Contexte

La théorie économique des restrictions verticales

La prise en considération de la théorie économique par le droit de la concurrence

Faut-il protéger davantage les distributeurs ?

Les restrictions verticales à l'épreuve de l'analyse économique

Introduction

Localisation des effets anticoncurrentiels

Affectation du commerce entre États membres

Champ d'application ratione loci

Notion d'entreprise

Accords intra-groupe

Champ d'application ratione personae

Applicabilité du droit de la concurrence aux accords verticaux

Définition du marché concerné

Objet ou effet anticoncurrentiel

Seuil de sensibilité

Notion d'accord et de pratique concertée

Prohibition des restrictions verticales

Exemption par catégorie

Exemption individuelle et règle de raison

Exonération des restrictions verticales

Système de contrôle des restrictions verticales

Prohibition

Exonération

Ententes

Principe

Applications

Abus de position dominante

Approvisionnement exclusif/Fourniture exclusive

Revente hors réseau

Contrat international

Distribution exclusive

Garantie-constructeur

Protection de la marque

Protection du réseau contre les tiers

Relations entre les parties

Distribution sélective

Clauses restrictives

Exemption individuelle

Règle de raison

Prohibition des ententes et exemption individuelle

Distribution de véhicules neufs : règlement 2022/720

Après-vente automobile : règlement 461/2010

Distribution automobile

Contrôle des concentrations

Franchise

Agence commerciale et concurrence

Harmonisation européenne

Agents commerciaux

Le droit européen et français applicable aux réseaux de distribution.
Le Droit de la distribution, deuxième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : approvisionnement et fourniture exclusifs, distribution exclusive, distribution sélective, distribution automobile.

Droit européen de la distribution

La nouvelle approche européenne a d'abord influencé le droit national, d'une part par le biais du principe de primauté lorsque le droit européen et le droit national s'appliquent cumulativement, d'autre part par un effet d'imitation du droit européen lorsque le droit national est seul applicable. En effet, l'influence du droit européen est aujourd'hui telle que les autorités et les juridictions na …

Portée des règlements d'exemption.

La nouvelle approche européenne a d'abord influencé le droit national, d'une part par le biais du principe de primauté lorsque le droit européen et le droit national s'appliquent cumulativement, d'autre part par un effet d'imitation du droit européen lorsque le droit national est seul applicable. En effet, l'influence du droit européen est aujourd'hui telle que les autorités et les juridictions nationales s'inspirent naturellement des solutions du droit européen lorsqu'elles ont à résoudre les litiges internes qui leur sont soumis même lorsque le droit européen n'est pas applicable .

Les règlements d'exemption ont aussi exercé une influence directe sur le contenu des accords de distribution. En droit, un règlement d'exemption définit simplement les conditions auxquelles des accords peuvent bénéficier ou non d'une exemption automatique au regard du droit européen des ententes. Cependant, en définissant les conditions d'exemption, le règlement détermine largement le cadre et le contenu des accords dans la mesure où l'ensemble des opérateurs s'efforcent de rédiger des accords conformes au droit de la concurrence pour bénéficier de la sécurité juridique liée à l'exemption par catégorie .

Les conditions dans lesquelles les produits et les services sont distribués dans l'ensemble des pays de l'Union européenne et de l'Espace économique européen ont été ainsi très largement unifiées par les règlements d'exemption qui se sont succédé. Cette influence dépasse même le territoire de l'Union ou de l'EEE pour s'étendre aux États qui souhaitent rejoindre l'Union ou qui, sans en être membres, sont fortement intégrés au territoire de l'Union par la voie d'accords d'association qui comportent des dispositions similaires. L'élaboration et la rédaction des contrats de distribution en Europe sont aujourd'hui tributaires des règlements d'exemption : les opérateurs ont tendance à choisir le modèle de distribution qui leur permet de bénéficier d'une exemption par catégorie dans le plus grand nombre de pays possible, avant d'adopter des solutions spécifiques pour les marchés nationaux pour lesquels les seuils sont dépassés. Le modèle de contrat, conçu au niveau européen, est le plus souvent seulement adapté à la marge en fonction des règles impératives du droit national.

Pour la France, V. not. ARHEL, L'influence de la réforme communautaire des restrictions verticales sur le droit national, LPA, n° 239, 23 ; KOUCHNIR-CARGILL, La nouvelle approche du Conseil de la concurrence en matière de restrictions verticales, Cah. dr. entr., 2002, n° 3, 7. Les autorités françaises de la concurrence considèrent que, même lorsqu'ils ne sont pas applicables, le règlement restrictions verticales ou ses lignes directrices constituent un guide d'analyse utile pour l'application du droit français : Décision Cons. conc. n° 00-D-82 du 26 février 2001, LawLex200200002680JBJ, concernant le secteur des glaces et crèmes glacées ; n° 01-D-45 du 19 juillet 2001, LawLex200200002335JBJ, relative à une saisine présentée par la société Casino France ; 15e Rapport du Conseil de la Concurrence, 2001, 65-67, Annexes, 440 ; Décision Cons. conc. n° 02-D-01, 22 janvier 2002, LawLex200200002248JBJ ; n° 02-D-36 du 14 juin 2002, LawLex200200002181JBJ ; Décision Aut. conc. n° 09-D-23 du 30 juin 2009, LawLex200900002619JBJ. Le législateur allemand a, par la 7e nouvelle du GWB des 16 et 17 juin 2005, déclaré les conditions de l'exemption de l'article 2, alinéa 1er, du GWB, présumées satisfaites dès lors que l'accord remplit les conditions d'un règlement d'exemption européen, même en l'absence d'affectation du commerce entre États membres, c'est-à-dire même lorsque le droit européen n'est pas applicable. Le renvoi est dit “dynamique” (dynamische Verweisung), les modifications des textes européens étant automatiquement intégrées au droit allemand.

AUBRY, L'influence du droit communautaire sur le droit français des contrats, PUAM, 2002, nos 161-162, 189.

L'emprise de l'économie sur le droit a été souhaitée par les rédacteurs des règlements, qui ont voulu réagir au formalisme excessif des règlements précédents. Les règlements nouvelle génération manifestent ainsi une certaine révolte de l'économie contre le droit qui a conduit a une économisation de la règle. L'approche économique des restrictions verticales et l'accent placé sur les effets des accords limitent nécessairement le caractère normatif des règles. Le comportement de l'entreprise n'est plus véritablement la raison d'une sanction, qui est essentiellement déterminée par sa position et la structure du marché sur lequel elle évolue. Si elle paraît optimale sur le plan de l'efficience, l'approche économique est cependant difficilement acceptable sur le plan de la justice. Aussi n'a-t-elle jamais été poussée jusqu'à son terme ultime ; partout, des conditions juridiques ont été réinjectées dans les règles de concurrence. Cette évolution, qui caractérise l'ensemble des règles du droit de la concurrence (du droit des ententes  à celui des abus de domination ), se vérifie particulièrement dans le domaine des restrictions verticales. Les exemples de réappropriation de la règle par le droit fourmillent au sein du règlement restrictions verticales et suscitent les critiques des économistes qui n'y voient que des “imperfections”. La prise en considération du pouvoir de marché des entreprises et des effets des pratiques s'est traduite par l'institution de seuils en parts de marché conditionnant le bénéfice de l'exemption. Cette approche, saluée par les entreprises du fait de sa simplicité et de la sécurité juridique qu'elle leur apporte, est en revanche systématiquement critiquée par la plupart des économistes qui privilégient une analyse au cas par cas. Si dans leur généralité, les pratiques sont aujourd'hui saisies par leurs effets mesurés par référence à des seuils de part de marché de 5 %, 15 %, 30 %, 40 % ou définis au cas par cas, un certain nombre de comportements continuent d'être sanctionnés per se, sous forme de clauses noires qui privent l'accord du bénéfice de l'exemption dans sa totalité, ou de clauses rouges, qui limitent la perte de l'exemption à la seule clause anticoncurrentielle. Pour les économistes, la notion de clause noire ou de restriction caractérisée n'a pas d'équivalent dans l'analyse économique : les effets économiques d'une restriction de concurrence devraient toujours faire l'objet d'un examen au cas par cas . Certaines pratiques sont en réalité condamnées pour des raisons purement politiques, dans la mesure où elles sont contraires à l'intégration des marchés européens. Cet objectif politique est clairement revendiqué par la Commission dans ses lignes directrices verticales , alors même que sa poursuite peut se trouver en contradiction avec la poursuite de l'efficience économique et du bien-être des consommateurs. La position de la Commission est incontestablement critiquable sur le plan économique. Mais, d'un point de vue juridique, la réappropriation de la règle par le droit est indispensable. L'efficience ne peut pas constituer le seul objectif des règles de droit. Au-delà de l'objectif politique d'intégration des marchés qui explique une partie du décalage de la réglementation des restrictions verticales par rapport au credo de l'analyse économique, la sécurité juridique justifie pleinement le maintien de l'approche juridique. Une analyse qui s'effectuerait entièrement au cas par cas et échapperait à toute règle du précédent, comme le souhaiteraient certains économistes, serait insupportable pour les entreprises. Les opérateurs ont besoin de comprendre pourquoi ils sont sanctionnés et d'être informés par avance des risques juridiques qu'ils encourent : ils doivent disposer d'une norme simple et facile à interpréter qui leur permette d'éviter la sanction en adoptant des comportements licites. Les opérateurs ne peuvent être sacrifiés sur l'autel de l'efficience mais méritent d'être juridiquement protégés. La prise en considération de l'analyse économique par le droit ne serait d'ailleurs pas acceptée, et l'efficience en souffrirait in fine, si des conditions normatives n'étaient pas réintroduites dans la règle.

En matière d'ententes horizontales, par exemple, il ne suffit pas qu'une autorité de contrôle constate les comportements parallèles de certaines entreprises sur un marché pour qu'elle en infère l'existence d'une entente entre elles. Il faut qu'elle y ajoute une preuve supplémentaire - positive ou négative - de concertation (CJCE, 31 mars 1993, Pâte de Bois, aff. C-89-85, LawLex200200003918JBJ, Rec. CJCE I-1307). Dans le domaine des ententes verticales, si en vertu de la théorie de l'effet cumulatif, un accord ne produisant que des effets restrictifs minimes peut être prohibé du seul fait de la présence sur le marché d'autres accords du même type, le juge européen exige, pour que l'interdiction joue, que l'accord concerné contribue toutefois de “manière significative” à l'effet de fermeture du marché (CJCE, 28 février 1991, Delimitis c. Henninger Bräu, aff. C-234-89, LawLex200200003996JBJ, Rec. CJCE I-935, RTD com., 1992, 296, obs. BOLZÉ ; RTD eur., 1991, 494,  obs. KOVAR).

Selon le juge, tout comportement contribuant au développement d'une entreprise dominante n'est pas susceptible de constituer un abus. Pour être prohibé, encore faut-il qu'il soit anormal, c'est-à-dire qu'il dépasse ce qui est nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise en cause (CJCE, 13 février 1979, Hoffmann - La Roche c. Commission, aff. 85-76, LawLex200200004107JBJ, Rec. CJCE 461); BISHOP & WALKER, The Economics of EC Competition Law, Sweet & Maxwell, 2e éd., 2010.

V., pour une avancée en ce sens, la nouvelle position de la Commission dans ses lignes directrices sur les restrictions verticales à propos des clauses noires en général et des clauses de prix imposés en particulier, qui peuvent désormais être exemptées par des gains d'efficience.

Lignes directrices sur les restrictions verticales de 2022, pt 5, rappelant que “[l]’article 101 du traité poursuit également l’objectif plus large de réaliser un marché intérieur intégré, renforçant la concurrence au sein de l’Union. Les entreprises ne peuvent pas utiliser des accords verticaux pour recréer des obstacles de nature privée entre les États membres, là où les obstacles publics ont pu être éliminés” et pt 18 : “[l]es effets négatifs que les restrictions verticales sont susceptibles d’avoir sur le marché et que les règles de concurrence de l’Union visent à empêcher sont notamment les suivants: (a) éviction anticoncurrentielle d’autres fournisseurs ou d’autres acheteurs par la mise en place de barrières à l’entrée ou à l’expansion; (b) atténuation de la concurrence entre le fournisseur et ses concurrents et/ou facilitation de la collusion explicite ou tacite entre fournisseurs concurrents, souvent qualifiée de réduction de la concurrence intermarques; (c) atténuation de la concurrence entre l’acheteur et ses concurrents ou facilitation de la collusion explicite ou tacite entre acheteurs concurrents, souvent qualifiée de réduction de la concurrence intramarque si elle concerne les distributeurs des biens ou services d’un même fournisseur(24); (d) création d’obstacles à l’intégration du marché, y compris, en particulier, les restrictions à la possibilité pour le consommateur d’acheter des biens ou services dans tout État membre de son choix.”

Le droit face à l'économie dans les règlements d'exemption.

V. VOGEL, Le juriste face à l'analyse économique, Rev. Conc. Consom., 2003, n° 134 ; L'économie, serviteur ou maître du droit ?, Mélanges offerts à André Decocq, Une certaine idée du droit, Litec, 2004, 605 ; La prise de pouvoir par la Commission européenne : l'exemple des règlements d'exemption par catégorie, in L'actualité de la pensée de Berthold Goldman, Éditions Panthéon-Assas, 2004, 67 ; PETIT, L'application du droit communautaire des restrictions verticales aux accords de distribution commerciale, in HOLLANDER, Le droit de la distribution, Anthémis, 2009, 323 ; L. et J. VOGEL, Le droit de la concurrence et le droit de la distribution prennent-ils suffisamment en compte l'analyse économique des restrictions verticales ?, Concurrences, 1/2011, n° 33862, 1 ; DEFFAINS, Quelle analyse économique pour le droit de la distribution ?, RLDA, 2013, n° 83.

Depuis plusieurs années, sous l'influence de l'analyse économique, la Commission a clairement affirmé sa volonté d'adopter une approche moins normative et moins formaliste dans le cadre de ses règlements d'exemption . Cette approche par les effets annoncée par le Livre vert sur la politique de concurrence et les restrictions verticales du 22 janvier 1997 a inspiré les règlements d'exemption 2790/1999 , 330/2010  et 2022/720  ainsi que les règlements automobiles 1400/2002  et 461/2010 , de même que leurs lignes directrices .

L'approche par les effets se traduit notamment par la reconnaissance du particularisme des relations verticales, la détermination de l'exemption en fonction de la puissance économique des opérateurs, mesurée en termes de parts de marché, et l'importance donnée tant à la liberté économique qu'à l'autorégulation des opérateurs.

Les lignes directrices sur les restrictions verticales publiées par la Commission  codifient en grande partie l'analyse économique des relations verticales. Les principaux enseignements de la théorie économique sont clairement énoncés : “L’appréciation [des accords verticaux] doit [...] tenir compte du fait que les accords verticaux conclus entre entreprises opérant à des niveaux différents de la chaîne de production ou de distribution sont généralement moins préjudiciables que les accords horizontaux entre entreprises concurrentes fournissant des biens ou des services substituables ... compte tenu de la nature complémentaire des activités des parties à un accord vertical en ce qui concerne la mise sur le marché de biens ou de services, des restrictions verticales permettent également de réaliser des gains d’efficience plus importants, par exemple en optimisant les processus de fabrication et de distribution et les services” . Les critères d'appréciation juridique s'inscrivent dans le droit fil de l'analyse économique des restrictions verticales : “[p]our déterminer si un accord vertical a pour effet de restreindre la concurrence, il convient de comparer la situation du marché pertinent lorsque les restrictions verticales sont mises en place et la situation qui prévaudrait en l’absence de telles restrictions verticales dans l’accord vertical. Lors de l’examen de tels cas individuels, la Commission peut tenir compte des effets tant réels que probables” .

Lors de l'adoption du premier règlement restrictions verticales, la Commission a fixé un seuil maximal de 30 % de part de marché pour entrer dans la zone de sécurité et bénéficier de l'exemption par catégorie, apprécié dans le chef du fournisseur (sauf dans le cas très théorique des accords de fourniture exclusive où il était apprécié dans le chef de l'acheteur). Comme le règlement restrictions verticales 330/2010 avant lui, le règlement 2022/720 subordonne désormais l'exemption par catégorie à l'absence de franchissement d'un double seuil de 30 % de part de marché, respectivement apprécié du côté du fournisseur sur le marché aval de la distribution et du côté du distributeur sur le marché amont de l'approvisionnement. Le seuil en parts de marché permet ainsi d'apprécier à la fois le pouvoir de marché du fournisseur et la puissance d'achat du distributeur. 

Le passage d'un système d'exemption d'inspiration juridique, directif et normé, prévoyant dans le détail les clauses interdites, les stipulations éventuellement restrictives mais exemptées et les clauses blanches non-anticoncurrentielles, à un régime de liberté modérément surveillée fondé sur une approche économique a pour conséquence de transférer aux opérateurs la responsabilité de procéder à l'auto-évaluation de leurs accords. Ceux-ci doivent apprécier leurs parts de marché, déterminer s'ils se trouvent en deçà ou au-delà du double seuil de 30 %, vérifier si la nature de leurs accords ou la situation de marché n'est pas susceptible de les exposer à un retrait de l'exemption et, au-delà de la zone de sécurité, évaluer eux-mêmes les accords verticaux au regard des règles de concurrence européennes. Les lignes directrices sur les restrictions verticales sont censées les aider à effectuer cette auto-évaluation .

L'approche par les effets adoptée dans les règlements restrictions verticales a inspiré l'ensemble des règlements d'exemption de seconde génération, en particulier le règlement d'exemption automobile 1400/2002 et les règlements sur les accords de transfert de technologie , avant que la distribution automobile ne relève elle-même du règlement général. 

En matière automobile, avec l'adoption du règlement 1400/2002, la Commission a clairement affiché sa volonté d'édicter un texte plus souple que le règlement 1475/95  : le règlement 1400/2002 était à ses yeux “moins normatif que le règlement 1475/95, afin d'éviter l'effet “corset” observé avec ce dernier, et de permettre le développement de modes de distribution novateurs” . Selon la Commission, il relevait donc “d'une démarche plus économique et du principe selon lequel il incombe aux opérateurs économiques (constructeurs automobiles, concessionnaires) d'organiser la distribution en fonction de leurs besoins”. Différentes caractéristiques illustrent l'approche économique adoptée par le règlement automobile : 

- une zone de sécurité définie par un seuil en parts de marché (30 % de façon générale et 40 % pour la distribution sélective quantitative de véhicules automobiles neufs) ;

- la reprise de la structure générale du règlement restrictions verticales, en évitant au maximum de fournir une liste de clauses obligatoires : seules des clauses noires entraînant la perte de l'exemption pour l'ensemble de l'accord et des clauses rouges s'opposant à l'exemption de l'obligation considérée sont encore prévues, alors que les clauses blanches ou grises ont disparu ;

- le choix proposé entre différentes formes de distribution - distribution sélective purement qualitative, qualitative et quantitative ou exclusive - en matière de véhicules neufs ;

- la multiplicité des constructions contractuelles possibles pour l'organisation de la vente et de l'après-vente, sous réserve du respect des dispositions du règlement.

Cependant, à la différence du règlement restrictions verticales qui adoptait une démarche purement économique, le règlement automobile cumulait celle-ci avec l'institution d'un véritable statut des distributeurs. L'exemption dépendait ainsi de normes sans lien direct avec la concurrence et relevant en réalité de la protection des concurrents. En outre, les conditions d'applicabilité de l'exemption ainsi que les clauses noires ou rouges étaient beaucoup plus nombreuses que dans le règlement restrictions verticales. Enfin, la liberté de choix des opérateurs était souvent illusoire. Ainsi, en matière de distribution de véhicules neufs, le modèle de la distribution sélective qualitative et quantitative constituait un choix quasi obligé.

Lors de l'évaluation du règlement 1400/2002, la Commission, constatant les effets pervers de nombreuses règles spécifiques à l'automobile inconnues du règlement général, a milité en faveur d'un retour du secteur automobile au droit commun. Cependant, compte tenu de la très forte résistance des distributeurs et réparateurs automobiles, elle a dû différer de trois ans l'application du règlement restrictions verticales à la distribution automobile et adopter provisoirement un régime hybride : dès le 1er juin 2010 l'après-vente automobile tombait sous l'empire du règlement restrictions verticales 330/2010 [aujourd'hui remplacé par le règl. 2022/720] et du règlement 461/2010 tandis que la vente de véhicules neufs demeurait soumise au règlement automobile 1400/2002 jusqu'au 1er juin 2013.

Le règlement 316/2014 sur les accords de transfert de technologie , est, lui aussi, directement inspiré par l'approche économique. L'exemption est soumise à l'absence de détention d'une part de marché supérieure à un seuil prédéterminé de 20 ou 30 % selon les cas, sous réserve de ne pas contenir de clauses noires. Le texte énumère également des clauses rouges qui, sans remettre en cause l'exemption de l'accord lui-même, ne sont pas exemptées, et prévoit un mécanisme de retrait et d'exclusion du bénéfice du règlement. Les opérateurs ont généralement accueilli positivement le texte . Le précédent règlement avait fait l'objet de critiques pour avoir retenu une approche économique à la fois trop partielle (un nombre important de clauses rouges limitait la liberté des opérateurs) et trop générale (inadaptée au secteur des hautes technologies). Les professionnels avaient fait valoir que des seuils en parts de marché pouvaient ne pas conduire en ce domaine à une plus grande sécurité juridique dès lors qu'il est souvent difficile d'apprécier concrètement les parts de marché des opérateurs, et que, de surcroît, celles-ci ne revêtent qu'un intérêt limité sur des marchés dynamiques en constante évolution . Certains avaient proposé, à l'instar des lignes directrices américaines relatives aux accords de licence , de définir la zone de sécurité en tenant compte du nombre de sources de technologies indépendantes . De façon plus fondamentale, la doctrine économique s'était montrée très critique envers l'approche de la Commission à laquelle elle reprochait de sacrifier la protection légitime des droits de propriété intellectuelle en remettant en cause le droit de les transférer librement au moyen d'une licence. Selon ces auteurs, la Commission aurait sous-évalué les effets positifs d'incitation à la création des droits de propriété intellectuelle ainsi que leurs effets de motivation pour les inventions et investissements futurs . Le règlement aurait donc inévitablement pour conséquence une érosion de la valeur des droits, une diminution des transferts sous forme de licence, une mauvaise allocation de ressources, un détournement des investissements en recherche-développement de l'Europe vers les États-Unis et un découragement général des efforts d'invention. Au-delà, l'absence de spécialisation des juridictions nationales rendait illusoire une application efficiente que seul un système de notification auprès d'une autorité spécialisée aurait été en mesure d'assurer.

À la suite des consultations effectuées sur le projet de texte, la Commission a, dans le règlement 316/2014, assoupli les clauses noires en octroyant une plus grande marge de manœuvre aux détenteurs de technologies (qu'il s'agisse de la fixation des prix de vente aux tiers, de la limitation de la production ou de la répartition des marchés ou de la clientèle). En revanche, elle a maintenu les seuils en parts de marché définis précédemment en faisant valoir que le règlement n'est pas destiné à s'appliquer au seul secteur des hautes technologies et qu'en tout état de cause, l'absence d'exemption ne vaut pas présomption d'illicéité des accords concernés .

Cf. Lignes directrices sur les restrictions verticales 2000-C 291-01 du 13 octobre 2000, pt 102 (rempl. par LD du 19 mai 2010 puis du 28 juin 2022) : “Dans son appréciation des cas, la Commission appliquera l'article 81 [devenu l'art. 101] aux restrictions verticales selon une approche économique. Cette approche limitera le champ d'application de cet article aux entreprises qui disposent d'un certain pouvoir de marché lorsque la concurrence intermarques peut-être insuffisante”.

Règl. 2790/1999 du 22 décembre 1999, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, JO L 336 du 29 décembre 1999, 21.

Lignes directrices sur les restrictions verticales, pt 101.

Règl. 772/2004, abrogé et remplacé par le règlement 316/2014 du 21 mars 2014.

Règl. 1475/95 du 28 juin 1995, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, JO L du 29 juin 1995, 25.

Brochure explicative du règlement 1400/2002, 10, 3e paragr.

Règl. 316/2014 du 21 mars 2014, relatif à l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords de transferts de technologie, JOUE L 93 du 28 mars 2014, qui abroge et remplace le règlement 772/2004 du 27 avril 2004. Sur ce règlement, V. ARHEL, Entrée en vigueur du nouveau règlement d'exemption sur les accords de transfert de technologie, JCP E, 2014, Act. 290 ; IDOT, Entrée en vigueur du nouveau règlement d'exemption sur les accords de transfert de technologie, RDC 2014, 483 et Europe 2014, n° 212 ; MARECHAL, Application du droit des ententes aux accords de transfert de technologie : se méfier des eaux qui dorment !, Contrats Conc. Consom. 8/9 2014, Alerte 45 ; PASSA, Le nouveau règlement d'exemption par catégories d'accords de transfert de technologie, RDC 2014, 740 ; POILLOT-PERRUZZETTO, Les stratégies coopératives entre les laboratoires pharmaceutiques au regard du droit des pratiques anti-concurrentielles : le cas des accords de recherche et de développement en commun et des accords de transfert de technologie, RLC 2015, n° 2774.

Cf. le commentaire de l'ABA, Joint Comments of the American Bar Association's Sections : “the proposed reforms constitute a major improvement to the current highly complex and formalistic TTBER, introducing a conceptually sounder, more economics-based approach to the competition law treatment of technology licensing agreements”. 

U.S. Department of Justice and Federal Trade Antitrust Guidelines for the Licensing of Intellectual Property, 1995. 

LIND et MUYSERT, Charles River Associates (cra), Projet de règlement et de lignes directrices sur l'exemption par catégorie en faveur du transfert de technologie (ECTT) : une entrave importante aux principes admis de politique de concurrence. Articles sur la politique de concurrence, n° 8, avril 2004. 

Règl. 330/2010 du 20 avril 2010, concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, JO L 102 du 23 avril 2010, 1.

MONTI, Antitrust, Patent and Copyright, conférence du 16 janvier 2004 organisée par l'École des Mines de Paris et la Faculté de droit de l'Université de Californie à Berkeley.

Règl. 2022/720 du 10 mai 2022, concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, JO L 134 du 11 mai 2022, 4.

Règl. 1400/2002 du 31 juillet 2002, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, JO L 203 du 1er août 2002, 30.

Règl. 461/2010 du 27 mai 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, JO L 129 du 28 mai 2010, 52.

Lignes directrices sur les restrictions verticales du 28 juin 2022, JOUE C 248 du 30 juin 2022, 1, pt 277 : “Lors de l’examen de [...] cas individuels, la Commission peut tenir compte des effets tant réels que probables. Pour que des accords verticaux restreignent la concurrence par leur effet, ils doivent affecter la concurrence réelle ou potentielle dans une mesure telle que l’on puisse s’attendre, avec un degré de probabilité raisonnable, à des effets négatifs sur les prix, la production, l’innovation ou la variété et la qualité des biens ou des services sur le marché en cause”.

Lignes directrices sur les restrictions verticales, pt 227.

Lignes directrices sur les restrictions verticales, pt 10.

Lignes directrices sur les restrictions verticales, pt 277.

Les règlements d'exemption nouvelle génération.

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Droit européen de la distribution

9. Portée des règlements d'exemption.

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Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

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