Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

En l'absence de texte général, la jurisprudence fonde traditionnellement l'action en concurrence déloyale sur les articles 1240 et 1241 du Code civil. La déloyauté est une faute, même non intentionnelle, et oblige à réparation . Mais, si large soit la formule des articles 1240 et 1241 du Code civil, l'action en concurrence déloyale ne déborde-t-elle pas le cadre de la responsabilité civile ? La na …

Fondement juridique de la concurrence déloyale.

Le système juridique français, né de la Révolution française et en opposition avec les règles corporatistes de l'Ancien régime, se fonde sur la liberté du commerce et de l'industrie, avec en corollaire la libre concurrence. Le marché obéit à la loi de l'offre et de la demande et les opérateurs économiques peuvent offrir à la même clientèle des produits ou services similaires. Même si le détournement de clientèle résulte inéluctablement du jeu de l'offre et de la demande, la liberté de la concurrence ne peut être sans limites. Comme toute liberté, elle doit s'exercer dans le respect de celle d'autrui. Les opérateurs doivent donc obéir à un certain nombre de règles et ne peuvent adopter un comportement déloyal, c'est-à-dire contraire aux usages du commerce ou aux lois et règlements en vigueur. La jurisprudence a été amenée à élaborer la théorie de la concurrence déloyale, qui autorise la victime de procédés contraires aux règles du commerce à poursuivre leur auteur en responsabilité civile, en dehors de tout droit privatif.

La théorie de la concurrence déloyale rencontre cependant des limites. Une entreprise ne bénéficie d'aucun droit privatif sur sa clientèle ; la simple démarche de cette clientèle est donc licite, dès lors qu'elle ne s'accompagne d'aucun acte déloyal .

Par ailleurs, la liberté du commerce implique la liberté des prix. Aussi, un fabricant ne commet-il aucun acte de concurrence déloyale lorsqu'il vend ses produits à des prix inférieurs à ceux de ses concurrents. La pratique d'un prix inférieur n'est pas déloyale tant qu'elle n'excède pas les usages du commerce et que le prix n'est pas dérisoire .

Paris, 26 février 1991, LawLex200200001825JBJ, D., 1991, I.R., 101 ; Cass. soc., 27 mai 1992, LawLex200200001731JBJ, D., 1993, somm. 155, obs. IZORCHE ; 27 mars 1996, LawLex200200001369JBJ, RJDA, 1996, nº 999.

Versailles, 20 octobre 1993, LawLex200200001617JBJ, RJDA, 1994, nº 751, sur le droit de préférer une séduction de la clientèle par les prix ; Paris, 3 juillet 1996, LawLex200200001345JBJ, RJDA, 1996, nº 1422 ; Paris, 25 septembre 1996, LawLex200200001330JBJ, D. Aff., 1996, 1218, sur le droit de pratiquer des prix inférieurs ; Aj. ; Cass. com., 3 mai 2000, LawLex200200000140JBJ, Bull. civ. 4, nº 93 ; JCP E, 2000, 1017 ; RJDA, 2000, nº 1192, prix bas, concurrence déloyale et aides financières.

Théorie de la concurrence déloyale.

V. POUILLET, Traité des marques de fabrique et de la concurrence déloyale, 6e éd. 1911, par TAILLEFER et CLARO ; NAST, La conception française de la concurrence déloyale, Mélanges Wieland, 1934, 287 ; ROUBIER, Théorie générale de l'action en concurrence déloyale, RTD com. 1948, 541 ; Le droit de la propriété industrielle, Tome I, 1952 ; MERMILLOD, Essai sur la notion de concurrence déloyale en France et aux États-Unis, LGDJ, 1954 ; DOUCET, Prescription et nature de l'action en concurrence déloyale, Gaz. Pal. 1964, 2, Doctr., 105 ; ULMER (sous la dir.), La répression de la concurrence déloyale dans les États membres de la CEE (Tome 1, Droit comparé, Tome 2, Belgique-Luxembourg, Tome 3, Allemagne, Tome 4, France, Tome 5, Italie), Dalloz, 1967 ; PIROVANO, La concurrence déloyale en droit français, RID comp., 1974, 467 ; BURST et KOVAR, Droit de la concurrence, Economica, 1981 ; BURST, Concurrence déloyale et parasitisme, Dalloz, 1993 ; IZORCHE, Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD com. 1998, 17 ; LE TOURNEAU, De la spécificité du préjudice concurrentiel, RTD com. 1998, 83 ; PUTTEMANS, Droits intellectuels et concurrence déloyale, Bruylant, 2000 ; SERRA (sous la dir.), La concurrence déloyale, Centre de droit de la concurrence, Université de Perpignan, Dalloz, 2001 ; LECOURT, La concurrence déloyale, L'Harmattan, 2004 ; PICOD, Plaidoyer pour une consécration législative de la concurrence déloyale, Mélanges Serra, Dalloz, 2006, 359 ; CAILAC, Un an de jurisprudence en matière de concurrence déloyale et de parasitisme, Revue Lamy Droit de l'Immatériel, 2009/48, 66 ; LECOURT, La concurrence déloyale, L'Harmattan, 2009 ; PICOD, Le Code de commerce : son histoire et l'évolution parallèle du droit de la concurrence déloyale, PUP, 2009 ; PICOD, AUGUET, DORANDEU, Rép. com. Dalloz, V. Concurrence déloyale, 2010 ; TOPORKOFF, Droit de la concurrence déloyale, Gualino, 2010 ; PICOD, Concurrence déloyale et intervention fautive sur le marché, in Droits de la propriété intellectuelle. Liber amicorum Georges Bonet, Litec, 2010, 421 ; PICOD, Concurrence déloyale et responsabilité civile, AJ Contrats d'affaires 2014, 152 ; BEKALE NGUEMA, La concurrence déloyale dans le commerce électronique, Presses Universitaires de Perpignan, 2015 ; LEBLOND, L'évaluation du rôle de l'action en concurrence déloyale, LPA, 31 juillet 2015, 9 ; PICOD, Liberté et loyauté de la concurrence in Loyauté, droit de la concurrence et juge de droit commun : nouveaux développements, nouvelles perspectives ?, RLC, numéro spécial, dir. M. Chagny, nov. 2017, 11 ; VOGEL, Traité de droit économique, t. 1, Droit de la concurrence, LawLex/Bruylant, 2017 ; MANARA, Autonomie de la concurrence déloyale, Contrats conc. consom. 2019, dossier 4.

En l'absence de texte général, la jurisprudence fonde traditionnellement l'action en concurrence déloyale sur les articles 1240 et 1241 du Code civil. La déloyauté est une faute, même non intentionnelle, et oblige à réparation . Mais, si large soit la formule des articles 1240 et 1241 du Code civil, l'action en concurrence déloyale ne déborde-t-elle pas le cadre de la responsabilité civile ? La nature des sanctions judiciaires semble aller dans ce sens : en effet, elles ne sont pas seulement destinées à réparer un préjudice ; elles sont également préventives et peuvent être prononcées pour faire cesser un trouble commercial  en garantissant le demandeur contre le risque d'un détournement éventuel de sa clientèle. Le préjudice de concurrence déloyale est lui-même spécifique. Il est envisagé de manière moins rigoureuse qu'en matière de responsabilité civile . On constate, dans la période récente, un dépassement de l'action en responsabilité civile. Ainsi, le préjudice de concurrence déloyale existe en dehors de toute perte de clientèle . Il peut par conséquent concerner une entreprise dépourvue de clientèle  ou des entreprises sans clientèle commune .

L'évolution d'une entreprise sur le marché ne doit pas être contrariée par l'usage de procédés déloyaux visant à lui causer un préjudice, que ce soit une perte de clientèle, une atteinte à sa notoriété, ou l'exploitation ou la création à ses dépens d'une clientèle identique ou distincte. À la notion de clientèle commune à l'auteur du dommage et à sa victime, tend aujourd'hui à se substituer celle de clientèle finale identique. La théorie de la concurrence déloyale permet ainsi aux entreprises d'agir contre des opérateurs économiques qui ne sont pas en rapport direct et étroit de concurrence avec elles. Dès lors, on peut penser que les règles de la concurrence déloyale protègent non seulement les concurrents, mais aussi les situations acquises au détriment des nouveaux entrants. Le contentieux de la concurrence déloyale est d'ailleurs de ce fait en perpétuel accroissement : action subsidiaire, l'action en concurrence déloyale est aujourd'hui systématiquement introduite parallèlement aux actions tendant à réparer les atteintes aux droits privatifs (brevet, marque, dessins et modèles...).

D'autres fondements ont été proposés par la doctrine. L'action en concurrence déloyale viserait à moraliser les relations entre professionnels. Elle serait de type disciplinaire et aurait pour principal objectif de faire respecter les usages professionnels. Selon le caractère répressif ou indemnitaire de l'action, la faute est alors définie plus ou moins largement et sa sanction permet de protéger non seulement les concurrents directement lésés, mais aussi les consommateurs. Certains pays européens, comme l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, combinent cette conception déontologique de l'action avec une conception plus large qui reconnaît que les consommateurs ou utilisateurs finals ont en règle générale intérêt à ce que les opérateurs se conforment aux usages honnêtes du commerce. Une telle acception permet la sanction de comportements qui, entre concurrents, n'auraient pas été répréhensibles .

Pour d'autres auteurs, la concurrence déloyale protégerait un droit déterminé : la propriété du fonds de commerce . Cette théorie se fonde sur la conception traditionnelle de l'action en concurrence déloyale, qui suppose l'existence d'une clientèle commune. Toutefois, cette exigence est dépassée par la jurisprudence. Il a également été soutenu que la concurrence déloyale tendrait à reconnaître “un droit privatif sur une valeur concurrentielle non protégée par une loi spéciale” . La propriété intellectuelle est effectivement spécialement protégée par la loi, mais l'imitation peut être déloyale. Cependant, contrefaçon et concurrence déloyale sont deux actions bien distinctes qui reposent sur des fondements différents : l'une sur un principe d'interdiction, l'autre sur un principe de liberté. Lorsque la jurisprudence reconnaît que “l'action en concurrence déloyale a pour objet d'assurer la protection de celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif”, elle ne lui confère pas un droit, mais se borne à sanctionner la faute commise par son concurrent. Le caractère original ou distinctif des éléments dont la reprise est incriminée ne constitue pas une condition du bien-fondé de l'action en concurrence déloyale, mais un facteur susceptible d'être pertinent pour l'examen d'un risque de confusion, puisque l'action est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif .

Cass. civ., 18 avril 1958, D., 1959, 87, note DERRIDA ; Cass. com., 18 juillet 1971, D., 1971, 691 ; 3 octobre 1978, Bull. civ. 4, nº 207 ; 17 octobre 1984, D., 1985, I.R., 384, obs. SERRA ; 6 mai 1986, D., 1986, I.R., 339 ; 26 avril 1994, LawLex200200001576JBJ, Bull. civ. 4, nº 151.

Cass. com., 9 février 1993, LawLex200200001668JBJ, Bull. civ. 4, nº 53 ; Contrats Conc. Consom., 1993, nº 49, obs. VOGEL ; JCP E, 1994, II, 545, obs. DANGLEHANT ; 16 décembre 1997, LawLex200200001200JBJ.

Cass. com., 9 février 1993, LawLex200200001668JBJ, Bull. civ. 4, nº 53 ; 29 juin 1993, LawLex200200001632JBJ, D., 1995, somm. 211, obs. PICOD.

Paris, 29 mars 1993, LawLex200200001652JBJ, D., 1994, somm. 223, obs. SERRA ; 3 avril 1995, LawLex200200001468JBJ, D., 1995, I.R., 118 ; Cass. com., 27 février 1996, LawLex200200001383JBJ, D., 1997, somm. 104, obs. SERRA.

Paris, 6 novembre 1990, LawLex200200001849JBJ, D., 1990, 564, note THOUVENIN, précisant que peu importe que des mutuelles ne soient pas des commerçants dès lors qu'une activité professionnelle est en cause ; Cass. com., 8 novembre 1994, LawLex200200001523JBJ, Bull. civ. 4, nº 325, Contrats Conc. Consom., 1995, nº 6, obs. VOGEL ; D., 1995, somm. 209, obs. SERRA, pour une association à but non lucratif. - Adde : VOGEL, Droit français de la concurrence (chronique d'actualité), JCP E, 1995, I, 492.

Versailles, 12 février 1990, LawLex200200001887JBJ, D., 1990, somm. 264, obs. SERRA ; Cass. com., 30 janvier 1996, LawLex200200001395JBJ, Bull. civ. 4, nº 32, Contrats Conc. Consom., 1996, nº 41, obs. VOGEL ; D. Aff., 1996, 257, D., 1997, 232, note SERRA ; Paris, 24 septembre 1996, LawLex200200001332JBJ, D. Aff., 1996, 1189, en matière de dénigrement.

C'est aussi l'approche adoptée par l'Union européenne avec la directive 2005-29 du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales. Le texte pose une interdiction générale commune et unique qui couvre les pratiques commerciales déloyales altérant le comportement économique des consommateurs. Elle s'applique même en dehors de toute relation contractuelle entre le professionnel et le consommateur. La loi du 3 janvier 2008, qui  transpose ces dispositions aux articles L. 121-1 s. du Code de la consommation consacre le principe selon lequel règles de concurrence et règles relatives à la protection du consommateur peuvent concourir au renforcement les unes des autres. La protection du consommateur contre les tromperies ou les comportements abusifs de certains professionnels s'étend aux concurrents qui n'usent pas des mêmes procédés. Inversement, le développement d'une concurrence loyale et réglée entre les entreprises les incite à mettre sur le marché des produits ou services de meilleure qualité et au meilleur prix, dans l'intérêt du consommateur ; V. TERRYN et VOINOT, Droit européen des pratiques commerciales déloyales : évolution et perspectives, Larcier, 2012. 

V. RIPERT, Les aspects du capitalisme moderne, LGDJ, 2e éd., 1951, nº 86.

LE MOAL, Contribution à l'étude d'un droit de concurrence, Thèse, Rennes, 1972, 162.

Cass. com., 6 décembre 2016, LawLex201600002052JBJ, Contrats Conc. Consom. 2017, n° 33, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RJDA 2017, n° 297.

L'action en concurrence déloyale protège, comme on l'a vu, la liberté de la concurrence. Cette liberté peut cependant être limitée autrement que par l'usage de procédés déloyaux. Il convient de déterminer le domaine de la concurrence déloyale par rapport aux autres atteintes à la libre concurrence.

Cette frontière a été tracée par le Doyen Roubier , qui distingue entre la concurrence interdite et la concurrence déloyale. Dans la première hypothèse, l'auteur de l'acte de concurrence “agit sans droit” ; dans la seconde, il fait “un usage excessif de sa liberté”. La concurrence est interdite soit par la loi, soit par le contrat.

Il apparaît également nécessaire de délimiter le domaine de la concurrence déloyale par rapport à la propriété intellectuelle. En effet, les dispositions du Code de la propriété intellectuelle accordent un monopole d'exploitation au titulaire de ces droits, qui vient restreindre la libre concurrence.

Le droit de la propriété industrielle, 1952, tome I, nº 104, 482.

Concurrence déloyale et liberté de la concurrence.

V. SCHMIDT-SZALEWSKI, La distinction entre action en contrefaçon et action en concurrence déloyale dans la jurisprudence, RTD com., 1994, 455.

La concurrence est illégale lorsqu'elle est limitée par des dispositions législatives ou réglementaires de manière plus ou moins restrictive. Le législateur a ainsi adopté un certain nombre de textes qui réglementent les relations commerciales et interdisent certains procédés, souvent déloyaux, afin de moraliser l'activité économique. Ces règles sont fréquemment assorties de sanctions pénales. Sont notamment prohibées la revente à perte (art. L. 442-5 C. com.), les pratiques commerciales déloyales ou de nature à induire en erreur le consommateur (art. L. 121-1 et L. 121-2 C. consom.), les ventes et prestations à la boule de neige (art. L. 121-15 C. consom.), les fraudes et falsifications (art. L. 441-1 et s. C. consom.). Il suffit à la victime de ces agissements, pour obtenir la condamnation du contrevenant, d'établir la matérialité des faits délictueux et le préjudice direct et personnel qu'elle subit. En outre, les associations de consommateurs, au contraire de l'action en concurrence déloyale, peuvent introduire une action en justice pour défendre les intérêts de ceux qu'elles représentent.

Est-il alors impossible d'agir en concurrence déloyale ? La réponse doit être négative. La réparation du dommage causé par l'une des infractions constatées et poursuivies sur le fondement des articles L. 410-1 et suivants du Code de commerce peut être demandée dans le cadre d'une action civile exercée dans les conditions du droit commun et le justiciable peut préférer la voie civile à la voie pénale .

V. Aix-en-Provence, 19 mai 1994, LawLex200200001567JBJ, D., 1995, somm. 212, obs. IZORCHE, pour des actes de publicité mensongère ; Cass. com., 18 octobre 1994, LawLex200200001535JBJ, Bull. civ. 4, nº 299, qualifiant d'actes de concurrence déloyale le fait de pratiquer des soldes sans autorisation administrative avec des rabais incitant la clientèle à se détourner du distributeur de la marque ; Cass. com., 9 avril 1996, LawLex200200001367JBJ, D., 1997, somm. 26, obs. MAZEAUD ; Bordeaux, 31 mars 1999, LawLex200200000139JBJ, la revente à perte constitue un acte de concurrence déloyale, sanctionnable sur le fondement de l'article 1240.

Concurrence déloyale et concurrence illégale.

La liberté de la concurrence peut être limitée par une convention. Les parties peuvent s'interdire toute activité concurrente soit pendant toute la durée du contrat, soit après l'expiration de la convention pendant une certaine période. Cette obligation de non-concurrence est notamment contenue dans les contrats de travail, de représentation (ex. : VRP, agent commercial, dirigeant social), de distribution, de vente ou de location-gérance de fonds de commerce (clause de non-rétablissement). La concurrence déloyale et la concurrence anticontractuelle ont des objets différents. La seconde interdit l'activité concurrentielle sans se préoccuper du moyen utilisé, alors que la première réprime le défaut de loyauté du procédé, et non l'exercice d'une concurrence. Elles ont également des fondements différents. La concurrence déloyale repose sur les articles 1240 et 1241 du Code civil, c'est-à-dire sur les règles de la responsabilité délictuelle . Inversement, le non-respect d'une obligation de non-concurrence constitue une faute sanctionnée par la responsabilité contractuelle de son auteur. Dans ce cas, il y a présomption de responsabilité, car l'obligation de non-concurrence constitue une obligation de résultat. L'action en concurrence déloyale suppose, au contraire, que la victime apporte la preuve de la faute et du préjudice corrélatif . Toutefois, ces différences n'empêchent pas une certaine complémentarité.

BALLOT-LENA, Concurrence déloyale et responsabilité civile de droit commun, Contrats, Concurrence, Consommation juin 2019, Dossier 3.

Pour un ex., V. Cass. 1re civ., 18 janvier 2005, LawLex200500003991JBJ, qui rappelle que la responsabilité pour concurrence déloyale suppose une faute caractérisée par des agissements distincts de la seule violation d'une éventuelle obligation de non-concurrence sanctionnée par la perte de l'indemnité compensatrice.

Concurrence déloyale et concurrence anticontractuelle.

V. CHAPUT (sous la dir.), Clientèle et concurrence, Creda, Litec, 2000 ; PICOD, Concurrence déloyale et responsabilité civile, AJCA, 2014, 152 ; Ballot-Lena, Concurrence déloyale et responsabilité civile de droit commun, Contrats, conc., consom., juin 2019, Dossier 3.

La liberté de la concurrence est également restreinte par les règles relatives à la propriété intellectuelle, qui confèrent un monopole d'exploitation ou d'utilisation au titulaire de ces droits. L'action en contrefaçon lui permet de défendre son droit patrimonial, notamment contre toute fabrication, importation ou mise en vente du produit protégé par son brevet (art. L. 615-1 et s. C. propr. intell.), toute reproduction de son modèle (art. L. 521-1 et s. C. propr. intell.), toute reproduction, usage, apposition de la marque, ou usage d'une reproduction de sa marque, sans son autorisation (art. L. 716-1 et s. C. propr. intell.). Contrefaçon et concurrence déloyale sont traditionnellement opposées. Ainsi, la Cour de cassation estime que l'action en concurrence déloyale et l'action en contrefaçon sont distinctes . En effet, ces actions ont des objets différents. L'action en contrefaçon sanctionne la violation d'un droit privatif spécialement protégé par la loi ; l'action en concurrence déloyale permet de réprimer la faute commise à l'encontre d'une personne ne disposant d'aucun droit privatif ou la faute distincte de l'atteinte à un droit privatif, quelle que soit la qualité du client auprès duquel la commercialisation a été effectuée . En outre, ces actions ont des fondements différents, de sorte qu'il est impossible de déduire de l'absence de contrefaçon le défaut de concurrence déloyale . Elles ne constituent donc pas, sous des formes différentes, l'exercice d'un même droit et ne tendent pas aux mêmes fins. Elles procèdent de causes différentes. Aussi ne sont-elles ni le complément, ni l'accessoire, ni la conséquence l'une de l'autre . Elles peuvent, cependant, sous certaines conditions, être introduites cumulativement, mais la recevabilité de l'action en concurrence déloyale est indépendante de la recevabilité de l'action en contrefaçon .

Cass. com., 6 novembre 1984, Bull. civ. 4, nº 297 ; 14 novembre 1995, LawLex200200001411JBJ ; 21 octobre 1997, LawLex200200001211JBJ, Bull. civ. 4, nº 278.

Cass. com., 17 janvier 2018, LawLex201800000135JBJ, écartant l'argument selon lequel la possession par l'institut médical des forces armées d'une seule copie du produit visé permettrait de rejeter l'action en concurrence déloyale à l'encontre de la société mise en cause.

Cass. com., 14 novembre 1995, nº 93-19.157, inédit ; 11 mars 2003, LawLex200300001064JBJ ; 6 mai 2003, LawLex200300002732JBJ ; 12 juin 2007, LawLex200700000752JBJ, RLC, 2007/13, nº 940, obs. CHAGNY ; JCP E, 2007, 2303, obs. CARON et DECOCQ ; JCP G, 2007, II, 10181, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RLDA, 2007/18, nº 1105, obs. ANADON ; D., 2007, AJ, 1723 ; Rev. Lamy dr. immat., 2007, nº 948, obs. COSTES et AUROUX ; Concurrences, 3/2007, 110, obs. MOREL et FASQUELLE, qui affirme que, à la différence de l'action en contrefaçon, l'action en concurrence déloyale pour copie d'un modèle ne requiert pas l'originalité, qui ne constitue qu'un facteur d'appréciation de la faute ; 6 novembre 2007, LawLex200700001776JBJ, Communic. com. électr., 2008, nº 5, selon laquelle la nullité du brevet n'empêche pas l'action en concurrence déloyale de son titulaire.

Paris, 18 avril 1989, D., 1990, somm. 77, obs. SERRA.

Cass. 1re civ., 10 avril 2013, LawLex201300000610JBJ.

Concurrence déloyale et contrefaçon.

V. SCHMIDT-SZALEWSKI, La distinction entre action en contrefaçon et action en concurrence déloyale dans la jurisprudence, RTD com., 1994, 455 ; FAJGENBAUM et LACHACINSKI, Concurrence déloyale, parasitisme et contrefaçon, AJCA, 2014, 158 ; LEBLOND, L'évaluation du rôle de l'action en concurrence déloyale, LPA 31 juillet 2015, 9 ; MALAURIE-VIGNAL, Autonomie de l'action en concurrence déloyale, Contrats, Concurrence, Consommation juin 2019, Dossier 4 ; THOMAS-RAQUIN et LE GUERER, Pratique contentieuse. L'articulation de l'action en concurrence déloyale avec l'action en contrefaçon dans la jurisprudence de la Cour de cassation, Communic. comm. électr. 2019, Fiches pratiques n° 2 ; Pratique contentieuse, La jurisprudence récente de la Cour de cassation sur le préjudice résultant de la contrefaçon, Comm. com. électr. 2020, 2 ; SUIRE et DREYFUSS-BECHMANN, Concurrence, contrefaçon et secret d'affaires : des actions complémentaires et subsidiaires, RLC 2020-100, 3940.

Droit français de la concurrence

23. Fondement juridique de la concurrence déloyale.

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