Procédures collectives

Conformément à l'article 1355 du Code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, qu'elle implique les mêmes parties , et qu'elle soit formée par elles et contre elles en la même qualité. En l'absence d'identité de parties, l'admission ou le rejet de la créa …

Autorité de la chose jugée

Conformément à l'article 1355 du Code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, qu'elle implique les mêmes parties , et qu'elle soit formée par elles et contre elles en la même qualité. En l'absence d'identité de parties, l'admission ou le rejet de la créance dans la première procédure collective n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée dans la seconde ouverte à l'encontre du même débiteur . L'autorité de la chose jugée n'est pas acquise, la contestation d'une créance ne pouvant être considérée comme tranchée lorsque l'arrêt qui la fixe a été cassé pour avoir été rendu dans le cadre d'une procédure d'exécution qui aurait dû être arrêtée en vertu du principe de l'arrêt des poursuites . En revanche, le fait que l'ordonnance du juge-commissaire soit entachée d'une irrégularité ne s'oppose pas à ce qu'elle acquière l'autorité de la chose jugée lorsqu'elle n'a pas été frappée d'appel . De même, l'irrégularité dont peut être affectée la procédure de vérification des créances ne fait pas obstacle à ce que l'admission des créances acquière l'autorité de la chose jugée, à plus forte raison lorsque l'état des créances admises, signé par le juge-commissaire et publié au BODACC, n'a fait l'objet d'aucune voie de recours .

Plusieurs conséquences sont attachées à l'autorité de la chose jugée. En effet, dès lors que la décision irrévocable d'admission d'une créance au passif est revêtue de l'autorité de la chose jugée quant à la date de naissance de la créance déclarée, son antériorité par rapport à la date d'ouverture de la procédure collective ne peut plus être contestée . L'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance d'admission d'une créance au passif de la procédure collective constitue une fin de non-recevoir, qui justifie l'irrecevabilité de la demande en paiement d'une somme avec laquelle la créance du créancier s'est compensée , ou d’un intérêt contractuel non prévu par la décision d’admission . L'autorité de la chose jugée s'étend à la nature de la garantie qui assortit la créance admise, de sorte qu'une garantie hypothécaire non mentionnée ne peut plus être opposée par le créancier . L’autorité de chose jugée qui s’attache à la décision irrévocable d’admission d’une créance au passif de la liquidation d’une société civile s’impose à ses associés . Pour autant, elle ne prive pas l'associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d'opposer au créancier la prescription de l'article 1859 du Code civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l'action du créancier contre l'associé . 

L'ordonnance d’admission d'une créance à titre privilégié par le juge-commissaire est revêtue de l'autorité de chose jugée à l’égard de la caution , qui ne peut être condamnée au paiement d'une somme moindre que celle admise pour tenir compte de paiements non pris en considération par le juge-commissaire . A l'inverse, l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du juge-commissaire dans la procédure collective ouverte à l'égard du débiteur principal, qui n'a admis une créance hypothécaire qu’en principal, peut être revendiquée par sa codébitrice solidaire . Le codébiteur solidaire d'un emprunt peut, en cette qualité, opposer à la banque l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission irrévocable de la créance au passif de la procédure collective du débiteur, pour une somme moindre que celle pour laquelle il est poursuivi . 

En revanche, la caution ne peut demander à être déchargée de son obligation en raison de la faute commise par le créancier dès lors que l’autorité de chose jugée acquise par la décision d’admission de la créance et la publication de l’état des créances au BODACC, qu’elle n’a pas contestée, limite son action aux exceptions qui lui sont personnelles . De fait, la caution peut toujours invoquer les exceptions tirées de l'absence de preuve quant à la garantie des engagements du débiteur principal au titre de l'un des comptes en cause et de la nullité de son engagement pour dol . La caution peut également opposer à la banque créancière l'inobservation des obligations dont elle est tenue à son égard .  Elle peut se prévaloir, dès lors que l'ordonnance est devenue irrévocable, du rejet de la créance garantie prononcé dans la procédure collective de son cofidéjusseur, à moins qu'il ne soit dû à une cause personnelle à ce dernier . De même, l'opposabilité à la caution de la décision d'admission d'une créance au passif du débiteur principal, est tenue en échec lorsque l'action du créancier contre la caution, fût-elle solidaire, se trouve atteinte par la forclusion à la date de la déclaration de créance . En outre, en l'absence de preuve de la publication au BODACC de l'avis de dépôt au greffe de l'état des créances, la décision d'admission n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée à l'égard du garant hypothécaire . 

La décision d'admission au passif d'une créance d'indemnités contractuelles est revêtue de l'autorité de la chose jugée à l'égard du colocataire solidaire du débiteur, dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'aucun recours de sa part, de sorte que le créancier peut l'assigner en paiement .

La décision passée en force de chose jugée rendue par le juge compétent de la procédure collective dans les rapports entre le créancier et le débiteur s'impose également au tiers constituant, quant à l'existence et au montant de la créance assortie de la sûreté, dès lors qu'il n'a pas exercé le recours qui lui est ouvert par l'article R. 624-8 du Code de commerce . L'admission par le juge-commissaire d'une créance au passif du débiteur, revêtue, quant à son existence et à son montant, de l'autorité de la chose jugée à l'égard de l'avaliste, sauf contestation par celui-ci de l'état des créances déposé au greffe, a pour effet de rendre irrecevable toute contestation ultérieure qu'il pourrait soulever au sujet de la même créance . L'absence de réclamation du commissaire à l'exécution du plan dans le délai de 15 jours qui suit la publication de l'avis de dépôt de l'état des créances déclarées au passif du débiteur, confère à celui-ci l'autorité de la chose jugée qui fait obstacle à l'action en nullité de leur inscription . Enfin, l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision d'admission d'une créance s'oppose à l'action en nullité exercée dans le but de mettre rétroactivement à néant le contrat de crédit-bail immobilier qui lui a donné naissance .

L'autorité de la chose jugée d'une décision d'admission n'est cependant pas sans limites. Si elle s'impose en particulier au juge de l'exécution statuant à l'audience d'orientation qui se tient en cas de saisie immobilière initiée par un créancier auquel est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un  immeuble appartenant à son débiteur et qui peut donc faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble, elle ne peut empêcher ce juge d'exécuter son obligation de procéder à un examen d'office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles qui fondent la créance. Dès lors, un débiteur soumis à une procédure collective contre lequel a été rendue une décision, irrévocable, admettant à son passif une créance au titre d'un prêt immobilier, qu'il avait souscrit  antérieurement en qualité de consommateur, peut, à l'occasion de la procédure de saisie immobilière portant sur le bien acquis, mise en oeuvre par le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est  inopposable, nonobstant l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, soulever, à l'audience d'orientation devant le juge de  l'exécution, une contestation portant sur le caractère abusif d'une ou plusieurs clauses de l'acte de prêt notarié, s'il ressort de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge ne s'est  pas livré à cet examen .

Comp., estimant que l'autorité de la chose jugée de la décision d'admission d'une créance n'est pas opposable à un autre créancier, cessionnaire de la créance d'un tiers sur le débiteur, qui est habilité à présenter une tierce-opposition, Cass. com., 10 mars 2004, LawLex202300006112JBJ (RJ).

Cass. ass. plén., 10 avril 2009, LawLex202200003158JBJ (RJ) ; Cass. com., 30 janvier 2019, LawLex202100001826JBJ (RJ).

Cass. com., 20 mars 2019, LawLex202100001518JBJ (LJ). 

Cass. com., 12 janvier 2010, LawLex202100002232JBJ (LJ). 

Cass. com., 22 mars 2011, LawLex202100002484JBJ (RJ). 

Cass. 1re civ., 28 mai 2009, LawLex202100002236JBJ (LJ). 

Cass. com., 1er avril 2008, LawLex202100002489JBJ (LJ) ; 25 novembre 2008, LawLex202100002235JBJ (LJ) ; 6 juillet 2010, LawLex202100002491JBJ (S) ; 18 novembre 2014, LawLex202100002229JBJ (LJ).

Cass. com., 16 octobre 2012, LawLex202100002238JBJ (RJ). 

Cass. com., 22 février 2017, LawLex202100002243JBJ (LJ) ; 8 juillet 2008, LawLex202100002237JBJ (RJ).

Cass. com., 22 avril 1997, LawLex202100001508JBJ (RJ). 

Cass. com., 18 novembre 2014, LawLex202100002230JBJ (LJ). 

Cass. com., 19 novembre 1996, LawLex202100001507JBJ (LJ). 

Cass. com., 27 septembre 2017, LawLex202100002583JBJ (S). 

Cass. com., 18 janvier 2017, LawLex202100002212JBJ (RJ). 

Cass. com., 24 juin 2003, LawLex202100002485JBJ (LJ). 

Cass. com., 7 mars 2006, LawLex202100002234JBJ (RJ). 

Cass. com., 2 mars 2010, LawLex202100002233JBJ (LJ). 

Cass. com., 5 décembre 1995, LawLex202100002019JBJ (RJ). 

Cass. com., 14 octobre 1997, LawLex202100001504JBJ (LJ). 

Cass. com., 8 février 2023, LawLex202300002080JBJ (LJ), JCP E 2023, n° 1157, n° 15, obs. TEHRANI ; RJDA 2023, n° 269 et 282 ; D. 2023, 1430, obs. BARBOT et 1722, obs. CAGNOLI ; Contrats Conc. Consom. 2023, n° 68, obs. BERNHEIM-DESVAUX ; JCP G 2023, n° 386, obs. BEHAR-TOUCHAIS ; Gaz. Pal. 19 septembre 2023, 44, obs. GOUJON-BETHAN ; LPA juin 2023, 53, obs. CALMETTES ; D. 2024, 659, obs. POILLOT.

Cass. com., 4 novembre 2014, LawLex201400001237JBJ (LJ), AJCA 2015, 94, obs. COHEN, RJDA 2015, n° 261. 

Cass. com., 22 février 2017, LawLex202300005262JBJ (LJ).

Cass. com., 3 mai 2011, LawLex202100001505JBJ (RJ). 

Cass. com., 14 octobre 2008, LawLex202100002483JBJ (LJ). 

Cass. com., 18 mai 2022, LawLex202200008849JBJ (RJ). - Comp., lorsque l’ordonnance du juge-commissaire s’est bornée à admettre la créance résultant d'un prêt au seul titre du capital restant dû sur celui-ci, et que la cour d’appel exige qu’il soit procédé au calcul des intérêts au taux légal au lieu du taux contractuel et que l’excédent  d’intérêt payés à ce dernier taux soit imputé sur le capital restant dû sur celui-ci, Cass. com., 2 mars 2022, LawLex202200001743JBJ (LJ), D. 2022, 1679, obs. CAGNOLI ; RJDA 2022, n° 352.

Cass. com., 8 janvier 2002, LawLex202100002481JBJ (RJ). 

Cass. com., 20 janvier 2021, LawLex202200003275JBJ (LJ). 

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