Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

Une entreprise est libre d'embaucher les anciens salariés de son concurrent. Ce principe découle naturellement de la liberté de concurrence et de la liberté du travail. L'embauche sans surenchère salariale, du salarié d'une société concurrente, qui n'allègue pas de difficultés à pourvoir à son remplacement, ni de désorganisation à la suite de ce départ, ne constitue pas un acte de concurrence délo …

Principe de la liberté d'embauche.

Une entreprise est libre d'embaucher les anciens salariés de son concurrent. Ce principe découle naturellement de la liberté de concurrence et de la liberté du travail. L'embauche sans surenchère salariale, du salarié d'une société concurrente, qui n'allègue pas de difficultés à pourvoir à son remplacement, ni de désorganisation à la suite de ce départ, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale . Dès lors que l'embauche s'effectue dans des conditions régulières, elle n'est pas en soi fautive . Ainsi, une entreprise ne peut se plaindre du départ de salariés chez un concurrent alors qu'elle a pris elle-même une part importante dans la déstabilisation de son personnel et la vague de démissions qui s'en est suivie .

De même, le principe de la liberté du travail autorise un salarié à mettre fin à son engagement pour exercer une activité pour le compte d'un nouvel employeur. Si le principe de la liberté d'embauche est affirmé par une jurisprudence constante et unanime, des divergences d'interprétation opposaient les juridictions quant à sa portée en cas de démission du salarié. Selon la Chambre commerciale, le nouvel employeur du salarié démissionnaire était susceptible d'engager sa responsabilité solidaire comme complice de la rupture pour avoir engagé un salarié qui se trouve en période de préavis . Ce faisant, la Chambre commerciale ignorait un principe de réalité : comment demander à un salarié, désireux de changer d'emploi, de démissionner et de perdre tous ses droits sans avoir la certitude d'une prochaine embauche et de disposer au moins d'une promesse du nouvel employeur ? 

La Haute juridiction est revenue sur sa position puisqu'elle estime désormais que tout opérateur est libre de recruter tout salarié utile à son entreprise, fût-ce au sein d'une entreprise concurrente, le salarié ne pouvant se voir reprocher d'exploiter ses compétences et l'entreprise étant en droit de profiter du savoir et du savoir-faire ainsi acquis . Le débauchage de plusieurs salariés par un concurrent ne revêt en effet un caractère fautif que s'il conduit à une désorganisation de l'entreprise ou s'il est accompagné de manoeuvres déloyales . Selon les juges, l'existence d'une perturbation de l'entreprise ne doit pas être confondue avec sa désorganisation , laquelle doit être établie par celui qui s'en plaint . En outre, l'anormalité économique des conditions d'embauche, révélatrice du caractère déloyal du débauchage, doit être prouvée . Ainsi, selon la Cour d'appel de Riom,  le débauchage qui résulte de manoeuvres déloyales de la part du nouvel employeur qui procède au recrutement d'un salarié après avoir  effectué une démarche particulière et ciblée destinée à obtenir sa  démission, implique une incitation à la rupture de la part de  l'opérateur qui accueille le nouveau salarié .

La Chambre sociale de la Cour de cassation s'est toujours montrée plus libérale. Elle estime ainsi qu'au cours du préavis, le salarié peut prendre un engagement avec son nouvel employeur .

Les juridictions civiles et commerciales tendent également à adopter une position favorable au salarié et au nouvel employeur poursuivis pour concurrence déloyale. Il a ainsi été jugé qu'il n'est pas interdit au nouvel employeur de discuter et d'arrêter les clauses d'un contrat et de s'engager à embaucher le salarié du concurrent, avant même que le salarié ait fait connaître à celui-ci son intention de le quitter , ni même d'aider des salariés n'ayant pas une bonne maîtrise de la langue française, à rédiger leur lettre de démission . Selon la Cour d'appel de Paris, rien ne peut interdire à un salarié, en cours de contrat de travail, de préparer son embauche éventuelle par un nouvel employeur et à ce dernier de négocier l'embauche d'un salarié encore dans les liens de son contrat de travail . En revanche, le débauchage, sur une courte période, d'une équipe opérationnelle portant sur près d'un tiers de l'effectif qualifié d’une autre société associé au fait que ces salariés ont été amenés à travailler pour leur nouvel employeur avant la fin de leur contrat de travail ou de leur préavis, est fautif, même si les sociétés en cause ne sont concurrentes que pour une partie de leur activité .

Cass. com., 16 février 2016, LawLex201600000373JBJ.

Cass. com., 16 juin 1990, nº 88-10.542, inédit ; 5 février 1991, nº 88-16.214, inédit ; 21 octobre 1997, RJDA, 1997, nº 738 ; Dijon, 5 novembre 1998, LawLex200200001064JBJ, D., 2000, somm. 321, obs. PICOD ; Cass. com., 25 janvier 2000, Contrats Conc. Consom., 2000, nº 62, obs. MALAURIE-VIGNAL ; 19 novembre 2002, LawLex200200006207JBJ ; 5 novembre 2002, LawLex200200006208JBJ. Adde : Paris, 6 avril 2001, LawLex200200006360JBJ : l'embauche de salariés du concurrent est dénuée de faute lorsqu'elle est la conséquence de l'absorption de l'entreprise ; 10 novembre 2009, LawLex200900003512JBJ, qui souligne que l'anormalité économique des conditions d'embauche qui peut  révéler le caractère déloyal du débauchage, doit être prouvée ; Cass. com., 20 septembre 2011, LawLex201100001538JBJ, qui exige une désorganisation et non une simple perturbation.

Cass. soc., 1er octobre 1996, nº 93-44.978, D., 1996, I.R., 231, qui précise que le salarié dispensé d'exécuter son préavis par son employeur, à la suite de sa démission, peut entrer, pendant sa durée, au service d'une entreprise concurrente.

Versailles, 31 mars 1994, LawLex200200001581JBJ, D., 1995, somm. 207, obs. SERRA ; Paris, 17 avril 1996, LawLex200200001364JBJ, Gaz. Pal., 1996, 2, somm. 495.

Paris, 18 mars 2016, LawLex201600000674JBJ.

Paris, 13 octobre 2005, Juris-Data nº 284981, qui constate qu'au moment de la prise d'effet du nouveau contrat de travail, les salariés concernés étaient libres de toute obligation vis-à-vis de l'ancien employeur.

Paris, 11 septembre 2024, n° 21/03456, LawLex202400006341JBJ.

Paris, 8 janvier 2014, LawLex201400000067JBJ.

Cass. com., 28 janvier 1992, nº 89-21.597, reprochant aux juges du fond de n'avoir pas recherché si le nouvel employeur n'est pas complice de la rupture du contrat de travail alors qu'il a embauché le salarié en cours de préavis ; 26 avril 1988, LawLex200200001921JBJ : la tentative de débauchage est fautive ; 8 novembre 1988, nº 87-10.925, qui condamne solidairement un salarié et son employeur, le premier ayant apporté une collaboration active au second au cours de la période de préavis dont il avait été dispensé par l'ancien employeur. - Adde : Cass. com., 8 novembre 1988, Gaz. Pal., 1989, 1, pan. 7, salarié licencié en période de préavis ; Paris, 10 avril 1995, LawLex200200001463JBJ, D., 1996, somm. 248, obs. SERRA.

Cass. com., 24 septembre 2013, LawLex201300001414JBJ.

Cass. com., 31 octobre 2006, LawLex200600002351JBJ ; 20 février 2007, LawLex200700000284JBJ : le grief de débauchage ne suppose pas nécessairement l'existence de manoeuvres déloyales et est constitué lorsque les embauches litigieuses ont eu pour effet de désorganiser l'entreprise plaignante. - Comp., Versailles, 31 janvier 2012, LawLex201200000184JBJ.

Cass. com., 27 avril 2011, LawLex201100000853JBJ ; Orléans, 9 mai 2019, LawLex201900000615JBJ : la demande de l'employeur qui invoque l'illicéité du débauchage de l'un de ses commerciaux par un concurrent en raison d'une désorganisation de son entreprise doit être rejetée, dès lors qu'il confond la désorganisation et la perturbation, normale lors du départ d'un collaborateur aguerri, qui résulte, en l'occurrence, de l'absence de remplacement de façon pérenne de ce collaborateur pendant trois ans.- V. aussi, Riom, 6 mars 2024, LawLex202400002151JBJ : il y a débauchage fautif lorsque, du fait du départ d'un ou plusieurs salariés, l'entreprise affectée par ce mouvement de départ est perturbée  au point de ne plus être en mesure d'opérer normalement sur le marché,  d'honorer les obligations qu'elle avait contractées, notamment vis-à-vis  de ses clients, et plus généralement, de mettre en oeuvre la stratégie  qu'elle avait conçue ; Toulouse, 25 octobre 2023, LawLex202300013063JBJ, des actes de débauchage de salariés supposent, pour être caractérisés,  que soit apportée la preuve, par celui qui s'en plaint, de manœuvres d'incitation au départ déloyales, imputables au futur employeur, et qu'il soit établi que les départs ont eu pour effet d'entraîner une  désorganisation du fonctionnement de l'entreprise initiale, à  l'exclusion d'une simple perturbation ou d'un déplacement de clientèle.

V. not. Cass. com., 31 octobre 2006, LawLex200600002351JBJ ; 29 janvier 2008, LawLex200800000156JBJ ; 16 décembre 2008, LawLex200900000111JBJ.

Cass. com., 10 novembre 2009, LawLex200900003512JBJ ; 18 novembre 2020, LawLex202000003307JBJ : l'embauche de deux salariées démissionnaires d'une entreprise concurrente, non liées par une clause de non-concurrence, n'est pas illicite en l'absence de preuve d'incitation à leur départ ou d'échanges précédant leur nouvelle prise de poste, étant entendu qu'une proposition de rémunération de 5 % plus élevée ne constitue pas un procédé déloyal à l'égard de l'ancien employeur de nature à rendre le débauchage fautif.

Riom, 6 mars 2024, LawLex202400002151JBJ.

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73. Principe de la liberté d'embauche.

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