Cass. crim., 7 mars 1996, n° 95-83.554
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Schumacher
Avocat général :
M. Cotte
Avocat :
Me Odent.
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par X Jean-François, la Société Y, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 11 mai 1995, qui, pour ventes sans factures, reventes à perte et défaut de contrat écrit fixant la rémunération d'un distributeur, les a condamnés à une amende de 20 000 F. - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 31 et 46 du décret du 29 décembre 1986, de l'article 6-1° et 2° c) de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 107, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par l'exposant ;
" aux motifs qu'il résulte des pièces du dossier que le procès-verbal de délit établi le 16 novembre 1992 a été notifié à Alain L, directeur de l'hypermarché Y de Saint-Malo où des constatations ont été opérées à compter du 22 janvier 1992 ; que M. X a été entendu le 21 mai 1992 en sa qualité de chef du département " produits frais " ; qu'il a déclaré avoir reçu délégation de pouvoirs mais ne pas en connaître les termes ; qu'il n'appartenait pas aux enquêteurs de se prononcer sur la validité et l'étendue de cette délégation, et ce d'autant plus qu'Alain L s'est déclaré responsable des faits tant devant les services de la DGCCRF que lors de son audition par le procureur de la République le 25 mai 1993 ; que la notification faite au directeur de l'hypermarché est régulière et respecte les prescriptions de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986 aux termes duquel les procès-verbaux d'infraction doivent être signés par la personne concernée par les investigations ;
" alors que, d'une part, la personne concernée par les investigations tenue de signer le procès-verbal de constat est celle qui fait l'objet de poursuites ; qu'en l'espèce, en relevant que la notification du procès-verbal du 22 janvier 1992 faite au directeur de l'hypermarché était régulière, sans se prononcer sur le point de savoir hormis l'existence de la délégation de pouvoirs si Jean-François X, poursuivi indépendamment d'Alain L, n'était pas également au nombre des personnes concernées par la poursuite de sorte que le procès-verbal devait lui être également notifié pour signature, l'arrêt attaqué a violé les articles susvisés ;
" alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, affirmer que Jean-François X était responsable pénalement des infractions visées à la prévention et, après avoir relevé qu'il s'était déclaré responsable des faits visés à la prévention tant devant les services d'enquête que devant le procureur de la République, considérer, par ailleurs, Jean-François X comme étant la personne concernée par les investigations au sens de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986 " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 16 novembre 1992, des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes ont dressé à l'égard d'Alain L, directeur d'un magasin Y, un procès-verbal d'infractions aux articles 31 et 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'après notification de ce procès-verbal, Alain L a été poursuivi pour ces délits devant le tribunal correctionnel ; que le prévenu ayant invoqué une délégation de pouvoirs donnée à Jean-François X, chef de département du magasin, le tribunal, par jugement du 17 septembre 1993, a ordonné un supplément d'information " aux fins de déterminer la personne responsable " ; qu'à l'issue de cette mesure d'instruction, le procureur de la République a fait citer Alain L et Jean-François X pour les infractions susvisées ; que, par jugement du 10 juin 1994, le tribunal a relaxé Alain L et, sur l'exception soulevée par Jean-François X, a annulé les poursuites dirigées contre ce dernier au motif que le procès-verbal constatant les délits n'était pas signé de lui et ne lui avait pas été notifié ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et rejeter l'exception de nullité, les juges du second degré énoncent que le procès-verbal a été dressé à l'égard d'Alain L qui s'était déclaré " responsable " des infractions ; qu'ils ajoutent qu'il n'appartenait pas aux enquêteurs d'apprécier la validité et l'étendue d'une délégation de pouvoirs dont l'existence était incertaine, et concluent que la notification du procès-verbal au seul Alain L était conforme aux prescriptions de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986 ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'aucune infraction n'avait été relevée au cours de l'enquête contre Jean-François X qui, de ce fait, n'était pas la personne concernée par les investigations au sens de ce texte, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir aucun des griefs allégués ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 31 et 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'exposant coupable de vente sans facture conforme et d'établissement de factures de coopération commerciale sans qu'aucun écrit n'ait été rédigé fixant les conditions de l'accord de coopération ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté que, courant 1991 et 1992, il a été établi des factures (22) ne comportant pas l'adresse des fournisseurs, ou comportant de fausses dénominations, le service mentionné n'ayant pas été rendu, ou comportant des désignations génériques et non précises ou comportant mention de coopération commerciale alors qu'il s'agissait de remises ; courant 1991 et 1992, établi des factures de coopération commerciale sans qu'aucun écrit n'ait été rédigé fixant les conditions de l'accord de coopération ;
" alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que tel n'est pas le cas en l'espèce où, par le motif précité, la cour d'appel s'est bornée à citer les termes de la prévention, sans préciser aucun des faits de la cause, de sorte que l'arrêt attaqué ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.