Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

Les autorités de contrôle ont vite estimé que lorsqu'une entreprise dominante utilise des “procédés normaux de concurrence”, parmi lesquels elles rangent les services nouveaux que celle-ci aurait été la première à rendre, ses activités ne sont pas répréhensibles . À l'origine, elles ont retenu une définition casuistique de l'acte anormal. Au lieu de déclarer certains types d'actes illégaux per se, …

Exonération.

Les autorités de contrôle ont vite estimé que lorsqu'une entreprise dominante utilise des “procédés normaux de concurrence”, parmi lesquels elles rangent les services nouveaux que celle-ci aurait été la première à rendre, ses activités ne sont pas répréhensibles . À l'origine, elles ont retenu une définition casuistique de l'acte anormal. Au lieu de déclarer certains types d'actes illégaux per se, la Commission de la concurrence paraissait au contraire déduire l'illégalité du comportement anticoncurrentiel du cadre économique ou juridique dans lequel celui-ci intervenait. Pour caractériser l'abus, elle se référait ainsi au “caractère léonin”  de certaines clauses contractuelles ou au “mobile manifestement anticoncurrentiel”  qui paraissait animer le comportement de l'entreprise dominante. Les accords d'approvisionnement exclusif n'étaient donc constitutifs d'une entrave au fonctionnement du marché que lorsqu'ils s'accompagnaient de clauses, telle la durée excessive des contrats, qui visaient de façon spécifique à créer des obstacles à l'accès au marché . De même, la Commission de la concurrence ne prohibait les rabais de fidélité que dans la mesure où “l'importance des écarts qui caractérise les remises respectivement consenties aux différentes catégories d'acheteurs [...] ne peut s'expliquer que par la recherche d'une segmentation du marché et d'une limitation de la concurrence” .

À l'instar des autorités européennes, l'Autorité de la concurrence procède désormais à une appréciation générale, en considérant comme licite l'ensemble des comportements de l'entreprise dominante justifiés par des “nécessités objectives” . 

L'Autorité met ainsi en balance, dans le cadre d'une règle de raison, l'intérêt légitime de l'entreprise et les effets anticoncurrentiels entraînés par son comportement. Si une clause d'exclusivité n'est pas illégale en soi, elle le devient dès lors qu'elle est disproportionnée et s'étend à des marchés autres que ceux sur lesquels intervient l'entreprise dominante . À l'inverse, la mise en place d'un service après-vente de qualité peut justifier un abus de position dominante . Les décisions les plus récentes reflètent la volonté des autorités de contrôle d'accorder une plus grande place aux incidences économiques du comportement dans le cadre de cette appréciation . Une remise de couplage peut ainsi échapper à la prohibition, même si elle est supérieure au montant de l'économie que le couplage a permis de réaliser . Une entreprise peut refuser de livrer son produit à un opérateur qui ne le recherche qu'à la condition que son prix, fixé par les pouvoirs publics, lui permette une revente profitable sur des marchés étrangers . Une entreprise en position dominante peut proposer à une collectivité une offre globale à un prix plus intéressant, si l'attribution de plusieurs lots lui permet de réaliser des économies d'échelle ou une optimisation de sa production . Une entreprise en position dominante sur le marché de la publicité liée aux moteurs de recherche sur Internet peut unilatéralement modifier sa politique contractuelle pour interdire la publicité en faveur de “produits dont la finalité principale est de contourner les contrôles routiers” dès lors que cette interdiction répond au souci de tenir compte de la législation du pays où la publicité est diffusée  ou rompre ses relations commerciales avec un annonceur si la rupture est justifiée par l'adoption d'une politique de contenus guidée par la protection de l'intérêt des consommateurs  . De même, la seule constatation d'un refus de vente d'un opérateur en position dominante ne caractérise pas un abus, dès lors qu'il est libre de définir sa politique de contenus, et notamment de mettre en oeuvre des exigences plus strictes que celles imposées par les pouvoirs publics, en particulier dans le domaine de la protection des consommateurs, pourvu que ces règles soient appliquées dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires . Une compagnie aérienne en position dominante peut légitimement opposer à une agence de voyage un refus d'accès à son système de réservation de billets pour ne pas engager sa responsabilité de commettant vis-à-vis des passagers du fait des violations répétées de la réglementation commises par cette dernière . La politique d'intégration verticale menée par une entreprise publique, sous réserve d'une efficacité commerciale équivalente, qui lui permet de se réserver la totalité des revenus commerciaux n'est pas non plus abusive . Toutefois, même s'il est légitime que les coûts de couverture dans les archipels éloignés ne soient pas uniquement supportés par l'opérateur historique des télécommunications, en position dominante,  la soumission d'un nouvel entrant sur le marché qui dispose seulement de 1% de part de marché, au même niveau du tarif de couverture que celui appliqué à sa concurrente, bénéficiant de dix ans d'expérience et représentant 40 % de parts de marché, en dépit de leur différence manifeste et persistante de situations, n'est justifiée par aucune raison objective.  De même, une entreprise publique détentrice d'un monopole légal ne peut entrer sur un marché relevant du secteur concurrentiel qu'à la condition de maintenir une séparation étanche - juridique, matérielle, comptable, financière et commerciale - entre les activités liées au monopole et celles relatives à la diversification . Sa filiale présente sur un marché libéralisé peut toutefois faire référence à son appartenance en tant qu'argument technique ou commercial dès lors que la libéralisation est amorcée depuis plusieurs années, que le marché s'est développé à partir d'une technologie spécifique pour laquelle l'opérateur historique ne dispose pas de compétences particulières et que des opérateurs entrants durant la période considérée exercent une concurrence effective . 

En revanche, le fait d'être ou de se sentir agressé par un concurrent utilisant des moyens déloyaux ne saurait justifier une quelconque rétorsion, sous forme de pratique anticoncurrentielle, de la part de l'entreprise en position dominante . Celle-ci ne peut pas non plus, de sa propre initiative, prendre des mesures destinées à éliminer les produits d'un concurrent qu'elle considère comme dangereux ou d'une qualité inférieure à ses propres produits, sauf circonstances très exceptionnelles . Ainsi, un fabricant de console ne peut mettre en place un  dispositif technique permettant de déconnecter les manettes tierces non licenciées par lui à l’occasion de certaines mises à jour du système d’exploitation de sa console, et prendre des mesures de désactivation qui  touchent indifféremment des manettes contrefaisantes et des manettes non licenciées, mais non contrefaisantes, tout en réservant l’allocation des puces et des numéros d’identification, seuls à même de permettre d’échapper aux déconnexions, à lui-même et aux membres de son programme  d’octroi de licences (OLP), opaque et difficile à intégrer . De même, une entreprise dominante ne peut justifier son immixtion dans le processus décisionnel d'une autorité publique par l'exercice du droit fondamental d'agir en justice, dès lors qu'une telle intervention ne constitue ni une action judiciaire, ni un recours hiérarchique ou gracieux formé contre une décision administrative . Elle ne peut pas davantage soutenir que les achats préférentiels des produits de sa marque par les distributeurs seraient dus aux qualités intrinsèques de ceux-ci et à son travail de démarchage, dès lors qu'ils ne lui ont pas semblé suffisants pour s'abstenir de mettre en œuvre des pratiques d'approvisionnement quasi-exclusif . Par ailleurs, s'il est loisible à une entreprise d'attirer l'attention d'un syndicat sur les agissements de l'un de ses adhérents au regard des règles de conduite qu'il préconise, l'entreprise dominante, à qui il n'appartient pas de se substituer aux missions dévolues aux autorités administratives compétentes pour vérifier le respect, par sa concurrente, de son obligation d'auto-contrôle de la qualité sanitaire de ses produits, va au-delà lorsqu'elle remet gravement en cause les qualités substantielles des produits de cette dernière .

Les condamnations en soi des abus de position dominante ont peu à peu cédé la place à une approche par les effets qui permet aux entreprises de justifier objectivement leur comportement ou de mettre en avant des gains d'efficacité de nature à contrebalancer les effets anticoncurrentiels constatés sur le marché . Dans ses Lignes directrices relatives aux abus d'exclusion (V. n°156), la Commission admet que l'abus puisse être racheté par des gains d'efficacité . Elle impose cependant aux entreprises mises en cause d'apporter la preuve que quatre conditions cumulatives sont réunies  : les gains doivent être réalisés ou susceptibles d'être réalisés du fait du comportement considéré ; le comportement doit être nécessaire à la réalisation des gains sans recours possible à une solution moins anticoncurrentielle ; les gains doivent l'emporter sur les probables effets anticoncurrentiels ; la concurrence ne doit pas être éliminée sur le marché par le comportement en cause. 

Enfin, à la différence du droit européen, et même si l'article L. 420-4 du Code de commerce est rarement appliqué, les abus de position dominante sont susceptibles de bénéficier en droit français d'une exemption individuelle, comme les ententes. Ainsi, les pratiques émanant d'un opérateur en position dominante et qui tombent sous le coup de l'article L. 420-2 du Code de commerce sont justifiées, dès lors qu'elles résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application . L'exemption peut aussi être accordée lorsque la pratique abusive a pour effet d'assurer un progrès économique. Tel est le cas, selon la Cour de cassation, lorsque l'abus est la conséquence de la mise en place d'un service après-vente de qualité  ou d'un réseau de franchisage spécialisé dans la présentation et la mise en valeur d'articles de luxe .

Paris, 23 janvier 2007, LawLex200700000131JBJ. L'existence d'actes de contrefaçon ne saurait justifier un refus de vente discriminatoire, Cass. com., 30 janvier 2020, LawLex202000000150JBJ.

Décision Cons. conc. nº 09-D-10 du 27 février 2009, LawLex200900000798JBJ, Concurrences, 2/2009, 125 et 126, obs. WACHSMANN ; RLC, 2009/19, nº 1349, obs. DESTOURS ; Concurrences, 2/2009, 215, obs. KOVAR. En revanche, la vente liée des annonces nécrologiques “papier” et “en ligne” ne saurait constituer un gain d'efficacité pour les consommateurs de nature à exclure tout abus de position dominante, dès lors que ceux-ci se voient imposer systématiquement le paiement dissimulé dans une offre non détaillée d'une prestation de services qu'ils ne peuvent refuser, même s'ils ne la souhaitent pas, Paris, 22 mars 2016, LawLex201600000668JBJ et 7 décembre 2016, LawLex201600002104JBJ, LD janvier 2017, 13, obs. BIANCONE ; LPA 14 mars 2017, 11, obs. ARHEL.

T. com. Paris, 27 décembre 2012, LawLex201300001348JBJ.

Cass. com., 19 janvier 2016, LawLex201600000193JBJ, LD février 2016, 7, obs. BONNET-DESPLAN ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 70, obs. BOSCO ; AJCA 2016, 159, obs. HICHERI ; RLC 2016, n° 2957, obs. DIENY ; RDC 2016, 721, obs. BÉHAR-TOUCHAIS.

Cass. com., 19 octobre 2022, LawLex202200010237JBJ.

Décision Aut. conc. n° 20-D-15 du 27octobre 2020, LawLex202000002894JBJ.

Décision Cons. conc. nº 08-D-05 du 27 mars 2008, LawLex200800000350JBJ, Concurrences, 2/2008, 117, obs. PRIETO.

Paris, 6 juillet 2023, LawLex202300010921JBJ.

Décision Aut. conc. nº 10-D-14 du 16 avril 2010, LawLex201000000473JBJ, RLC, 2010/24, obs. DESTOURS.

Paris, 2 décembre 2010, LawLex201000001337JBJ.

Décision Aut. conc. n° 11-D-15 du 16 novembre 2011, LawLex201100001805JBJ. Une pratique de dénigrement ne saurait en aucun cas être justifiée par le comportement des concurrents, V. Paris, 11 juillet 2019, LawLex201900001583JBJ.

Paris, 7 décembre 2016, LawLex201600002084JBJ, Concurrences 1/2017, chron. 105, obs. WACHSMANN ; LPA 14 mars 2017, 8, obs. ARHEL.

Décision Aut. conc. n° 23-D-14 du 20 décembre 2023, LawLex202300014753JBJ.

Décision Aut. conc. n° 17-D-25 du 20 décembre 2017, LawLex201800000197JBJ, Contrats Conc. Consom. 2018, n° 72, obs. BOSCO.

Paris, 17 mai 2018, LawLex201800001380JBJ.

Cass. com., 8 juin 2017, LawLex201700001001JBJ.

V. par ex., dans le cadre d'une position dominante collective, Décision Cons. conc. n° 06-D-18 du 28 juin 2006, LawLex200600001590JBJ ; n° 09-D-04 27 janvier 2009, LawLex200900000176JBJ. La discrimination tarifaire entre appels “on-net” et “off-net” ne saurait être indispensable et proportionnée à l'objectif poursuivi dès lors que le lancement d'offres d'abondance “cross-net” aurait produit les mêmes effets bénéfiques pour les consommateurs sans emporter les mêmes effets anticoncurrentiels, V. Aut. conc. n° 12-D-24 du 13 décembre 2012, LawLex201200002449JBJ ; V. WACHSMANN, FLOCHEL, PERROT, Les gains d'efficacité et les arguments pro-concurrentiels en matière de concentrations et de pratiques unilatérales, Concurrences, 2/2010, n° 31027.

Sur la distinction entre gains d'efficience et gains d'efficacité, V. VOGEL, Discrimination tarifaire : quelle marge de manoeuvre pour les entreprises ?, Contrats Conc. Consom., 2013, dossier n° 5. Dans ses lignes directrices relatives aux abus d'exclusion, point 5, la Commission énonce qu'elle veillera au bon fonctionnement des marchés et à ce que les consommateurs profitent de l'efficacité et de la productivité résultant d'une concurrence effective entre les entreprises. La commercialisation d'offres de convergence, associant des services mobiles et des services d'accès à Internet, n'est pas, en soi constitutive d'un abus de position dominante dans la mesure où de telles offres - particulièrement lorsqu'elles reposent sur une innovation technologique -, sont susceptibles de produire des gains d'efficacité profitant aux consommateurs, V. Décision Aut. conc. n° 09-D-15 du 2 avril 2009, LawLex200900001255JBJ ;  Paris, 19 mai 2016, LawLex201600000968JBJ, Contrats Conc. Consom. 2016, n° 171, obs. DECOCQ ; Concurrences 3/2016, 74, obs. SIBONY ; AJCA 2016, 346, obs. AMARO : rejetant l'existence de gains d'efficacité retirés de pratiques tarifaires visant en général à diminuer les prix, des lors que la prohibition des abus de position dominante ne vise pas seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs, mais surtout celles qui leur causent un préjudice en portant atteinte à une structure de concurrence effective.

Pour un rappel de ces quatre conditions, V. Paris, 21 décembre 2017, LawLex201700002125JBJ.

Paris, 27 juin 1990, LawLex200200002831JBJ ; Décision Aut. conc. n° 13-D-23 du 30 décembre 2013, LawLex201400001933JBJ, qui accorde l'exemption aux tarifs pratiqués par Infogreffe au motif que remplissant le mission légale confiée aux greffiers, il est tenu d'appliquer la tarification imposée à ses membres par les textes régissant l'activité.

Avis Comm. conc. du 23 février 1978, Abribus et mobilier urbain, Rapport pour 1978, 26.

Cass. com., 14 novembre 1995, LawLex200200003200JBJ.

Cass. com., 4 mai 1999, LawLex200200002830JBJ.

Avis Comm. conc. du 14 juin 1979, Marché des compteurs d'eau, Rapport pour 1979, 169.

Décision Cons. conc. nº 93-D-36 du 28 septembre 1993, LawLex200200003251JBJ ; BOCC, 6 novembre 1993, 305, confirmée par Paris, 30 juin 1994, LawLex200200003247JBJ, BOCC, 14 juillet 1994, 270 ; Contrats Conc. Consom., 1994, nº 167, obs. VOGEL, cassée par Cass. com., 14 novembre 1995, LawLex200200003200JBJ ; Contrats Conc. Consom., 1996, n° 6 et 7, obs. VOGEL.

Paris, 11 mars 1993, LawLex200200003201JBJ ; 12 décembre 1996, LawLex200200003189JBJ ; 15 juin 1999, LawLex200200002461JBJ.

Décision Cons. conc. nº 93-D-36 du 28 septembre 1993, LawLex200200003251JBJ.

V. not., Paris, 4 juillet 2013, LawLex201300001068JBJ, qui précise ainsi qu'une offre de fidélisation doit s'apprécier dans le cadre d'un bilan comparant les effets anticoncurrentiels de l'offre et ses justifications économiques, au regard des avantages octroyés, de leurs modalités de mise en oeuvre, de la durée des engagements et de la structure du marché.

V. Décision Cons. conc. nº 05-D-13 du 18 mars 2005, LawLex200500005289JBJ, confirmée par Paris, 15 novembre 2005, LawLex200500010168JBJ.

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421. Exonération.

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