Procédures collectives

Le dirigeant de fait engage sa responsabilité pour insuffisance d'actif, au même titre que le dirigeant de droit, et peut se voir imputer le montant de celle-ci, à condition qu'elle existe à la période au cours de laquelle il a exercé ses fonctions . La qualité de dirigeant de fait, qui peut être attribuée à une personne morale , est établie par la preuve de la réalisation, en toute indépendance,  …

Immixtion dans la gestion

Le dirigeant de fait engage sa responsabilité pour insuffisance d'actif, au même titre que le dirigeant de droit, et peut se voir imputer le montant de celle-ci, à condition qu'elle existe à la période au cours de laquelle il a exercé ses fonctions . La qualité de dirigeant de fait, qui peut être attribuée à une personne morale , est établie par la preuve de la réalisation, en toute indépendance, d'actes positifs de gestion et de direction au sein de la société par une personne qui n'est pas son dirigeant de droit . 

Si le juge tient compte d'un faisceau d'indices afin de caractériser la gestion de fait, il s'appuie au premier chef sur le critère de l'indépendance d'action du dirigeant de fait supposé. Doit être considéré comme un cogérant de fait, l'associé qui effectue seul les démarches commerciales et conclut seul les contrats engageant l'entreprise, se trouve à l'origine de virements frauduleux et contrôle la comptabilité . En revanche, l'indépendance n'est pas caractérisée lorsque la dirigeante de droit se présente aux rendez-vous fixés au dirigeant, en compagnie des prétendus dirigeants de fait . De même, ne peut être engagée la responsabilité d'un directeur commercial qui gère la partie commerciale de l'activité ainsi que la recherche, le développement et la communication de l'entreprise , ni celle du directeur gestionnaire salarié qui bénéficie d'une très large délégation de pouvoirs et qui se voit qualifier, dans sa lettre de licenciement, de dirigeant de fait , en l'absence de preuve de l’exercice, en toute indépendance, d'actes positifs précis de gestion et direction de la société. Pour la même raison, une direction de fait ne saurait résulter de la seule circonstance qu'un actionnaire, qui n'a disposé d'un contrat de travail qu’un an après son arrivée dans la société, bénéficie de placements financiers au titre d’un contrat d’assurance-vie souscrit par la société, avantage que les services fiscaux qualifient “d’avantage accordé aux seuls dirigeants de sociétés”, s’octroie en sus de son salaire des honoraires d’apport d’affaires, dispose d’un véhicule de fonction non utilitaire et règle sur son compte personnel une caution pour un matériel loué . La direction de fait d’une société ne peut pas non plus se déduire de la seule qualité d’actionnaire majoritaire, même si les représentants de ces associés participent à certaines réunions du conseil de surveillance durant lesquelles sont abordés le choix du projet, son développement ou les démarches à entreprendre pour l’obtention de subventions publiques . Pour autant, peut être assigné en paiement de tout ou partie de l’insuffisance d’actif en tant que dirigeant de fait, l'associé majoritaire qui fixe lui-même le prix d’acquisition du fonds de commerce et du stock de la société ainsi que ses modalités de règlement, établit le siège social à sa résidence, dans un département différent de celui où l'activité s'exerce, définit les modalités du fonctionnement financier et économique de la société et ses perspectives d’avenir et tient le dirigeant de droit dans un état de dépendance et de soumission à ses avis .

Le tribunal saisi d'une action en comblement de passif à l'égard d'un dirigeant de fait présumé est tenu de vérifier in concreto s'il a effectué des actes de gestion allant au-delà de ses attributions statutaires. Tel est le cas de l’associé/salarié qui outrepasse les prérogatives de son contrat de travail et assure la gestion administrative et financière de la société en l'absence du dirigeant de droit , ou du directeur général qui octroie des garanties sans soumettre au conseil d'administration les conventions qui sont de son ressort, omet de rendre compte fidèlement et complètement de sa mission auprès de ce dernier et prend de sa propre initiative et en toute indépendance des décisions qui se sont révélées catastrophiques pour la société . En revanche, le concédant qui demeure dans les limites des prérogatives de contrôle que lui confère le contrat ne peut être considéré comme dirigeant de fait du concessionnaire . Pareillement, la dépendance de sociétés franchisées qui permet au franchiseur de leur imposer l'abandon de la gestion de leurs recettes par la conclusion d'accords de règlement, ne suffit pas à caractériser l'exercice d'une activité positive de direction par ce dernier . La société mère du débiteur, qui exerce un contrôle normal de l'activité de sa sous-filiale et ne s’immisce pas dans sa gestion, ne peut pas non plus être qualifiée de dirigeant de fait . Ainsi, la simple supervision, par la société mère, de certaines fonctions ou services au sein du groupe de sociétés , et la nécessité d'obtenir l'approbation par celle-ci des investissements d'un coût supérieur à un certain montant, ayant pour seul objet de contrôler la conformité de la dépense prévue avec le programme général d'investissement du groupe et le budget alloué, sans discussion de son opportunité , ne suffisent pas à caractériser une direction de fait.

La relation entretenue avec les salariés constitue un autre critère décisif de qualification d'une direction de fait, à l'égard de celui qui se donne l'apparence d'un employeur. Ainsi, celui qui procède au recrutement des salariés, décide seul des modalités de paiement des heures supplémentaires ou des primes dues en dépit de l’absence d'une délégation de signature et assure la direction effective de la société sous couvert d’un mandat fictif donné au dirigeant de droit doit être considéré comme le dirigeant de fait de la société débitrice . L’embauche de commerciaux, l’exercice d’un pouvoir hiérarchique sur le personnel, les relations entretenues avec les organismes sociaux et agences pour l’emploi et certains prestataires, la rupture d’un contrat de travail pendant la période d’essai, la signature de ces actes alors que le gérant de droit se trouvait rarement au siège social de l’entreprise et en dehors de tout lien de subordination, sont également caractéristiques d’une immixtion dans la gestion de la société constitutive d'une direction de fait . L’ancien dirigeant d'une association qui exerce des fonctions de directeur général sans contrôle du conseil d'administration et met en œuvre des sanctions disciplinaires à l'égard du personnel, qui le considère comme son employeur, doit être considéré comme un dirigeant de fait tenu de contribuer à l'insuffisance d'actif . De même, l'actionnaire, qui, en toute autonomie, apparaît comme le seul interlocuteur des salariés, dans le licenciement desquels il est intervenu, est le dirigeant de fait de la société débitrice . En revanche, la qualité de dirigeant de fait ne peut se déduire de l’envoi, aux salariés, d’une lettre à en-tête de la société dans laquelle l'ancien dirigeant de droit indique ne plus exercer de fonctions au sein de la société mais y intervenir ponctuellement à la demande des dirigeants pour leur rendre service, lorsque celle-ci ne décrit pas d'actes positifs de direction et de gestion accomplis en toute indépendance . 

Le fait de se donner l'apparence du dirigeant de la société à l'égard des tiers, notamment des clients, des banques et des assurances, en étant leur interlocuteur privilégié , participe à la caractérisation de la qualité de dirigeant de fait. L'actionnaire principal de la société débitrice doit être considéré comme un dirigeant de fait tenu à l'insuffisance d'actif lorsque, se présentant comme l'interlocuteur des créanciers, tant publics que privés, il s'est immiscé dans la gestion de l'entreprise, même s'il n'a pas été reconnu comme coemployeur dans le cadre d'instances prud'homales . Une personne physique qui agit comme le représentant de la société débitrice auprès des clients, est désignée sur le site internet comme référent pour la gestion et le financement de l'acquisition des marchandises, dans la conception et la production desquelles il s'est impliqué, ainsi que dans la résolution des litiges commerciaux, en est le dirigeant de fait . L'instigateur des opérations immobilières d’une société et des recrutements, qui suit personnellement le contrôle fiscal, la représente seul à l'audience d'ouverture de la liquidation judiciaire et demeure le seul interlocuteur du mandataire judiciaire doit être considéré comme son dirigeant de fait, à plus forte raison lorsque le dirigeant de droit ne possède que des compétences techniques et ne perçoit pas d'indemnité de gérance, mais des honoraires d'auto-entrepreneur . 

Enfin, l'établissement public actionnaire qui ne se borne pas un un rôle d’investisseur ou de conseil, mais exerce un véritable pouvoir de direction en plaçant le conseil d’administration dans un état de dépendance et en soumettant les décisions de ce dernier aux résultats de ses recherches et de ses avis, doit être considéré comme un dirigeant de fait . L’indépendance et la souveraineté qui caractérisent une direction de fait s'apprécient par rapport à la personne morale au sein de laquelle le dirigeant de fait exerce son pouvoir, de sorte qu'un établissement public ne peut invoquer sa soumission à la tutelle directe de l’Etat, pour échapper à sa responsabilité au titre de sa faute de gestion . La condamnation d’une commune à supporter les dettes d’une association en sa qualité de dirigeant de fait est justifiée, lorsqu’elle en désigne certains membres et en tient la comptabilité, que son accord est requis pour les projets d'investissements, que les tarifs de location de la salle polyvalente sont établis en commun et que le bilan financier annuel doit lui être soumis . 

En revanche, le seul fait d'avoir bénéficié d'avantages comparables à ceux dont jouissent les dirigeants, ou d'avoir commis des détournements de fonds, ne permet pas d'imputer à leur auteur la qualité de dirigeant de fait, dès lors que de tels comportements ne peuvent s'assimiler à des actes de gestion. Ainsi, la seule détention, par le prétendu dirigeant de fait, de la signature bancaire sur le compte ouvert par la société ne suffit pas à caractériser une immixtion dans la gestion se traduisant par une activité positive et indépendante , même si la dirigeante de droit affirme qu'elle n’a jamais géré la société . De même, le cessionnaire des actions de la société débitrice, qui, disposant de la signature bancaire, confond les fonds sociaux avec ses fonds propres, ne peut être qualifié de dirigeant de fait en l'absence de preuve de l'exercice d'une activité positive et indépendante de gestion . Par ailleurs, le fait d'avoir signé, au nom de la société débitrice, une convention de trésorerie avec la société mère et un contrat de location-gérance, bénéficié d’avantages en nature réservés ordinairement aux dirigeants et d'avances sur salaires importantes et l’absence de prise en charge par l’AGS du paiement de ses indemnités de licenciement, ne suffisent pas à caractériser une immixtion dans la gestion et la direction de la société par un prétendu dirigeant de fait .

Cass. com., 24 janvier 2018, LawLex202100001652JBJ (LJ) ; 27 janvier 2015, LawLex202100001675JBJ (LJ). 

Cass. com., 13 décembre 2023, LawLex202300014600JBJ, RJDA 2024, n° 177 ; Gaz. Pal. 19 mars 2024, 78, obs. REILLE ; JCP E 2024, n° 1116, obs. TEHRANI ; JCP E 2024, n° 1167, obs. DONDERO.

Cass. com., 10 février 2015, LawLex202100001717JBJ (LJ).

Paris, 15 novembre 2007, LawLex202200009550JBJ (LJ).

Cass. com., 26 octobre 1999, LawLex200200005248JBJ (LJ).

Cass. com., 27 mai 2003, LawLex200300002299JBJ (LJ). - Comp., lorsque le franchiseur s’immisce dans la gestion du franchisé et outrepasse les obligations qui résultent du contrat de franchise, Cass. com., 9 novembre 1993, LawLex200200004360JBJ (LJ).

Cass. com., 11 octobre 2016, LawLex202100001691JBJ (LJ).

Cass. com., 19 novembre 2013, LawLex202100001708JBJ (LJ).

Cass. com., 21 novembre 2018, LawLex202100001695JBJ (LJ).

Rouen, 3 mars 2011, LawLex202300008609JBJ (LJ).

Cass. com., 27 juin 2006, LawLex202100001649JBJ (LJ).

Cass. com., 27 juin 2006, LawLex202100001647JBJ (LJ).

Cass. com., 17 novembre 2015, LawLex202100001780JBJ (LJ). 

Cass. com., 10 juillet 2019, LawLex202300008479JBJ (LJ). 

Cass. com., 20 avril 2017, LawLex202100001697JBJ (LJ).

Versailles, 20 février 2018, LawLex202100001642JBJ (LJ). 

Cass. com., 30 janvier 2019, LawLex202100001715JBJ (LJ).

Paris, 14 mars 2018, LawLex202200010656JBJ (LJ).

Cass. com., 6 février 2001, LawLex202300010448JBJ (LJ). 

Cass. com., 13 mai 2003, LawLex202100001682JBJ (LJ). - V. égal. Cons. d'Et., 1er octobre 2013, LawLex202300010558JBJ (LJ), retenant qu'une commune peut être tenue responsable, en sa qualité de dirigeant de fait, de l'insuffisance d'actif d'une association, pour autant que ses fautes de gestion soient dénoncées dans les délais de prescription applicables.

Cass. com., 1er décembre 2015, LawLex202100001683JBJ (LJ) ; 8 mars 2017, LawLex202100001692JBJ (LJ), considérant que l’usage de la signature en banque par une personne physique, en dehors de tout mandat social, ne suffit pas à constituer un acte de gestion positif propre à caractériser une gestion de fait.

Paris, 12 janvier 2016, LawLex202200010797JBJ (LJ).

Cass. com., 9 juillet 2002, LawLex202300010557JBJ (LJ). 

Cass. com., 18 janvier 2000, LawLex202100001694JBJ (LJ).

Cass. com., 9 juin 2022, LawLex202200011222JBJ (LJ), BRDA, 2022, n° 15-16. 

Nîmes, 12 avril 2023, LawLex202300007885JBJ (LJ). 

Cass. com., 24 janvier 2018, LawLex202100001713JBJ (LJ).

Cass. com., 9 juin 2022, LawLex202200009311JBJ (LJ), Gaz. Pal. 27 septembre 2022, 65, obs. LEBEL. 

Cass. com., 26 juin 2001, LawLex202200009897JBJ (LJ).

Cass. com., 20 avril 2017, LawLex202100001696JBJ (LJ).

Cass. com., 15 février 2011, LawLex202100001712JBJ (LJ).

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