Cass. crim., 3 juin 1991, n° 90-81.249
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Gondre
Avocat général :
M. Lecocq
Avocats :
SCP Delaporte, Briard.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Rabah, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre correctionnelle, en date du 21 décembre 1989, qui, pour infraction aux règles de la facturation, l'a condamné à la peine de 40 000 francs d'amende ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 7 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986, des articles 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité du procès-verbal, base des poursuites, pour violation de la règle de l'article 7 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 aux termes duquel les procès-verbaux doivent être rédigés dans le plus court délai ;
"au motif, d'une part, que l'affaire est complexe en ce que l'Administration a dû poursuivre ses investigations auprès de six sociétés et magasins qui s'approvisionnaient auprès de la centrale d'achats, objet des constatations ;
"au motif, d'autre part, que le prévenu après la rédaction du procès-verbal a écrit dans sa lettre du 17 juillet 1986 qu'il était en mesure de donner toutes explications sur les faits reprochés, reconnaissant ainsi que la rédaction du procès-verbal, huit mois après les constatations, ne portait pas atteinte à ses intérêts ;
"alors, d'une part, que s'il appartient aux juges du fond d'apprécier, compte tenu des circonstances, si selon les termes des textes précités, les procès-verbaux ont été rédigés dans le plus court délai, ils sont tenus de motiver leur décision de façon à permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle et qu'en se bornant à faire état de la complexité de l'affaire sans s'expliquer sur le point de savoir si le retard considérable de huit mois était effectivement justifié par les investigations auxquelles selon leurs énonciations l'Administration avait procédé, l'arrêt n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que dans ses conclusions délaissées, le prévenu faisait valoir qu'il suffisait de se reporter aux énonciations du procès-verbal de constatation et au procès-verbal de saisie pour constater que les documents saisis pouvaient être examinés en moins de huit mois et qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions, l'arrêt n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
"alors, enfin, que la seule circonstance que le prévenu ait écrit postérieurement à la rédaction du procès-verbal une lettre destinée à donner des explications à l'Administration ne suffit pas à elle seule à établir que la violation de la règle impérative du court délai n'ait pas porté atteinte à ses intérêts, alors surtout que, comme X le soutenait dans ses conclusions, l'Administration détenait les pièces comptables et que, dès lors, l'arrêt qui, précisément, a retenu pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de X que celui-ci ne rapportait pas la preuve de faits contraire à ceux constatés par les agents habilités et qu'aucun document comptable n'était produit par lui pour soutenir utilement l'affirmation selon laquelle le montant des livraisons sans facture était repris dans ses stocks, n'a pas légalement justifié sa décision de rejet de l'exception de nullité" ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité soulevée avant toute défense au fond tirée de ce que le procès-verbal, base des poursuites n'aurait pas été rédigé dans le plus court délai au sens de l'article 7 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945, alors applicable, les juges énoncent que l'affaire est complexe et que les agents de l'Administration ont dû poursuivre leurs investigations pendant huit mois auprès de six sociétés et magasins qui s'approvisionnaient à la même centrale d'achats ; qu'ils ajoutent que le prévenu qui, après la rédaction du procès-verbal, a indiqué être en mesure de fournir toutes explications sur l'infraction constatée, n'a subi du fait du retard allégué aucune atteinte à ses intérêts ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs relevant de son pouvoir souverain d'appréciation du délai nécessaire à la rédaction du procès-verbal de constatation, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie, a donné une base légale à sa décision ; que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 1582 et suivants du Code civil, des articles 31 et 46 alinéa 2 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable d'infraction aux règles de la facturation obligatoire ;
"aux motifs que le prévenu ne rapporte pas la preuve de faits contraires à ceux constatés par les agents habilités ; que les rapprochements effectués établissent l'existence de livraisons sans facturation ; que le prévenu ne justifie pas que ce montant ainsi qu'il l'affirme était repris dans ses stocks ; qu'aucun document comptable n'est produit pour soutenir utilement cette affirmation ;
"alors de première part, qu'aux termes de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ; qu'ainsi l'existence d'une vente constitue un élément essentiel du délit visé à l'article 31 de l'ordonnance précitée ; qu'aux termes de l'article 1582 du Code civil, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer et que la cour d'appel, qui s'est bornée à constater l'existence de livraisons c'est-à-dire d'un élément purement matériel sans constater que ces livraisons aient été effectuées en vertu de conventions par lesquelles les réceptionnaires s'étaient obligés à payer le prix des marchandises, n'a pas caractérisé l'existence de contrat de vente, base du délit de vente sans facture ;
"alors, de deuxième part, qu'en ne s'expliquant pas sur la consistance des rapprochements effectués par les agents habilités desquels ceux-ci ont déduit l'existence de "livraisons sans factures", la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision ;
"alors de troisième part, qu'il se déduit des termes de l'article 31 alinéa 1 de l'ordonnance précitée que l'obligation de facturation ne s'impose que dans les relations entre professionnels et qu'à supposer même que l'arrêt ait régulièrement constaté l'existence de ventes sans factures, il n'a aucunement relevé dans ses motifs qu'elles concernaient des transactions entre professionnels en sorte que la cassation est encourue ;
"alors enfin, que l'obligation de facturation a pour finalité la lutte contre la fraude fiscale ; que dans ses conclusions régulièrement déposées le prévenu soutenait que les résultats de la vérification de comptabilité dont il avait été l'objet de la part des services fiscaux établissaient qu'il n'avait aucunement enfreint les règles de la facturation obligatoire et qu'en ne répondant pas à cet argument péremptoire, la cour d'appel, n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Rabah X a été poursuivi en qualité de président directeur général de la SA Z pour avoir procédé courant 1985 à des ventes sans factures pour un montant de 1 521 857,38 francs, faits prévus et punis par l'article 46 de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945, alors applicable, et, depuis l'abrogation de ce texte, par l'article 31 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Attendu que, pour retenir le susnommé dans les liens de la prévention et écarter les conclusions de la défense soutenant que les marchandises non facturées n'étaient pas vendues mais laissées en dépôt jusqu'à leur vente effective par le dépositaire, les juges relèvent que l'intéressé ne produit aucun contrat de dépôt-vente, ni aucun document comptable mais seulement une facture, portant un numéro bis, qui ne peut constituer un élément de preuve; qu'ils constatent que les rapprochements effectués entre les achats et le stock établissent l'existence de ventes sans facturation ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations, et énonciations, exemptes d'insuffisance, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments l'infraction reprochée sans encourir les griefs allégués ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.