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Décisions

CA Rennes, 1re ch. A, 28 mars 2000, n° 98-06351

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ateliers de Clairefontaine (SA)

Défendeur :

Simon (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

Mmes Tremoureux, Vannier

Avoués :

SCP Leroyer B Gauvain & Demidoff, Me Chaudet & Brebion

Avocats :

Mes Delatouche, Wiehn.

T. com. Nantes, du 27 juill. 1998

27 juillet 1998

I - FAITS ET PROCÉDURE

Considérant que créée par M. Simon, la société Simon SA a pour activité actuelle la fabrication, la vente et la réparation de matériel agricole ; que durant plusieurs années elle a revendu du matériel agricole pour travaux maraîchers, qui était commercialisé sous la marque "Simon" par la société "Ateliers de Clairefontaine" (" ACF ") issue du même fondateur;

Qu'un litige a opposé les deux sociétés à partir de 1995, tant sur la propriété de la marque Simon que l'utilisation de la dénomination sociale "Simon" cependant que, concomitamment, "ACF" a dénoncé à la SA Simon les accords commerciaux en vertu desquels elle leur faisait bénéficier des délais de paiement et tarifs consentis à ses revendeurs;

Que suivant jugement du 27 juillet 1998 le Tribunal de commerce de Nantes a :

- ordonné à ACF d'appliquer à la société Simon des conditions de vente "revendeur" et de cesser à son encontre toute pratique discriminatoire, sous astreinte de 1 000 F par infraction constatée ;

- condamné ACF à payer à la SA Simon la somme de 169 604,78 F hors taxes, correspondant aux remises non perçues, avec intérêts au taux légal, et celle de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Considérant que la société ACF a interjeté appel de cette décision ; qu'elle sollicite la Cour de :

- réformer

- vu l'article 1134 du code civil et l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

- dire que la SA Simon n'est pas un revendeur de bonne foi

- en conséquence, la déclarer fondée à refuser à la SA Simon l'application de ses conditions générales "revendeur"

- condamner la SA Simon à lui restituer la somme de 169 604,78 F avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 1996, réglée au titre de l'exécution provisoire, outre le remboursement des remises incluses sur tout le matériel et les pièces détachées depuis le 23 septembre 1998

- condamner en outre la société Simon à lui payer la somme de 100 000 F pour procédure abusive et préjudice commercial ainsi qu'une indemnité de 50 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Qu'elle fait valoir, en substance, que la SA Simon a entretenu une confusion constante et reconnue en développant une activité de fabrication de matériel pour le maraîchage, en particulier une récolteuse de poireaux ; que par définition un revendeur ne peut être en concurrence avec son fournisseur fabricant dont il a usurpé la marque, qu'il a utilisée abusivement dans sa dénomination sociale et son nom commercial ; qu'un arrêt de cette Cour du 23 février 1999 a d'ailleurs consacré les droits d'ACF sur la propriété de la marque "Simon" avec toutes les conséquences s'y attachant à l'encontre de la SA Simon mais que celle-ci persiste dans l'utilisation de moyens illicites;

Considérant que la SA Simon conclut à la confirmation et postule la somme de 20 000 F pour ses frais irrépétibles d'appel ;

Qu'elle réplique que la situation juridique jusqu'à l'arrêt du 23 février 1999 n'était nullement évidente quant à la propriété de la dénomination "Simon" ; que devant l'obstruction permanente d'ACF et les difficultés elle a été contrainte de fabriquer la récolteuse à poireaux contestée, laquelle n'est pas une copie servile ; que la pratique discriminatoire dont elle est victime doit être sanctionnée ;

Considérant que pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens respectifs, il sera référé tant au jugement entrepris qu'aux conclusions de l'appelante du 13 janvier 2000 et de l'intimée du 18 janvier 2000 ;

II - DISCUSSION

1) Sur le principal

Considérant que l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, sur lequel est fondée l'action, dispose que ... "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan,

- de pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou de modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence" ;

Qu'il est de jurisprudence que s'il revient à celui qui se prétend victime d'une pratique discriminatoire de prouver l'avantage ou le désavantage dans la concurrence qu'il invoque, il appartient au vendeur de justifier de la licéité des remises de prix qu'il accorde à certains clients lorsque celles-ci ne sont pas contestées ;

Considérant, en l'espèce, que la société ACF ne discute pas en soi l'existence de pratiques discriminatoires à l'égard de la société Simon dans la mesure où elle ne lui applique plus depuis 1995 les conditions de vente qu'elle accorde habituellement à ses revendeurs, en contrepartie de la charge pour ceux-ci d'assurer la mise en service; que bien qu'ayant la qualité de revendeur, qui fait la mise en service du matériel fabriqué par ACF, la SA Simon ne bénéficie plus des remises accordées sur ses achats, de 20 % du montant de la commande;

Considérant que la société Simon soutient à juste titre, eu égard aux décisions précédemment rendues, que les conditions et circonstances qui ont présidé à la constitution puis au fonctionnement des deux sociétés, par l'effet d'actes ou mesures de leur fondateur commun, a créé ultérieurement une situation particulièrement complexe, sinon " inextricable ", surtout lorsque des tiers sont venus aux droits des membres de la famille Simon et des auteurs d'origine;

Que le seul fait de la survenance d'un litige à partir de 1995, qui a abouti à l'arrêt susvisé de 1999, ne suffit pas à caractériser sa mauvaise foi et une usurpation abusive de la marque, dont la propriété n'a été reconnue de façon certaine qu'en 1999; qu'un délai d'un an a d'ailleurs été accordé à la société Simon pour changer de dénomination sociale;

Que le grief tiré de la fabrication et de la vente d'une récolteuse de poireaux, copiée d'un modèle appartenant à ACF, n'est appuyé que par la production d'un simple constat d'huissier du 5 juin 1998, dépourvu des précisions et garanties que peut procurer un procès-verbal de saisie-contrefaçon, dressé au titre d'une action à cet effet;

Que, par ailleurs, "ACF" ne justifie pas par pièces de ce que la société Simon serait dans une situation économique particulière, différente de celle de ses autres revendeurs;

Qu'il s'ensuit que le jugement sera confirmé, en ce qu'il a maintenu au profit de la SA Simon le strict bénéfice des conditions auxquelles elle pouvait prétendre comme revendeur;

2°) Sur les demandes accessoires et les dépens

Considérant que, succombant en son recours, ACF sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Que l'équité commande d'allouer à la SA Simon la somme de 10 000 F pour les frais qu'elle a exposés, non compris dans les dépens;

Que la procédure intentée par la SA Simon n'est pas abusive;

III - DECISION

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré ; Y ajoutant, condamne la société ACF aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 F à la société Simon ; La déboute de ses demandes de dommages-intérêts et indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.