Cass. crim., 19 janvier 2000, n° 98-86.241
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
M. Roger
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan.
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par B Daniel, la société C, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 26 juin 1998, qui, pour infraction aux règles de la facturation et escroquerie, a condamné le premier à 5 000 F d'amende avec sursis et a statué sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 31 modifié de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Daniel B coupable du délit d'achat avec facturation non conforme, et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs que l'enquête a établi que, lorsque l'escompte de 5% avait cessé d'être servi courant 1995, le délai de paiement de 60 jours avait néanmoins été maintenu sur toute l'année 1995, jusqu'en février 1996, ce qui démontre que l'escompte était indépendant du délai de paiement ; qu'il convient donc de retenir que l'escompte de 5% était en réalité une remise commerciale ayant un caractère fixe et dont les modalités étaient déterminées à l'avance, constituant une réduction de prix acquise à la date de chaque vente, devant à ce titre figurer sur les factures, conformément à l'article 31 modifié de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
"alors, d'une part, que, si les factures doivent mentionner toute réduction de prix acquise à la date de la vente, notamment les remises, elles n'ont pas à mentionner les escomptes conditionnels ; qu'en se bornant à affirmer que l'escompte de 5% était en réalité une remise commerciale, dès lors que la suppression en 1995 de l'escompte n'avait pas remis en cause le délai de paiement à 60 jours, sans répondre au moyen de Daniel B faisant valoir que le délai de 60 jours n'avait été, après la suppression de l'escompte, maintenu que pendant quelques mois le temps de renégocier les accords, avant d'être porté à 120 jours, moyen péremptoire de défense de nature à faire apparaître que l'escompte était bien lié, pour chaque paiement, au respect du délai de paiement à 60 jours, et ne pouvait, dès lors, être qualifié de remise commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de motifs quant à l'élément matériel de l'infraction ;
"alors, d'autre part, qu'il ne saurait y avoir de délit sans intention de le commettre ; que Daniel B ne pouvait être déclaré coupable du délit d'achat avec facturation non conforme, sans que soit énoncé le moindre motif de nature à caractériser l'élément intentionnel de l'infraction" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 du Code pénal abrogé, 313-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Daniel B coupable du délit d'escroquerie, et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs que, si les demandes de remboursement ne constituaient qu'un simple mensonge écrit sur le montant des dépenses, la présentation concomitante de factures irrégulières établies par un tiers donnait force et crédit au mensonge initial, caractérisant ainsi des manœuvres frauduleuses ; que l'intention frauduleuse est suffisamment caractérisée par la connaissance du prévenu tant du caractère illicite des factures que du fait que ces factures attestaient de montants supérieurs au coût réel des fournitures ;
"alors, d'une part, que ne saurait constituer une manœuvre frauduleuse la présentation, par le directeur d'une clinique, aux Caisses de sécurité sociale, à l'appui de demandes de remboursement, de factures de prothèses établies par ses fournisseurs, jugées ultérieurement non conformes aux règles sur la facturation prévues par l'ordonnance du 1er décembre 1986 par la cour d'appel qui a requalifié l'escompte financier en "remise commerciale" pour reprocher aux factures de ne pas mentionner cette réduction de prix ;
"alors, d'autre part, qu'en se bornant, pour retenir l'intention frauduleuse du prévenu, à énoncer que Daniel B était conscient du fait que les factures non conformes attestaient de montants supérieurs au coût réel des fournitures, sans s'expliquer sur les conclusions de l'intéressé faisant valoir que, dans l'esprit de Daniel B, les fournitures étaient facturées à leur prix réel, et que la réduction de 5% constituait un escompte financier, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Daniel B, directeur administratif de la C, a été poursuivi pour infraction aux règles de la facturation et escroquerie, après avoir, en 1993 et 1994, obtenu le remboursement, par des organismes sociaux, de prothèses, en adressant des factures sur lesquelles ne figurait pas un escompte de 5%, négocié le 23 mars 1993 avec ses fournisseurs ; qu'il a été relaxé par le tribunal correctionnel ;
Attendu que, pour le déclarer coupable des chefs susmentionnés, la cour d'appel se détermine par les motifs incomplètement repris aux moyens ;
Attendu, en cet état, que l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués, dès lors, d'une part, que les conditions imposées par les fournisseurs, paiement par traite à 60 jours et envoi d'une lettre de change dans les 15 jours de la facturation étaient, pour Daniel B, purement potestatives, et d'ailleurs, indépendantes de l'avantage acquis lors de la conclusion de chaque vente, et que, d'autre part, constitue une manœuvre frauduleuse la production de factures non conformes dont la sincérité est attestée par un tiers, fournisseur, lequel donne force et crédit à une demande de remboursement à un taux excessif; d'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1153-1, 1382 et 1384, alinéa 5, du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement Daniel B et la C à payer aux parties civiles les sommes de 15 466 F, 64 787,98 F et 6 020,66 F, "correspondant au montant des remises ne figurant pas sur les factures", avec intérêts de droit au taux légal à compter de la date de chaque facturation ;
"alors, d'une part, que, compte tenu du plafonnement des remboursements par application du TIPS, le montant des remises ne figurant pas sur les factures ne correspondait pas nécessairement au préjudice des Caisses, qui ne pouvait résulter que de sommes remboursées indûment ; qu'en s'abstenant de rechercher quel était le préjudice réel des Caisses, et en calculant ce préjudice sur le "montant des remises ne figurant pas sur les factures", la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
"alors, d'autre part, que les intérêts d'une créance indemnitaire courent à compter du jugement ; qu'en faisant courir les intérêts à compter de la date de chaque facturation, la cour d'appel a violé l'article 1153-1 du Code civil" ;
Attendu qu'en fixant à une date autre que celle de sa décision le point de départ des intérêts, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté remise à sa discrétion par l'article 1153-1 du Code civil ; d'où il suit que le moyen, nouveau en sa première branche, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.