Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

L'associé qui effectue un apport en compte courant devient instantanément créancier de la société. De ce fait, il peut, personnellement , en solliciter le remboursement à tout moment , sous réserve du respect du délai de prescription applicable , dès lors que la créance est certaine, liquide et exigible . Le droit au remboursement des associés ne peut être supprimé ou restreint de quelque manière  …

Sort du compte courant

L'associé qui effectue un apport en compte courant devient instantanément créancier de la société. De ce fait, il peut, personnellement , en solliciter le remboursement à tout moment , sous réserve du respect du délai de prescription applicable , dès lors que la créance est certaine, liquide et exigible . Le droit au remboursement des associés ne peut être supprimé ou restreint de quelque manière ou pour quelque raison  que ce soit, sauf volonté non équivoque de ses créanciers d'y renoncer . Par conséquent, la décision d’assemblée générale, prise à la majorité, d'instituer un blocage des comptes courants d'associés, doit être considérée comme entraînant une augmentation de leurs engagements, inopposable à celui qui ne l'a pas votée . 

Pour échapper au remboursement du compte courant, la société peut être tentée d'invoquer des difficultés financières. La jurisprudence se montre catégorique à ce sujet et considère que les difficultés financières que connaît une société ne font pas échec à la faculté de l'associé de demander le remboursement de son compte courant, conformément à ses propres intérêts . Pas davantage, une SARL ne peut-elle, pour s'opposer au remboursement, invoquer la cessation des paiements que celui-ci provoquerait ou encore le caractère annulable d'un paiement effectué au profit d’un associé au détriment de ses autres créanciers . De même, une société ne peut s’exonérer de son obligation de rembourser le montant intégral d'un compte courant au motif qu’elle ne dispose pas de la trésorerie nécessaire au moment de la demande . 

La société peut-elle se fonder sur les dispositions de l'article 1343-5 du Code civil, relatives aux délais de grâce, pour demander un échéancier de paiement ? Certains juges du fond ont accédé à de telles demandes, considérant que si la situation financière difficile de la société n'était pas de nature à faire échec au droit de l’associé au remboursement de son compte courant, elle pouvait néanmoins justifier l'octroi de délais de paiement par étalement de celui-ci sur deux ans . Rien ne garantit cependant le succès de cette stratégie. En effet, la Cour de cassation a précisé que les dispositions de l'article 1900 du Code civil, qui offrent au juge la possibilité de fixer un terme pour la restitution d'un prêt, invoquées par une société pour obtenir un délai de paiement, ne sont pas applicables au compte courant d'associé, “dont la caractéristique essentielle, en l'absence de convention particulière ou statutaire le régissant, est d'être remboursable à tout moment” .

Des sociétés en procédure collective ont par ailleurs fait valoir, pour s'opposer au remboursement, que celui-ci pourrait tomber sous le coup des nullités de la période suspecte. L'article L. 632-1, I, 3° du Code de commerce déclare nul de plein droit tout paiement de dettes non échues effectué entre la date de cessation des paiements et l'ouverture de la procédure de redressement ou liquidation judiciaire. Cependant, ce texte ne semble pas s'appliquer aux comptes courants d'associé car la jurisprudence estime que le solde créditeur d'un compte courant d'associé constitue une dette échue, dont le titulaire est, à tout moment, en droit de demander le remboursement  . Pour autant, le paiement de dettes, même échues, pendant la période suspecte, n'est pas sans risque : il encourt une nullité facultative, en vertu de l'article L. 632-2, à condition d'établir que le créancier avait connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur. La jurisprudence applique cette solution au compte courant d'associé et considère que le remboursement obtenu en période suspecte ne peut être annulé lorsque son titulaire n’avait pas personnellement connaissance de l’état de cessation des paiements de la société  . Plus porteur est l'argument tiré de l'article L. 622-7 du Code de commerce : celui-ci prévoit une interdiction de paiement des créances antérieures au jugement d'ouverture, qui s'applique naturellement aux comptes courants d'associés . L'associé peut certes tenter de se prévaloir de la compensation légale, pour contourner l'obstacle. Cependant, l'article 1347-1 du Code civil soumet cette compensation à des conditions assez strictes : les créances réciproques des parties doivent être fongibles, liquides, certaines et exigibles. Or, la jurisprudence estime qu'en l’absence de fongibilité de leurs articles, il ne saurait y avoir de compensation entre le solde débiteur d'un compte courant et un compte titres créditeur  . A défaut de remplir ces conditions, l'associé peut aussi se prévaloir de la compensation des créances connexes. Celle-ci n'est cependant admise que si les deux créances procèdent d''un même contrat, d'une même convention-cadre, ou d'une même opération économique. Or, la créance constituée par le solde créditeur d’un compte courant d’associé dérive d’un prêt consenti à la société alors que la créance de cette dernière envers son actionnaire au titre de la fraction non libérée de son apport en numéraire procède du contrat de société .

L'obligation faite aux associés de contribuer aux pertes peut également constituer un obstacle au remboursement du compte courant, lorsque la société démontre qu'elle fait face à un important passif  .

Le principe et les modalités de remboursement immédiat peuvent faire l'objet d'aménagements statutaires   . Une clause insérée dans les statuts d’une société peut valablement soumettre le remboursement du compte courant de l’un des associés à ses capacités de trésorerie . Un vote de la collectivité des associés peut également différer le droit au remboursement de l'associé. Tel est le cas lorsque l’assemblée générale a décidé à l'unanimité de transformer rétroactivement ces comptes en avances conditionnées pour leur conférer le caractère de fonds propres, dans l'attente que ces derniers reviennent à un certain montant  . De même, le refus d’une société de rembourser à un associé son compte courant est exempt de critique lorsque celui-ci a lui-même voté une résolution, adoptée à l'unanimité, aux termes de laquelle “jusqu'à nouvelle décision contraire, [...] les comptes courants d'associés ne seront pas rémunérés et [...] le solde de ces comptes courants après affectation du résultat sera maintenu dans la société tant que la trésorerie de celle-ci n'en permettra pas le remboursement” . Lorsqu’un associé s’est individuellement engagé à bloquer son compte courant et à le nantir au bénéfice d’un créancier, tel qu’un établissement bancaire, pour une durée déterminée, le remboursement ne peut être exigé de manière anticipée sans l’accord de la banque et de la société, y compris si l’associé a été exclu depuis. La perte de la qualité d’associé est alors indifférente, l’engagement individuel restant valable et opposable . 

Enfin, les statuts qui soumettent le remboursement d’un compte courant à une décision collective afin d’en fixer les limites ou les contraintes, ne peuvent s’analyser comme instaurant une condition préalable indispensable à peine d’irrecevabilité de la demande de l’associé, dès lors que, depuis la constitution de la société, les associés n'ont pas jugé opportun ou utile de statuer sur cette question et d'imposer des conditions au retrait de l’un d’entre eux .

La cession de parts sociales est-elle susceptible d'emporter cession du compte courant et exclure son remboursement à l'associé cédant ? La jurisprudence répond par la négative, lorsque l'acte de cession ne prévoit pas un tel transfert . Par ailleurs, une convention de cession d’actions qui prévoit que le remboursement d’un compte courant d’associé incombe uniquement à la société fait obstacle à ce que le cessionnaire y soit condamné . En outre, il a été jugé qu’en l’absence de stipulation contraire, l’obligation de payer le prix des parts sociales d’un associé qui font l’objet d’un rachat par la société et celle de rembourser son compte courant sont juridiquement indépendantes. L’associé cédant, bien qu’en droit de solliciter le remboursement de son compte courant, n’est donc pas fondé à invoquer le non-remboursement de celui-ci pour obtenir la résolution de la convention de rachat de ses parts .

Enfin, le gérant de la société doit être particulièrement prudent dans sa gestion des comptes courants. De fait, le gérant qui se fait rembourser son compte courant d'associé en parfaite connaissance des difficultés financières de la société et particulièrement de sa situation de trésorerie, pour privilégier sa situation personnelle, commet une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, même si la société disposait sur le moment de liquidités suffisantes   . A l'inverse, celui qui diffère le remboursement des sommes dont la société est débitrice envers un associé, au titre du remboursement de son compte courant, commet une faute préjudiciable à celle-ci, qu'il doit réparer en la garantissant du paiement des intérêts moratoires .

Cass. 1re civ., 9 février 2011, LawLex202200008919JBJ, indiquant que l’action en remboursement d’un compte courant d’associé ne peut être exercée que par le titulaire de ce compte, même en présence d’une communauté de biens ; Cass. com., 23 septembre 2014, LawLex202100002131JBJ, estimant cependant que lorsque la société est en liquidation judiciaire, l'action en paiement du solde du compte-courant d'associé n'appartient plus à l'associé mais au liquidateur.

Cass. 3e civ., 3 mai 2018, LawLex202200000595JBJ, considérant que l’associé d’une SCI peut obtenir le remboursement de son compte courant à tout moment sans avoir à recueillir le consentement de ses coassociés ; Cass. com., 18 octobre 2017, LawLex202200008915JBJ, précisant que la prescription de la créance de remboursement du compte courant d'un associé ne court qu'à compter du jour où ce dernier en demande le paiement du solde et non à compter de la décision de distribution des dividendes prise par l'assemblée générale, ni de leur mise en paiement par inscription en compte courant, ni de leur inscription à un autre compte par la société.

Montpellier, 16 décembre 2008, LawLex202300002113JBJ ; Paris, 24 février 2015, LawLex202200000596JBJ.

Cass. com., 10 mai 2011, LawLex202200000601JBJ.

Paris, 17 septembre 1999, LawLex202200009182JBJ.

Cass. com., 19 novembre 2013, LawLex202100001997JBJ.

Cass. com., 27 septembre 2017, LawLex202100002832JBJ, appliquant au compte courant l'interdiction de paiement des créances antérieures au jugement d'ouverture.

Cass. com., 16 décembre 2014, LawLex202100002747JBJ.

Cass. com., 20 mai 1997, LawLex202100002701JBJ.

Cass. 1re civ., 27 novembre 2013, LawLex202200008922JBJ ; Paris, 19 septembre 2007, LawLex202200009185JBJ, retenant qu'une SCI ne peut justifier son refus de rembourser un compte courant d’associé en alléguant la compensation entre cette créance et des pertes sociales sans verser aux débats aucun procès-verbal d'assemblée générale approuvant les comptes et permettant de constater ces pertes.

Paris, 18 juin 2015, LawLex202200009179JBJ, retenant que le remboursement de comptes courants d’associés doit être effectué dans le respect des dispositions statutaires qui prescrivent une décision collective des associés ou une ratification a posteriori par l'assemblée générale à cette fin ; 26 février 2015, LawLex202200009183JBJ, soulignant que toute dérogation au principe de remboursement immédiat du compte courant doit être clairement exprimée.

Cass. com., 9 octobre 2007, LawLex202200003191JBJ.

Cass. com., 10 décembre 2013, LawLex202200008870JBJ, soulignant que le délai de prescription de l’action en remboursement du solde d’un compte courant d’associé est distinct de celui applicable à l’action en paiement de dividendes.

Paris, 12 décembre 2007, LawLex202200009181JBJ.

Cass. com., 14 février 2006, LawLex202200008909JBJ.

Paris, 15 mai 2025, LawLex202500004167JBJ;

Aix-en-Provence, 9 février 2023, LawLex202300012885JBJ, RJDA 2023, n° 584.

Cass. com., 27 mai 2021, LawLex202200000606JBJ ; 11 janvier 2017, LawLex202200008934JBJ ; Paris, 17 mars 2015, LawLex202200009178JBJ ; Versailles, 25 septembre 2007, LawLex202200009180JBJ.

Cass. 1re civ., 27 septembre 2023, LawLex202300013343JBJ, RJDA 2024, nos 26 et 32 ; JCP E 2024, n° 1065, obs. DECOCQ, des YLOUSES, FERLA, DUMARCAY, BALLOT-LENA ; JCP E 2024, n° 1143, obs. CAFFIN-MOI.

Cass. com., 12 février 2025, LawLex202500001000JBJ, Gaz. Pal. 17 juin 2025, n° 20, pp. 59-60.

Cass. com., 20 octobre 2021, LawLex202200000300JBJ, indiquant que le gérant qui procède au remboursement de son compte courant d'associé en parfaite connaissance des difficultés financières de la société et particulièrement de sa situation de trésorerie, pour privilégier sa situation personnelle, même si la société dispose sur le moment des liquidités suffisantes pour le permettre, caractérise une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actifs ; 24 mai 2018, LawLex202100001744JBJ, estimant que le remboursement de comptes courants d'associés constitue une faute de gestion qui engage la responsabilité du dirigeant à combler l'insuffisance d‘actif, lorsqu'il en résulte un paiement préférentiel au détriment des créanciers de l'entreprise.

Cass. com., 12 janvier 1993, LawLex202200008920JBJ.

Cass. com., 22 septembre 2021, LawLex202200008908JBJ, retenant qu'un compte courant d'associé n'est pas remboursable sur demande lorsque la créance de restitution n'apparaît pas certaine, liquide et exigible, en raison d'irrégularités comptables.

Cass. com., 14 novembre 2006, LawLex202200008918JBJ, considérant que l’absence de détermination par les associés des conditions d'intérêts et de retrait des fonds portés en compte courant ne fait pas perdre à l'associé titulaire d'un tel compte, ainsi qu'à ses ayants droits, le droit d'en demander le remboursement en justice.

Cass. com., 4 février 2014, LawLex202200003190JBJ, retenant que la circonstance que des associés ne se soient pas manifestés lors de la liquidation de la société pour réclamer le remboursement de leur compte courant d'associé ne traduit pas leur volonté non équivoque de renoncer à l'exercice de leur droit.

Cass. com., 24 juin 1997, LawLex202200000594JBJ.

Paris, 24 février 2015, LawLex202200000596JBJ ; Versailles, 6 juillet 2021, LawLex202300008342JBJ.

Paris, 2 juillet 2019, LawLex202200009177JBJ ; Cass. com., 15 mai 2019, LawLex202200008940JBJ, relevant que le remboursement d’un compte courant n'est pas attaquable par la voie d'une action paulienne, sauf s'il a été opéré en violation d'une convention ou des statuts de la société ou sous la forme d'un paiement effectué par des moyens inhabituels, à défaut de constituer un acte d'appauvrissement du débiteur ; Aix-en-Provence, 6 juillet 2017, LawLex202200000398JBJ, considérant qu'un associé a droit au remboursement de son compte courant à tout moment, sans pouvoir se voir opposer les difficultés financières de la société.

Cass. com., 8 décembre 2009, LawLex202200000402JBJ.

Droit des sociétés

59. Sort du compte courant

Demandez un accès gratuit
au contenu exclusif Livv – juristes d’entreprise

Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

59. Sort du compte courant

Demandez un accès gratuit au contenu exclusif Livv – juristes d’entreprise

Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

Demandez un accès gratuit
au contenu exclusif Livv – juristes d’entreprise