Procédures collectives

L'ouverture immédiate d'une procédure de liquidation judiciaire implique, outre la caractérisation de l'état de cessation des paiements du débiteur, qu'il soit établi que son redressement soit manifestement impossible . A la suite d’une demande d’ouverture d’un redressement judiciaire, le juge peut se saisir d’office en vue de l’ouverture d’une liquidation judiciaire, pour autant que les formalité …

Ouverture immédiate d'une procédure de liquidation judiciaire

L'ouverture immédiate d'une procédure de liquidation judiciaire implique, outre la caractérisation de l'état de cessation des paiements du débiteur, qu'il soit établi que son redressement soit manifestement impossible . A la suite d’une demande d’ouverture d’un redressement judiciaire, le juge peut se saisir d’office en vue de l’ouverture d’une liquidation judiciaire, pour autant que les formalités des articles R. 631-3 et R. 631-11 du Code de commerce soient respectées . S'il apparaît que le débiteur ne remplit pas les conditions requises pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, le tribunal doit rejeter la demande, conformément à l'article R. 631-11. Il peut ensuite exercer son pouvoir d'office et doit, à cette fin, en vertu de l'article R. 631-3, faire convoquer le débiteur à la diligence du greffier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à comparaître dans le délai qu'il fixe, à moins que les parties intéressées n'aient été invitées préalablement à présenter leurs observations. A la convocation est jointe une note dans laquelle sont exposés les faits de nature à motiver l'exercice par le tribunal de son pouvoir d'office.

Le juge qui prononce d’emblée la liquidation judiciaire d'un dirigeant doit indiquer la raison pour laquelle son redressement personnel lui semble manifestement impossible . La liquidation immédiate se justifie lorsqu'un ensemble d'éléments démontre que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ne permettrait pas au débiteur de faire face à son passif (i), de poursuivre son activité (ii), et/ou d'adopter un plan de redressement viable (iii). 

La Cour de cassation doit caractériser, en premier lieu, l'existence d'un passif exigible à la date du jugement , et vérifier que le débiteur ne peut y faire face avec son actif disponible. L'absence de paiement d'une créance conséquente et l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible permettent en effet de caractériser une impossibilité manifeste de tout redressement judiciaire et justifient le prononcé de sa liquidation judiciaire . Les juges tiennent compte de l'actif disponible du débiteur , ou des sociétés du groupe auquel il appartient . Ils apprécient également l'existence d'éventuels revenus futurs et estiment que la situation financière précaire d'un professionnel indépendant, qui découle de l'importance de son passif antérieur, de la durée déterminée du contrat de travail qu'il est sur le point de conclure et de la faiblesse de ses revenus mensuels, rendent son redressement manifestement impossible . Le débiteur qui n'est pas en mesure de chiffrer le montant de sa retraite, et dont les futurs mandats d'expert sont nécessairement aléatoires n'établit pas non plus que sa situation financière peut se redresser . Il en va de même d'une débitrice qui n'établit pas qu'elle dispose d'une trésorerie lui permettant d'assurer l'achat de ses matières premières ou le paiement de ses fournisseurs et d'un nouveau passif révélé, même si elle produit des documents prévisionnels, au demeurant non certifiés, qui attestent d'une augmentation future de son chiffre d'affaires . Par ailleurs, le juge saisi par le débiteur d'une demande d'ouverture de liquidation judiciaire immédiate ne peut la rejeter en se fondant sur les seuls mobiles du demandeur, qui consisteraient à sécuriser juridiquement les licenciements économiques envisagés, dès lors que l'état de cessation des paiements est avéré . Les juges considèrent que l'impossibilité manifeste du redressement peut être établie lorsque l'actif disponible ne permet pas au débiteur de payer les salariés et conduit à leur licenciement, que la poursuite de l'activité n'est pas établie et que les sanctions disciplinaires ayant frappé les deux associés ne leur permettent pas de continuer d'administrer la société  .

Afin de constater que le redressement est manifestement impossible et prononcer, en conséquence, l'ouverture immédiate d'une procédure de liquidation judiciaire, la Cour de cassation vérifie, en second lieu, que le débiteur ne poursuit pas son activité . De fait, le redressement d'un débiteur est manifestement impossible lorsque son chiffre d'affaires a chuté de 75 %, qu'il affiche des pertes et a cessé son activité artisanale pour prendre un emploi salarié . Est tout aussi manifestement impossible, le redressement de la société qui n’a plus d’activité et dont les locaux sont vides , ou de celle dont l’établissement principal a été supprimé, le fonds de commerce vendu et qui a été mise en sommeil depuis quelques années . 

En dernier lieu, la Cour de cassation apprécie les éventuelles propositions de plan de redressement formulées. L'absence de proposition concrète afin de redresser l'entreprise est de nature à caractériser l'impossibilité manifeste de redressement  . Cependant, le redressement d'un débiteur ne peut être considéré comme manifestement impossible du seul fait qu'il ne formule aucune proposition sérieuse de redressement et n'a jamais cherché à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux . De fait, même en l'absence de proposition de plan, les juges doivent vérifier si l'adoption d'un plan de redressement viable est envisageable . Le prononcé de la liquidation judiciaire d’une exploitation agricole est justifié, lorsque les dirigeants, qui prétendent pouvoir apurer leur passif, ne font aucune allusion aux perspectives de sauvegarde et au maintien de l’activité, et que l'absence de toute production agricole rend illusoire tout plan de redressement . Il en va de même lorsque la situation de la débitrice apparaît catastrophique et qu’elle ne fournit aucun élément sur les conditions de son exercice professionnel .  

Enfin, dès lors que, contrairement à l'appréciation des premiers juges, le débiteur justifie de l'existence de réelles perspectives de redressement, du fait d'une augmentation significative de son chiffre d'affaires et de partenariats conclus pour la distribution de ses produits, le jugement d'ouverture d'une liquidation judiciaire immédiate doit être infirmé . De même, lorsque les contrats conclus par un distributeur avec différentes marques permettent d'escompter un développement de son activité et un accroissement de son chiffre d’affaires au point de pouvoir envisager la présentation d'un plan de redressement, il n’y a pas lieu d’ouvrir une liquidation, mais plutôt un redressement judiciaire .

Cass. com., 13 mai 2014, LawLex202100004358JBJ (LJ). 

Cass. com., 3 juillet 2012, LawLex202100002065JBJ (LJ).

Cass. 1re civ., 27 février 2007, LawLex202100004343JBJ (LJ).

V. not., Cass. com., 4 janvier 2005, LawLex202100002066JBJ (LJ). 

Aix-en-Provence, 13 novembre 2014, LawLex202100005582JBJ (LJ). 

Cass. com., 12 janvier 2010, LawLex202100004256JBJ (LJ).

Cass. com., 25 septembre 2019, LawLex202100004181JBJ (LJ).

Cass. 1re civ., 27 février 2007, LawLex202100004343JBJ (LJ) ; Cass. com., 16 juin 2009, LawLex202100004439JBJ (LJ) ; 26 octobre 1999, LawLex202100002080JBJ (LJ).

Cass. com., 26 mai 2010, LawLex202100002088JBJ (LJ). 

Cass. com., 13 mai 2014, LawLex202100002078JBJ (LJ), retenant que des chances raisonnables de se redresser sont inexistantes en l'absence de partenaire suffisamment solide pour l'aider à financer la période d'observation et le coût de la restructuration sociale préconisée par un rapport d'audit.

Cass. com., 12 novembre 1997, LawLex202100002070JBJ (LJ).

Cass. com., 23 novembre 2004, LawLex202100004440JBJ (LJ) ; 4 janvier 2005, LawLex202100002066JBJ (LJ), retenant que le prononcé de la liquidation judiciaire immédiate et personnelle de deux dirigeants est justifié, même en l'absence de confusion entre leur patrimoine et celui de la personne morale, lorsqu’ils ne disposent d'aucun bien immobilier, ni patrimoine et que la société dont ils sont les gérants n’exerce aucune activité et ne détient pas d’actif.

Cass. com., 7 février 2012, LawLex202100001906JBJ (LJ). 

Basse-Terre, 10 mai 2021, LawLex202100002923JBJ (LJ). 

Paris, 4 avril 2024, LawLex202400002987JBJ (LJ).

V. not. Cass. com., 10 janvier 2012, LawLex202100004441JBJ (LJ), considérant qu'un juge d'appel ne peut confirmer l'ouverture immédiate d'une procédure de liquidation judiciaire sur le seul fondement des effets du jugement d'ouverture sans caractériser un passif exigible à la date de celui-ci

Cass. com., 26 octobre 1999, LawLex202100002080JBJ (LJ) ;16 juin 2009, LawLex202100004439JBJ (LJ) ; 8 juillet 2014, LawLex202100002079JBJ (LJ) ; 25 septembre 2019, LawLex202100004181JBJ (LJ).

Cass. com., 12 janvier 2010, LawLex202100004256JBJ (LJ), retenant la clôture du compte bancaire du débiteur depuis plusieurs mois en tant qu'élément permettant de caractériser l'impossibilité manifeste du redressement ; Cass. com., 8 juillet 2014, LawLex202100002079JBJ (LJ), considérant que le résultat comptable dégagé, insuffisant pour faire face aux prélèvements et à l'apurement du passif, est un indice qui permet de conclure à l'impossibilité manifeste de tout redressement.

Cass. com., 13 mai 2014, LawLex202100002078JBJ (LJ).

Rouen, 21 octobre 2016, LawLex202100005822JBJ (LJ).

Cass. com., 16 juin 2009, LawLex202100004439JBJ (LJ).

Versailles, 3 septembre 2024, LawLex202400006187JBJ (LJ).

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639. Ouverture immédiate d'une procédure de liquidation judiciaire

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