Procédures collectives

En matière de vérification et d'admission de créances, les articles L. 624-3 et L. 624-3-1 du Code de commerce distinguent deux types de recours, selon la qualité des parties au litige. Le premier est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire, le second aux “personnes intéressées”.
1° Recours du créancier, du débiteur ou du mandataire judiciaire
Conformément à l'article L. 624-3 …

Recours contre les décisions du juge-commissaire

En matière de vérification et d'admission de créances, les articles L. 624-3 et L. 624-3-1 du Code de commerce distinguent deux types de recours, selon la qualité des parties au litige. Le premier est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire, le second aux “personnes intéressées”.

1° Recours du créancier, du débiteur ou du mandataire judiciaire

Conformément à l'article L. 624-3 du Code de commerce, le recours contre les décisions du juge-commissaire relatives à la vérification et à l'admission des créances, est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire. Ce recours porte tant sur les ordonnances que sur la signature que le juge-commissaire appose au pied de l'état des créances déposé par le mandataire judiciaire, dès lors qu'elle confère à cet acte le caractère d'une décision juridictionnelle . Le délai d'appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions litigieuses , c'est-à-dire de la date de réception du récépissé les avisant de la décision . Ce délai ne court contre une partie que si la date de la notification de l'ordonnance du juge-commissaire est certaine à son égard . 

Le droit d'appel du créancier contre une décision de rejet ou d'admission seulement partielle de sa créance est strictement limité. En effet, en vertu de l'alinéa 2 de l'article L. 624-3, le créancier dont la créance a été discutée en tout ou en partie et qui n'a pas répondu à la demande d'explications du mandataire judiciaire dans le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27, ne peut exercer de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire . A contrario, le créancier recouvre le droit d'exercer un recours lorsque le juge-commissaire n'a pas entériné la proposition du mandataire judiciaire . Il en va de même lorsque le courrier du mandataire judiciaire ne peut  s'analyser comme une lettre formelle de contestation de l'existence, de  la nature ou du montant de la créance, mais se borne à lui demander des  pièces justificatives de la créance en précisant qu'à défaut, il  envisage de proposer au juge-commissaire le rejet de cette créance . En outre, l'article L. 622-27 précise que le créancier peut, malgré le défaut de réponse dans le délai de trente jours, exercer un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire si la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créances. La Cour de cassation adopte une lecture extensive de ce texte et admet l'exercice d'un recours même s'il porte à la fois sur la régularité de la déclaration de créance et sur le montant de celle-ci .  Enfin, la jurisprudence admet que le créancier qui n'a pas répondu à la demande d'explications du mandataire n'est pas déchu du droit contester la décision du juge-commissaire lorsqu'il a été convoqué par ce dernier au cours du délai de trente jours et a comparu devant lui, même au-delà de ce délai .

Par ailleurs, en vertu de l'article 553 du Code de procédure civile, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé contre l'une n'est recevable que si  toutes sont appelées à l'instance. Ce principe, qui s'applique en matière de procédures collectives, a pour conséquence d'entraîner l'irrecevabilité de l'appel du créancier contre l'ordonnance qui a rejeté sa créance , ou ne l'a admise que partiellement , ou encore contre la décision du juge-commissaire qui constate l'existence d'une instance en cours , lorsqu'il n'a pas intimé le débiteur, titulaire d'un droit propre en matière de vérification du passif, mais seulement le mandataire judiciaire . En revanche, dans le cadre de la procédure de sauvegarde, l'administrateur judiciaire n'a pas à être intimé sur l'appel d'un créancier qui conteste le rejet de la créance qu'il a déclarée . 

Comme celui du créancier, le droit d'appel du débiteur contre l'ordonnance d'admission du juge-commissaire est soumis à une importante condition préalable. Il doit en effet avoir saisi le mandataire judiciaire de sa contestation de la créance, au stade de la procédure de vérification, afin de mettre le juge-commissaire en mesure de statuer sur celle-ci. Cette exigence a été la source de nombreuses difficultés, certains débiteurs ayant tenté de faire valoir qu'ils n'avaient pas pu participer à la procédure de vérification des créances faute d'y avoir été invités. La jurisprudence se montre tantôt conciliante, tantôt sévère face à ce type de prétention. D'une part, elle estime que le débiteur qui forme appel de l'état des créances dans le délai de dix jours à compter de sa publication au BODACC, ne peut se voir contraindre d’apporter la preuve négative de son défaut de convocation par le mandataire judiciaire pour la vérification des créances, dès lors qu'une telle démonstration est impossible . Mais d'autre part, elle considère que le débiteur qui n'a pas été invité à la procédure de vérification des créances ne peut plus remettre en cause l’état des créances s’il n’a pas interjeté appel pour invoquer l'absence de caractère contradictoire de la procédure, dans le délai légal, y compris en contestant la décision du juge-commissaire qui met fin à la mission du mandataire judiciaire . En outre, dès lors qu'il a été mis en mesure de participer à la vérification des créances, même en la personne d'un directeur administratif et financier dépourvu de pouvoir de représentation , le débiteur ne peut relever appel des décisions d'admission portées sur l'état des créances, même si le greffe lui a indiqué par erreur l'existence d'une voie de recours différente de la réclamation . Il n'est pas non plus recevable à former un appel-nullité de la décision d'admission d'une créance, même si le mandataire judiciaire a omis de faire état de la forclusion de la déclaration de créance .

Lorsque la condition de présentation d'une contestation au cours de la  procédure de vérification est remplie, le recours du débiteur contre la  décision du juge-commissaire qui a statué sur la créance contestée est  recevable indépendamment de l'objet de la contestation initiale. En  appel, le débiteur peut donc invoquer un autre motif de contestation ou  étendre le champ des créances contestées .

La société débitrice conserve, en dépit de la désignation éventuelle d'un administrateur judiciaire investi d'une mission d'assistance pour tous les actes de gestion, qualité pour interjeter elle-même appel de la décision du juge-commissaire d'admettre une créance à son passif . Cependant, l'article 553 du Code de procédure civile lui impose, lorsqu'elle forme seule appel contre la décision d'admission d'une créance, d'intimer, non seulement, le créancier, mais aussi le mandataire judiciaire, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, en lui signifiant ses conclusions lorsque ce dernier n'a pas constitué avocat . Elle ne peut se dispenser d'une telle obligation en invoquant une prétendue communauté d'intérêts qui l'unirait au mandataire judiciaire . Le débiteur doit respecter à l'égard de chacun d'eux les règles de la procédure d'appel , de sorte que, partie devant le juge-commissaire, le mandataire judiciaire ne peut être appelé à l'instance d'appel par la voie d'une assignation en intervention forcée, réservée à la mise en cause de tiers, mais doit être intimé par une nouvelle déclaration d'appel . 

Enfin, le pourvoi en cassation formé par le débiteur contre l’ordonnance du juge-commissaire ayant statué en dernier ressort sur la contestation d’une créance est recevable, dès lors que la valeur de la créance en principal n’excède pas le taux de compétence du tribunal qui a ouvert la procédure . 

L'article L. 624-3-1 du Code de commerce ouvre une voie de recours à toute personne intéressée, à l'exclusion de celles mentionnées à l'article L. 624-3. La “réclamation” présentée contre l'état des créances, visée à l'article L. 624-3-1, doit, conformément à l'article R. 624-8, intervenir dans le délai d'un mois à compter de sa publication au BODACC. 

Constitue une personne intéressée, tenue d'exercer le recours de l'article L. 624-3-1 et non de l'article L. 624-3, le cessionnaire de tout ou partie de l'actif  ou l'associé de la société civile débitrice . Un créancier peut également constituer une “personne intéressée” lorsqu'il conteste non les conditions d'admission de sa propre créance, mais celles appliquées à un autre créancier . Cependant, dans une telle hypothèse, il doit invoquer un intérêt personnel et distinct de celui des autres créanciers pour discuter de l'existence, du montant ou de la nature de la créance, et non son intérêt, conforme à l'intérêt collectif, de voir réduire le passif et augmenter ses chances d'être réglé . Justifie d’un intérêt personnel et distinct de celui des autres créanciers pour élever une réclamation contre l’état des créances, le créancier dont la créance est admise en concours avec une créance fiscale et primée par celle-ci, alors que son droit s'exerce sur le prix d'adjudication d'un fonds de commerce, intervenue avant le jugement d'ouverture, qui n'est pas entré dans le patrimoine du débiteur . 

Le droit de former réclamation à l'encontre de l'état des créances offert aux personnes intéressées peut être exercé dès que celles-ci ont connaissance de l'état des créances et pas nécessairement à compter de la publication au BODACC de l'avis de son dépôt au greffe . En outre, les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, lorsqu'elles sont poursuivies, ne peuvent se voir opposer l'état des créances lorsque la décision d'admission prévue à l'article L. 624-2 ne leur a pas été notifiée . A leur égard, le délai d'un mois prévu pour présenter une réclamation court à compter de cette signification . 

L'article R. 624-10 précise que les réclamations sont formées par requête remise ou adressée au greffe. Elles sont mentionnées sur l'état des créances par le greffier. 

Le recours contre les décisions du juge-commissaire statuant sur une réclamation est formé devant la cour d'appel. En cas d'appel, les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie qui n'ont pas été appelées dans la cause peuvent former tierce-opposition .

En vertu de l'article R. 624-5, les tiers intéressés peuvent également, dans le délai d'un mois à compter de sa transcription sur l'état des créances, former tierce-opposition contre la décision rendue par la juridiction compétente pour statuer sur les contestations sérieuses élevées contre une créance, en faveur de laquelle le juge-commissaire s'est dessaisi. En revanche, la tierce-opposition contre l'arrêt confirmatif de la décision d'admission d'une créance du juge-commissaire n'est pas ouverte à la caution du débiteur, qui ne peut que former réclamation contre l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce, en qualité de tiers intéressé, conformément aux dispositions de l'article R. 624-8 du Code de commerce .

Cass. com., 15 mars 2005, LawLex202100002317JBJ (LJ). 

Cass. com., 15 novembre 2016, LawLex202100002449JBJ (LJ).

Cass. com., 24 janvier 2018, LawLex202100002426JBJ (LJ). 

V. par analogie, Cass. com., 5 juillet 2023, LawLex202300011404JBJ (LJ), D. 2023, 1721, obs. CAGNOLI.

Cass. com., 20 avril 2017, LawLex202100002458JBJ (S). 

Cass. com., 28 mars 2018, LawLex202100002321JBJ (LJ). 

Cass. com., 15 novembre 2016, LawLex202100002319JBJ (RJ). 

Cass. com., 27 mai 2014, LawLex202100002318JBJ (LJ). 

Cass. com., 9 novembre 2004, LawLex202100002478JBJ (RJ). 

Cass. com., 14 janvier 1997, LawLex202100002441JBJ (LJ). 

Cass. com., 29 mars 2023, LawLex202300004425JBJ (RJ), JCP E 2023, n° 1306, n° 16, obs. PETEL ; RJDA 2023, n° 324.

Cass. com., 10 juillet 2012, LawLex202100002443JBJ (LJ). 

Cass. com., 24 janvier 2018, LawLex202100001048JBJ (S). 

Cass. com., 2 novembre 2016, LawLex202100002446JBJ (RJ) ; 13 décembre 2017, LawLex202100002464JBJ (S) ; 5 décembre 2018, LawLex202100002453JBJ (LJ) ; 13 septembre 2016, LawLex202100002452JBJ (LJ).

Cass. com., 29 septembre 2015, LawLex202100002444JBJ (S). 

Cass. com., 5 décembre 2018, LawLex202100002455JBJ (LJ).

Cass. com., 19 janvier 1993, LawLex202100001520JBJ (RJ). 

Cass. com., 30 mars 1993, LawLex202100002467JBJ (LJ). 

Cass. com., 20 janvier 2021, LawLex202200003275JBJ.

V., pour une illustration, Cass. com., 10 mars 2004, LawLex202300006112JBJ (RJ).

Cass. com., 30 janvier 2007, LawLex202100002474JBJ (RJ). 

Cass. com., 17 décembre 2013, LawLex202100002442JBJ (RJ). 

Cass. com., 26 septembre 2006, LawLex202100002476JBJ (LJ). 

Cass. com., 21 février 2012, LawLex202100002466JBJ (LJ). 

Cass. com., 6 décembre 2011, LawLex202100002730JBJ (RJ). 

Estimant que le délai de trente jours ne présente pas de caractère excessivement bref et ne porte aucune atteinte disproportionnée au droit d'accès à un tribunal ou à un recours juridictionnel, ni au droit patrimonial du créancier sur la créance discutée, tels que garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, V. Cass. com., 3 octobre 2018, LawLex202100002726JBJ (RJ).

Cass. com., 1er avril 2003, LawLex202100002380JBJ (LJ). 

Cass. com., 13 septembre 2023, LawLex202300011484JBJ (RJ), JCP E 2023, n° 1342, obs. HOUSSIN ; RJDA 2023, n° 672 ; JCP E 2024, n° 1116, obs. TEHRANI.

Cass. com., 28 juin 2017, LawLex202100001212JBJ (S). 

Cass. com., 2 juin 2015, LawLex202300006978JBJ (LJ).

Cass. com., 31 mai 2016, LawLex202100002447JBJ (LJ). 

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