Procédures collectives

Selon l'article L. 620-1 du Code de commerce, le débiteur qui demande l'ouverture d'une procédure de sauvegarde doit justifier de “difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter”. L'article R. 621-1 du Code de commerce exige que la demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde expose la nature des difficultés que rencontre le débiteur et les raisons pour lesquelles il n'est pas en mesure d …

Difficultés insurmontables

CHAZEAU, L'appréciation du caractère insurmontable des difficultés du débiteur de l'article L. 620-1 du Code de commerce à l'aune du nouvel article 1195 du Code civil, LPA 20 mars 2018, 7.

Selon l'article L. 620-1 du Code de commerce, le débiteur qui demande l'ouverture d'une procédure de sauvegarde doit justifier de “difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter”. L'article R. 621-1 du Code de commerce exige que la demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde expose la nature des difficultés que rencontre le débiteur et les raisons pour lesquelles il n'est pas en mesure de les surmonter. Ces difficultés peuvent être de nature financière , économique, sociale ou juridique. La Cour de cassation n'impose pas qu'elles soient directement liées à l'activité . 

Pour établir l'existence de difficultés insurmontables, le débiteur n'est pas tenu de justifier de la réception de mises en demeure, de demandes de moratoire non satisfaites, ou de la mise en œuvre préalable d'une procédure de conciliation . Le caractère insurmontable des difficultés évoquées par le débiteur doit, en principe, être apprécié au jour du jugement d'ouverture, et non à la date de la saisine  , même si certains juges du fond se prononcent au regard des moyens financiers dont disposait le débiteur au jour de la présentation de sa demande . 

Sont notamment considérées comme des difficultés insurmontables, le risque de perdre l'unique actif de la société  , ou le fait, pour un débiteur qui ne se trouve pas en état de cessation des paiements, d'avoir fait l'objet d'une saisie de ses droits d'associé ou de valeurs mobilières dont il a demandé en vain la mainlevée  ou encore, de se retrouver confronté à des coûts et délais relatifs à des travaux extrêmement importants, sources de charges d'exploitation trop élevées par rapport au chiffre d’affaires généré . Dans le cadre d'un système de franchise participative, constituent des difficultés insurmontables, notamment, l'usage, par l'associé minoritaire représentant du franchiseur, de sa minorité de blocage pour s'opposer à toute décision allant à l'encontre des intérêts de ce dernier et la faible rentabilité du modèle économique mis en place par le franchiseur par rapport à celui de ses concurrents .

Les juges tiennent compte des difficultés subies par le marché sur lequel s'exerce l'activité du débiteur. Une entreprise rencontre des difficultés insurmontables lorsque, sur un marche en déclin, elle enregistre une baisse significative de son résultat d'exploitation et de son résultat net et que son redressement, conditionné à une modification substantielle de son activité, implique de lourds investissements qu'elle n'est pas en mesure d'assumer.  De même, la perspective, dans un contexte d'incertitude des marchés en pleine crise financière , de se voir notifier l'exigibilité immédiate d'un prêt ou, dans un contexte de crise du secteur , d'enregistrer de lourdes pertes d'exploitation tout en disposant d'un actif légèrement supérieur au passif exigible, constituent des difficultés insurmontables. 

Lorsque le débiteur fait partie d'un groupe de sociétés, le caractère insurmontable des difficultés s'apprécie au regard de sa situation personnelle sans égard aux capacités financières du groupe auquel il appartient , même si celui-ci bénéficie d'une situation prospère . En revanche, il est possible de tenir compte de la situation financière d'une filiale dans l'appréciation du caractère insurmontable des difficultés éprouvées par la société mère. En effet, une société se trouve confrontée à des difficultés qu'elle n'est pas en mesure de surmonter dès lors que le redressement fiscal de sa filiale compromet les remontées de dividendes  . 

L'existence de difficultés insurmontables avérée prime sur toute autre considération. Ainsi, dans l'affaire “Cœur Défense”, alors que les juges du fond avaient refusé d'accéder à une demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde en estimant que le débiteur cherchait uniquement à éviter une exécution plus onéreuse de ses obligations ou de perdre le contrôle de sa société  , la Cour de cassation a considéré qu'en l'absence de fraude, ces éléments n'étaient pas de nature à le priver du bénéfice d'une procédure de sauvegarde, en présence de difficultés insurmontables dûment établies . De même, le fait qu'une demande de placement sous sauvegarde soit susceptible de permettre à un franchisé de se dégager de ses liens avec le franchiseur, et donc d'échapper en partie à ses obligations contractuelles à son égard, ne suffit pas à établir sa fraude, lorsqu'il démontre que l'absence de rentabilité de l'exploitation, combinée à la résurgence de l'inflation, à l'arrivée d'un nouveau concurrent dans sa zone et à des difficultés techniques et relationnelles avec les équipes du franchiseur, sont la source de difficultés insurmontables . La fraude s'établit, selon le juge, uniquement par la preuve que son auteur a provoqué lui-même et de manière délibérée les difficultés qu'il  invoque ou qu'il les a simulées pour obtenir une telle décision . En revanche, constitue une fraude qui justifie le rejet de la demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, le fait que la requête soit présentée par le cessionnaire d'une  créance très peu de temps avant que celle-ci ne devienne exigible, alors que le créancier a consenti un abandon de créance conséquent au cédant afin de favoriser l'adoption de son plan de redressement, en contrepartie d'un paiement rapide du solde par le cessionnaire .

Cass. com., 26 juin 2007, LawLex202100005610JBJ. 

Cass. com., 8 mars 2011, LawLex202100002215JBJ. 

Versailles, 19 janvier 2012, LawLex202100005628JBJ considérant aussi qu'une entreprise qui encourt la déchéance du terme d'un contrat de prêt en raison de l'impossibilité de satisfaire, compte tenu de la brièveté du délai imparti, du montant excessif de souscription du contrat et en raison de l'incertitude du marché au regard de son actif disponible, à l'exigence d'un nouveau contrat de couverture du risque de variation du taux d'intérêt fait état de difficultés insurmontables qui justifient l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Lyon, 31 mai 2006, LawLex202100000942JBJ.

Cass. com., 26 juin 2007, LawLex202100005611JBJ. 

Versailles, 15 juin 2006, LawLex202100004352JBJ. 

Poitiers, 11 mai 2021, LawLex202100006026JBJ. Dans cette affaire, le cédant de la filiale refusait par ailleurs de faire jouer sa garantie de passif et la compensation entre leurs créances réciproques. 

Paris, 25 février 2010, LawLex202100002792JBJ, à propose d'une obligation contractuelle de couverture des taux d'intérêts. - V. égal., Reims, 16 avril 2024, LawLex202400003241JBJ, précit., rappelant que dès lors que les conditions de la sauvegarde sont réunies, le débiteur est en droit de se placer sous la protection du tribunal de la procédure  collective, serait-il animé par la motivation sous-jacente de quitter le groupe du franchiseur pour rejoindre la concurrence.

Douai, 27 juin 2024, LawLex202400005071JBJ. - V. aussi Amiens, 28 septembre 2023, LawLex202300012183JBJ.

Reims, 16 avril 2024, LawLex202400003241JBJ, précit.

Paris, 12 septembre 2017, LawLex202200010790JBJ.

Cass. com., 26 juin 2007, LawLex202100005610JBJ ; Cass. com., 26 juin 2007, LawLex202100005611JBJ. 

Cass. com., 8 mars 2011, LawLex202100002215JBJ retenant qu'une entreprise fait état de difficultés insurmontables lorsqu'elle souligne le risque de perdre son seul actif et celui d'avoir à rembourser un prêt de 249 millions d'euro. 

Paris, 13 décembre 2012, LawLex202100005104JBJ. 

Paris, 7 février 2017, LawLex202100005100JBJ ; Reims, 1er avril 2014, LawLex202100006027JBJ retenant qu'une société qui connaît des difficultés de recouvrement sur un chantier en cours, détient une créance de 131 164 euro impayée, dont l'activité est en baisse et dont certains des comptes présentent un solde débiteur bien qu'elle conserve la confiance des banques et dispose d'un bon carnet de commande, rencontre des difficultés qu'elle n'est pas en mesure de surmonter et qui justifient l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Reims, 16 avril 2024, LawLex202400003241JBJ, LD mai 2024, 5, obs. BIANCONE.

Versailles, 15 juin 2006, LawLex202100004352JBJ.

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