Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

L'article L. 420-4, I, 2º du Code de commerce reproduit les quatre conditions cumulatives de l'article 101, paragraphe 3, TFUE. Pour bénéficier de l'exemption, il faut que les auteurs des pratiques prohibées (1) justifient qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et (2) qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du p …

Contribution au progrès économique/Gains d'efficacité.

V. BLAISE, L’article 10-2º de l’ordonnance et la contribution au progrès économique : du bilan économique à la règle de raison, Gaz. Pal., 13 février 1997.

L'article L. 420-4, I, 2º du Code de commerce reproduit les quatre conditions cumulatives de l'article 101, paragraphe 3, TFUE. Pour bénéficier de l'exemption, il faut que les auteurs des pratiques prohibées (1) justifient qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et (2) qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte sans (3) donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ni (4) imposer des restrictions non indispensables . L'entreprise qui entend justifier une pratique en invoquant un progrès économique doit en démontrer la réalité et l'importance, notamment en versant au dossier des éléments probants et vérifiables . En outre, l'examen du caractère exemptable d'un accord doit être conduit au regard de la situation concrète du marché et des éléments connus des parties au moment où il a été conclu . L'identité des termes employés en droit de l'Union et en droit français masque des réalités fort différentes. Alors que les autorités européennes n'hésitent pas à appliquer l'article 101, paragraphe 3, le texte français n'a été appliqué qu'en de rares occasions. 

Selon l'Autorité de la concurrence , les dispositions de l'article L. 420-4, I, 2º sont d'interprétation stricte. Le progrès économique doit être un progrès pour la collectivité dans son ensemble et non seulement pour les entreprises intéressées . Il doit être la conséquence directe des pratiques en cause, ne doit pas pouvoir être obtenu par d'autres voies  et doit être suffisamment important pour justifier les atteintes à la concurrence. Le progrès économique recherché doit être identifié de façon claire, objective et mesurable, de sorte qu'il soit possible de vérifier ex post que l'objectif annoncé a effectivement été atteint . Comme les autorités européennes, l'Autorité de la concurrence adopte l'approche dite de l'échelle mobile pour évaluer le profit tiré par les utilisateurs du progrès économique allégué. Plus la restriction constatée est grande, plus les gains d'efficacité et leur répercussion sur les utilisateurs doivent être importants . Lorsque les effets restrictifs d'un accord sont relativement limités et les gains d'efficacité substantiels, une partie équitable des réductions des coûts sera assurément répercutée sur les consommateurs . Enfin, l'accord doit être raisonnablement nécessaire à la réalisation des gains d'efficacité allégués . Ainsi, l'instauration d'une commission interbancaire pour l'échange d'images-chèques n'a pas été jugée nécessaire au progrès économique constitué par le passage à un nouveau système de traitement dématérialisé des chèques dès lors que son principe et son mode de calcul ont été décidés sans analyse préalable des pertes et gains liés à la dématérialisation et sans qu'il soit établi qu'à la date de la conclusion de l'accord, l'une au moins des banques concernées pouvait raisonnablement envisager qu'elle subirait effectivement des pertes . 

L'article L. 420-4 du Code de commerce, depuis la loi du 1er juillet 1996, mentionne la possibilité d'exempter individuellement des pratiques “qui peuvent consister à organiser, pour les produits agricoles ou d'origine agricole, sous une même marque ou enseigne, les volumes et la qualité de production ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d'un prix de cession commun”. De plus, des accords spécifiques peuvent désormais aussi bénéficier d'une exemption par décret. De même, la loi NRE  a ajouté une référence expresse à la création et au maintien d'emploi, qui représente peut-être un acte d'affirmation d'une volonté politique, mais ne modifie pas réellement la portée du texte. De fait, il a été jugé que l'objectif de couverture des coûts et de maintien sur le marché, qui favorise le maintien de l'emploi, ne peut à lui seul constituer un progrès économique, en particulier dans un secteur qui connaît des surcapacités durables .

Pour des ex. d'application, V. Décision Cons. conc. nº 90-D-41 du 30 octobre 1990, LawLex201100001231JBJ, sur le respect de la condition d'objectivité imposée par l'injonction de la structure de la commission interbancaire de paiement qui distingue clairement la part destinée à couvrir les charges inhérentes au traitement de toute transaction, celle destinée à couvrir les coûts des mesures collectives de sécurité et celle, variable et proportionnelle aux fraudes constatées, qui est afférente à la rémunération du risque encouru par les banques des porteurs du fait de la garantie de paiement qu'elles assurent aux commerçants ; 93-D-13 du 18 mai 1993, LawLex200200003088JBJ, qui justifie le partage des zones d'exploitation entre des entreprises de manutention bénéficiaires d'accords d'exclusivité par le souci d'assurer une meilleure sécurité des manifestations professionnelles et une plus grande efficacité dans leur organisation ; nº 96-D-17 du 19 mars 1996, LawLex200200002568JBJ, qui écarte l'exonération de l'exclusivité d'approvisionnement subordonnée à l'engagement de ne pas référencer de nouvelles marques concurrentes ; nº 98-D-54 du 8 juillet 1998, LawLex200200002286JBJ, qui exclut que l'état de pré-crise puisse justifier une entente anticoncurrentielle ; nº 98-D-31 du 13 mai 1998, LawLex200200002890JBJ, qui refuse l'exemption au contrat d'exclusivité dans lequel sont insérées une clause fixant sa durée à quatre ans et une clause de tacite reconduction ; Décision Aut. conc. n° 23-D-13 du 19 décembre 2023, LawLex202300014730JBJ, LPA février 2024, 76, obs. ARHEL ; Concurrences 1/2024, 78, obs. BERNARDEAU et BODERE ; Concurrences 1/2024, 98, obs. MARTIN ; LD, janvier 2024, 4, obs. BETTONI, qui retient que les restrictions de concurrence qui résultent de l'interdiction de vente en ligne de montres de luxe n'apparaissent pas indispensables alors que les concurrents du fabricant autorisent la vente en ligne et ont développé des solutions afin de garantir aux consommateurs l'authenticité et la traçabilité des produits achetés.

Décision Aut. conc. nº 18-D-03 du 20 février 2018, LawLex201800000310JBJ.

Paris, 21 décembre 2017, LawLex201700002147JBJ, préc.

Paris, 19 juillet 2018, LawLex201800001111JBJ, LEDICO septembre 2018, 7, obs. DIENY ; LPA 9 novembre 2018, 7, obs. ARHEL ; Contrats Conc. Consom. 2018, n° 195, obs. DECOCQ ; Concurrences, 2018/4, 108, obs. CHONÉ-GRIMALDI.

Paris, 21 décembre 2017, LawLex201700002147JBJ, Gaz. Pal. 6 février 2018, 15, obs. LASSERRE CAPDEVILLE.

Tel n'est pas le cas, dans un secteur qui connaît durablement des surcapacités, de l'entente qui permet le maintien artificiel de l'ensemble des entreprises présentes sur le marché, Décision Aut. conc. nº 15-D-19 du 15 décembre 2015, LawLex201500001733JBJ, LD janvier 2016, 9, obs. DUFFOUR ; Concurrences 1/2006, 87, obs. BERNARDEAU.

Décision Aut. conc. nº 16-D-26 du 24 novembre 2016, LawLex201600001922JBJ, confirmé par Paris, 18 janvier 2018, LawLex201800000108JBJ, retenant que le règlement intérieur d'un groupement d'installateurs indépendants de grandes cuisines qui organise une sectorisation exclusive de l'activité de ses membres n'est pas proportionné au souci d'instaurer un maillage territorial assurant un service de proximité de qualité dès lors que cet objectif pourrait être atteint sans limiter la concurrence entre les adhérents.

Il  doit être effectivement démontré, à la fois dans sa nature et dans son quantum, par l'entreprise ou l'organisme qui l'invoque. V. not., Décision Aut. conc. n° 12-D-08 du 6 mars 2012, LawLex201600001922JBJ.

Décision Aut. conc. nº 18-D-23 du 24 octobre 2018, LawLex201800001583JBJ, Contrats Conc. Consom. 2018, n° 204, obs. BOSCO ; LEDICO décembre 2018, 5, obs. DIENY ; RJ com. 2018, 477, obs. CHAGNY ; Contrats Conc. Consom. 2019, n° 6, obs. MALAURIE-VIGNAL ; AJ Contrat 2019, 40, obs. L. et J. VOGEL ; RDC 2019, 122, obs. PRIETO ; D. 2019, 783, obs. N. FERRIER, retenant qu'une exemption individuelle ne peut être accordée à un accord qui produit des gains d'efficacité très réduits au regard de la restriction de concurrence particulièrement importante qu'il produit ; Paris, 4 juillet 2019, LawLex201900000898JBJ, Contrats Conc. Consom. 2019, n° 163, obs. DECOCQ ; Concurrences 4/2019, 91, obs. CHONE-GRIMALDI ; LPA 3 janvier 2020, 8, obs. ARHEL, considérant que la possibilité de présenter une offre de dimension nationale pour répondre à la demande de la grande distribution dans sa globalité et les gains d'efficacité qui en résultent, qui procèdent uniquement du regroupement d'entreprises concurrentes au sein d'une structure commune de commercialisation, ne peuvent compenser les désavantages pour la concurrence qui consistent dans la fixation des prix en commun et les répartitions de marché entre entreprises, s'il n'est pas démontré qu'ils ont créé un surcroît de valeur en permettant de faire baisser les prix ; Paris, 9 juin 2022, LawLex202200003117JBJ, qui souligne que les consommateurs outre-mer disposant d'un pouvoir d'achat plus faible qu'en métropole, tout en étant captif en raison de l'isolement inhérent au contexte insulaire, sont particulièrement susceptibles de subir les effets de l'exclusivité qui fait obstacle au renouvellement de l'offre à de meilleurs tarifs.. 

Décision Cons. conc. nº 07-D-05 du 21 février 2007, LawLex200700000336JBJ, qui exempte la diffusion par un syndicat professionnel auprès de ses adhérents d'une méthodologie tarifaire conduisant à un alignement de leurs coûts et marges dès lors qu'elle empêche une hausse des prix et réduit les risques de refus de prise en charge des patients, tout en demeurant facultative ; Décision Aut. conc. n° 10-D-28 du 20 septembre 2010, LawLex201000001037JBJ, qui exonère les commissions interbancaires pour services connexes, dont l'objet est de compenser les transferts de charges résultant de la dématérialisation du système d'échange de chèques, dès lors qu'elles sont proportionnées et nécessaires à la réalisation des gains d'efficacité dégagés par ce nouveau système, qui réduit les délais d'encaissement et les coûts de traitement et permet l'émergence de nouveaux services d'information pour les clients.

Décision Aut. conc. n° 11-D-11 du 7 juillet 2011, LawLex201100001230JBJ, qui retient que, en raison de la nature biface du marché du paiement par carte bancaire, les commissions versées à chaque opération, qui ne peuvent être justifiées par la rémunération d'un service rendu, ne sont licites que si elles contribuent de manière proportionnée au financement de ce système de paiement au regard du “test d'indifférence” du commerçant qui consiste à rechercher le montant maximal de commission pour lequel l'usage par son client d'une carte de paiement ou d'espèces lui est indifférent ; n° 13-D-14 du 11 juin 2013, LawLex201300000934JBJ, qui estime que la contribution éventuelle au progrès économique d'accords de prix et de répartition de marchés ne permet pas d'exempter les accords lorsqu'il n'est pas établi qu'ils sont indispensables pour atteindre l'objectif poursuivi de garantie d'une meilleure qualité des soins ; Paris, 17 octobre 2019, LawLex201900001229JBJ, LD novembre 2019, 8, obs. BONNET-DESPLAN ; Contrats Conc. Consom. 2020, n° 7, obs. MALAURIE-VIGNAL ; LEDICO décembre 2019, 4, obs. L. et J. VOGEL ; LPA 3 janvier 2020, 16, obs. ARHEL ; Contrats Conc. Consom. 2019, n° 203, obs. DECOCQ ; RLC 2019, n° 3693, obs. LEMONNIER, approuvé par Cass. com., 26 janvier 2022, LawLex202200000583JBJ, qui estime que les gains d'efficacité générés par un conseil personnalisé lors de la vente de produits dangereux ne justifient pas l'octroi d'une exemption individuelle, dès lors que la restriction de concurrence qu'il entraîne n'est pas indispensable à leur réalisation, des services de visio-assistance en ligne étant susceptibles d'atteindre le même objectif.

Droit français de la concurrence

338. Contribution au progrès économique/Gains d'efficacité.(1)

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