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Propriété industrielle

Les progrès de la science ont permis un fort développement des biotechnologies. Mais dans quelle mesure le vivant est-il brevetable ? Cette question soulève des difficultés d’ordre éthique, la logique industrielle se heurtant aux préoccupations morales. 
1) Méthodes de traitement et de diagnostic
Pour des raisons éthiques et de santé publique, l'article L. 611-16 du Code de la propriété intellectu …

Brevetabilité du vivant

Les progrès de la science ont permis un fort développement des biotechnologies. Mais dans quelle mesure le vivant est-il brevetable ? Cette question soulève des difficultés d’ordre éthique, la logique industrielle se heurtant aux préoccupations morales. 

1) Méthodes de traitement et de diagnostic

Pour des raisons éthiques et de santé publique, l'article L. 611-16 du Code de la propriété intellectuelle exclut de la brevetabilité les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique  du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal. Néanmoins, les substances ou compositions comprises dans l'état de la technique qui permettent de mettre en œuvre ces méthodes sont brevetables si leur utilisation dans ces circonstances est innovante (art. L. 611-11, al. 4, CPI). En outre, elles peuvent faire l'objet d'un brevet pour toute nouvelle application thérapeutique dans le cadre de ces méthodes, dès lors que cette nouvelle application n'est pas comprise dans l'état de la technique (art. L. 611-11, al. 5, CPI).

2) Dignité humaine/Ordre public/Bonnes mœurs

De manière à préserver le génome humain de toute appropriation mercantile, le législateur français a précisé que le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments, y compris la séquence totale ou partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables (art. L. 611-18 CPI). En outre, toute invention dont l’exploitation serait contraire à la dignité de la personne humaine, à l'ordre public ou aux bonnes mœurs est exclue de la brevetabilité (art. L. 611-17 CPI).

L’Union a adopté le 6 juillet 1998 la directive 98/44 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques . Ce texte vise à garantir les investissements “ à haut risque ” consacrés à la recherche et au développement, notamment dans le domaine du génie génétique (cons. 2). Les États membres doivent protéger les inventions biotechnologiques au moyen de leur droit national des brevets en transposant le texte au plus tard avant le 31 juillet 2000 (art. 1er dir. 98/44). La directive proclame la non-brevetabilité du corps humain et de ses gènes (art. 5, par. 1), mais reconnaît la brevetabilité d’un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence totale ou la séquence partielle d’un gène (art. 5, par. 2). Le critère d’application industrielle doit cependant être respecté. Un élément du corps humain peut faire partie d'un produit susceptible d'obtenir la protection du brevet mais il ne peut, dans son environnement naturel, faire l'objet d'aucune appropriation . L'objectif de ces dispositions est d'encadrer le droit des brevets de manière suffisamment rigoureuse afin que la matière vivante et d'origine humaine demeure effectivement disponible et inaliénable pour que la dignité humaine soit sauvegardée .

La transposition de la directive 98/44 a soulevé en France des difficultés. Le Conseil d’État s’était déclaré peu favorable à la transposition de cette directive en l’état. Le texte bouleversait, en effet, les principes du droit français en matière de vivant (sang, organes ou gènes), et sa transposition consacrait, selon le Conseil, des choix contraires à ceux effectués par le législateur en 1994 . Le Comité consultatif national d’éthique avait également estimé qu’il serait inopportun de modifier la loi française pour se conformer au texte européen . Le Gouvernement français s’était rangé à son avis. Aussi, le projet de loi portant transposition de la directive, adopté en Conseil des ministres le 31 octobre 2001, laissait-il de côté les dispositions controversées de l’article 5 de la directive. En définitive, les articles 5 et 6 de la directive ont été transposés par la loi 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique , tandis que le reste du texte européen a été intégré au droit national par la loi 2004-1338 du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques. La France a entre-temps été condamnée par la Cour de justice pour manquement à son obligation de transposition .

Si l’article L. 611-18, alinéa 1, du Code de la propriété intellectuelle reprend la formulation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 98/44, les dispositions de l’alinéa 2 sont plus restrictives que celles de l’article 5, paragraphe 2, de la directive, le texte français limitant la protection par brevet à l’application technique d’un élément du corps humain. Cette protection ne couvre l'élément du corps humain que dans la mesure nécessaire à la réalisation et à l'exploitation de cette application particulière. Cette position restrictive est confortée par la rédaction de l’article L. 613-2-1 du Code de la propriété intellectuelle qui cantonne la portée d’une revendication couvrant une séquence génique à la partie de cette séquence directement liée à la fonction spécifique concrètement exposée dans la description. L’étendue de la protection par brevet des inventions biotechnologiques est, en revanche, davantage conforme à la directive 98/44. Selon l’article L. 613-2-2 du Code de la propriété intellectuelle, la protection conférée par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique s’étend à toute matière dans laquelle le produit est incorporé et dans laquelle l’information génétique est contenue et exerce la fonction indiquée.

L'alinéa 3 de l'article L. 611-18 du Code de de la propriété intellectuelle exclut explicitement de la brevetabilité certains procédés relatifs au corps humain dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Ne peuvent ainsi être brevetés les procédés de clonage des êtres humains, les procédés de modification de l'identité génétique de l'être humain, les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales ou les séquences totales ou partielles d'un gène prises en tant que telles. La Cour de justice a précisé les contours de l'exclusion relative à l'utilisation d'embryons humains. Constitue un “embryon humain” tout ovule humain dès le stade de la fécondation ou tout ovule humain non fécondé dans lequel le noyau d’une cellule humaine mature a été implanté ou qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer , à condition, dans ce dernier cas, qu'il dispose, à la lumière des connaissances actuelles de la science, de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain . L’exclusion de la brevetabilité porte sur l’utilisation des embryons à des fins industrielles ou commerciales, ainsi que sur l’utilisation à des fins de recherche scientifique. Seule l’utilisation à des fins thérapeutiques ou de diagnostic applicable à l’embryon humain et utile à celui-ci peuvent faire l’objet d’un brevet . La Cour de justice a ainsi considéré qu'était exclue de la brevetabilité l'invention dont l’enseignement technique requiert la destruction préalable d’embryons humains ou leur utilisation comme matériau de départ, quel que soit le stade auquel celles-ci interviennent et même si la description de l’enseignement technique revendiqué ne mentionne pas l’utilisation d’embryons humains .

Aucun brevet ne peut être délivré pour les races animales ou les procédés essentiellement biologiques d’obtention d’animaux, les produits exclusivement obtenus par ces procédés et les procédés de modification de l'identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l'homme ou l'animal, ainsi que les animaux issus de tels procédés (art. L. 611-19 CPI). Ces dispositions sont interprétées strictement de manière à faciliter la délivrance de brevets pour des animaux transgéniques. Dans le domaine du génie génétique, l’Office européen des brevets a ainsi considéré que l’impossibilité de procéder à des clonages n’interdit pas toute activité inventive caractéristique du brevet .

Sont, en revanche, brevetables, sous réserve des articles L. 611-16 à L. 611-19 du Code de la propriété intellectuelle, les inventions qui portent sur un produit constitué en totalité ou en partie de matières biologiques ou un procédé permettant de produire, de traiter ou d’utiliser de la matière biologique. Est regardée comme matière biologique la matière qui contient des informations génétiques et peut se reproduire ou être reproduite dans un système biologique (art. L. 611-10, al. 4, CPI).

Les obtentions végétales ne constituant pas des inventions industrielles, le droit des brevets paraît un mode de protection inadapté. Aussi, un système plus adéquat a-t-il été mis en place par la Convention UPOV (Union pour la protection des obtentions végétales) du 2 décembre 1961 (art. L. 623-1 s. CPI). Le Code de la propriété intellectuelle exclut expressément les variétés végétales de la protection par brevet ainsi que les procédés essentiellement biologiques pour l’obtention des végétaux et les produits exclusivement obtenus par ces procédés. En revanche, les procédés microbiologiques , les produits obtenus par ces procédés ou les inventions dont la faisabilité technique n’est pas limitée à une variété végétale sont brevetables (art. L. 611-19 CPI) . Constitue ainsi une invention brevetable celle qui incorpore un gène et concerne une modification génétique portant sur une espèce végétale . 

Cass. com., 17 juin 2003, n° 01-10.075, LawLex202200000632JBJ, Contrats, conc. consom., n° 4, avril 2007, comm. 101 ; MALAURIE-VIGNAL ; JCP G, n° 36, 3 septembre 2003, 2436 ; JCP E, n° 36, 4 septembre 2003, 1226 ; PIBD 2003. III. 470 ; Propr. intell. 2003, n° 9, 409, obs. Galloux ; Ann. propr. ind. 2003. 285, une méthode de traitement n'est pas brevetable lorsqu'elle a nécessairement un effet thérapeutique.

Dir. 98/44 du 6 juillet 1998 JOCE, L 213 du 30 juillet 1998. Adde : CJCE, 9 octobre 2001, aff. C-377/98, LawLex202200001236JBJ, Rec. I-7079, 27 ; D. 2002, 2925, note GALLOUX, rejetant le recours en annulation de la directive 98/44 introduit par les Pays-Bas. Le Conseil d’administration de l’Office européen des brevets a intégré en juin 1999 les dispositions de la directive sur les inventions biotechnologiques dans le règlement d’exécution de la Convention sur le brevet européen : JO OEB, 1999, 425. V. OEB, 8 décembre 1994, JO OEB, 1995, 388 ; D. 1996, 44, note GALLOUX ; 7 avril 2006, JO OEB, 2007, 313.

CJUE, 18 octobre 2011, Oliver Brüstle c. Greenpeace eV., aff. C-34/10, LawLex202200001473JBJ, D. 2012, 410, com. DALEAU., sur le caractère non-brevetable de l’utilisation d’embryons humains à des fins de recherche scientifique.

CJUE, 18 octobre 2011, Oliver Brüstle c. Greenpeace eV., aff. C-34/10, LawLex202200001473JBJ, D. 2012, 410, com. DALEAU.

OEB, 11 janvier 1996, D. 1999, Somm., 158, obs. GALLOUX.

On entend par procédé microbiologique tout procédé utilisant ou produisant une matière biologique ou comportant une intervention sur une telle matière.

OEB, 25 mars 2015, n° G 2/12 et G 2/13, Propr. intell. 2015, n° 56, p. 321, obs. GALLOUX, pour des végétaux obtenus par un procédé essentiellement biologique de croisement ou de sélection (Tomate II et Brocoli II) ; OEB, 5 décembre 2018, n° T 1063/18, PIBD 2019, III, 110 ; Propr. ind. 2019, alerte 31, GAUMONT-PRAT, pour des poivrons à valeur nutritionnelle améliorée. – Adde : BORGES, Brocoli, le retour : un produit obtenu par un procédé essentiellement biologique est brevetable, Propr. ind. 2015, étude 10.

CJUE, 9 octobre 2001, n° C-377/98, LawLex202200001236JBJ

Dir. 98/44, cons. 20 ; CJUE, 16 juin 2005, aff. C-456/03, LawLex200700000042JBJ, Rec. CJCE 2005, I-10423, 78 ; Europe 2005, comm. 279, note KAUFF-GAZIN ; JCP G, n° 6, 6 février 2012, act. 146, MARTIAL-BRAZ.

CJCE, 9 octobre 2001, aff. C-377/98, LawLex202200001236JBJ, JCP G,  n° 37, 13 septembre 2010, act. 909, MARINO ; Propr. ind., n° 9, septembre 2012, étude 15, GALLOUX ; Rec. CJCE 2001, I, 7079

Rapport remis au Premier ministre en novembre 1999 : Les lois de bioéthique. Cinq ans après, La Documentation française.

V. avis du Comité consultatif national d’éthique, n° 64 du 8 juin 2000, sur le projet de loi de transposition ; v. D. 2001, 1354. 

JO du 7 août 2004. V. Cons. const., déc. n° 2004-498 DC du 29 juillet 2004, JCP 2004, II, 10 167, note GALLOUX.

CJCE, 1er juillet 2004, aff. C-448/03, JOUE, C 217 du 28 août 2004.

CJUE, 18 décembre 2014, International Stem Cell Corporation, aff. C-364/13, LawLex202200001899JBJ, JCP G 2015, 135, note BYK ; JCP E 2015, 1209, obs. MENDOZA-CAMINADE, sur la distinction entre ovule humain non fécondé et embryon humain.

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