Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

Le droit français impose une obligation de coopération aux entreprises soumises à enquête. Cette obligation a d'abord été sanctionnée pénalement, puis administrativement, avant que le Conseil constitutionnel ne pose une règle de non-cumul des sanctions.

1) Sanction pénale 

En vertu de l'article L. 450-8 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 26 mai 2021, quiconque s' …

Obligation de collaboration active.

FLÉCHEUX, Enquêtes de concurrence en France, Dr. prat. com. int., 1990, 225 ; TARGA, Le droit et la pratique de l’enquête, Rev. Conc. Consom., 1995, nº 86, 31 ; BOULOC, Les infractions d’opposition aux fonctions au regard des droits fondamentaux, RLC, 2013/35, 77 ; VERTUT, Droit d'opposition en matière de visites domiciliaires versus obligation de soumission aux inspections : l'improbable conciliation à l'aune de l'obstruction, RLC 2019, n° 3699 ; BOULOC, Regard sur le nouveau droit de l'opposition aux fonctions et responsabilité pénale d'une personne morale, RLC 2021, n° 4136.

Le droit français impose une obligation de coopération aux entreprises soumises à enquête. Cette obligation a d'abord été sanctionnée pénalement, puis administrativement, avant que le Conseil constitutionnel ne pose une règle de non-cumul des sanctions.

En vertu de l'article L. 450-8 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 26 mai 2021, quiconque s'opposait de quelque façon que ce soit à l'exercice des fonctions des agents enquêteurs était passible d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euro ou de l'une de ces deux peines seulement. 

Le délit d'opposition à enquête est diversement caractérisé. La personne enquêtée peut avoir refusé de rester dans l'entreprise et de désigner un représentant pour faire obstacle au droit de visite des enquêteurs qui ne peuvent exercer ce droit qu'en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant  ou de se rendre, sur convocation, dans les locaux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour procéder à la vérification des factures qui n'ont pu être présentées sur place . Le délit d'opposition est également constitué lorsque le responsable d'une entreprise pose des conditions à la communication de documents, objet du contrôle, alors qu'il les a en sa possession , ou lorsque les documents ne sont pas communiqués dans leur intégralité . En revanche, il ne peut être fait grief à un gérant succursaliste de ne pas avoir obtenu les documents sollicités par les agents enquêteurs et conservés au siège social, auquel il les a réclamés en vain . L'opposition à une enquête ne peut être justifiée par de prétendues irrégularités de l'ordonnance ayant autorisé la visite et saisie. Les agents habilités sont en effet réputés agir dans les conditions prévues par la loi ; tout obstacle posé à l'exercice de leur fonction constitue donc le délit d'opposition réprimé par l'article L. 450-8 . Le délit d'opposition peut être constaté par tout agent habilité au sens de l'article L. 450-1 du Code de commerce.

À l'instar du droit européen, le droit français prévoit une sanction administrative en cas d'absence de collaboration de l'entreprise . L'entreprise doit ainsi déférer aux convocations ou demandes de renseignements ou communication de pièces qui lui sont adressées par les agents habilités. Dans le cas contraire, le rapporteur général peut demander à l'Autorité de la concurrence de prononcer une injonction sous astreinte dans la limite de 5 % du chiffre d'affaires journalier moyen, par jour de retard à compter de la date qu'elle fixe. Les entreprises doivent également se soumettre aux opérations d'enquête. L'obstruction à l'investigation ou l'instruction est punie d'une sanction pécuniaire qui peut s'élever à 1 % du chiffre d'affaires mondial hors taxe le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. L'obstruction est sanctionnée aussi bien dans le cadre d'une enquête simple, que lourde . Les actes d'obstruction commis par des salariés doivent être imputés à l'entreprise, même en l'absence de délégation de pouvoirs .

Selon le texte, l'obstruction vise notamment la fourniture de renseignements inexacts ou incomplets ou la communication de pièces incomplètes ou dénaturées. En droit européen , tout renseignement qui donne de la situation sur laquelle porte la question une image déformée qui s'écarte considérablement de la réalité sur des points importants, notamment un renseignement faux ou à tel point incomplet que la réponse dans son ensemble est de nature à induire en erreur sur la situation véritable, est inexact. 

L'Autorité de la concurrence a estimé que l'obstruction, dont les formes ne sont pas limitativement définies par le V de l'article L. 464-2 du Code de commerce, couvre tout comportement de l'entreprise tendant à faire obstacle ou à retarder, par quelque moyen que ce soit, le déroulement de l'enquête ou de l'instruction et peut viser le refus de communiquer les renseignements ou les documents demandés dans le délai prescrit , l'omission de rectifier une réponse incorrecte ou incomplète , le bris de scellés ou encore l'altération de la réception de courriels au cours des opérations . L'obstruction est également caractérisée lorsqu'une société mère (i) n'informe pas l'Autorité de la concurrence de la disparition d'une de ses filiales à la suite d'une opération de fusion-absorption intervenue plus d'un mois avant la notification des griefs, alors que celle-ci, visée par l'enquête en cours, a reçu l'instruction de signaler toute modification de la structure du groupe ; (ii) dépose des observations, à la suite de la  notification de griefs, par l'intermédiaire de ses conseils, et ultérieurement une demande de secret des affaires au nom et pour le  compte d'une filiale qui n'existe plus, afin d'induire les services d’instruction en erreur ; (iii) tente de profiter de son propre manquement en soutenant qu'elle doit être mise hors de cause  faute d'avoir été personnellement destinataire de la notification des  griefs . Des actes accomplis durant la phase préliminaire de l'opération de visite et saisie peuvent également être qualifiés d'actes d'obstruction dès lors que cette phase revêt une importance particulière, en ce qu’elle conditionne le bon déroulement de la suite de l’opération et, in fine, de l’instruction dans son ensemble et que c'est au cours de celle-ci que le risque de déperdition d’éléments de preuve est le plus élevé. Constitue ainsi un acte d'obstruction le fait de fournir des renseignements inexacts sur la présence du dirigeant de l'entité visitée dans les locaux de l’entreprise .

L'infraction d'obstruction revêt un caractère objectif qui ne nécessite pas la preuve d'un élément intentionnel . Ne permettent pas de justifier un refus de réponse à une demande de communication de documents le fait que certains d'entre eux soient déjà détenus par l'Administration ou relèvent de périodes excédant les délais de conservation, que l'entreprise ait subi une panne de disque dur ou une inondation de ses locaux ou que les besoins de la réponse auraient nécessité la rédaction de développements explicatifs ou l'élaboration de tableaux excel . Il est par ailleurs indifférent que le comportement reproché n'ait pas empêché les agents de l'Autorité d'accéder aux informations recherchées ou qu'il ne soit pas avéré que des éléments aient été détruits ou altérés , car il n'est pas requis, au stade de la qualification d’une infraction d’obstruction, de faire la démonstration d’une suppression ou d’une manipulation de preuves . Les rapporteurs ne sont pas tenus de faire mention de ces sanctions dans leurs demandes de renseignements ou de mettre l'entreprise en demeure de s'exécuter avant d'engager des poursuites . De même, le fait que les agents de l'Autorité de la concurrence n'aient pas exigé que les bureaux placés sous scellés soient fermés à clé ou n'aient pas expressément interdit à un salarié d'utiliser son ordinateur au cours des opérations d'investigation ne prive pas le bris de scellés ou la suppression de messages de leur caractère fautif .

Selon l'Autorité de la concurrence, l'infraction d'obstruction présente un degré particulier de gravité dès lors qu'elle met en péril la finalité de l’instruction, à plus forte raison lorsqu'elle présente un caractère délibéré . Elle est dès lors sanctionnée par de très lourdes amendes .

3) Non-cumul des sanctions pénale et administrative

Saisi de la constitutionnalité du cumul des peines résultant de la possible application simultanée des articles L. 464-2 et L. 450-8 du Code de commerce aux mêmes comportements, le Conseil constitutionnel a déclaré le premier texte contraire à la Constitution, dès lors que la répression administrative qu’il prévoit vise à sanctionner les mêmes faits, qualifiés de manière identique, et protège  les mêmes intérêts sociaux, que la répression pénale organisée par le second . Le Conseil a précisé que dans les procédures en cours fondées sur l’article L. 464-2, la déclaration d'inconstitutionnalité pourrait être invoquée par les entreprises ayant préalablement fait l'objet de poursuites sur  le fondement de l'article L. 450-8. De fait, dans une affaire ultérieure, l'Autorité de la concurrence a estimé qu'une entreprise ne pouvait se prévaloir de l'inconstitutionnalité de l'article L. 464-2, dès lors qu'elle n'avait pas fait l'objet de poursuites pénales . A l'occasion de la transposition de la directive ECN+, le Gouvernement a modifié le texte de l'article L. 464-2, V, afin d'indiquer que l'entreprise sanctionnée sur le fondement de ce texte “ne peut faire  l'objet de poursuites pénales au titre des mêmes faits” . L'article L. 450-8 est également modifié : il prévoit désormais que les sanctions pénales sont réservées aux actes d'obstruction commis par une personne morale à l'encontre des agents de la DGCCRF, à moins que ceux-ci n'agissent pour le compte de l'Autorité de la concurrence, auquel cas seule la sanction pécuniaire de l'article L. 464-2 est encourue. Le dispositif vise clairement à limiter la portée de la règle du non-cumul aux actes commis par les personnes morales. En effet, en vertu du nouvel article L. 450-9, lorsque les actes d'obstruction sont mis en oeuvre par une personne physique, même à l'égard des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence, les sanctions pénales sont maintenues. Le nouvel article L. 450-10 précise que la personne morale ne pourra pas engager sa responsabilité pénale dans cette hypothèse.

Cass. crim., 25 février 1992, Bull. crim., nº 86.

Cass. crim., 14 janvier 1991, LawLex200200003422JBJ ; RJDA, 1991, nº 227.

Décision Aut. conc. n° 21-D-16 du 9 juillet 2021, LawLex202100004478JBJ, LEDICO septembre 2021, 5, obs. L. et J. VOGEL ; n° 21-D-28 du 9 décembre 2021, LawLex202100006199JBJ, Concurrences 1/2022, 172, obs. LEMAIRE et MURGUET, absence de réponse en dépit de trois relances et double rappel des sanctions encourues.

Décision Aut. conc. n° 17-D-27 du 21 décembre 2017, LawLex201700002124JBJ, préc. ; n° 24-D-08 du 24 septembre 2024, LawLex202400007548JBJ. - V. aussi Décision Aut. conc. n° 24-D-06 du 21 mai 2024, LawLex202400004018JBJ, Europe 2024, n° 276, obs. IDOT ; LEDICO juillet 2024, 5, obs. CHONE-GRIMALDI, soulignant que l'entreprise, qui, en ne corrigeant une information erronée qu'à un stade  avancé de la procédure, a privé les services d’instruction de la  possibilité de notifier en temps utile, par un acte complémentaire, des  griefs à un participant à l’entente, pour toute la période au titre de  laquelle l’infraction lui était imputable, doit être sanctionnée, pour  cet acte d'obstruction, par une amende d’un montant de 75 000 euro,  distincte de celle prononcée au titre de la violation des articles L.  420-1, du Code de commerce et 101, paragraphe 1, TFUE.

Décision Aut. conc. n° 19-D-09 du 22 mai 2019, LawLex201900000669JBJ, LD juin 2019, 9, obs. VERTUT ; Contrats, conc. consom. 2019, n° 128, obs. BOSCO ; LEDICO juillet 2019, 4, obs. L et J. VOGEL, confirmée par Paris, 26 mai 2020, LawLex202000000462JBJ, LD juin 2020, 10, obs. BOUFFARD ; LEDICO juillet 2020, 5, obs. L. et J. VOGEL ; LPA 2 avril 2021, 15, obs. ARHEL.

Décision Aut. conc. n° 21-D-10 du 3 mai 2021, LawLex202100002198JBJ. - Comp. Décision Aut. conc. n° 21-D-19 du 19 juillet 2021, LawLex202100004685JBJ, estimant que l'absence d'information des services d'instruction sur une opération de dissolution-confusion réalisée entre deux entreprises au cours de la  procédure administrative ne constitue pas une pratique d'obstruction dès lors que cette restructuration n'emporte aucune conséquence sur les conditions dans lesquelles ces sociétés seront représentées ou dans lesquelles les griefs pourront leur être notifiés, en raison de la transmission universelle de patrimoine qu'elle engendre.

Décision Aut. conc. n° 24-D-08 du 24 septembre 2024, LawLex202400007548JBJ.

Décision Aut. conc. n° 17-D-27 du 21 décembre 2017, LawLex201700002124JBJ ; n° 19-D-09 du 22 mai 2019, LawLex201900000669JBJ, confirmée par Paris, 26 mai 2020, LawLex202000000462JBJ, LD juin 2020, 10, obs. BOUFFARD ; LEDICO juillet 2020, 5, obs. L. et J. VOGEL ; LPA 2 avril 2021, 15, obs. ARHEL.

Paris, 21 décembre 2023, LawLex202300014903JBJ.

Décision Aut. conc. n° 19-D-09 du 22 mai 2019, LawLex201900000669JBJ, préc., confirmée par Paris, 26 mai 2020, LawLex202000000462JBJ, précit.

Décision Aut. conc. n° 17-D-27 du 21 décembre 2017, LawLex201700002124JBJ, LEDICO février 2018, 5, obs. DEBROUX ; Concurrences 2018/2, 164, obs. LEMAIRE et CHIKH ; LPA 26 juillet 2018, 20, obs. ARHEL.

Pour une agence bancaire détenant un dossier de crédit, Cass. crim., 7 mai 1998, LawLex200200003420JBJ ; Concurrence Actualité-Express, juillet 1998, nº 194 ; pour des prévenus exigeant des enquêteurs l'accomplissement de formalités non prévues par la loi et les obligeant à prendre copie manuscrite des documents : Paris, 21 janvier 2000, LawLex200200003451JBJ.

Paris, 26 mai 2020, LawLex202000000462JBJ, précit., approuvée par Cass. com., 1er décembre 2021, LawLex202100006049JBJ, précit.

Paris, 21 décembre 2023, LawLex202300014903JBJ. - V. déjà, Aut. conc., 3 mai 2021, LawLex202100002198JBJ, Concurrences 4/2021, 151, obs. LEMAIRE et AZZI ; 

Aut. conc., 21 décembre 2017, LawLex201700002124JBJ, LEDICO février 2018, 5, obs. DEBROUX ; Concurrences 2018/2, 164, obs. LEMAIRE et CHIKH ; LPA 26 juillet 2018, 20, obs. ARHEL, infligeant 30 millions d'euro d'amende ; n° 19-D-09 du 22 mai 2019, LawLex201900000669JBJ, LD juin 2019, 9, obs. VERTUT ; LEDICO juillet 2019, 4, obs. L et J. VOGEL ; Contrats Conc. Consom. 2019, n° 128, obs. BOSCO ; Concurrences 3/2019, 160, obs. LEMAIRE et BOUSIN, infligeant 900 000 euro d'amende ; n° 24-D-08 du 24 septembre 2024, LawLex202400007548JBJ, infligeant également 900 000 euro d'amende.

Cons. constit., 26 mars 2021, n° 2021-892 QPC, LawLex202100000901JBJ, RLC 2021, n° 4018, obs. DUPRE et BASQUIN ; Contrats Conc. Consom. 2021, n° 103, obs. BOSCO ; LEDICO mai 2021, 4, obs. MARTIN ; RJDA 2021, n° 527.

Décision Aut. conc. n° 21-D-10 du 3 mai 2021, LawLex202100002198JBJ.

Rédac. issue de l'Ord. n° 2021-649 du 26 mai 2021.

Sur la communication de documents après en avoir occulté diverses mentions telles que celles relatives aux coordonnées personnelles et bancaires des clients, des démarcheurs ou des livreurs : Cass. com., 24 février 2009, LawLex200900001252JBJ, RLDA, 2009/37, nº 2251, obs. ANADON ; RJDA 2009, nº 782.

Paris, 5 juillet 1990, LawLex200200003363JBJ ; JCP E, 1991, 246.

Cass. crim., 25 février 1992, Bull. crim., nº 86 ; TGI Paris, 11 janvier 1999, LawLex200200002686JBJ : retard à produire les documents réclamés ; Cass. crim., 19 janvier 2000, LawLex200200002921JBJ : refus de se rendre dans les bureaux de la DGCCRF.

L'article L. 464-2 du Code de commerce a été complété en ce sens par l'ordonnance du 13 novembre 2008.

Paris, 26 mai 2020, LawLex202000000462JBJ, LD juin 2020, 10, obs. BOUFFARD ; LEDICO juillet 2020, 5, obs. L. et J. VOGEL ; LPA 2 avril 2021, 15, obs. ARHEL.

Paris, 26 mai 2020, LawLex202000000462JBJ, LD juin 2020, 10, obs. BOUFFARD ; LEDICO juillet 2020, 5, obs. L. et J. VOGEL ; LPA 2 avril 2021, 15, obs. ARHEL, approuvée par Cass. com., 1er décembre 2021, LawLex202100006049JBJ, JCP G 2022, n° 99, obs. ROBERT ; LEDICO janvier 2022, 4, obs. L. et J. VOGEL ; RJDA 2022, n° 115 ; Concurrences 1/2022, 170, obs. LEMAIRE et FLORENT ; Décision Aut. conc. n° 24-D-08 du 24 septembre 2024, LawLex202400007548JBJ.

Décision Comm. CE nº 82-124 du 25 novembre 1981, LawLex200500007387JBJ.

Droit français de la concurrence

458. Obligation de collaboration active.(1)

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