Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

Le préjudice est évalué selon les règles du droit commun . Le juge dispose en la matière d'un pouvoir souverain d'appréciation . Il n'est tenu ni de préciser les divers éléments du préjudice, ni de s'expliquer sur les critères d'évaluation retenus . Dans tous les cas, le préjudice résultant d'actes de concurrence déloyale ne saurait être évalué forfaitairement , même en l'absence de données suffis …

Évaluation du préjudice.

DANIS-FATÔME, La mesure des dommages et intérêts : question de fait ou question de droit ? Pour un renforcement du contrôle de la motivation des juges du fond, RDC 2019,  160 ; GUERLIN, La mesure des dommages et intérêts par la Cour de cassation,  RDC 2019, 182 ; JACQUEMIN, La réparation sans perte, ni profit selon la Cour de cassation ou l'art de transformer une maxime en instrument de contrôle, RDC 2019, 187 ; THIBIERGE, La mesure des dommages-intérêts : question de fait ou question de droit ? Libres réflexions au travers du prisme de la minimisation du préjudice, RDC 2019, 193 ; de MONCUIT, La réparation et l'évaluation du préjudice tiré d'un acte de concurrence déloyale, RLC 2021, 4170. 

Le préjudice est évalué selon les règles du droit commun . Le juge dispose en la matière d'un pouvoir souverain d'appréciation . Il n'est tenu ni de préciser les divers éléments du préjudice, ni de s'expliquer sur les critères d'évaluation retenus . Dans tous les cas, le préjudice résultant d'actes de concurrence déloyale ne saurait être évalué forfaitairement , même en l'absence de données suffisantes .

Selon la Haute juridiction , pour l'estimation du préjudice de concurrence déloyale, il convient de distinguer les actes “ tendant à détourner ou s'approprier la clientèle ou à désorganiser l'entreprise du concurrent” qui induisent des conséquences économiques négatives pour la victime (manque à gagner, perte subie, perte de chance) et qui “ peuvent être assez aisément démontrés ”, de ceux qui, en permettant à leur auteur de s'épargner une dépense obligatoire, comme en matière de parasitisme ou de non-respect de la réglementation, lui procurent “ un avantage concurrentiel indu dont les effets, en terme de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu ”. Dans ce dernier cas, “ il y a lieu d'admettre que la réparation du préjudice subi peut être évaluée en prenant en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par ces actes ” . 

L'évaluation du préjudice n'étant pas toujours aisée, il est loisible au juge de recourir à l'expertise  ou de se fonder sur des études spécifiques . En cas de cumul d'actions en contrefaçon et en concurrence déloyale, le montant des dommages-intérêts visant à réparer l'atteinte au droit de propriété intellectuelle est déterminé en fonction des critères énoncés à l'article 2 de la loi 2014-315 du 11 mars 2014, sans que ces dispositions soient applicables aux sommes allouées en réparation des actes de concurrence déloyale . Le préjudice s'évalue au jour de la décision. En effet, même si le droit, pour la victime d'une faute, d'obtenir la réparation du préjudice subi existe dès que le dommage a été causé, l'évaluation de ce dommage doit être faite au moment où le juge statue alors que la réunion dans un même patrimoine, des avoirs de la victime d'actes de détournement de clientèle et des actifs de la personne morale qui en a tiré profit, a nécessairement influé sur la consistance et le montant du préjudice invoqué par leur ayant droit commun .

Les magistrats doivent tenir compte, dans leur évaluation, non seulement de la perte subie ou du gain manqué , mais également de l'incidence du comportement déloyal sur l'activité future de la victime . Ils prennent donc en considération les conséquences à long terme, c'est-à-dire se réfèrent à la période durant laquelle l'acte déloyal est susceptible de continuer de produire ses effets . Lorsque la faute de concurrence déloyale est commise par plusieurs personnes, ils doivent en outre déterminer la part contributive de celles-ci à la réparation du préjudice . Ainsi, il n'est pas possible de condamner une société et son gérant à payer chacun 15 000 euro au titre d'un détournement de clientèle sans déterminer les préjudices spécifiques respectivement causés par l'une et l'autre . La réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit pour aucune des parties . Le juge qui ordonne la publication d'une décision doit donc en préciser le coût maximum . Il ne peut pas non plus ordonner la publication du dispositif de son arrêt condamnant des actes de parasitisme, sur les sites Internet des parties, sans limiter cette mesure dans le temps . Le principe de réparation intégrale exclut que le juge prononce une interdiction d'ordre général, sans lien avec les actes déloyaux , et lui interdit de répartir la charge de l'indemnisation allouée à la victime d'actes de concurrence déloyale entre ses auteurs selon la nature contractuelle ou délictuelle de leur faute . La réparation doit rétablir, aussi exactement que possible l'équilibre concurrentiel détruit par le comportement fautif, de sorte que la victime des actes de concurrence déloyale peut proposer une méthode contrefactuelle qui consiste à tenter de reconstituer la situation économique qui aurait été en l'absence des pratiques litigieuses .

V. Cass. com., 12 février 2020, LawLex202000000207JBJ, Contrats, Conc. Consom. 2020, n° 62, obs. MALAURIE-VIGNAL et 74, obs. BERNHEIM-DESVAUX ; Gaz. Pal. 21 avr. 2020, 24, obs. RODA et 35, obs. TRAULLE ; D. 2020, 1086, obs. BORGHETTI ; RJDA 2020, n° 249 ; JCP G 2020, 792, obs. REBEYROL, rappelant les grands principes de la réparation civile.

Pour un ex., Cass. com., 26 mai 2004, LawLex200400001285JBJ, approuvant la condamnation à une somme identique pour les actes de contrefaçon et les actes distincts de concurrence déloyale ; Pour un rappel du principe en matière de dénigrement, Cass. com. 7 mars 2018, LawLex201800000387JBJ.

Cass. com., 3 février 2015, LawLex201500000159JBJ, cassant l'arrêt d'appel ayant retenu qu'il importait peu que la société victime du détournement, eût été ensuite absorbée par la société qui venait également aux droits de la société ayant bénéficié de ce détournement, aux motifs que le préjudice naît au moment où la faute a été commise, même s'il n'est constaté et chiffré qu'ultérieurement ; 10 février 2021, LawLex202100000502JBJ, rappelant que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des modalités de réparation du préjudice que la cour d'appel, après avoir fixé le montant des dommages-intérêts destinés à réparer les pertes d'exploitation et de loyers ainsi que le préjudice moral des sociétés plaignantes, peut refuser de prononcer l'interdiction d'exercice et la démolition demandées au motif qu'il convient de tenir compte de la réalité des préjudices subis et du principe de liberté d'entreprise pour considérer que, près de vingt ans après la souscription de la clause de non-concurrence litigieuse et huit ans après le début de l'activité illicite, de telles mesures seraient disproportionnées. 

Cass. com., 23 mars 1999, LawLex200200000974JBJ. Paris, 12 janvier 2017, LawLex201700000137JBJ, précisant que le préjudice subi par un grossiste du fait de la commercialisation par un détaillant de trois articles contrefaits parmi des centaines d'autres références, doit être évalué non pas à partir des bénéfices du détaillant, mais de son manque à gagner.

Cass. 1re civ., 20 septembre 2017, LawLex201700001504JBJ: l'indemnisation du préjudice causé par les actes de détournement de clientèle d'un avocat ayant exercé son droit de retrait ne saurait se heurter à l'autorité de la chose jugée attachée à la date de prise d'effet du retrait, dès lors que ce préjudice, distinct de la répartition des honoraires, obéit à des règles différentes de celles régissant la liquidation des droits d'un associé.

Versailles, 2 mars 1989, LawLex200200001912JBJ, D., 1990, somm. 76, obs. SERRA ; 26 septembre 1991, LawLex200200001788JBJ, D., 1992, somm. 344, obs. IZORCHE.

Cass. com., 18 octobre 1994, LawLex200200001534JBJ, D., 1996, 311, note KRIMMER ; RJDA, 1995, nº 235 ; Cass. com., 22 octobre 2002.

Cass. com., 15 mai 2012, LawLex201200000768JBJ.

V. not. : Versailles, 8 janvier 2025, LawLex202500000413JBJ.

Cass. com., 9 octobre 2012, LawLex201200002150JBJ.

Cass. 1re civ., 31 janvier 2018, LawLex201800000234JBJ.

Cass. com., 9 octobre 2012, LawLex201200002155JBJ, qui casse l'arrêt d'appel ayant interdit sous astreinte à l'auteur d'actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à l'occasion de la fabrication et de la commercialisation de panneaux rayonnants revêtus de la marque de la plaignante, de fabriquer, importer, offrir, vendre et/ou détenir des appareils du type de ceux commercialisés sous le nom de la victime ou de tout modèle similaire. 

Cass. com., 21 octobre 2014, LawLex201400001145JBJ. En outre, dès lors que la cour d'appel a justifié l'existence d'un seul et même préjudice pour concurrence déloyale et parasitaire par l'évaluation qu'elle en a faite, son appréciation souveraine du montant de ce préjudice ne saurait être remise ne cause.

Cass. com., 27 avril 2011, LawLex201100000864JBJ, censurant Paris, 3 mars 2010, LawLex201100000925JBJ, ayant estimé que la réparation du préjudice de la victime d'actes de concurrence déloyale doit s'effectuer compte tenu de l'importance des fautes tant contractuelle que délictuelle des auteurs du dommage.

Paris, 2 avril 2025, LawLex202500002829JBJ.

Cass. com., 6 septembre 2016, LawLex201600001412JBJ.

Cass. com., 23 novembre 2010, LawLex202000000207JBJ.

Cass. com., 12 février 2020, Cristal, LawLex202000000207JBJ ; 5 juin 2024, LawLex202400004051JBJ : l'interprétation jurisprudentielle conférée à l'article 1382 (devenu 1240) du Code civil par l'arrêt Cristal, qui permet seulement que le montant des dommages et intérêts dus à la victime des actes de concurrence déloyale ou parasitaire soit évalué en prenant en considération, pour déterminer l'importance du préjudice causé par ces actes, l'avantage indu que leur auteur s'est octroyé, est justifiée par l'objectif d'intérêt général d'indemnisation effective des victimes d'actes de concurrence déloyale ou parasitaire lorsqu'elles se heurtent à des difficultés de preuve de leur préjudice et que l'atteinte portée au droit de propriété de l'auteur de ces actes, garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, est proportionnée à cet objectif.

Dès lors que le développement, par une plateforme, en s'affranchissant  de la réglementation, d'un service de mise en relation de particuliers  entre eux - les uns conduisant leur véhicule et les autres souhaitant  être transportés -, a incontestablement créé un trouble commercial pour  les chauffeurs de taxi, en plaçant ces conducteurs occasionnels  particuliers et ladite plateforme dans une situation anormalement  favorable par rapport aux taxis, il y a lieu d'en réparer les effets  préjudiciables en prenant en considération l'avantage indu résultant de  cette rupture d'égalité, à savoir l'économie de charge faite par un  chauffeur particulier utilisant le service litigieux modulée à  proportion des volumes d'affaires respectifs des parties, Paris, 4 octobre 2023, LawLex202300012371JBJ, D. 2023, 2036, obs. WALID CHAIEHLOUDJ ; Contrats Conc. Consom. 2024, n° 5, obs. AUBRY ; JCP E 2024, n° 1018, obs. BEHAR-TOUCHAIS ; JCP G 2024, n° 31, obs. GARNIER ; D. 2023, 2219, obs. PICOD ; JCP E 2024, n° 1065, obs. DECOCQ, des YLOUSES, FERLA, DUMARCAY, BALLOT-LENA, ajoutant que pour évaluer le préjudice économique qui a résulté, pour les taxis  plaignants, du développement par la plateforme en cause d'un service de  transport public de personnes à titre onéreux en s'affranchissant de la  réglementation, il y a lieu de retenir la méthode de calcul consistant à  calculer l'économie de charge qu'aurait faite chaque plaignant, s'il  avait bénéficié du taux de charge réduit dont a bénéficié un chauffeur,  utilisateur du service incriminé, cette économie de charge étant  ensuite rapportée à la proportion de la commission perçue par la  plateforme concernée sur les courses de ses chauffeurs, à savoir 20 %. 

Sur l'expertise, V. Cass. com., 2 novembre 2011, LawLex201100000174JBJ, qui considère que le juge ne saurait refuser une expertise en vue de chiffrer le préjudice au motif qu'aucune faute ne serait établie, dès lors qu'un comportement déloyal cause nécessairement un préjudice, fût-il moral ; Cass. 2e civ., 15 novembre 2012, LawLex201200002325JBJ, qui estime qu'une mesure générale d'investigation, telle que celle qui autorise un huissier de justice assisté d'experts informatiques à comparer les listes obtenues lors de ses investigations avec celles des sociétés, objet de l'instruction, et à transmettre aux requérantes une liste de données communes, portant ainsi à leur connaissance des informations sur les défendeurs excédant les limites du litige, n'est pas légalement admissible sur le fondement de l'article 145 CPC.

Sur des études économiques, V. Colmar, 13 mai 1994, LawLex200200001572JBJ, D., 1995, 96, note BURST.

Cass. 1re civ., 3 mai 2018, LawLex201800000661JBJ.

Droit français de la concurrence

34. Évaluation du préjudice.(1)

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