Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

L'Autorité de la concurrence oppose “les pratiques ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'éliminer des concurrents” ("abus de structure" ou “abus d'exclusion") aux “comportements qu'une entreprise ne pourrait adopter sans compromettre son propre intérêt sur un marché concurrentiel, ou si elle ne disposait pas d'une puissance de domination de marché” ("abus de comportement” ou "abus d'explo …

De l'abus de comportement à l'abus de structure.

SCHREPEL, Les positions dominantes bientôt sanctionnées ?, JCP E 2018, n° 1579.

L'Autorité de la concurrence oppose “les pratiques ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'éliminer des concurrents” ("abus de structure" ou “abus d'exclusion") aux “comportements qu'une entreprise ne pourrait adopter sans compromettre son propre intérêt sur un marché concurrentiel, ou si elle ne disposait pas d'une puissance de domination de marché” ("abus de comportement” ou "abus d'exploitation") . 

Dans les deux formes d'abus, la source de l'illégalité n'est pas la même. Dans l'hypothèse d'un abus de comportement, le caractère abusif découle d'éléments intrinsèques à l'action de l'entreprise . Il réside dans un acte d'exploitation. L'abus de comportement peut ainsi consister dans la diminution du rapport qualité-prix des prestations offertes  que seule une entreprise dominante est capable de mettre en œuvre , d'un discours ou de la communication d'une entreprise sur les risques liés à l'utilisation d'un médicament concurrent .

Au contraire, tout comportement est susceptible de constituer un abus de structure dès lors qu'il produit un effet d'exclusion. L'abus de structure n'est pas déduit des caractéristiques du comportement de l'entreprise dominante, mais de l'importance des effets restrictifs produits sur le marché. De façon quelque peu paradoxale, l'Autorité de la concurrence vérifie cependant dans tous les cas si les entreprises en cause ont “utilisé”  la position dominante pour éliminer un concurrent ou empêcher son arrivée sur le marché et déclare que “de tels abus ne sont prohibés [...] que pour autant [...] qu'ils ont un lien de causalité directe avec [le] pouvoir de domination” . En réalité, s'agissant d'abus de structure, le lien de causalité ne devrait pas être requis entre la position dominante et l'abus, mais entre la position dominante et l'effet anticoncurrentiel . 

Abus de comportement et abus de structure ne constituent pas deux catégories étanches : selon que l'on se place du point de vue du fait générateur ou de ses effets, le même acte est souvent susceptible de recevoir les deux qualifications . En pratique, les autorités de contrôle ont de plus en plus tendance à appréhender les pratiques du point de vue de leurs conséquences sur la structure du marché (abus de structure) en accordant corrélativement moins d'importance à leurs caractéristiques intrinsèques (abus de comportement).

Rapport pour 1990, XXXVII, LawLex200200000038JBA. - Comp. Paris, 14 novembre 2019, LawLex201900001450JBJ : la notion d'abus d'exclusion vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence ; la notion d'abus d'exploitation vise l'hypothèse dans laquelle une entreprise en position dominante utilise les possibilités qui découlent de cette position pour obtenir des avantages de transactions qu'elle n'aurait pas obtenus en cas de concurrence praticable et suffisamment efficace, tels que le comportement visé à l'article 102, sous a), TFUE, consistant à “ imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables ”. La démonstration de la nécessité pour l'entreprise dominante de retirer un avantage disproportionné de ses pratiques abusives dans le cadre d'un abus d'exploitation n'est, cependant, exigée ni par les textes ni par la jurisprudence : Décision Aut. conc. n° 19-D-26 du 19 décembre 2019, LawLex202000000177JBJ.

V. les ex. figurant à l'article L. 420-2 C. com. : refus de vente, ventes liées, conditions de vente discriminatoires. Pour un cas d'application, V. Paris, 27 janvier 1995, LawLex200200003171JBJ, refus de vente. Selon la Cour d'appel de Paris, pour qualifier des conditions de transaction d'abus d'exploitation, il faut que la position dominante de l'entreprise en cause lui ait permis d'obtenir les avantages de transactions examinés et que ces avantages soient non équitables, sachant qu'il n'appartient pas à l'Autorité de la concurrence de se substituer aux organes de direction de l'entreprise en position dominante pour déterminer quelle doit être sa politique, notamment tarifaire, sur le marché pertinent mais qu'elle n'est en droit d'intervenir que si, et seulement si, les conditions de transaction passées entre cette entreprise et ses partenaires économiques peuvent, au vu de l'ensemble des circonstances de la cause, être objectivement qualifiées de non équitables : Paris, 14 novembre 2019, LawLex201900001450JBJ.

Décision Cons. conc. nº 90-D-06 du 16 janvier 1990, LawLex200200003232JBJ.

Outre le fait que tant l'article 102 TFUE que l'article L. 420-2 du Code de commerce ne fournissent pas une liste exhaustive des abus de position dominante, il résulte du libellé même de l'article 102 TFUE qu'un abus d'exploitation peut consister non seulement à “imposer de façon directe ou indirecte des prix [...] de vente [...] non équitables” mais également à imposer “des prix d'achat [...] non équitables” ou “d'autres conditions de transaction non équitables”, de sorte qu'il peut exister d'autres abus d'exploitation que les prix de vente excessifs, telle l'imposition de prix d'achat excessivement bas ou l'imposition d'autres conditions de transaction non équitables, Paris, 14 novembre 2019, LawLex201900001450JBJ. - Adde : CHAGNY,  L'appréciation de la conformité d'une augmentation tarifaire à l'interdiction des abus de position dominante se confond avec celle du quantum du prix, RJ com. 2020, chron., 99.

Cass. com., 25 juin 2025, LawLex202500006060JBJ.

Rapport pour 1995, 58, LawLex200200000046JBA.

Rapport pour 1993, 65 et s., LawLex200200000050JBA.

En ce sens, V. Rapport pour 1985, XXIII-XXIV. 

Il ne peut être exclu qu'une même pratique soit constitutive à la fois d'un abus d'exclusion et d'un abus d'exploitation, Paris, 14 novembre 2019, LawLex201900001450JBJ.

Droit français de la concurrence

418. De l'abus de comportement à l'abus de structure.(1)

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