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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 4 octobre 1994, n° 93-15379

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ordre des Avocats à la Cour d'appel de Paris, Inter Marchandises France (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hannoun

Conseillers :

MM. Albertini, Garban

Avoués :

Me Bourdais-Virenque, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes du Granrut, Marière-Lambert.

CA Paris n° 93-15379

4 octobre 1994

L'ordre des avocats au barreau de Paris a interjeté appel du jugement rendu le 19 mai 1993 par le tribunal de grande instance de Paris, qui a rejeté l'exception de nullité formée à l'encontre de l'assignation, délivrée, sans constitution d'avocat, le 28 février 1992 à la requête du Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget et s'est déclaré incompétent pour connaître du surplus de la demande.

Référence étant faite à cette décision et aux écritures échangées entre les parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure et des moyens retenus par les premiers juges, il suffit de rappeler que :

Qualifiant de discriminatoires et de non justifiées par des contreparties réelles les conditions et modalités d'achat obtenues de sept de ses fournisseurs par la société Inter Marchandises France, le Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget, représenté par le directeur régional de la concurrence, a fait assigner cette société, par exploit du 28 février 1992, pour voir juger qu'elle a contrevenu aux dispositions de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et ordonner une mesure d'expertise pour déterminer les ristournes indûment obtenues.

La société Inter Marchandises France s'est opposée à cette demande, notamment en soulevant la nullité de l'assignation faute pour elle de contenir constitution d'un avocat et en soutenant que le litige relevait de la compétence du tribunal de commerce de Paris.

L'Ordre des avocats au barreau de Paris est intervenu volontairement à l'instance pour soutenir l'irrecevabilité de la demande introduite sans ministère d' avocat.

Sa thèse n'ayant pas été accueillie par les premiers juges, il sollicite l'annulation du jugement en faisant valoir qu'en rejetant l'exception qu'il avait soulevée, le tribunal a violé les principes fondamentaux et impératifs du Nouveau Code de procédure civile, notamment dans ses articles 751, 752 et 753 ainsi que la Convention Européenne des Droits de l'Homme en son article 6-l.

Dans ses écritures, la société Inter Marchandises France s'en rapporte quant à la recevabilité de l'appel-nullité de l'Ordre des Avocats à la Cour d'appel de Paris et forme un appel-nullité incident au cas où celui formé par l'Ordre serait reconnu recevable. Elle motive ce recours en invoquant également la violation des dispositions de l'article 751 du Nouveau Code de procédure civile, celle des droits de la défense et des dispositions de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

Le Ministre de l'Économie fait valoir que l'appel interjeté n'est pas recevable au regard des dispositions de l'article 544 du Nouveau Code de procédure civile. Au fond, pour solliciter, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement, il observe que les juridictions civiles saisies lui ont constamment reconnu la possibilité d'engager de telles actions sans constituer avocat, les dispositions des articles 36 et 56 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dérogeant au principe de l'article 752 du Nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Considérant que l'Ordre des Avocats au Barreau de Paris reconnaît dans ses conclusions (page 4) que "le jugement ne serait pas susceptible d'appel" aux termes des articles 73 et 544 du Nouveau Code de procédure civile

Considérant, en effet, que le tribunal de grande instance de Paris en statuant sur l'exception de nullité n'a ni tranché le principal ni mis fin à l'instance qui s'est poursuivie devant le tribunal de commerce ; que par suite l'appel, voie de réformation, est irrecevable ;

Considérant qu'aux termes de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :

"l'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente . par le ministre chargé de l'économie" ;

Que selon l'article 56 du même texte :

"pour l'application de la présente ordonnance le ministre chargé de l'économie ou son représentant peut devant les juridictions civiles ou pénales déposer des conclusions et les développer oralement à l'audience. Il peut également produire les procès- verbaux et les rapports d'enquête";

Considérant que ces textes qui, dans un but de sauvegarde de l'ordre public économique, octroient certaines prérogatives au ministre chargé de l'économie pour mettre fin à des pratiques discriminatoires n'en font pas une partie au procès au sens de l'article 751 du Nouveau Code de procédure civile; qu'en retenant, par suite, qu'il n'avait pas à constituer avocat, les premiers juges n'ont commis aucun excès de pouvoirs et notamment ni violation des principes fondamentaux du Nouveau Code de procédure civile ni de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme pouvant justifier l'annulation de leur décision; que l'appel de l'Ordre des Avocats au Barreau de Paris doit donc être déclaré irrecevable ;

Par ces motifs : Déclare irrecevables l'appel de l'Ordre des Avocats au Barreau de Paris et l'appel incident de la société Inter Marchandises France ; Condamne l'Ordre des Avocats au Barreau de Paris aux dépens de son appel principal et la société Inter Marchandises France aux dépens de son appel incident.