ni à l'objet ni à une exigence de saine gestion, mais a pour unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire . En revanche, les décisions d’affectation à la réserve extraordinaire des bénéfices pendant sept années consécutives ne constituent pas un abus de droit, dès lors qu'elles ont contribué à la situation favorable de la société par l’exercice d’une politique prudente permettant un financement important sans qu'il soit besoin de faire appel à des avances de fonds extérieurs . De même, des décisions de mise en réserve des bénéfices qui visent à garantir les emprunts contractés pour la réalisation d'importants investissements et le remboursement sûr et durable de ceux-ci, ne peuvent constituer un abus de majorité .

La particularité des réserves facultatives réside dans le fait que l'assemblée générale peut, conformément à l'article L. 232-11 du Code de commerce, décider de les distribuer sous forme de dividendes, soit parce que le résultat de l'exercice n'est pas bénéficiaire et que les associés tiennent quand même à percevoir une somme, soit parce qu'ils veulent récupérer la dotation en capitaux propres faite à la société. Dans la dernière hypothèse, la distribution ne peut intervenir qu'en complément de celle régulièrement prélevée sur les bénéfices de l'exercice. Pour parer aux tentatives de distribution déguisée de réserves obligatoires, la loi précise que dans une hypothèse comme dans l'autre, l'assemblée doit indiquer clairement le poste de réserves sur lequel s'impute le prélèvement. En outre, bien que les textes n'exigent pas expressément une décision d'assemblée générale annuelle d’approbation des comptes, il a été jugé qu'un dividende exceptionnel versé par prélèvement sur le montant des réserves et du report à nouveau, en dehors de l’assemblée générale annuelle, pourrait constituer un  dividende fictif au sens du dernier alinéa de l’article L. 232-12 du  Code de commerce, même au sein d’un groupe de sociétés .

Lorsque le résultat n'est ni distribué aux associés sous forme de dividendes, ni placé en réserve, il est affecté à un compte de “report à nouveau”  . Le report à nouveau désigne un poste comptable mentionné sous la catégorie fonds propres du bilan, qui permet à l'entreprise de se prémunir contre de futures pertes éventuelles et de procéder sans frais à une augmentation de l'actif social. Tout comme la constitution des réserves facultatives, la décision d'affecter le résultat d'un exercice au compte report à nouveau peut susciter des litiges. De fait, les délibérations d’assemblées générales d’une SCI qui décident l’affectation de la quasi-totalité des bénéfices à un compte de report à nouveau, non justifiées par des besoins ou des projets précis, ni dictées par l'intérêt social, et qui ont pour conséquence de placer l’associé minoritaire dans une situation personnelle précaire, sont constitutives d'un abus de majorité  . Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles L. 232-11, alinéa 1er, et L. 232-12, alinéa 1er, du Code de commerce, qui sont impératifs, que le report bénéficiaire d'un exercice est inclus dans le bénéfice distribuable de l'exercice suivant. Seule l'assemblée qui approuve les comptes de cet exercice peut décider son affectation et, le cas échéant, sa distribution. Aussi, la délibération d'une assemblée générale autre que celle approuvant les comptes de l'exercice et décidant la distribution d'un dividende prélevé sur le report à nouveau bénéficiaire d'un exercice précédent encourt-elle la nullité  .

Cass. com., 30 mai 2018, LawLex202200009025JBJ.

Angers, 23 novembre 2021, LawLex202200008854JBJ.

Cass. com., 4 novembre 2020, LawLex202200005118JBJ.

T. com. Paris, 23 septembre 2022, LawLex202300003710JBJ, RJDA 2023, n° 261. - Contra Lyon, 31 mai 2018, LawLex202300011717JBJ, estimant que les distributions de réserves ne doivent pas nécessairement être effectuées au moment de l'approbation des comptes.

Cass. com., 13 septembre 2017, LawLex202200008861JBJ, précisant qu'une SCI ne peut être condamnée en qualité de tiers saisi de sommes dues par son gérant et associé au Trésor public, dès lors qu'elle n’est pas débitrice de celui-ci en l’absence de décision de distribution par l’organe social compétent des bénéfices qui ont été affectés au compte report à nouveau.

Cass. 3e civ., 12 novembre 2015, LawLex202200005114JBJ ; Cass. com., 1er juillet 2003, LawLex202200008860JBJ.

Cass. com., 12 février 2025, LawLex202500000997JBJ, Gaz. Pal. 17 juin 2025, n° 20, pp. 35-38.

Cass. 1re civ., 22 juin 2016, LawLex202200008857JBJ, considérant que l'usufruitier, qui peut prétendre aux bénéfices distribués, ne dispose d’aucun droit sur les bénéfices mis en réserve.

Cass. com., 10 février 2009, LawLex202200008855JBJ, soulignant que la participation d'un usufruitier à l'assemblée générale qui décide de l'affectation des bénéfices à un compte de réserve ne s'analyse pas en une donation indirecte au nu-propriétaire, dès lors que seule leur attribution sous forme de dividendes leur confère la nature de fruits.

Cass. com., 16 juin 1998, LawLex202200008862JBJ.

Cass. com., 30 août 2023, LawLex202300014052JBJ, RJDA 2024, n° 102.

Cass. com., 6 juin 1990, LawLex202200005112JBJ.

Cass. com., 17 juin 2008, LawLex202200006085JBJ; 22 avril 1976, LawLex202200008953JBJ, précisant que l'affectation systématique de la totalité des bénéfices à la réserve extraordinaire constitue une thésaurisation pure et simple, qui fait subir à toutes ces sommes, dont la société n'a pas l'usage, notamment pour investir, les conséquences des fluctuations monétaires.

Cass. com., 23 juin 1987, LawLex202200008952JBJ.

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