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Décisions

CA Versailles, 9e ch., 22 mars 2000, n° 200-2000

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

DGCCRF du Val d'Oise, Procureur général près de la Cour d'appel de Versailles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guirimand

Conseillers :

Mme Delafollie, M. Boilevin

Avocat :

Me Parléani.

TGI Pontoise, 6e ch. corr., du 12 mai 19…

12 mai 1999

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

LE JUGEMENT

Par jugement en date du 12 mai 1999, le Tribunal correctionnel de Pontoise a déclaré Olivier A coupable de revente d'un produit par un commerçant à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, faits prévus et réprimés par les articles 32, 55 ordonnance 86-1243 du 01.12.1986, faits commis à Bruyère Sur Oise, le 26 février 1997, l'a condamné à une amende de 5.000 F avec sursis,

APPELS

Appel a été interjeté par :

- Olivier A, le 18 mai 1999, sur les dispositions pénales du jugement,

- le Ministère public, le 18 mai 1999,

DÉCISION

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur les appels formés le 18 mai 1999 par M. A, prévenu, et par le Ministère Public, à l'encontre du jugement sus-énoncé rendu contradictoirement par le Tribunal de Grande Instance de Pontoise le 12 mai précédent ;

Devant la Cour, lors de l'audience en date du 2 février 2000 :

M. A, prévenu, est représenté par son conseil (muni d'un pouvoir), lequel dépose des conclusions tendant à l'infirmation du jugement, et à titre subsidiaire, au prononcé d'une dispense de peine ou d'une sanction qui ne soit inscrite sur le bulletin numéro deux du casier judiciaire ;

Madame l'Avocat général a été entendue en ses réquisitions

II sera statué contradictoirement à l'égard du prévenu;

AU FOND

Considérant que M. A a été poursuivi devant la juridiction répressive à la requête du Ministère Public sous la prévention d'avoir, à Bruyères-Sur-Oise, le 26 février 1997, étant commerçant, revendu un produit à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, infraction prévue et punie par l'article 32 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence;

Considérant la citation a été délivrée à la suite d'un procès-verbal établi par des fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Val d'Oise qui, après une visite effectuée le 26 février 1997 dans les locaux du siège social de la SA X, avaient constaté que cette centrale d'achats des magasins Y avait revendu à perte le 29 janvier 1997, notamment, des produits de lessive (OMO, SKIP 5 kg);

Qu'après plusieurs demandes d'explication, il a finalement été indiqué que le produit en cause avait été facturé aux adhérents sur la base des conditions de l'année 1996, dans la mesure où ils correspondaient à des prix de cette époque ;

Que les fonctionnaires ont observé que cette explication ne pouvait être prise en compte puisque Y s'était réapprovisionnée entre-temps, ainsi que le démontraient des factures en date des 8 et 27 janvier 1997 ;

Que dans ces conditions, une infraction aux dispositions de l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1996 a été relevée à l'encontre de M. A, acheteur de Y et chef du département " Produits Grande Consommation " ;

Considérant que le Tribunal a déclaré la prévention établie à l'égard de M. A en retenant que celui-ci ne pouvait invoquer une facture d'achat du produit en date du 16 décembre 1996, alors qu'il existait d'autres factures des 26 décembre 1996 (en fait 27 janvier 1997) et 8 janvier 1997;

Que les premiers juges ont noté que les lessives étaient des marchandises dont la rotation était rapide, et qu'elles constituaient des "produits d'appel", pour lesquels une différence de quelques centimes avait un effet économique important pour les distributeurs ;

En cause d'appel :

M. A sollicite à titre principal l'infirmation du jugement, en faisant valoir que :

- la loi Galland du 1er juillet 1996, qui a modifié les dispositions de l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et qui est devenue applicable le 1er janvier 1997, a eu pour effet de modifier le seuil de revente à perte, dorénavant constitué par "le prix d'achat effectif", c'est-à-dire le prix unitaire figurant sur les factures du fournisseur, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques relatives à la revente considérée, et le cas échéant du prix du transport,

- il a fallu attendre le résultat des négociations commerciales engagées par les fournisseurs et les distributeurs, au cours du second semestre 1996, pour connaître le tarif des fournisseurs, et les différents tarifs commerciaux,

- l'élément moral de l'infraction poursuivie n'est pas établi,

- l'élément matériel de l'infraction en cause n'est pas davantage caractérisé, dans la mesure où la preuve n'est pas rapportée que les produits revendus le 29 janvier 1997 étaient ceux livrés le 8 janvier 1997 (OMO) et le 27 janvier 1997 (SKIP), la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes n'ayant pas établi le rattachement du produit contrôlé à un lot livré ;

- le Tribunal s'est déterminé par des motifs généraux et hypothétiques,

- le prévenu est en mesure de rapporter la preuve que les produits contrôlés avaient été achetés en 1996 et non en 1997 ;

Madame l'Avocat général requiert la confirmation du jugement ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant que le contrôle de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Val d'Oise a été effectué le 26 février 1997 ;

Qu'à la suite des premières constatations effectuées, M. P, dirigeant de Y, a produit, sur la demande qui lui était faite par les services de contrôle, le 7 avril 1997, les factures d'achats des produits en cause en date des 8 et 27 janvier 1997, lesquelles faisaient apparaître un pourcentage de revente à perte de 3.00 pour la lessive SKIP 5 kg, et de 2.96 pour la lessive OMO 5 kg ;

Que ce n'est qu'ultérieurement que M. P a évoqué la possibilité d'une facturation sur des bases correspondant à un stock de 1996, incluant des rabais ou ristournes acquis, bien que non mentionnés sur les factures ;

Qu'il ressort des pièces de la procédure que les factures fournies par M. P les 16 et 26 décembre 1996, font apparaître des "prix tarif" et des "prix unitaires HT" identiques (41, 42 et 40,90 pour OMO ; 49,70 et 49,08 pour SKIP), et qu'il n'est pas établi, par les seuls documents fournis par le prévenu, que les avantages invoqués aient été acquis et chiffrables lors de la vente des produits en cause ;

Considérant que la loi du 1er juillet 1996 est entrée en vigueur le 1er janvier 1997; que les prix ont été contrôlés courant 1997, sur la base de factures produites par le prévenu lui-même et établies en janvier 1997;

Que le prix d'achat effectif devait tenir compte, - à partir du 1er janvier 1997 -, du prix unitaire figurant sur la facture, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes et du prix de transport;

Que les calculs opérés sur ces bases ont fait apparaître une revente à perte, en la circonstance;

Que l'élément intentionnel de l'infraction poursuivie est également caractérisé, puisque les prix, s'agissant des marchandises en cause, ont été évalués sur la base d'anciens critères et sans tenir compte des dispositions de la loi du 1er juillet 1996 dont l'entrée en vigueur a été fixée le 1er janvier 1997, le délai accordé ayant laissé aux distributeurs le temps d'adaptation nécessaire; que les faits poursuivis ont été commis de façon délibérée;

Considérant, sur l'imputabilité de l'infraction, que M. P, directeur à l'époque des faits de Y, société anonyme coopérative à capital variable, et bénéficiaire d'une délégation de pouvoirs, avait subdélégué ceux-ci, dans le secteur des produits "grande consommation" à M. A, acheteur, auquel il appartenait, selon son contrat de travail, de prendre toutes mesures en matière de législation économique et commerciale (en particulier s'agissant des domaines de la concurrence et de la revente à perte...) ;

Que M. A, qui a accepté cette subdélégation, n'a pas contesté sa responsabilité de principe lors de l'enquête ;

Qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé sur la culpabilité ;

Qu'il doit l'être également sur la peine prononcée (amende d'un montant de 5000,00 francs avec sursis), laquelle tient un juste compte de la nature des agissements commis et de la personnalité du prévenu ;

Qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit à la demande d'exclusion de la condamnation prononcée sur le bulletin numéro deux du casier judiciaire de M. A ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit les appels formés par M. A, prévenu, ainsi que par le Ministère Public à l'encontre de ce prévenu ; Dans les limites de ces recours ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; L'avertissement prévu par l'article 132-29 du code pénal a été donné au condamné ; Dit n'y avoir lieu, en l'état, de faire droit à la demande présentée par M. A aux fins d'exclusion de la condamnation prononcée sur le bulletin numéro deux de son casier judiciaire.