Procédures collectives

La caractérisation de la faute de gestion, dans le cadre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, ne nécessite pas d’établir que le dirigeant a commis sciemment le manquement qui lui est reproché ou a agi dans un  intérêt personnel, comme c’est le cas dans l'hypothèse d’un grief sanctionné par une interdiction de gérer .
Néanmoins, la loi du 9 décembre 2016 , immédiatement applicab …

Élément intentionnel

La caractérisation de la faute de gestion, dans le cadre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, ne nécessite pas d’établir que le dirigeant a commis sciemment le manquement qui lui est reproché ou a agi dans un  intérêt personnel, comme c’est le cas dans l'hypothèse d’un grief sanctionné par une interdiction de gérer .

Néanmoins, la loi du 9 décembre 2016 , immédiatement applicable aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours , a ajouté une précision à l'article L. 651-2 du Code de commerce : la simple négligence du dirigeant dans la gestion de la société ne peut constituer une faute susceptible d’engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif . Désormais, s'il n'est toujours pas requis que le dirigeant ait sciemment commis la faute, il est en revanche nécessaire d'établir que celle-ci ne résulte pas d'une simple négligence. La négligence dans la gestion de la société ne se réduit pas aux hypothèses où le dirigeant a ignoré les circonstances ou la situation ayant entouré la commission de la faute dénoncée . En effet, le juge saisi d'une action en comblement de passif doit rechercher si le dirigeant avait conscience de la situation du débiteur et s'il a pris, en conséquence, les mesures nécessaires. 

L'omission, pendant plusieurs mois, de la déclaration de cessation des paiements ne peut procéder d'une simple négligence, dès lors que le dirigeant, qui ne pouvait plus méconnaître la situation délicate, voire totalement compromise, de la société n'a pas pris les mesures qui s’imposaient pour l'enrayer et a fait preuve d’une inertie totale qui caractérise une attitude volontaire et consciente de ne pas faire face aux difficultés de gestion et aux obligations qu’elles impliquent . De même, l’absence de déclaration de la cessation des paiements, dans le but de réduire l’exposition financière de la société mère, ne peut s’analyser comme une simple négligence du dirigeant lorsqu'un courriel reçu de son avocat, dressant la liste des informations et documents nécessaires à la préparation d’une déclaration de cessation des paiements, établit sa connaissance de la situation de la société débitrice . 

Les dirigeants qui laissent l’activité déficitaire de la société se poursuivre pendant de nombreux mois, sans disposer d’une trésorerie suffisante pour y faire face , tout en ayant connaissance de l’impossibilité d’un redressement, ne commettent pas non plus une simple négligence, mais une faute de gestion qui engage leur responsabilité . Il en va également ainsi du dirigeant qui se constitue une trésorerie par le non-règlement ou l'allongement des délais de paiement des fournisseurs et le non-paiement des dettes sociales et fiscales, ne prête aucune attention à la gestion des comptes clients, recourt à des prestations facturées par une société qu’il dirige et participe à une distribution de dividendes contraire à l'intérêt social . De même, le dirigeant qui ne peut ignorer l’importance des déclarations et les conséquences d’un défaut de déclaration au vu de la procédure de vérification fiscale qui lui a été notifiée et qui n’honore pas les créances en cause, ne peut invoquer la simple négligence, dès lors que cette attitude est volontaire et consciente . Le dirigeant ne peut pas davantage invoquer la simple négligence lorsqu'il n’a volontairement pas réagi aux manquements aux règles de l’hygiène d'un subordonné pendant deux années, afin de faire des économies , ni lorsque, de façon délibérée, il n’a pas recouvré les factures correspondant aux chantiers pour lesquels des stocks ont été commandés ou, à tout le moins, a commandé trop de marchandises au regard des contrats conclus, alors que le passif de la société était en augmentation . 

Le juge saisi de l'action vérifie enfin si la faute litigieuse ne procède pas d'un comportement répété, auquel cas il ne peut s'agir d'une simple négligence. De fait, l'établissement d'une comptabilité irrégulière et non probante afin de bénéficier du régime fiscal de la marge au lieu de celui des acquisitions intra-communautaires, constitue une faute de gestion qui excède la simple négligence dès lors qu'elle présente un caractère systématique . Il en va de même du non-paiement récurrent des cotisations fiscales et sociales courantes .  

En revanche, le dirigeant qui engage la société qu’il dirige dans une activité reposant sur un client unique commet une simple négligence qui ne peut justifier la mise en cause de sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif . Traduit également une simple négligence, la distribution intégrale des bénéfices à la holding de la société débitrice, qui a privé cette dernière de disponibilités à une période où sa “profitabilité” faisait défaut , la non-tenue d'une comptabilité régulière reprochée à un co-gérant, lorsqu'elle est en réalité imputable à l’autre gérant , ou l'absence de transmission d'éléments comptables suffisants pour démontrer que le dirigeant s'est acquitté des obligations mises à sa charge .

Paris, 21 mars 2024, LawLex202400002704JBJ (LJ).

L. 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi “Sapin 2”.

Douai, 24 novembre 2022, LawLex202300007882JBJ (LJ).

Cass. com., 17 juin 2020, LawLex202300008477JBJ (LJ). 

Cass. com., 23 septembre 2020, LawLex202300008471JBJ (LJ). 

Nîmes, 12 avril 2023, LawLex202300007885JBJ (LJ). 

Versailles, 6 juillet 2021, LawLex202300008790JBJ (LJ). 

Cass. com., 13 avril 2022, LawLex202200002464JBJ (LJ), RJDA 7/22, n° 426. 

Cass. com., 10 juillet 2019, LawLex202300008479JBJ (LJ).

Cass. com., 17 juin 2020, LawLex202300008472JBJ (LJ). 

Cass. com., 2 octobre 2024, LawLex202400007244JBJ (LJ).

Cass. com., 5 décembre 2018, LawLex202300008455JBJ (LJ) ; 5 septembre 2018, LawLex202200010995JBJ (LJ).

Cass. com., 3 février 2021, LawLex202100001760JBJ (LJ). 

Cass. com., 5 février 2020, LawLex202100006161JBJ (LJ), RJDA 5/20, n° 284 ; LawLex202300008456JBJ (LJ) ; LawLex202200009806JBJ (LJ) ; LawLex202300008458JBJ (LJ) ; Douai, 24 novembre 2022, LawLex202300007882JBJ (LJ) ; Versailles, 20 février 2018, LawLex202100001642JBJ (LJ) ; Angers, 18 janvier 2022, LawLex202200010150JBJ (LJ), RJDA 7/22, n° 424 ; Aix-en-Provence, 29 août 2024, LawLex202400006181JBJ (LJ).

Cass. com., 5 février 2020, LawLex202300008457JBJ (LJ) ; Cass. com., 8 avril 2021, LawLex202200009805JBJ (LJ).

Paris, 16 septembre 2021, LawLex202200010562JBJ (LJ), RJDA 5/22, n° 296. 

Versailles, 13 novembre 2018, LawLex202100001761JBJ (LJ) ; Cass. com., 17 juin 2020, LawLex202300008477JBJ (LJ), retenant que la poursuite d'une activité déficitaire par un dirigeant expérimenté alors que le résultat d’exploitation était négatif, que le solde du compte courant était débiteur en dépit de cessions d’immobilisation, que les signaux d’alerte s’étaient multipliés en raison du rejet de chèques sans provision dépassant le découvert autorisé, que l’établissement de crédit a refusé d’ouvrir un crédit, que le commissaire aux comptes avait menacé d’émettre des réserves sur les comptes et envisageait d’engager une procédure d’alerte la même année, ne peut pas justifier l’absence de prise des mesures de restructuration nécessaires par une simple négligence.

Cass. com., 26 février 2020, LawLex202200010827JBJ (LJ), LEDEN avr. 2020, obs. LAFAURIE ; Rev. proc. coll. 2020, 161, obs. MARTIN-SERF. 

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