Procédures collectives

Une créance postérieure, née régulièrement, est éligible au bénéfice des dispositions de l'article L. 622-17 à condition qu'elle soit justifiée par les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation. L'objectif de la sauvegarde étant de préserver le maintien de l'activité et de l'emploi, il y a tout lieu de favoriser les créanciers qui y participent par l'apport de fonds (ne …

Créance née pour les besoins de la procédure

REMERY, L'utilité des créances postérieures à l'ouverture d'une procédure collective, RJDA 3/2023, 7.

Une créance postérieure, née régulièrement, est éligible au bénéfice des dispositions de l'article L. 622-17 à condition qu'elle soit justifiée par les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation. L'objectif de la sauvegarde étant de préserver le maintien de l'activité et de l'emploi, il y a tout lieu de favoriser les créanciers qui y participent par l'apport de fonds (new money) ou la prestation de services nécessaires à la pérennité de l'entreprise.

Les créances au titre des dépens et des frais irrépétibles, constituées dans le cadre d'une action introduite pour accroître l'actif de la société débitrice, peuvent à l'évidence être considérées comme nées pour  les besoins du déroulement de la procédure . Les créances d’honoraires de l’avocat, chargé de conduire des procédures en lien avec l'adoption du plan de cession , ainsi que la créance de dépens exposés à l’occasion de l’instance qui a conduit à l’adoption et à la sécurisation du plan de cession , sont considérées comme nées pour les besoins du déroulement de la procédure et bénéficient par conséquent du privilège légal assorti du rang attribué aux frais de justice . Il en va de même des honoraires d'assistance du débiteur dans l'exercice de ses droits propres . Les créances indemnitaires qui résultent de la rupture du contrat de travail prononcée par le mandataire de justice, doivent également être considérées comme nées régulièrement après le jugement d’ouverture, pour les besoins de la procédure . 

A l'inverse, la créance de réparation du préjudice invoquée par un franchiseur qui reproche à un ancien franchisé de continuer d'utiliser, après la rupture du contrat et l'ouverture de la procédure collective, les signes de ralliement de la clientèle attachés au réseau de franchise, ne constitue pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure . De même, n’est pas née pour les besoins de la procédure la créance fondée sur le manque à gagner qui résulte de la renonciation par le mandataire judiciaire à la poursuite des contrats de crédit-bail  ou celle qui résulte de l'obligation du débiteur, en sa qualité de  preneur, de prendre en charge les frais de dépollution du site pris à bail . Le débiteur ne peut être condamné au paiement d'une créance de  restitution née d'une action en résolution d'un contrat antérieur à la  procédure collective mais exercée postérieurement à celle-ci, dès lors  qu'il ne s'agit pas d'une créance née pour les besoins du déroulement de  la procédure ou de la poursuite de l'activité .  La même solution s'applique à la créance de restitution qui résulte de  l'annulation du contrat, postérieure à l'ouverture de la procédure  collective .  Enfin, la demande en paiement de la valeur des droits sociaux d'un   associé/salarié, fondée sur une clause qui prévoit leur rachat à un prix  convenu en cas de licenciement, bien que portant sur une créance  postérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire, n'apparaît pas utile aux besoins du déroulement de la procédure .

Les créances postérieures et régulières peuvent également bénéficier du privilège de paiement de l'article L. 622-17 dès lors qu'elles naissent pour les besoins de la période d'observation. La créance issue du paiement des factures des fournisseurs du débiteur, en vue de la continuation du chantier qui lui était sous-traité, pendant la période d’observation de sa procédure collective, doit être considérée comme née pour les besoins de celle-ci . 

La Cour de cassation a semblé dégager un critère alternatif qui ne correspond pas formellement à la lettre de l'article L. 622-17. En effet, elle considère que les sommes dont le règlement constitue une obligation légale pour le débiteur en procédure collective, sont des créances “inhérentes à l'activité poursuivie” par ce dernier et bénéficient de ce fait du privilège de paiement reconnu par l'article L. 622-17. Tel est le cas de la cotisation foncière des entreprises , de la cotisation d'assurance des travailleurs involontairement privés d'emploi  et de la contribution sociale de solidarité et de la contribution additionnelle . En réalité, un tel critère peut sans difficulté se rattacher, en dépit de la terminologie employée, aux besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation. 

Enfin, l'ordonnance du 18 décembre 2008  a modifié l'article L. 622-17 qui exigeait initialement que la créance postérieure soit née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, pour l' “activité professionnelle” du débiteur . Cette dernière condition ayant disparu, les créances extraprofessionnelles devraient théoriquement pouvoir bénéficier du privilège de paiement si les conditions maintenues sont remplies. La jurisprudence se montre néanmoins réticente à admettre le caractère privilégié de telles créances. Ainsi, une décision rendue sous l'empire de la nouvelle rédaction de l'article L. 621-7 a retenu qu'une créance de loyer d'habitation du débiteur, échue postérieurement au jugement d'ouverture de sa procédure collective, ne constituait pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure . Néanmoins, cette décision paraît critiquable car une telle créance, née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, devrait être considérée comme une créance postérieure privilégiée. De même, il a été jugé que lorsque la société débitrice n’a plus d’activité pendant la période d’observation, les frais de déplacement de son dirigeant ne peuvent être qualifiés de créances nées pour les besoins de la procédure et mis à sa charge . 

Paris, 13 mars 2024, LawLex202400002411JBJ (LJ).

Cass. com., 7 octobre 2020, LawLex202100006125JBJ (LJ). 

Cass. com., 1er juin 2023, LawLex202300009697JBJ (LJ), RJDA 2023, n° 443.

Cass. com., 5 avril 2016, LawLex202300003183JBJ (LJ).

Cass. com., 9 mai 2018, LawLex202100002463JBJ (RJ). 

Cass. com., 24 mars 2021, LawLex202100005846JBJ (LJ), RJDA 2021, n° 678. 

Cass. com., 17 septembre 2013, LawLex202100002475JBJ (RJ), RPC 2015, 112, obs. SAINT ALARY-HOUIN. 

Cass. com., 15 juin 2011, LawLex202100002462JBJ (RJ), D. 2011, 1677, obs. LIENHARD. 

Ord. 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté. 

V. pour une application, Cass. com., 11 octobre 2016, LawLex202100002477JBJ (LJ).

Cass. com., 12 mars 2013, LawLex202100002468JBJ (LJ), Gaz. Pal. 13 juillet 2013, obs. HENRY. 

Cass. com., 15 octobre 2013, LawLex202100001072JBJ (LJ). 

Cass. com., 1er décembre 2015, précit. 

Comp. Cass. com., 2 décembre 2014, LawLex202100002385JBJ (S), estimant que la créance issue de la condamnation au paiement des honoraires d'avocat d’une banque créancière ne peut être considérée comme née pour les besoins de la procédure dès lors qu’elle ne peut être qualifiée d'utile à sa finalité de sauvegarde de la société débit.rice et ne constitue pas la contrepartie d'une prestation fournie à celle-ci

Cass. com., 1er décembre 2015, LawLex202100001073JBJ (LJ). 

Cass. soc., 16 juin 2010, LawLex202100002472JBJ (LJ). 

Cass. com., 20 septembre 2016, LawLex202100002471JBJ (RJ). 

Cass. com., 18 septembre 2007, LawLex202100002470JBJ (RJ). 

Cass. com., 5 février 2020, LawLex202300005132JBJ (LJ).

Cass. com., 15 juin 2022, LawLex202200006456JBJ (LJ), Gaz. Pal. 6 septembre 2022, 17, obs. TOTA ; RDC 4/2022, 46, obs. CAFFIN-MOI et SAUTONIE-LAGUIONIE.

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178. Créance née pour les besoins de la procédure(1)

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