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Décisions

CA Douai, 8e ch. civ., 7 juillet 1994, n° 93-00974

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Promodès France (SARL)

Défendeur :

Ministère de l'Économie et des Finances, Sarbec France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gondran de Robert

Conseillers :

Mme Levy, M. de Franclieu

Avoués :

SCP Carlier-Régnier, SCP Masurel-Théry

Avocats :

Mes Bednarski, Desurmont.

TGI Lille, prés., du 26 janv. 1993

26 janvier 1993

I - Données devant la cour

La décision attaquée

Le Président du Tribunal de Grande Instance de Lille, Juge des référés, par ordonnance en date du 26 janvier 1993, vu l'avis du ministère public, vu l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et l'article 809 du nouveau code de procédure civile,

- a constaté que les avantages obtenus de la SA Laboratoire Sarbec France par la SARL Promodès France, gérante de la SNC Interdis sont discriminatoires pour l'année 1992 et donc contraires aux dispositions de l'article 36 du paragraphe 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

- a constaté que lesdites pratiques ont cessé le 1er janvier 1993,

- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- a laissé les dépens à la charge des défendeurs (SARL Promodès France et la SA Laboratoires Sarbec France) ;

La procédure

Par déclaration en date du 5 février 1993, la SCP Carlier-Régnier, agissant au nom de SARL Promodès France, a fait appel de cette décision;

Les prétentions de SARL Promodès France :

Elle demande voir la Cour :

- réformer l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions,

- débouter le Ministre de l'Économie et des Finances de l'ensemble de ses demandes,

- condamner le Ministre de l'Économie et des Finances à lui payer la somme de 11.860 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'en tous les frais et dépens, avec distraction ;

Les prétentions de la SA Sarbec France :

Elle demande voir la Cour :

- réformer l'ordonnance du 6 janvier 1993 en toutes ses

- dire que le Juge des référés était incompétent pour connaître des demandes du Ministre de l'Économie et des Finances et en conséquence le débouter de l'ensemble de ses demandes,

- condamner le Ministre de l'Économie et des Finances à lui payer la somme de 11.860 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'en tous les frais et dépens, avec distraction ;

Les prétentions du Ministre de l'Économie et des Finances :

Il sollicite voir la Cour :

- confirmer en tout point l'ordonnance attaquée,

- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes des autres parties.

II- Argumentation de la cour

Attendu qu'aucun élément précis n'a été relevé quant à l'irrégularité formelle de l'appel et que rien ne conduit la cour à le faire d'office; qu'il convient, en conséquence, d'en constater la recevabilité;

Attendu que la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure en première instance, des prétentions et argumentation des parties, à la décision attaquée ; qu'en appel, les parties ont représenté les moyens déjà développés en première instance ; qu'il incombe d'infirmer l'ordonnance attaquée, l'action du Ministre de l'Économie et des Finances étant irrecevable, comme l'a toujours soutenu in limine litis la SARL Promodès France, en première instance comme en appel ;

Attendu, en effet, que l'article 36 alinéa 3 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence dispose que le Ministre de l'Économie peut introduire devant les juridictions civiles ou commerciales compétentes une action contre tout commerçant recourant à des pratiques de prix discriminatoires non justifiées, ajoutant que "le Président de la juridiction saisie" peut, en référé, enjoindre la cessation des agissements en cause ou ordonner toute autre mesure provisoire;

Attendu que ce texte, qui donne à titre exceptionnel au ministre chargé de l'Économie un pouvoir de police économique devant les juridictions de référé de l'ordre judiciaire, impose à ce dernier, s'il veut l'exercer, qu'il saisisse une juridiction du fond préalablement, ou tout au moins de façon concomitante, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence;

Attendu, par ailleurs, que le ministre chargé de l'Économie n'a pas qualité devant les juridictions de l'ordre judiciaire pour occuper la place d'un "justiciable" défendant des intérêts particuliers ou privés, notamment dans les instances en référé visées par les articles 808, 809, 872 ou 873 du nouveau code de procédure civile;

Attendu, en conséquence, qu'il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant les autres moyens, dès lors, inopérants des parties ;

Attendu, compte tenu des circonstances de l'affaire, qu'aucune partie n'est équitablement fondée à bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile relatives aux frais exposés mais non compris dans les dépens;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge du Ministre de l'Économie et des Finances, avec droit de recouvrement direct contre lui, au bénéfice respectif des avoués des gagnants, pour ceux des frais dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision préalable, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

III - Décision de la cour

Par ces motifs, LA COUR, juge des référés, 1°) Infirmant l'ordonnance attaquée, déclare irrecevable l'action engagée par le Ministre de l'Économie et des Finances. 2°) Y ajoutant, le condamne à payer les dépens de première instance et d'appel, avec la distraction au profit respectif de la SCP Carlier-Régnier, avoués, et de la SCP Masurel-Théry, avoués. 3°) Déboute les parties du surplus de leurs demandes.