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Décisions

Cass. crim., 14 novembre 1988, n° 87-90.736

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Bayet

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

SCP Waquet, Farge.

TGI Rennes, ch. corr., du 12 févr. 1987

12 février 1987

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Pierre, X Christine épouse Y, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 15 octobre 1987, qui les a condamnés pour achats et ventes sans facture à 40 000 francs d'amende chacun ; - Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, 46 et 49 de l'ordonnance n° 45-1384 du 30 juin 1945, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, tout en constatant que les procès-verbaux en date du 20 mars 1984 et du 17 avril 1984 se référaient à des faits relevés trois mois et trois mois et demi auparavant, a refusé d'en prononcer la nullité, motif pris que la prescription prévue à l'article 7 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945 n'était assortie d'aucune nullité, que l'instruction de l'affaire a nécessité l'examen de nombreux documents et des vérifications successives et qu'au surplus la nullité des procès-verbaux qui ne pourrait être envisagée que si ce délai avait été trop long, n'a nullement porté atteinte aux droits de la défense ;

"alors que l'inobservation du délai de rédaction des procès-verbaux constatant des infractions économiques, qui doivent être établis "dans le plus court délai" emporte la nullité du procès-verbal lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ; que le retard mis dans la rédaction de ces procès-verbaux porte atteinte aux droits de la défense en privant ces documents du caractère contradictoire auquel la loi les soumet ; qu'en l'espèce, les demandeurs avaient expressément soutenu dans leurs conclusions auxquelles il n'a pas été répondu qu'en raison du retard mis dans la rédaction des procès-verbaux par les agents verbalisateurs de la direction générale de la Concurrence, la direction générale des Impôts avait mis à profit ce laps de temps pour saisir les documents, objet des faits relevés antérieurement, privant ainsi les demandeurs d'éléments matériels pour étayer leur défense" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Pierre X et Christine Y prévenus de ventes et achats sans factures ont soulevé avant toute défense au fond, une exception de nullité prise de ce que les procès-verbaux constatant les infractions n'auraient pas été rédigés "dans le plus court délai" comme l'exigeait l'article 7 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, alors applicable ;

Attendu que pour rejeter cette exception l'arrêt attaqué énonce que le délai intervenu entre les constatations et la rédaction des procès-verbaux est justifié, l'instruction de l'affaire ayant nécessité l'examen de nombreux documents et des vérifications successives ainsi que plusieurs auditions ou demandes de renseignements ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations déduites de circonstances de fait qu'elle a souverainement appréciées, et abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant la cour d'appel a, sans encourir le grief du moyen, justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 1134 et 1915 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandeurs coupables des délits de vente et achat de marchandises sans facturation immédiate et les a condamnés à une peine de 40 000 francs d'amende chacun ;

"aux motifs que contrairement aux énonciations des parties invoquant la qualification de contrat de dépôt, les opérations effectuées ne pouvaient s'analyser que comme des contrats de vente ;

"alors que le juge ne peut requalifier un contrat dont les termes sont clairs et exempts de toute ambiguïté ; que les délits liés à la facturation n'existent que si l'opération envisagée suppose un transfert de propriété ; que tel n'est pas le cas lorsque le contrat de dépôt conclu entre les parties exclut toute novation et oblige à restitution de la chose elle-même" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la SARL Z, gérée par Pierre X, a livré à des commerçants détaillants et notamment à la SARL W dont Christine Y, épouse de X, a été la gérante, des vêtements de fourrure qui n'étaient facturés qu'après la revente aux consommateurs ;

Attendu que pour rejeter les arguments des prévenus qui soutenaient que ces livraisons n'étaient pas faites à titre de vente mais de dépôt et les condamner des chefs de ventes et achats sans factures, la cour d'appel énonce que dès la livraison des marchandises au client commerçant, ce dernier se comportait comme un véritable propriétaire de ces marchandises, que celles-ci étaient revendues par lui dans le cadre de son activité commerciale traditionnelle et que X a lui-même reconnu que le commerçant avait la totale liberté de fixer le prix de revente aux clients; que les juges en concluent que la qualification de contrat de dépôt proposée par les prévenus est ainsi contredite par les éléments du dossier et que les opérations effectuées ne peuvent s'analyser que comme des contrats de vente;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel qui a, sans insuffisance et sans dénaturation qualifié le contrat conclu entre les parties et servant de base aux poursuites, a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et ce sans encourir le grief formulé au moyen lequel doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.