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Décisions

CA Poitiers, ch. corr., 25 février 1994, n° 93-00797

POITIERS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

MM. Hovaere, Daniau

Avocat :

Me Borel.

TGI La Roche-sur-Yon, ch. corr., du 18 o…

18 octobre 1993

DÉCISION DONT APPEL :

Le Tribunal a :

- déclaré le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés ;

- condamné ce dernier à la peine de 10 000 F d'amende.

APPEL A ETE INTERJETE PAR :

- M. B Alain, le 25 octobre 1993,

- M. le Procureur de la République, le 25 octobre 1993 contre M. Alain B ;

DÉCISION :

LA COUR, après en avoir délibéré,

Vu le jugement entrepris, dont le dispositif est rappelé ci-dessus,

Vu les appels susvisés, réguliers en la forme,

Attendu qu'Alain B est prévenu à La Roche-sur-Yon, le 30 novembre 1990 effectué pour une activité professionnelle, un ou des achats de produits, ou une ou des ventes de produits, ou une ou des prestations de service dans facture conforme, infraction prévue et réprimée par les articles 31 alinéas 2, 3 et 4, 55 alinéa 1 de l'Ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. Alain B est le gérant de la SARL "X", ayant son siège à La Roche-sur-Yon (85) et exploitant des magasins à l'enseigne "Y".

Il a, en cette qualité, fait l'acquisition le 12 novembre 1990 auprès de Me Dolley, Liquidateur Judiciaire d'une société grossiste en jouets, d'un stock de jouets qu'il a payé 2 787 100 F TTC.

A cette occasion Me Dolley a délivré à M. B une facture à laquelle était annexé un inventaire des jouets représentant 255 pages.

M. B a, très rapidement, revendu la majeure partie de ces jouets à cinq sociétés ou magasins, et a établi cinq factures datées du 30 novembre 1990 ou du 30 décembre 1990.

L'examen de chacune de ces factures par les Agents de la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes a révélé que la dénomination des marchandises n'y était nullement précisée et que, de ce fait, le prix unitaire de chacun des jouets vendus n'y figurait pas, et ce en infraction avec les dispositions de l'article 31 de l'Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.

Poursuivi pour ces faits devant le Tribunal Correctionnel de La Roche-sur-Yon, M. B a été déclaré coupable et condamné par jugement du 18 octobre 1993 dont le dispositif est rappelé en tête du présent arrêt.

M. B, puis le Ministère Public, ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au soutien de son appel M. B reprend les conclusions développées devant les premiers juges et allègue :

- que la caractéristique juridique de la cession à forfait opérée par Me Dolley puis par le prévenu à ses propres acquéreurs résiderait dans le caractère aléatoire du contrat ;

- qu'ainsi le cédant vendrait, pour un prix forfaitaire, un lot indivisible d'objets hétéroclites, ce stock, non divisible, constituant l'objet de la vente, le "produit vendu" au sens de l'article 31 de l'Ordonnance du 1er décembre 1986,

- que cette conception juridique de ce type de vente serait la seule compatible avec l'activité des liquidateurs de sociétés et des soldeurs, la communication à chaque acquéreur de l'inventaire des articles du stock initial permettant à elle seule le contrôle de l'adéquation entre les prix d'achat et de revente de ce stock.

M. B conclut en conséquence à sa relaxe par la Cour.

Monsieur l'Avocat Général requiert la confirmation de la décision attaquée.

Attendu que l'article 31 al 2 de l'Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 prévoit que "la facture doit mentionner ... la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus"

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et des débats que le prévenu, jouant un rôle de grossiste-répartiteur, a acquis le stock de jouets estimé à 6 250 000 F d'une société en liquidation, la société Lacroix, pour le prix de 2 787 100 F;

Attendu que le prévenu a revendu à une entreprise "Ecostoc" les 2/3 de ce stock pour le prix de 1 751 680 F, cette rétrocession ayant fait l'objet d'un accord préalable entre les parties ;

Que la facture établie à cette occasion ne porte, au titre de la désignation des produits vendus que la mention "un lot de jouets Lacroix" ;

Attendu que, de même, le prévenu a revendu à la société "Big Solde" de Montaigu une partie des jouets ainsi désignés sur la facture n° 001160 établie le 30 novembre 1990 "jouets Lacroix" ;

Que de même les factures établies à l'intention de la société "Solderie Nantaise" font état d'un lot de jouets Lacroix", alors que les deux factures établies à l'ordre de la société Palmeraie des Sables d'Olonne ne mentionnent qu'un "lot de marchandises diverses" ;

Attendu que M. B affirme que les divers acquéreurs ont été mis en possession de l'inventaire informatique décrivant la liste des jouets vendus par le liquidateur des Établissements Lacroix, et qu'il lui était impossible, matériellement, de détailler davantage ses factures compte tenu du système commercial utilisé et de la proximité des fêtes de Noël qui imposait une revente très rapide ;

Attendu cependant que sur la facture établie à la société "Big Solde" le 30 novembre 1990, des frais de tri des "jouets Lacroix" ont été ajoutés au prix de ces jouets pour une somme de 4 166,67 F HT ; que cet élément tend à démontrer que ce n'est pas une part indivisible du stock qui a été revendue, mais une part ayant fait l'objet d'une sélection, et qui pouvait dès lors être identifiée mieux qu'elle ne l'a été sur la facture ;

Attendu qu'il résulte également des explications du prévenu devant la Cour que lorsqu'il a acheté le stock de la société Lacroix, les jouets étaient emballés et rangés sur de nombreuses palettes de stockage, chacune de celles-ci portant une indication de son chargement ; qu'ainsi, même en admettant le caractère général, et parfois évasif ou erroné des indications fournies, il était possible de définir quelque peu le nombre des palettes livrées, et le chargement de chacune d'elle, à l'intention des divers acquéreurs ;

Attendu en conséquence que le tri opéré et facturé vis-à-vis d'un des acquéreurs, et la possibilité d'utiliser les indications des palettes vis-à-vis des autres acquéreurs, démontrent que le prévenu s'est délibérément abstenu d'établir une facturation aussi précise que possible, et a ainsi enfreint les dispositions du texte susvisé ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges l'ont retenu dans les liens de la prévention ;

Attendu cependant que l'amende prononcée apparaît trop sévère et sera ramenée à 5 000 F ;

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement, sur appel en matière correctionnelle et en dernier ressort ; Reçoit les appels de M. B et du Ministère Public ; Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable des faits visés à la prévention ; Le réformant sur la peine ; Condamne Alain B à une amende de cinq mille francs (5 000 F) ; Le tout en application des articles susvisés et 473 du Code de Procédure Pénale.