Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

L'article L. 464-9 du Code de commerce, introduit par l'ordonnance 2008-1161 du 13 novembre 2008 et modifié par la loi Hamon du 17 mars 2014, accroît le dualisme d'autorités de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles. Aux termes du texte, le ministre de l'Économie dispose d'un pouvoir d'injonction et de transaction en cas de micro-pratiques anticoncurrentielles. Initialement, l …

Compétence du ministre de l'Économie.

BOMBARDIER et PICOT, Mode d’emploi du dispositif d’injonction et de transaction en matière de pratiques anticoncurrentielles locales et nouvelles règles du jeu, RLC, 2013/36, 177 ; MARIE, Pratiques anticoncurrentielles de dimension locale, Juris-Cl. Conc.-Consom., fasc. 315, 2016 ; MARIE, Les pratiques anticoncurrentielles locales : le rôle de la DGCCRF, RLC 2016, n° 3073 ; BOMBARDIER et de CHALENDAR, Pratiques anticoncurrentielles locales : fonctionnement et bilan du dispositif de transaction-injonction, Concurrences 3/2019, 247 ; MARIE, Les transactions proposées par la DGCCRF en matière de pratiques anticoncurrentielles et leur suite, RJDA 12/2021, 1051 ; ARCELIN, Des passerelles entre l'action du ministre et l'Autorité de la concurrence, ou la géométrie variable de la notion d'entreprise, RLC 2022, n° 4347 ; ERBER et EL MEDJADJ, Concurrence et consommation : le renforcement de la publicité des mesures d'injonction prises par la DGCCRF - #Balancetonentreprise, RLC 2023, n° 4383.

Le Code de commerce (art. L. 450-1 à L. 450-8 et L. 463-1 à L. 470-2, L. 490-8 et L. 490-9, art. R. 450-1, R. 450-2, D. 450-3, R. 463-1 à R. 470-2, R. 490-1 à R. 490-10) fixe les règles permettant la mise en œuvre des dispositions du titre II relatives aux pratiques anticoncurrentielles et du titre IV portant sur la transparence tarifaire et les pratiques restrictives. La procédure comporte toujours deux phases : une enquête, d'abord, une procédure décisionnelle contradictoire, ensuite. Les procédures d'enquête sont communes à l'ensemble des comportements répréhensibles. En revanche, la procédure décisionnelle obéit à un régime différent selon les dispositions en cause :

- les infractions aux dispositions du titre IV relèvent de la seule compétence des juridictions civiles ou pénales, et depuis la loi Hamon, dans un certain nombre de cas, de l'Administration et des juridictions administratives  ;

- les pratiques anticoncurrentielles des articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-2-1, L. 420-2-2 et L. 420-5 ressortissent à la compétence exclusive de l'Autorité de la concurrence, qui seule peut enjoindre aux contrevenants la cessation de l'infraction et prononcer une sanction pécuniaire  ;

- les micro-pratiques anticoncurrentielles de l'article L. 464-9 relèvent de la compétence du ministre de l'Économie, qui dispose d'un pouvoir d'injonction et de transaction, la compétence revenant à l'Autorité de la concurrence en cas de refus des entreprises de transiger ;

- les pratiques de renégociation des conditions commerciales et de déréférencement (constatées notamment à l'occasion de la création d'une centrale de référencement commune par deux groupes de distribution), et qui ne constituent pas des pratiques anticoncurrentielles, peuvent relever de la compétence de la Commission d'examen des pratiques commerciales .

BRETZNER et BENDAVID, Analyse critique des dispositions relatives aux sanctions administratives, AJCA, 2014, 19 ; LESQUINS, DELESALLE, VAN CAUWELAERT, Observations sur la réforme du dispositif de sanction en cas de non-respect des règles relatives aux délais de paiement et à la convention unique, RLC, 2014/39, 149.

L'opacité des conditions contractuelles d'un réseau de distribution relève de l'ordre judiciaire : en ce sens, Décision Cons. conc. nº 01-D-58 du 24 septembre 2001, LawLex200200002279JBJ, BOCC, 30 octobre 2001, 973 ; Contrats Conc. Consom., 2002, nº 27, obs. MALAURIE-VIGNAL ; nº 02-D-24 du 27 mars 2002, LawLex200200002192JBJ, BOCC, nº 8, 27 mai 2002, 350, qui exclut la compétence de l'Autorité de la concurrence pour apprécier la validité de la résiliation d'un contrat commercial.

Décision Cons. conc. nº 03-D-11 du 21 février 2003, LawLex200300001054JBJ.

Principes de répartition des compétences.

V. BARTHE, La situation de l’entreprise victime d’une pratique anticoncurrentielle devant les autorités de concurrence. Étude comparative des procédures communautaire et française, PUAM, 2000 ; DOUVRELEUR, Droits de la défense et pratiques anticoncurrentielles en droit français, LGDJ, 2000 ; MENURET, Le contentieux du Conseil de la concurrence, LGDJ, 2002 ; VOGEL, L’intérêt des sanctions civiles et pénales, Gaz. Pal., 29-30 janvier 2003 ; GRARD et SAINTOURENS (sous la dir.), La libre concurrence face aux juges, Presses Universitaires de Bordeaux, 2010 ; BRONCKERS et VALLERY, Fair and Effective Competition Policy in the EU: Which Role for Authorities and Which Role for the Courts After Menarini?, ECJ, 2012, Vol. 8, No 2, 283 ; L. et J. VOGEL, Les sanctions en droit de la concurrence, JCP E, 2013, 1168, dossier ; JENNY, L'articulation des sanctions en matière de droit de la concurrence du point de vue économique, JCP E, 2013, 1169 ; VOGEL, Les sanctions administratives : efficacité du contrôle ou sécurité juridique ?, Concurrences, 1/2013, 12 ; CRESPY-DE CONINCK, Recherches sur les singularités du contentieux de la régulation économique, Dalloz, 2017. 

L'article L. 420-7 du Code de commerce précise que les litiges relatifs à l'application des articles L. 420-1 à L. 420-5 du Code de commerce, ainsi que des articles 101 et 102 TFUE, sont attribués, sans préjudice des règles de compétence spéciales, au tribunal judiciaire ou au tribunal de commerce selon le cas. En vertu de l'article R. 420-3 du Code de commerce, les tribunaux de commerce ou judiciaires de Marseille, Bordeaux, Lille, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes sont seuls compétents pour connaître respectivement des procédures applicables aux commerçants ou artisans, ou aux autres personnes . La Cour d'appel de Paris est le juge de second degré  lorsque la décision a été rendue par une juridiction spécialisée. Dans l'hypothèse où un juge non spécialisé se serait à tort prononcé, la cour d'appel de son ressort demeure compétente pour statuer sur le recours exercé, mais elle est alors tenue de relever d'office l'excès de pouvoir commis, annuler le jugement et statuer, le cas échéant, dans les limites de sa propre compétence  . Une clause attributive de juridiction ne peut déroger à ces règles impératives . Depuis l'ordonnance du 4 novembre 2004 , l'article L. 490-9 du Code de commerce, conformément au règlement 1-2003 du 16 décembre 2002 , attribue pleine compétence aux autorités nationales pour appliquer les règles européennes de concurrence .

Par ailleurs, l'article L. 623-1 du Code de la consommation, issu de la loi Hamon du 17 mars 2014, qui introduit l'action de groupe en droit français, notamment en matière de concurrence, prévoit la compétence de la juridiction civile pour en connaître. L'article R. 623-2 désigne le tribunal judiciaire du lieu où demeure le défendeur et, lorsque celui-ci demeure à l'étranger ou n'a ni domicile ni résidence connus, le Tribunal judiciaire de Paris. 

La juridiction primitivement saisie demeure compétente pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date d'entrée en vigueur du décret du 30 décembre 2005 : Cass. com., 9 novembre 2010, LawLex201000001248JBJ, qui relève que le contentieux relatif au refus opposé par un distributeur à un concurrent ayant demandé un relevé des prix dans ses établissements est soumis à la compétence du tribunal de commerce en application de l'article L. 420-7 ; Montpellier, 14 mars 2011, LawLex201100000838JBJ, qui souligne que l'exception d'incompétence de l'article L. 420-7 peut être soulevée même si les règles relatives aux pratiques anticoncurrentielles sont invoquées comme simple moyen de défense.

D. 2005-1756 du 30 décembre 2005, codifié à l'annexe 4-2 de la partie réglementaire du Code de commerce.

Cass. com., 18 octobre 2017, LawLex201700001682JBJ.

Versailles, 31 mars 2011, LawLex201100000773JBJ.

Ord. 2004-1173 du 4 novembre 2004, art. 1er, JO, 5 novembre 2004, 18689.

Règl. 1-2003 du 16 décembre 2002, art. 6, LawLex200300000018JBL.

Sous l'empire du règlement 17-62, seuls les articles 101 TFUE, paragraphe 1, 102 TFUE et 106 TFUE, paragraphe 2 s'étaient vu reconnaître un effet direct : CJCE, 30 janvier 1974, aff. 127-73, LawLex200200004138JBJ ; 19 octobre 1995, aff. 19-93, LawLex200200003804JBJ ; Paris, 19 janvier 1987, LawLex200200001047JBJ.

Compétence des juridictions civiles.

Les juridictions pénales sont compétentes pour connaître de l'action dirigée contre toute personne physique qui frauduleusement  aura pris une part personnelle et déterminante  dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre des pratiques visées aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-2-2 du Code de commerce (art. L. 420-6) . La constatation d'un effet avéré ou potentiel sur le marché est suffisante. La démonstration d'un préjudice n'est pas requise . Les actes interruptifs de la prescription devant l'Autorité de la concurrence interrompent l'action pénale. Réciproquement, les actes qui interrompent l'action publique sont des actes interruptifs de prescription devant l'Autorité de la concurrence (art. L. 462-7). Tel est le cas de la plainte et de l'enquête qui en résulte .

En vertu de l'article L. 462-6, l'Autorité de la concurrence peut transmettre le dossier au parquet. La Cour d'appel de Paris a jugé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur cette décision  tout en considérant qu'elle pouvait elle-même ordonner la transmission sur le fondement de l'article 40, alinéa 2, du Code de procédure pénale . L'article L. 420-6 du Code de commerce n'est pratiquement jamais appliqué . L'utilisation du droit pénal pour sanctionner des infractions au droit de la concurrence présente en effet des risques de blocage. Tout d'abord, par application de la règle commune, “le criminel tient le civil en l'état”, le déclenchement de l'action publique paralyse les procédures civiles et commerciales. Ensuite, la coexistence d'une procédure pénale et d'une procédure de concurrence est souvent difficile : l'utilisation des pièces de la procédure pénale constitue un nid à contentieux bien qu'elle soit prévue par les textes. L'Autorité de la concurrence, et non le rapporteur, est seule habilitée à demander des pièces qui ne peuvent être communiquées que par le juge d'instruction, et non le procureur. De plus, seuls les procès-verbaux, rapports d'enquête et/ou autres pièces de l'instruction pénale ayant un rapport direct avec les faits soumis à l'autorité de concurrence sont communicables.

L'article L. 420-6 constituait un facteur dissuasif du recours à la procédure de clémence, qui ne jouait que pour les personnes morales : on imaginait mal un dirigeant reconnaître sa participation à une entente pour le compte de son entreprise si ses aveux l'exposaient à une condamnation pénale. Cet inconvénient a partiellement été supprimé avec la transposition de la directive ECN+. Un nouvel article L. 420-6-1, inséré par l'ordonnance du 26 mai 2021, étend désormais le bénéfice de l'immunité d'amende octroyée à l'entreprise à ses dirigeants et salariés s'il est établi qu'ils ont activement coopéré avec les services d'instruction et l'Autorité de la concurrence.

Décision Cons. conc. nº 04-D-07 du 11 mars 2004, LawLex200400000582JBJ, Contrats Conc. Consom., 2004, nº 81, obs. MALAURIE-VIGNAL, reconnaissance du caractère illégal ; Grenoble, 7 avril 1999, LawLex200300004485JBJ et Cass. crim., 16 mai 2001, LawLex200300001127JBJ, Bull. crim., nº 24, participation à des réunions ; Rouen, 25 février 2002, LawLex200400004631JBJ, RTD com., 2003, 83, offre de couverture. 

V. Rouen, 25 février 2002, LawLex200400004631JBJ, RTD com., 2003, 83 : la signature d'un dossier de soumission suffit à établir le caractère personnel et déterminant de la participation. - V. aussi, Cass. crim., 9 novembre 1995, LawLex200300000841JBJ, BRDA, 1995, nº 24, 10. 

Sur l'incompétence de l'Autorité de la concurrence en la matière, V. Décision Aut. conc. nº 19-D-22 du 22 novembre 2019, LawLex201900001467JBJ.

TGI Albertville, 23 octobre 2000, LawLex200300000780JBJ, RTD com., 2003, 80.

V. not., Cass. crim., 16 décembre 1976, Bull. crim. nº 371, qui avait considéré que les procès-verbaux, dressés par les agents de la direction générale du commerce intérieur et des prix habilités à constater les infractions concernant les ententes et les abus de position dominante, étaient interruptifs de la prescription en matière pénale.

Paris, 26 octobre 2004, LawLex200400003046JBJ.

Paris, 22 février 2005, LawLex200500005697JBJ, D., 2005, AJ, 886, obs. CHEVRIER.

V. Cass. crim., 21 novembre 1991, Bull. crim., nº 47, qui relaxe les prévenus pour défaut de preuve d'agissements personnels ayant contribué à un abus de position dominante ; 14 décembre 1995, LawLex200200002820JBJ, Bull. crim., nº 384, qui retient la culpabilité d'un chef d'entreprise ayant envoyé un devis de couverture en plus du devis qui lui avait été demandé à l'en-tête d'une société distincte pour simuler une concurrence inexistante : cette décision peut paraître contestable dans la mesure où l'action concertée faisait défaut en l'espèce ; 16 mai 2001, LawLex200300001127JBJ, Bull. crim., nº 124, qui condamne le vice-président d'un conseil général, notaire de surcroît, qui avait conçu, organisé et mis en œuvre une entente de prix entre plusieurs entreprises souhaitant maintenir leurs positions acquises sur un marché départemental, RTD com., 2003, 80, obs. CLAUDEL. - V. égal., TGI Nantes, du 30 juin 2011, LawLex201100001393JBJ.

Compétence des juridictions pénales.

DECOCQ, Le rôle du ministère public au regard du pouvoir de sanction des autorités indépendantes : en droit de la concurrence, in Dossier "Le rôle du ministère public en matière économique et financière", Cah. dr. entr. 5/2015, 84 ; PAROCHE et LEVY, Coopération de l'Autorité de la concurrence avec le juge pénal : un recul des droits de la défense ?, RLC 2019, n° 3559 ; SAINT-ESTEBEN, Une repénalisation du droit de la concurrence en France ? A propos de l'utilisation de l'article 40 du Code de procédure pénale par les services d'instruction de l'Autorité, Concurrences 2/2019, 54 ; CATALA MARTY et MAISONNEUVE, La pénalisation de la phase d'enquête des procédures de concurrence : Une nouvelle entorse à la sphère des droits de la défense, Cah. dr. entr. 5/2020, 22 ; COUSIN, BOHNERT, COEURÉ, Articulation droit pénal/droit de la concurrence (table ronde), Contrats Conc. Consom. mars 2023, Dossier 2.

L'article L. 464-9 du Code de commerce, introduit par l'ordonnance 2008-1161 du 13 novembre 2008 et modifié par la loi Hamon du 17 mars 2014, accroît le dualisme d'autorités de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles. Aux termes du texte, le ministre de l'Économie dispose d'un pouvoir d'injonction et de transaction en cas de micro-pratiques anticoncurrentielles. Initialement, les pratiques visées par les articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-2-1, L. 420-2-2 ou L. 420-5, qui affectaient un marché de dimension locale et ne tombaient pas sous le coup des articles 101 et 102 TFUE, relevaient de ce texte, à condition que le chiffre d'affaires annuel réalisé en France par les entreprises en cause ne dépasse pas 50 millions d'euro pour chacune d'elles, et que le chiffre d'affaires cumulé ne soit pas supérieur à 200 millions d'euro . La loi DDADUE  du 3 décembre 2020 a étendu le pouvoir d'intervention du ministre de l'Economie, en supprimant la condition d'affectation d'un marché local.

Outre qu'il peut enjoindre aux entreprises de mettre un terme à leurs micro-pratiques anticoncurrentielles, le ministre peut, aux mêmes conditions, leur proposer une transaction. Son montant ne peut excéder 150 000 euro  ou 5 % du dernier chiffre d'affaires connu en France, si cette valeur est plus faible . Le ministre ne peut pas prononcer d'injonction ni proposer de transaction si les mêmes faits ont au préalable été examinés par l'Autorité de la concurrence. En revanche, toute action pour les mêmes faits devant l'Autorité de la concurrence est éteinte dès lors que les entreprises ont exécuté les obligations découlant de l'injonction ou de l'acceptation de la transaction. 

Le ministre de l'Économie communique, par lettre recommandée avec avis de réception, aux entreprises soupçonnées les faits constatés susceptibles de constituer une infraction. Il joint à cette communication le rapport administratif d'enquête qui établit les infractions alléguées, leur qualification juridique et leur imputabilité. Il précise également les sanctions envisagées - injonction et/ou amende -, à titre de transaction. Le dossier est accessible aux destinataires sous réserve du respect des secrets d'affaires. Les parties disposent d'un délai de deux mois pour présenter leurs observations écrites, voire des observations orales. L'assistance d'un conseil est prévue par le texte (art. R. 464-9-1 C. com.). Le ministre peut soit classer l'affaire, soit prononcer une injonction de cesser l'infraction et/ou indiquer aux entreprises la somme proposée à titre de transaction, par lettre recommandée avec avis de réception. La décision précise pour chaque entreprise concernée les délais d'exécution de l'injonction et de paiement de la somme proposée à titre de transaction. 

Un décret 2022-1701 du 29 décembre 2022 a renforcé les prérogatives de l'Administration en matière de publicité des mesures d'injonction . Désormais, en vertu de la nouvelle rédaction de l'article R. 469-9-1 du Code de commerce, la publicité de l'injonction peut être effectuée par voie de presse, par voie électronique ou par voie d'affichage. Ces trois modalités de publicité peuvent être ordonnées cumulativement. La diffusion ou l'affichage peut prendre la forme d'un communiqué  informant le public des motifs et du dispositif de ces mesures, accompagné d'un message de  sensibilisation du public sur les pratiques relevées. Les mesures d'injonction ou de transaction peuvent également être publiées au Journal officiel ou dans une ou plusieurs autres publications de presse, ou par un ou plusieurs services de  communication au public par voie électronique. Ces mesures, qui pourront s'accompagner de la divulgation de l'identité des entreprises responsables de pratiques illicites ("name and shame"), sont présentées comme de nature à renforcer l'action de prévention et d'information de la DGCCRF .

L'Autorité de la concurrence est informée des injonctions prononcées et transactions passées . Si dans le délai d'un mois qui suit la notification de cette décision, l'entreprise ne l'a pas contresignée pour acceptation, elle est réputée avoir refusé la transaction et d'exécuter l'injonction (art. R. 464-9-2 C. com.). Ce refus implique la saisine de l'Autorité de la concurrence (art. R. 464-9-3 C. com.) . Le président de l'Autorité de la concurrence ou un vice-président qu'il a désigné peut adopter seul la décision (art. L. 461-3 C. com.) . L’exécution, dans les délais impartis, des obligations issues de l’injonction et de l’accord transactionnel éteint toute action devant l’Autorité de la concurrence pour les mêmes faits. En revanche, en cas de refus de transiger, lorsque le ministre saisit l’Autorité, si l’injonction et la proposition de transaction ne visent que certaines personnes morales, leur exécution par celles-ci empêche toute poursuite pour les mêmes faits à l’encontre d’autres entités, de sorte que l’Autorité ne peut engager de nouvelles procédures portant sur ces comportements. Toutefois, en cas de refus de transaction, l’Autorité est valablement saisie des faits concernés, sans être liée ni par la qualification juridique retenue par le ministre ni par le périmètre des personnes qu’il a identifiées .

Par ailleurs, le fait que le ministre adresse une injonction ou une proposition de transaction à une entité appartenant à un groupe dont le chiffre d’affaires en France dépasse les seuils fixés par l’article L. 464-9 n’affecte pas la régularité de la saisine de l’Autorité en cas de refus ou d’inexécution de la transaction. En effet, lorsque le ministre met en œuvre la procédure prévue par cet article, il exerce un pouvoir qui inclut, en vertu de l’article L. 462-5, I, du Code de commerce, la faculté de saisir directement l’Autorité de la concurrence des mêmes pratiques, sans qu’une tentative préalable de transaction constitue une condition de recevabilité .

Le dualisme entre les compétences de l'Autorité de la concurrence et celles de ministre se retrouve aujourd'hui dans les prérogatives partagées que leur confère la loi SREN  pour la mise en oeuvre du règlement DMA  en France. Le nouvel article L. 450-11 du Code de commerce désigne l'Autorité, le ministre et les fonctionnaires qu'il a désignés ou habilités  conformément à l'article L. 450-1 comme les autorités nationales  chargées de faire appliquer les règles mentionnées au paragraphe 6 de  l'article 1er du règlement DMA, c'est-à-dire d'assurer l'application des  règles posées par les articles 101 et 102 TFUE. Par ailleurs, aux  termes du nouvel article L. 450-12, l'Autorité, comme le ministre et les  fonctionnaires habilités, disposent des pouvoirs d'enquête prévus par  le titre V du Livre IV du Code de commerce pour la mise en œuvre de  certaines dispositions du règlement DMA. En pratique, il s'agit de  prêter assistance aux agents de la Commission dans le cadre  d'inspections menées auprès d'entreprises établies sur le territoire  français, de soutenir toute enquête de marché menée par la Commission en application du règlement, ou en cas de non-respect de ses dispositions  parvenu à leur connaissance, de prendre l'initiative d'une enquête,  après en avoir informé la Commission. En outre, aux termes du nouvel article L. 462-9-1, l'Autorité comme le ministre et les fonctionnaires  habilités sont désormais compétents pour recueillir les  signalements de tiers, y compris les entreprises utilisatrices, les  concurrents ou les utilisateurs finals des services de plateforme  essentiels concernant toute pratique ou tout comportement des  contrôleurs d’accès relevant du champ d’application du règlement DMA. Investis de toute latitude en ce qui concerne les mesures appropriées,  ils ne sont pas tenus de donner suite aux renseignements reçus. En  revanche, lorsqu'ils estiment, sur le fondement de ceux-ci, qu’il peut y  avoir un cas de non-respect du règlement, ils sont tenus de transmettre ces renseignements à la Commission. L'article L. 490-9 est cependant réécrit afin d'attribuer une compétence exclusive au ministre pour demander l'ouverture d'une enquête de marché en application de l'article 41 du règlement DMA.

Avant la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, ce seuil était de 100 millions d'euro.

Loi 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) en matière économique et financière.

L. 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dite SREN, JO du 22 mai 2024.

Règl. 2022/1925 du du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques), JOUE L 265 du 12 octobre 2022.

Avant la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, le montant maximum était de 75 000 euro.

Les sommes issues de la transaction sont versées au Trésor public et recouvrées comme les créances étrangères à l'impôt et au domaine.

D. 2022-1701 du 29 décembre 2022 définissant les modalités de publicité des mesures prises en application du livre IV du Code de commerce et du livre V du Code de la consommation, JO 30 décembre 2022. - Le texte concerne les injonctions de la DGCCRF aussi bien en matière de pratiques anticoncurrentielles, qu'en matière de pratiques restrictives (nouvelle rédac. art. R. 470-1 C. com.) ou de consommation (nouvelle rédac. art. R. 521-2 C. consom.).

V. communiqué de presse DGCCRF du 30 décembre 2022.

Celles-ci sont également publiées sur le site Internet de la DGCCRF : http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/pratiques-anticoncurrentielles-transactions-et-injonctions.

V., rendues après refus des entreprises de transiger, Décision Aut. conc. n° 17-D-13 du 27 juillet 2017, LawLex201700001323JBJ, LEDICO octobre 2017, 4, obs. CHONE-GRIMALDI : 80 000 euro d'amende ; n° 18-D-02 du 19 février 2018, LawLex201800000316JBJ, amendes comprises entre 10 000 et 60 000 euro ; n° 19-D-05 du 28 mars 2019, LawLex201900000404JBJ, amende de 75 000 euro ; n° 21-D-05 du 4 mars 2021, LawLex202100000634JBJ, amende de 435 000 euro, ramenée 272 000 euro en appel (Paris, 9 mars 2023, LawLex202300003351JBJ).

Décision Aut. conc. n° 13-D-08 du 15 avril 2013, LawLex201300000709JBJ, qui souligne que l'application de l'article L. 461-3 n'est pas limitée aux “faits dont l'Autorité a été saisie par le ministre en application du quatrième alinéa de l'article L. 464-9”, cette exigence ne valant que pour les décisions visées aux articles L. 464-2 à L. 464-6 ; n° 21-D-05 du 4 mars 2021, LawLex202100000634JBJ.

Cass. com., 24 septembre 2025, LawLex202500008076JBJ ; Contrats-Conc.Conso, novembre 2025, obs. BOSCO.

L'Autorité de la concurrence constitue une autorité administrative indépendante. Aussi, l'ordonnance de 1986 prévoyait-elle initialement que les recours contre ses décisions relèveraient de l'ordre administratif. Cependant, dans un souci d'harmonisation des règles de procédure, le législateur a transféré l'ensemble du contentieux de la concurrence à l'ordre judiciaire . Ce texte n'a toutefois pas totalement résolu la question de la répartition de compétences entre ordre judiciaire et ordre administratif. En effet, l'article L. 410-1, qui définit le champ d'application des règles de concurrence, prévoit l'application de ces règles aux personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de services publics, dès lors qu'elles exercent une activité de production, de distribution ou de services. Mais le contrôle de validité des actes administratifs relève en principe des juridictions administratives.

Saisi à multiples reprises, le Tribunal des conflits applique en la matière les règles traditionnelles de répartition de compétence entre ordres juridictionnels. Il considère ainsi que l'Autorité de la concurrence ne peut connaître que de la validité des actes ne mettant pas en cause l'exercice de prérogatives de puissance publique .

Dans un premier temps, le Conseil d'État s'est montré très réticent à appliquer les règles de concurrence, au motif que l'organisation d'un service public ne pouvait constituer une activité de production, de distribution ou de services au sens de ce texte . Puis, opérant un revirement, il a accepté, sur renvoi préjudiciel d'une juridiction judiciaire, d'examiner, tant au regard des dispositions internes que du TFUE, la validité :

- d'un contrat de concession de service public ;

- d'un acte réglementaire, tel qu'un décret  ou un arrêté ;

- de mesures de police en matière d'affichage publicitaire .

Toutefois, cette compétence concurrente crée un risque d'interprétation divergente entre le Conseil d'État et les autorités chargées de l'application du droit de la concurrence, à savoir, l'Autorité de la concurrence et, en cas de recours, la Cour d'appel de Paris et la Cour de cassation. Ce risque oblige à une coopération entre les juridictions compétentes. Aussi, le Conseil d'État se fonde-t-il sur l'article L. 462-3 du Code de commerce, pour consulter l'Autorité de la concurrence en vue d'obtenir des éléments d'appréciation pour l'application des règles de concurrence . À l'inverse, le Tribunal des conflits réserve la possibilité, lorsque les autorités de concurrence sont compétentes, de poser des questions préjudicielles à l'autorité administrative sur l'appréciation de la légalité des actes administratifs . 

L. 87-499 du 6 juillet 1987 transférant le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence à la juridiction judiciaire. V. Cons. d'Ét., 9 juin 2015, LawLex201500000801JBJ, retenant que le Conseil d'État n'est pas compétent pour connaître du recours pour excès de pouvoir exercé par une entreprise contre une demande de renseignements que lui a adressée l'Autorité de la concurrence dans le cadre de l'instruction d'une affaire relative à des pratiques anticoncurrentielles ; Paris, 24 juin 2015, LawLex201500000832JBJ, selon laquelle le juge judiciaire est seul compétent pour connaître de l'action en réparation exercée par une collectivité publique contre des personnes physiques et morales de droit privé au titre de manquements aux règles de concurrence en amont de la conclusion d'un marché public.

Trib. conflits, 6 juin 1989, LawLex200200003340JBJ, Rec. Lebon, 292, RFDA, 1989, 451, concl. STIRN ; AJDA, 1989, 431 et 467, note BAZEX ; RDP, 1989, 1780, note GAUDEMET ; Gaz. Pal., 23 décembre 1989, obs. BOUTARD-LABARDE et VOGEL ; D., 1990, 418, note ISRAËL ; 4 novembre 1996, LawLex200200002868JBJ, AJDA, 1997, 142 ; JCP G, 1997, II, 22802 ; 19 janvier 1998, LawLex200200002187JBJ, D., 1998, 329, concl. ARRIGHI de CASANOVA.

Cons. d'Ét., 23 juillet 1996, CGE, Rec. Lebon, 226.

Cons. d'Ét., 3 novembre 1997, LawLex200200002885JBJ, AJDA, 1997, 1012 et 1998, 247, note GUEZOU, RFDA, 1997, 1228, concl. STAHL. - Adde : NICOLAS-VUILLERME, Débats autour des règles de compétence en droit de la concurrence, Contrats Conc. Consom., 1998, étude, 6.

Cons. d'Ét., 28 juillet 1999, SA Bouygues, nº 206749.

Cons. d'Ét., 1er janvier 1998, BID, 1999, nº 1, 13.

Cons. d'Ét., 7 juillet 2000, LawLex200200002188JBJ.

Cons. d'Ét., 22 novembre 2000, LawLex200200003262JBJ, RJDA, 2001, n° 377, concl. AUSTRY et n° 508 ; D., 2001, 2110, note ALBERT.

Cons. d'Ét., 26 mars 1999, nº 202260, convention d'occupation précaire du domaine public.

Trib. conflits, 19 janvier 1998, LawLex200200002187JBJ, D., 1998, 329.

Application des règles de concurrence par les juridictions administratives.

V. BAZEX, Le droit public de la concurrence, RFDA, 1998, 782 ; CHEROT, Les méthodes du juge administratif dans le contentieux de la concurrence, AJDA, 2000, 687 ; GRAVIER et ROUX, Juge administratif et droit de la concurrence dans les contrats publics, AC-ACCP, nº 20, mars 2002, 34 ; NICINSKI, Droit public de la concurrence, LGDJ, 2005 ; AYACHE, Droit de la concurrence et secteur public. Applicabilité et compétence, J.-Cl. Conc.-Consom., fasc. 120, 2011 ; LOUVARIS, Contentieux administratif de la concurrence : regard rapide sur certains aspects des terres mouvantes du plein contentieux subjectif, AJCA 2016, 383 ; LOUVARIS, Contentieux administratif de la concurrence : regard rapide sur certains aspects des terres mouvantes du plein contentieux subjectif, AJCA 2016, 383 ; COLSON et IDOUX, Droit public économique, LGDJ, 9e éd., 2018 ; DELAUNAY, Droit public de la concurrence, LGDJ, 2e éd., 2018 ; LINOTTE, PIETTE, ROMI, Droit public économique, LexisNexis, 8e éd., 2018.

Le 11 décembre 2018, a été adoptée la directive 2019/1, dite ECN+ (European Competition Network+) , qui se donne pour objectif de garantir que les autorités nationales de concurrence (ANC) disposent des garanties d'indépendance, des ressources et des pouvoirs de coercition et de fixation d'amendes nécessaires à l'application effective des articles 101 et 102 TFUE. Il s’agit d’éviter que la concurrence dans le marché intérieur soit faussée et que les consommateurs et les entreprises soient désavantagés par des législations et des mesures nationales qui empêchent les autorités nationales de concurrence de mettre efficacement en oeuvre les règles de concurrence. Pour illustrer cette nécessité, les considérants rappellent que les divergences entre les législations permettent à certaines entreprises d’échapper à toute sanction dans certains Etats membres en se restructurant, diminuent l’attractivité des programmes de clémence en raison de l’insécurité juridique qu’elles engendrent, et font obstacle à l’infliction d’amendes suffisamment dissuasives dans certains Etats membres. Pour mettre un terme à ces divergences, la directive harmonise les législations des Etats membres, dans les hypothèses où les ANC appliquent les articles 101 et 102 TFUE parallèlement aux dispositions de leur droit national de la concurrence dans la même affaire. 

Le texte institue un socle procédural commun à l’ensemble des ANC qui vise à améliorer l’efficacité des procédures d’application des articles 101 et 102. Pour l’essentiel, il étend aux ANC les règles procédurales qui s’imposent à la Commission en vertu du règlement 1/2003 et de ses textes d’application, ainsi que les interprétations jurisprudentielles de la Cour de justice, notamment en ce qui concerne la définition de l’entreprise (imputation à la société mère du comportement infractionnel de sa filiale et recherche de l’entité assurant la continuité économique de l’entreprise en cas de restructurations). La directive garantit ainsi aux entreprises l’application des droits généraux de l’Union et de la Charte des droits fondamentaux par les ANC, qui seront tenues au respect des droits de la défense, notamment le droit d’être entendu et le droit à un recours effectif de conclure la procédure dans un délai raisonnable et de ne pas prendre une décision avant l’envoi d’une communication des griefs (art. 3). Les Etats membres devront assurer l’indépendance des ANC et leur financement (art. 4 et 5). Le texte dresse la liste des prérogatives minimales dont doivent disposer les ANC pour mener à bien leurs enquêtes (art. 6 à 9), constater et faire cesser l’infraction (art. 10), prendre des mesures provisoires (art. 11) et accepter des engagements (art. 12) et fixe les règles de fixation des amendes et astreintes (art. 13 à 16), celles destinées à renforcer l’efficacité et l’attractivité des programmes de clémence (art. 17 à 23) ainsi que celles relatives à l’assistance mutuelle entre ANC (art. 24 à 28). 

Que va changer la directive dans la vie des entreprises françaises ? Peu de choses. Le dispositif est inspiré des règles applicables à la Commission et des systèmes des pays aux droits de la concurrence les plus développés, dont la France. Cependant, certaines particularités du texte, relativement inquiétantes, nécessiteront une modification de notre droit, proposée par le Gouvernement dans le cadre de l’examen de la loi PACTE, mais fort heureusement reportée, pour cause de cavalier législatif, par le Conseil constitutionnel .

L’article 10 autorise les ANC à prendre des mesures correctives pour faire cesser l’infraction. Le droit français connaît déjà cette faculté, mais la directive précise que les mesures pourront revêtir une nature aussi bien structurelle que comportementale. Or, jusqu’à présent, bien qu’aucun texte ne l’impose, les autorités de concurrence se sont toujours limitées, en matière de pratiques anticoncurrentielles, à des injonctions comportementales, consistant le plus souvent dans la modification de dispositions contractuelles. Le considérant 37 de la directive va plus loin puisqu’il vise, au titre des mesures structurelles, l’obligation de disposer d'une participation dans une entreprise concurrente ou de céder une branche d'activité. Le législateur de l'Union a cependant cru bon de poser un garde-fou en imposant aux ANC, lorsqu'un choix est possible entre deux mesures correctives d'une égale efficacité, d’opter pour la solution la moins contraignante pour l'entreprise. Il est à craindre que d’interminables débats judiciaires s’engagent sur la question de l’équivalence et/ou de la plus grande efficacité d’un type de mesure par rapport à une autre.

Au titre des innovations inquiétantes, il convient aussi de signaler le nouveau pouvoir des ANC de prononcer d’office des mesures provisoires, en dehors de toute saisine par une partie, visé à l’article 11. Selon les considérants de la directive, le texte a pour objet de permettre aux ANC de faire face aux évolutions rapides des marchés, notamment dans le domaine du numérique, et d’éviter que la structure du marché n'évolue à un point tel qu’elle soit très difficile à rétablir par une décision prise par une ANC. Même si le texte encadre cette prérogative en la limitant aux cas “ d'urgence justifiés par le fait qu'un préjudice grave et irréparable risque d'être causé à la concurrence ”, une épée de Damoclès pèsera désormais en permanence sur les entreprises. 

Au plan de la preuve, il faut aussi noter que contrairement à la solution française actuelle , les ANC seront désormais en droit d’utiliser des “ enregistrements dissimulés ”, pour autant qu’ils ne constituent pas le seul fondement d’une condamnation (cons. 73 et art. 32).

S’agissant du plafond de l’amende, l’Autorité de la concurrence a déjà indiqué que la transposition du texte devrait conduire à une modification substantielle du droit français. En effet, à l’heure actuelle, l’article L. 464-2 du Code de commerce distingue entre les entreprises, pour lesquelles le plafond de la sanction correspond à 10 % de leur chiffre d’affaires et les entités qui ne sont pas des entreprises (« organismes » ou “ associations d’entreprises ”, comme les syndicats ou ordres professionnels), pour lesquelles l’amende ne peut pas excéder 3 millions d’euro. L’article 15 de la directive fixe un plafond unique d’amende qui ne saurait être inférieur à 10 % du chiffre d’affaires applicable aussi bien aux entreprises qu’aux associations d’entreprises. Ces dernières doivent donc s’attendre à un relèvement du montant des amendes susceptibles de leur être infligées. A cet égard, le 2e paragraphe de l’article 15 précise que lorsque l’infraction d'une association d'entreprises a trait aux activités de ses membres, le montant maximal de l'amende ne peut être inférieur à 10 % de la somme du chiffre d'affaires mondial total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l'infraction de l'association, sans que la responsabilité financière de chaque entreprise en ce qui concerne le paiement de l'amende ne puisse excéder le montant maximal fixé conformément au paragraphe 1.

De façon plus rassurante, l’article 4, paragraphe 5, accorde aux ANC le pouvoir de fixer leurs priorités et de rejeter des plaintes qui ne constituent pas, selon elles, une priorité. Des restrictions mineures pourront ainsi échapper aux foudres du droit de la concurrence et de la sanction administrative. 

De même,  l’article 23 relatif à l’interaction entre les demandes d'immunité d'amendes et les sanctions infligées aux personnes physiques impose aux Etats membres de veiller à ce que les actuels et anciens directeurs, gérants et autres membres du personnel des entreprises qui sollicitent une immunité d'amendes soient intégralement protégés contre les sanctions infligées dans le cadre de procédures administratives et judiciaires non pénales ou procédures pénales relatives à leur participation à l'entente, concernant des violations de dispositions législatives nationales qui poursuivent principalement les mêmes objectifs que l'article 101 TFUE.

L’article 3, paragraphe 2 de la directive impose aux États membres de s'assurer que l'exercice des pouvoirs conférés aux ANC soit subordonné à des garanties appropriées pour ce qui concerne les droits de la défense, y compris le droit à un recours effectif devant un tribunal. Est-il permis d’espérer que le législateur français se saisira enfin de l’occasion pour instituer un recours immédiat contre les mesures d’enquête simple de l’article L. 450-3 du Code de commerce, aujourd’hui inexistant ?

La transposition de la directive en droit français s'est déroulée en deux temps : d'abord par décret, en ce qui concerne les dispositions relatives au régime procédural de la clémence , puis par ordonnance , pour les autres dispositions. 

Dir. 2019-1 du 11 décembre 2018, visant à doter les autorités de concurrence des Etats membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite "ECN+", JOUE L 11 du 14 janvier 2019, 3.

V. Décis. Cons. constit. n° 2019-781 DC du 16 mai 2019.

Cass. Ass. plén., 7 janv. 2011, LawLex201100000031JBJ, Gaz. Pal. 22/23 avril 2011, 36, obs. FORSTER et SANTONJA ; Contrats Conc. Consom. 2011, n° 71, obs. BOSCO ; JCP E, 2011, 1053, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Communic. com. électr. 2011, n° 24, obs. CHAGNY ; D. 2011, 562, obs. FOURMENT ; Gaz. Pal. 16/17 février 2011, 16, obs. RÉGNAULT ; LPA 12 mai 2011, 10, obs. EECKHOUDT ; D. 2011, 618, obs. VIGNEAU ; RTD civ. 2011, 127, obs. FAGÈS ; LPA 19 décembre 2011, 11, obs. MESSAÏ-BAHRI.

D. 2021-568 du 10 mai 2021 relatif à la procédure d’exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires prévue au IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce.

Ord. 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.

Directive ECN+ et sa transposition en droit français.

CHONE-GRIMALDI, Les maux de la traduction : nouvelles illustrations avec la directive ECN+, D. 2019, 544 ; CLAUDEL, Quelles nouveautés procédurales à la suite de la directive ECN+ ?, Contrats Conc. Consom. juillet 2019, Dossier 9 ; DE SILVA et IDOT, L’Autorité de la concurrence et la directive ECN +, Europe mai 2019, Alerte 31 ; KRENZER, Vers une assistance européenne renforcée, RLC 2019, n° 3658 ; CAROVANO, The 'ECN Plus-Plus': How Could it Look Like?, JECLAP 2020, 442 ; LACRESSE, Transposition de la directive ECN+ : une révolution qui ne dit pas son nom ?, RLC 2021, n° 4106 ; TERCINET, La procédure de clémence française à la faveur de la transposition de la directive ECN+, RLC 2021, n° 4110.

Droit français de la concurrence

446. Compétence du ministre de l'Économie.(1)

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