Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

La Cour de justice a été saisie de la question de la conformité au droit européen de la libre circulation d'une réglementation nationale interdisant la revente à perte. Selon elle, l'interdiction de la revente à perte n'est pas contraire au principe de libre circulation des marchandises pourvu que les dispositions répressives affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisati …

Libre circulation des marchandises et protection des consommateurs.

V. MATTERA, De l’arrêt "Dassonville" à l’arrêt "Keck" : l’obscure clarté d’une jurisprudence riche en principes novateurs et contradictions, RMCUE, 1994, 117 : PIGASSOU, La pénalisation de la transparence tarifaire à l’épreuve de la libre circulation des marchandises, RTD com., 1995, 693 ; THÉOPHILE et GIOLITO, Le juge communautaire rachète la prohibition de la revente à perte : le prix d’un revirement, Cah. dr. entr., 1994, 4, 8-13 ; VILMART, Le volet concurrence de la loi en faveur des PME à la lumière du droit communautaire : une conformité suspecte ?, RLC, 2006/6, 33 ; TERRYN et VOINOT, Droit européen des pratiques commerciales déloyales : évolution et perspectives, Larcier, 2012 ; STUYCK, L'incidence du droit de l'Union sur les réglementations nationales régissant les ventes à perte, JDE 2018, 254 ; PISZCZ et SOUSA FERRO, Member States' Prohibitions of Sales at a Loss: The Living-Dead, JECLAP 2019, 349.

La Cour de justice a été saisie de la question de la conformité au droit européen de la libre circulation d'une réglementation nationale interdisant la revente à perte. Selon elle, l'interdiction de la revente à perte n'est pas contraire au principe de libre circulation des marchandises pourvu que les dispositions répressives affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres . S'agissant des règles de concurrence, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que les articles 3, 5, 101 et 102 TFUE ne s'opposent pas à l'application d'un droit national interdisant aux commerçants de revendre un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat . Une telle réglementation ne saurait être regardée comme une mesure d'effet équivalent à une restriction à l'importation .

La France n'est pas le seul État membre à avoir adopté des règles prohibant la revente à perte. Ainsi, la Belgique interdisait “à tout commerçant d'offrir en vente ou de vendre un produit à perte” . La législation espagnole connaît également la prohibition de la revente à perte. Mais il s'agit dans les deux cas d'une faute civile, et non d'un délit pénal comme en France . 

Pour assurer au mieux la libre circulation des marchandises et la protection des consommateurs, l'Union a adopté des directives d'harmonisation. Il en est ainsi de la directive 2005-29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales . Le texte “s'applique aux pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs […] avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit” (art. 3) et vise donc tous les stades de la commercialisation du produit. Aussi, dès lors qu'une pratique a pour objectif d'attirer les consommateurs dans les locaux du commerçant et de les inciter à procéder à des achats, constitue-t-elle une pratique commerciale au sens de l'article 2 de la directive 2005-29. La revente à perte répond selon la Cour de justice à cette définition . La directive imposant, lorsqu'une pratique commerciale ne figure pas dans la liste de l'annexe I, qui déclare déloyale per se les pratiques qu'elle énumère, d'exercer un contrôle préalable de son caractère déloyal, une législation nationale ne peut pas, de manière générale, interdire la revente à perte . 

La France doit-elle pour autant réviser sa législation ? Pour l'heure, la jurisprudence est parvenue à préserver le régime français en retenant que l'article L. 442-2 (devenu l'art. L. 442-5) du Code de commerce ne relève pas du champ d'application de la directive 2005-29, soit parce qu'il n'aurait pas pour finalité la protection des consommateurs, mais la loyauté et l'équilibre des relations commerciales , soit, sans prendre position sur les objectifs de la réglementation, parce que les litiges en question ne concernaient pas des consommateurs, mais les rapports entre des centrales d'achats et des détaillants . Il n'est pas certain que cette solution soit conforme à la jurisprudence de la Cour de justice, qui a estimé que la directive s'appliquait même à un litige concernant les rapports entre grossistes et petits commerçants, dès lors que la réglementation en cause visait à la protection des consommateurs . Le critère essentiel d'applicabilité de la directive semble donc être l'objectif poursuivi par la réglementation et non la qualité des parties au litige. La Cour de cassation ne pourra indéfiniment se dispenser de prendre position sur les objectifs des règles françaises  dont la fragilité au regard des règles européennes est régulièrement rappelée par la doctrine .

CJCE, 24 novembre 1993, aff. C-267-91 et C-268-91, LawLex200200000141JBJ, Europe 1994, n° 12, obs. RIGAUX et SIMON ; Rev. Marché Unique 1993, 195, obs. MATTERA ; D. 1994, Jur., 187, obs. VOINOT ; LPA 1994, n° 59, 24, obs. CARTOU ; JCP E, 1994, II, 592, obs. VOGEL. Aj. WEILL, L'article 30 du Traité CE et la revente à perte, Rev. Conc. Consom., 1994, nº 78, 69.

Cass. crim., 28 septembre 1992, LawLex200200000279JBJ, RJDA, 1992, nº 1098. Aj. MORDANT de MASSIAC, RJDA, 1992, nº 806.

CJUE, 19 octobre 2017, Europamur Alimentación SA, aff. C-295-16, LawLex201700001686JBJ, préc.

Pour un exposé complet des arguments en présence, V. COMBET, La remise en cause des interdictions de vente à perte sur le spectre de la protection des consommateurs, RLDA, 2013/85, n° 4738.

FOURGOUX, Seuil de revente à perte - Promotions - Réforme, Concurrences, 1/2019, 108.

Cass. crim., 13 mars 1995, LawLex200200000314JBJ ; RJDA, 1995, nº 599.

Les législations de ces deux Etats membres n'en ont pas moins été déclarées contraires au droit de l'Union par la Cour de justice : V., pour la Belgique, CJUE, 7 mars 2013, Euronics Belgium CVBA, aff. C-343-12, LawLex201300000451JBJ, JCP G, 2013, 396, obs. BERLIN ; Communication, Comm. électr. juillet/août 2013, Chron. 7, n° 12, obs. BOULET et FROSSARD ; RJDA 7/2013, 539, note FOURGOUX ; LPA 3 juillet 2013, 3, obs. ARHEL ; RLDA, 2013/83, n° 4632, obs. LECOURT ; Concurrences, 2/2013, 95, obs. DANY ; pour l'Espagne, 19 octobre 2017, Europamur Alimentación SA, aff. C-295-16, LawLex201700001686JBJ, LD novembre 2017, 8, obs. BOUFFARD ; AJ Contrat 2017, 539, obs. FORTUNATO ; Contrats Conc. Consom. 2017, n° 260, obs. BERNHEIM-DESVAUX ; LEDICO, décembre 2017, 1, obs. CHONE-GRIMALDI.

Dir. 2005-29 du 11 mai 2005, JOUE L 149 du 11 juin 2005, 22.

CJUE, 7 mars 2013, Euronics Belgium CVBA, aff. C-343-12, LawLex201300000451JBJ, préc. ; 19 octobre 2017, Europamur Alimentación SA, aff. C-295-16, LawLex201700001686JBJ, préc.

CJUE, 7 mars 2013, Euronics Belgium CVBA, aff. C-343-12, LawLex201300000451JBJ, préc.

Douai, 31 mars 2016, LawLex201600000751JBJ, LD mai 2016, 8, obs. BONNET-DESPLAN ; AJCA 2016, 299, obs. ANCELIN et d'HARCOURT ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 165, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RTD com. 2016, 477, obs. CHAGNY.

Cass. com., 22 novembre 2017, LawLex201700001961JBJ, LD décembre 2017, 7, obs. BONNET-DESPLAN ; AJ Contrat 2018, 42, obs. REGNAULT ; LEDICO février 2018, 5, obs. GRIMALDI ; Cass. crim., 19 décembre 2017, LawLex201800000050JBJ, Contrats Conc. Consom. 2018, n° 32, obs. BERNHEIM-DESVAUX.

Droit français de la concurrence

259. Libre circulation des marchandises et protection des consommateurs.(1)

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