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Décisions

CA Paris, 9e ch. A, 13 décembre 1994, n° 94-00625

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Collomb-Clerc

Conseillers :

M. Cailliau, Mme Charoy

Avocats :

Mes Reinhart, Pecnard.

CA Paris n° 94-00625

13 décembre 1994

Le tribunal, par jugement contradictoire en application de l'article 411 du code de procédure pénale, a déclaré :

L Jean-Martial coupable de facturation non conforme - vente de produit, prestation de service pour activité professionnelle, (faits commis de 1989 à 1990, à Paris), infraction prévue par l'article 31 alinéa 2, 3 ordonnance 86-1243 du 01/12/1986 et réprimée par l'article 31 alinéa 4 de l'ordonnance 86-1243 du 01/12/1986 ; coupable d'imposition d'un prix de revente minimum ou d'une marge minimale - bien ou prestation de service, (faits commis de 1989 à 1990, à Paris), infraction prévue et réprimée par l'article 34 ord 86-1243 du 01/12/1986 ;

B Richard coupable de facturation non conforme - vente de produit,prestation de service pour activite professionnelle, (faits commis de 1989 à 1990, à Paris), infraction prévue par l'article 31 al. 2, 3 ordonnance 86-1243 du 01/12/1986 et réprimée par l'article 31 al. 4 ordonnance 86-1243 du 01/12/1986 ; coupable d'imposition d'un prix de revente minimum ou d'une marge minimale - bien ou prestation de service, (faits commis de 1989 à 1990, à Paris), infraction prévue et réprimée par l'article 34 ord. 86-1243 du 01/12/1986

Et par application de ces articles, a condamné :

- L Jean-Martial à 80.000 Francs d'amende,

- B Richard à 80.000 Francs d'amende.

Le tribunal a ordonné, en outre, la publication du jugement, par extraits, aux frais des prévenus dans le journal "Les Echos" et a déclaré la société X, solidairement responsable du paiement des amendes.

Les appels : Appel a été interjeté par

- M. B Richard, le 14 Décembre 1993

- M. le Procureur de la République, le 14 Décembre 1993 contre M. B Richard

- M. L Jean-Martial, le 15 Décembre 1993

- X Société, le 15 Décembre 1993 contre M. L Jean-Martial, M. B Richard

- M. le Procureur de la République, le 15 Décembre 1993 contre M. L Jean-Martial

EN LA FORME

Se référant aux énonciations qui précèdent et aux pièces de la procédure, la Cour constate la régularité des appels interjetés à l'encontre du jugement susvisé par MM. Richard B et Jean-Martial L, le Ministère Public et la société X, solidairement responsable du paiement des amendes infligées aux prévenus appelants, et les déclarera dès lors recevables en la forme ;

M. Jean-Martial L, régulièrement avisé par lettre recommandée du dépôt à la mairie de son domicile de sa citation à comparaître à l'audience de la cour de céans le 18 Octobre 1994, s'est personnellement présenté à ladite audience assisté de son conseil, bien qu'il n'ait pas retiré la lettre recommandée à lui destinée et adressée à son domicile, et a accepté de comparaître volontairement pour répondre des infractions poursuivies à son encontre ;

M. Richard B, régulièrement cité à parquet par voie diplomatique en raison de son domicile en Grande Bretagne, n'a pas été touché personnellement par la citation dûment traduite en langue anglaise, mais en a eu nécessairement connaissance dès lors qu'il a sollicité par lettre adressée à la Cour conformément aux dispositions de l'article 411 du code de procédure pénale, l'autorisation d'être jugé en son absence et représenté par son avocat;

La Cour a estimé pouvoir admettre la demande de dispense de comparution ainsi formulée par B, qui sera dès lors jugé par arrêt contradictoire à signifier;

La société X, intervenante volontaire devant les premiers juges, et appelante du jugement la concernant en ce qu'elle a été condamnée solidairement au paiement des amendes prononcées contre MM. B et L, n'a pas été régulièrement touchée par la citation la concernant mais était représentée à l'audience du 18 Octobre 1994 ;

L'Administration, par la personne de M. Palayer, Directeur départemental, représentant la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et la Direction des enquêtes de concurrence, et muni à cette fin d'un "mandat de représentation" établi par le Chef de la Direction Nationale des Enquêtes de Concurrence, a été représentée et a pu déposer des conclusions avant de les faire développer oralement à l'audience;

Considérant que les premiers juges ayant exactement relaté les faits de la cause, et le déroulement de la procédure, la Cour se reporte sur ces points à leurs énonciations ;

Considérant que MM. Jean-Martial L et Richard B ont été poursuivis, en même temps que Patrick Z et Luc Y renvoyés des fins de la poursuite et non en cause d'appel, pour avoir à Paris, courant 1989 et 1990, omis de mentionner sur les factures remises par la société W aux entreprises Carrefour, Redoute et Fnac, tous rabais, remises ou ristournes dont le principe était acquis et le montant chiffrable lors de la vente quelle que soit leur date de règlement, imposé directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien auprès des grossistes ;

Considérant qu'après avoir d'une part rejeté les exceptions de nullité soulevées avant les moyens de défense au fond, et résultant :

- du non-respect des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er Décembre 1986,

- du délai de rédaction du procès-verbal de délit,

- et de la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, et d'autre part écarté la demande de sursis à statuer présentée à raison de la saisine du Conseil de la Concurrence et en application du principe du concours idéal d'infractions interdisant le cumul des sanctions, les premiers juges ont retenu L et B dans les liens de la poursuite et prononcé à leur encontre une peine d'amende, une mesure de publication ;

Qu'ils ont en outre ordonné la condamnation solidaire de la société X, venant aux droits de la société W, au paiement des amendes prononcées contre ses dirigeants en application de l'article 54 de l'ordonnance du 1er Décembre 1986 ;

Considérant que le conseil de J.-M. L, avant de reprendre la plupart les exceptions de nullité déjà soulevées dans ses écritures de première instance, développe parallèlement, dans les conclusions qu'il a déposées au nom de la société X qu'il représente, deux moyens relatifs

- au défaut de pouvoir régulier de M. Palayer l'autorisant à déposer des conclusions devant la Cour au nom de l'Administration, en application de l'article 56 de l'ordonnance du 1er Décembre 1986,

- à la nécessité de surseoir à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice en raison de l'instance pendante à la requête de la société X devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris en contestation de la régularité des opérations de saisie du 29 Novembre 1990;

Considérant qu'il sollicite au fond la relaxe de son client, estimant que les faits incriminés n'ont pas été commis durant sa présidence, et qu'aucune pièce de la procédure n'a établi sa participation personnelle à la réalisation de l'infraction ;

Qu'en ce qui concerne la société X, et par voie de conséquence, il demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de la déclarer exempte de toute responsabilité ;

Considérant que le conseil de Richard B reprend intégralement ses écritures de première instance tant en ce qui concerne les exceptions soulevées au titre de l'article 31 du décret du 29 Décembre 1986 et de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, que la demande initiale de relaxe fondée sur l'insuffisance des éléments constitutifs des infractions poursuivies et sur la délégation de pouvoirs consentie par son client ;

I- SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITE

1°/ Sur le non-respect des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er Décembre 1986 susceptibles d'entraîner la nullité de l'ordonnance du 27 Novembre 1990 ayant autorisé les visite et opérations de saisie subséquentes :

Considérant qu'il convient tout d'abord de relever que cette exception n'avait pas été soulevée par le conseil de L devant les premiers juges, et se trouve par lui développée pour la première fois dans ses écritures en cause d'appel ;

Que toutefois elle avait été soulevée liminairement devant le Tribunal par le conseil de B, lequel ne reprend plus devant la Cour que les exceptions qu'il avait développées sur le fondement de l'article 31 du Décret du 29 Décembre 1986 relatif aux délais de rédaction des procès-verbaux, et des dispositions de l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales concernant le délai raisonnable du jugement des affaires ;

Considérant que les premiers juges ont au demeurant écarté les moyens de nullité articulés sur ce point par les conseils de Mme Z et B en rappelant que les ordonnances rendues respectivement les 27 et 28 Novembre 1990 par les Présidents des Tribunaux de Grande Instance de Cergy-Pontoise et Paris avaient été notifiées le 29 Novembre 1990 à la société W, une copie conforme ayant été remise à son Directeur du Marketing et des Ventes, M. Luc Y ;

Considérant qu'il convient de relever par ailleurs que le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, statuant sur requête de la Société X, a rejeté le 10 Novembre 1994 une demande de nullité de la visite et des opérations de saisies effectuées le 29 Novembre 1990 au siège de la société W et du procès-verbal établi le même jour, et qu'il n'y a pas lieu dès lors de surseoir à statuer dans l'attente de cette décision ;

Considérant que L sollicite à son tour le prononcé de la nullité de l'ordonnance du 27 Novembre 1990 et des mesures subséquentes de visite et de saisies, dès lors qu'étant seulement salarié de la société à l'époque de la notification de ladite ordonnance il ne pouvait, selon lui, en avoir eu connaissance en temps utile pour en discuter la validité par la seule voie de recours ouverte aux termes de l'article 48 alinéa 5 de l'ordonnance du 1er Décembre 1986, à savoir le pourvoi en cassation, alors que ces opérations sont à l'origine des charges retenues à son encontre ;

Mais considérant que ce moyen présenté tardivement et pour la première fois en cause d'appel par L ne peut qu'être rejeté par la Cour ;

2°/ Sur le délai de rédaction du procès-verbal de délit

Considérant que le conseil de L critique sur ce point l'argumentation des premiers juges en ce qu'elle repose sur le constat d'un délai de moins de trois entre l'accomplissement des dernières diligences des enquêteurs et la rédaction du procès-verbal de délit pour en déduire qu'ont été respectées en l'occurrence les prescriptions de l'article 31 du Décret du 29 Décembre 1986, et écarter la demande de nullité de la procédure de ce chef ;

Considérant que B reprend en ce qui le concerne ses écritures initiales et, critiquant le jugement entrepris, estime que la prétendue complexité du dossier ne justifiait pas l'écoulement d'un délai aussi long entre la première visite des enquêteurs au siège de l'entreprise et la rédaction du procès-verbal de délit, lequel n'a été transmis à Richard B que le 28 Juillet 1993 ;

Mais considérant que c'est à bon droit, et par des motifs pertinents dont il est fait adoption par la Cour, que les premiers juges ont estimé que les services enquêteurs avaient consacré un délai raisonnable à la rédaction du procès-verbal de délit, compte tenu des multiples diligences accomplies auprès des distributeurs et de la complexité du dossier entraînant "l'examen et l'analyse de nombreux documents de nature et d' origine différentes";

Qu'il ne fait pas de doute que, dès lors que l'enquête a été légalement conduite sans interruption injustifiable portant atteinte aux droits de la défense, comme ce fut le cas en l'espèce ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, le point de départ du délai de rédaction du procès-verbal de délit ne peut être que fixé qu'à la date de l'accomplissement de la dernière diligence utile à l'enquête ;

Que la simple constatation de la matérialité de faits susceptibles de caractériser les agissements répréhensibles reprochés aux prévenus ne peut faire courir le délai de rédaction du procès-verbal de délit dans la mesure où seules les investigations menées ultérieurement ont permis de vérifier leur caractère délictueux et de les qualifier pénalement ;

Que dans ces conditions la Cour confirmera sur ce point le jugement dont appel ;

3°/ Sur l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales

Considérant que devant les premiers juges seul le conseil de Richard B avait soulevé le moyen de nullité résultant du non-respect du délai raisonnable dans lequel toute personne a le droit de voir sa cause entendue ;

Considérant que L n'ayant soulevé ce moyen pour la première fois qu'en cause d'appel, la Cour le rejettera en ce qui le concerne ;

Considérant que B soutient qu'un délai manifestement déraisonnable de plus de trois années s'était écoulé entre la première saisie effectuée dans les locaux de la société W et la phase de jugement, et qu'il en est résulté pour lui une violation des droits de la défense de nature à entacher de nullité la procédure dirigée à son encontre ;

Mais considérant que Richard B a exercé les fonctions de Président Directeur Général de la société W à compter du 12 Juillet 1989 jusqu'au 14 Juin 1991 et qu'à ce titre, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges et nonobstant les pratiques anglo-saxonnes invoquées relatives à la délégation de pouvoirs, force est de constater qu'il ne pouvait ignorer l'existence de l'enquête régulièrement diligentée au siège de la personne morale dont il était à l'époque le mandataire social, dès lors qu'elle était de nature à avoir un retentissement sur l'ensemble de la politique de vente de l'entreprise toute entière ;

Que Richard B, mandataire social de la société W et alors qu'il n'a fait de surcroît aucune référence à des circonstances particulières établissant qu'il était dans l'impossibilité de connaître l'existence de cette enquête, a du être nécessairement tenu informé de l'enquête menée à l'encontre de sa société par la DNEC;

Que le délai dont il dénonce la longueur excessive entre le début de l'enquête et la phase de jugement, et à le supposer tel, trouve sa source principale dans le comportement collectif des responsables de ladite société qui a directement contribué à ralentir l'enquête, ce dont ne saurait venir se plaindre de bonne foi et tardivement Richard B au titre de la violation de ses droits ;

4°/ Sur le défaut de pouvoir régulier de M. Palayer à l'effet de représenter le Ministre de l'Economie :

Considérant que la régularité de la représentation du Ministre de l'Economie, critiquée pour la première fois en cause d'appel alors que le même agent M. Palayer, représentait déjà le Ministre devant les premiers juges sans que cette désignation ait fait l'objet de la moindre contestation, ne peut être mise tardivement en cause par le conseil de L alors au surplus que l'Administration a apporté sur ce point toutes justifications utiles se référant notamment aux dispositions de l'arrêté du 12 Mars 1987 pris pour l'application de l'article 56 de l'ordonnance du 1er Décembre 1986;

Que dans ces conditions ce moyen soulevé tardivement par Lefranc sera également rejeté ;

II - SUR LES ELEMENTS DE LA PREVENTION

1°/ Le délit de défaut de mentions obligatoires sur factures, (Art. 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er Décembre 1986)

Considérant qu'il résulte tant du procès-verbal de relevé d'infraction du 28 Janvier 1992 que des constatations des premiers juges que le mode de facturation retenu par la société W auprès de ses distributeurs Carrefour France, La Redoute Catalogue, et la FNAC ne faisait pas apparaître les remises inconditionnelles accordées trimestriellement ou annuellement selon les cas ;

Considérant que ces remises présentaient aussi bien pour la société W que pour chacun des trois distributeurs visés à la prévention la double caractéristique exigée par le texte d'incrimination susvisé d'être de principe acquis et de montant chiffrable, quelle que soit leur date de règlement ;

Qu'en effet étant fondées sur le seul chiffre d'affaire hors taxe réalisé au cours de l'année, ces remises devaient être mentionnées, au moins pour mémoire, sur les documents de facturation pour permettre aux distributeurs de calculer leur seuil de revente à perte avec une approximation suffisante pouvant se déduire de leurs propres prévisions de ventes annuelles ;

Considérant que la transparence tarifaire à laquelle conduit une stricte application des dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne pouvait en l'occurrence être assurée en faveur des distributeurs précités, alors que l'octroi desdites remises n'était soumis à aucune condition aléatoire, et n'était soumise qu'à l'exécution par le distributeur de ses obligations contractuelles ;

Considérant que la société W soutient à tort que les remises étaient conditionnelles comme dépendant de l'encaissement des factures et de l'absence de report d'échéances des distributeurs, alors qu'il ne fait pas de doute que les remises globalisées ne portaient en fin d'année que sur les factures honorées sans incident, étant rappelé au surplus que leur paiement différé est implicitement envisagé par le texte d'incrimination ;

Que le principe acquis de la remise ne se trouve donc pas atteint par cette condition qui constitue un préalable usuel en la matière, à charge pour le fournisseur aux échéances prévues d'apurer les comptes des distributeurs en les débitant des remises indues ;

Considérant que dans ces conditions les premiers juges ont à juste titre estimé que les dispositions de l'article 31 de l'ordonnance précitée n'avaient pas été respectées par la société W dans ses relations commerciales avec ses distributeurs, pour avoir pratiqué un système de facturation opaque prévoyant dans la quasi totalité des cas des remises hors factures selon des barèmes différents adaptés aux diverses formes de distribution ;

2°/ Le délit de prix minimum imposé (Art. 34 de l'ordonnance n°86-1243 du 1er Décembre 1986

Considérant qu'il est soutenu par les prévenus appelants que les prix conseillés par la société W étaient dépourvus de tout caractère obligatoire et justifiés par la nouveauté des produits en cause - consoles et logiciels de jeux vidéo - ainsi que par la période de pénétration d'un marché nouveau ;

Considérant que le conseil de Richard B admet néanmoins dans ses conclusions devant la Cour que "le comportement de W visait tout au plus, sur ce marché en pleine expansion, à préserver un niveau de prix raisonnable afin qu'une politique de discount n'affecte ni les réseaux de distribution, ni les concepteurs de logiciels de jeux" ;

Que par ailleurs la seule mention selon B du caractère indicatif des prix publics conseillés sur les conditions générales de vente ne peut suffire à exclure à la charge de la société W la pratique de prix imposés, laquelle ne peut davantage être présentée comme l'effet d'une " attitude inconsciente ( des différents intervenants) d'uniformiser les tarifs publics pratiqués ", ainsi que tente de la faire le conseil de B dans ses écritures;

Considérant qu'il résulte au contraire, des éléments de l'enquête de la DNEC et des constatations des premiers juges que la variété des moyens mis en œuvre par la société W visait à imposer à ses distributeurs un caractère minimum aux prix de vente de ses produits;

Qu'en effet tant par la diffusion des prix conseillés, que par la pratique d'un mode de facturation rejetant en marge arrière toutes les remises obtenues par les distributeurs excluant qu'ils les intègrent dans le calcul de leur seuil de revente à perte, ou encore par des menaces de rétorsion allant parfois jusqu'à des interruptions de livraisons ou à des retraits des rayons, la société W a eu recours à la pratique des prix imposés qui est reprochée à ses dirigeants, à l'égard de ses distributeurs-grossistes, notamment des sociétés Guillemot International et Innelec SA;

Considérant que les premiers juges ont ainsi exactement caractérisé, par des motifs que la Cour adopte, les pratiques poursuivies comme constitutives du délit de prix minimum imposé;

3°/ Sur l'imputabilité des infractions

a) En ce qui concerne Jean-Martial L

Considérant que Jean-Martial L a exercé son mandat social de Président du Conseil d'Administration au sein de la société W du 10 Janvier 1989 au 12 Juillet 1989, et a conservé au delà de cette date ses fonctions de Directeur général et de membre du Conseil d'Administration jusqu'au mois de Mai 1991 ;

Considérant qu'il ne résulte d'aucune constatation des enquêteurs que L ait personnellement accompli, hors la période où il exerçait ses fonctions de Président du Conseil d'Administration, un acte constitutif de l'un des délits poursuivis à son encontre, n'ayant en effet exercé, alors, que des fonctions de direction n'impliquant pas de sa part la définition exclusive ni la responsabilité de la stratégie commerciale de la société ni de sa politique de prix ;

Qu'au cours de son mandat social il n'apparaît pas davantage qu'un acte matériel constitutif de l'un de ces délits puisse lui être imputé, dès lors que l'ensemble des factures litigieuses et des documents commerciaux qui ont été retenus par les services d'enquête pour fonder la poursuite sont tous postérieurs au terme de son mandat social;

Considérant qu'en conséquence la Cour infirmera sur ce point le jugement entrepris et renverra L des fins de la poursuite ;

b) En ce qui concerne Richard B

Considérant que le conseil de Richard B, reprenant devant la Cour son argumentation de première instance, soutient que les poursuites ne peuvent être utilement dirigées contre lui dès lors qu'il avait délégué ses pouvoirs, du fait de son établissement en Angleterre où se trouvait le centre de ses affaires, entre les mains de Luc Y qui disposait de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour conduire la politique économique de la société W ;

Considérant qu'il résulte des éléments de la procédure que Richard B a effectivement été investi du mandat social de Président du Conseil d'Administration de la société W à la suite de Lefranc et jusqu'au 14 Juin 1991 ;

Qu'à ce titre, et à défaut, hormis ses affirmations, d'établir par tous moyens de preuve une délégation effective de pouvoirs en ce qui concerne la politique des ventes de l'entreprise entre les mains de M. Luc Y, au demeurant renvoyé des fins de la poursuite par les premiers juges, Richard B sera déclaré coupable des infractions à lui imputées par la poursuite ;

Sur l'application de la loi pénale

Considérant qu'en raison de la gravité des pratiques restrictives caractérisées à la charge de Richard B résultant aussi bien de l'importance de la société W sur le marché des consoles et des logiciels de jeux électroniques que du caractère systématique des agissements poursuivis, la Cour confirmera la peine d'amende infligée à Richard B par les premiers juges, et ordonnera la mesure de publication de l'arrêt à intervenir, et par extrait, prévue par les dispositions de l'article 55 de l'ordonnance du 1er Décembre 1986 ;

Sur la solidarité

Considérant que la société X, qui vient aux droits de la société W, estime devoir être exemptée de toute condamnation au titre de sa responsabilité solidaire en raison du caractère non fondé, selon elle, des infractions reprochées à ses dirigeants ;

Qu'en ce qui concerne M. Jean-Martial L la Cour ne pourra que faire droit à la demande de la société X du fait de la relaxe prononcée en sa faveur ;

Mais considérant qu'en ce qui concerne Richard B, les premiers juges ayant à juste titre estimé que la société X devait être, compte tenu des circonstances de l'espèce, déclarée solidairement tenue du paiement de l'amende infligée à celui-ci, la Cour confirmera à cet égard le jugement attaqué ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de M. Jean-Martial L, la société X, et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de M. Richard B, Reçoit en la forme les appels de MM. L et B, du Ministère Public et de la société X, Rejette les exceptions de nullité soulevées par les appelants, Rejette le moyen tiré du défaut de pouvoir de représentation de M. Palayer, Rejette la demande de sursis à statuer présentée au nom de la société X, Au fond, Réformant et confirmant pour partie le jugement dont appel, Renvoie Jean-Martial L des fins de la poursuite, Confirme sur la déclaration de culpabilité et sur la peine d'amende, en ce qui concerne Richard B, le jugement dont appel, Confirme sur la condamnation solidaire de la société X au paiement de l'amende infligée à Richard B le jugement attaqué, Ordonne la publication de l'arrêt, par extrait et aux frais du condamné, dans le journal "les Echos"; Le tout en application des articles 31, 34, 55 de l'ordonnance du 1er Décembre 1986, 411, 473, 749 et suivants du code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 Francs dont est redevable B Richard.