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Décisions

Cass. crim., 14 mars 2000, n° 98-80.304

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Mistral

Avocat général :

M. Cotte

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner.

TGI Paris, 31e ch., du 27 nov. 1996

27 novembre 1996

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Michel, la société Y, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 19 novembre 1997, qui a condamné le premier à 20 000 francs d'amende pour publicité de nature à induire en erreur et infractions aux règles de la facturation, et la seconde à 100 000 francs d'amende pour cette dernière infraction ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel X au paiement d'une amende de 20 000 francs et la société Y à celui d'une amende de 100 000 francs, pour avoir diffusé une publi-information dans le journal Le Figaro du 8 juin 1995 ;

"aux motifs que la société Y a fait diffuser dans le journal Le Figaro du 8 juin 1995 une "publi-information" sous le titre : "Y : la nouvelle génération de l'image", qui présente deux modèles de camescopes (CCD-TR780 à 8 000 F) et (CCD-TRV70 à 12 000 F), un magnétoscope (SLV-ES800 à 5 000 F) et un vidéo-projecteur (CPJ-100E à 9 000 F) et indique les prix de début de gamme de certains de ces produits : "Modèle trilogie à partir de 3 500 F" (correspondant au SLV-E400), "Modèle Steady Shot à partir de 6 000 F" (correspondant au CCD-TR485), "Modèle Handycam Vision à partir de 7 000 F" (correspondant au CCD-TRV30) ; qu'une telle annonce constitue bien une publicité au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dès lors qu'elle est commandée et financée par l'annonceur, peu important qu'elle soit ensuite conçue et réalisée par des journalistes professionnels usant de procédés journalistiques d'enquêtes, d'interviews et de compilation de dossiers de presse ; que tout fabricant qui la diffuse doit s'assurer de la disponibilité des produits qu'elle concerne ; qu'or, le procès-verbal de constat dressé le 21 août 1995 par Fabienne Chevrier de Zitter, huissier de justice associé, commise par ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris, et dont les constatations font foi jusqu'à inscription de faux, établit qu'il : - n'y avait aucun stock disponible à la vente de la référence SLV-E800 du 8 juin au 17 juillet 1995, - n'y avait aucun stock disponible à la vente de la référence CCD-TR780 du 8 au 1er juillet, puis du 18 juillet au 8 août 1995, - n'y avait aucun stock disponible à la vente de la référence CCD-TR485 du 8 jusqu'au 12 juin, puis du 17 juin au 12 juillet, du 15 au 20 juillet et enfin du 21 juillet au 8 août 1995, - n'y avait aucun stock disponible à la vente de la référence CCD-TRV70 du 8 juin au 8 août 1995 ; que ces constatations ne font que confirmer les fax et états adressés par Y à la SA Jean Chapelle dressant la liste des commandes non satisfaites, en raison de l' indisponibilité des produits, des 12, 13, 19, 26 juin, 17, 24, 31 juillet et 7 août 1995 ; que l'infraction est caractérisée et le jugement encourt la réformation sur ce point ;

"alors, d'une part, qu'ayant à statuer sur une prétendue indisponibilité de matériel de nature à caractériser le délit de publicité mensongère, entache sa décision d'un défaut de motifs caractérisé la cour d'appel qui retient uniquement une "liste de commandes non satisfaites" à certaines dates, ainsi que les constatations de l'huissier de justice selon lesquelles "il n'y avait aucun stock disponible" à la vente pour quatre produits sur certaines périodes, sans répondre au moyen péremptoire des conclusions des demandeurs (p. 36 et suivantes) selon lesquelles l'officier ministériel avait procédé à une lecture tronquée des "états" qui lui avaient été remis et qui mentionnaient expressément que si les stocks faisaient effectivement apparaître une insuffisance des marchandises offertes par rapport à la demande, à certaines dates, ils mentionnaient par ailleurs les commandes en cours de traitement et les arrivages des produits concernés, ce dont il résultait qu'il n'y avait pas une indisponibilité trompeuse pour le consommateur mais une pénurie à laquelle se trouvait confronté un fabricant, victime de son succès, et qui était gérée en tant que telle ; qu'il en est d'autant plus ainsi que l'arrêt infirmatif attaqué ne répond nullement aux motifs du jugement qui constataient l'affectation aux commandes en cours, pour la période litigieuse, d'arrivages des quatre produits concernés par la poursuite à hauteur de 1135 pour le premier, 2330 pour le deuxième, 4116 pour le troisième et 411 pour le quatrième (jugement, p. 13 et suivants) ;

"alors, de troisième part, qu'un fabricant qui n'a aucun intérêt à organiser une dérive des consommateurs vers des produits de substitution ne saurait être constitué en faute au regard de l'article L. 121-1 du Code de la consommation du seul fait que la demande a ponctuellement excédé ses possibilités de livraison, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait sans relever l'aspect trompeur pour le consommateur de la publi-information diffusée dans Le Figaro, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

"alors, enfin, et de toute façon, que ne caractérise pas l'élément intentionnel de l'infraction prévue par l'article L. 121-1 du Code de la consommation, la cour d'appel qui ne relève pas que Y se serait abstenue de vérifier la véracité de la publi-information diffusée dans Le Figaro le 8 juin 1995 et qui se contente de relever une simple inadéquation, a posteriori, entre les stocks disponibles et la demande des produits concernés" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel X au paiement d'une amende de 20 000 F et la société Y à celui d'une amende de 100 000 F, pour avoir diffusé un catalogue dénommé "Nouveautés printemps/été 1994" ;

"aux motifs adoptés que le fait de faire figurer sur un catalogue "Nouveautés Printemps/Eté 94", diffusé à partir de la fin du mois de mars 1994, une caméra qui était en réalité en fin de vie, est de nature à induire en erreur le consommateur attaché à acquérir le modèle le plus récent d'un produit qui se caractérise par son obsolescence rapide ;

"et aux motifs propres qu'il est constant que le catalogue "Nouveautés Printemps/Eté 94, diffusé à partir de la fin du mois de mars 1994, proposait la caméra CCD-FS700 Profeel comme une nouveauté alors même qu'elle était déjà mentionnée sur le catalogue précédent et ne devait plus être commercialisée après juin 1994 ; qu'une telle allégation est de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles et la date de fabrication du produit, un produit déjà commercialisé ne pouvant avoir les caractéristiques de la nouveauté, impliquant dans le domaine de l'audio-visuel celles d'originalité et d'innovation ;

"alors, d'une part, que, comme le relève l'arrêt attaqué, la nouveauté implique dans le domaine audiovisuel l'originalité et l'innovation, de sorte que prive sa décision de toute base légale au regard des textes précités la cour d'appel qui dénie au fabricant la faculté de se prévaloir du caractère "nouveau" d'un matériel haut de gamme au seul prétexte qu'il aurait déjà figuré dans le catalogue précédent et qui ne recherche aucunement, comme il le lui était demandé (conclusions, p 9 et suivants), s'il existait sur le marché, au moment de la publicité litigieuse, un autre produit concurrent présentant des caractéristiques aussi exceptionnelles ;

"alors, d'autre part, que ne caractérise nullement une obsolescence du matériel promu l'arrêt qui se fonde sur la brièveté de sa carrière commerciale sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce matériel haut de gamme avait, depuis son arrêt de fabrication, été remplacé par un matériel supérieur ou équivalent, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Y a fait paraître dans la presse une publicité intitulée "Y : la nouvelle génération de l'image", proposant à la vente des camescopes dont certains modèles étaient indisponibles dans les magasins ;qu'elle a aussi diffusé un catalogue "Nouveautés Printemps-Eté 94" proposant comme nouveauté une caméra déjà mentionnée dans le catalogue précédent et qui ne devait plus être commercialisée après juin 1994 ;que Michel X, président de la société Y, est poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur ;

Attendu que, pour déclarer ce délit constitué, les juges du second degré se prononcent par les motifs reproduits aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent en tous ses éléments constitutifs, y compris moral, le délit de publicité trompeuse reproché au prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision ;d'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 1996, fausse application de celle-ci, 121-1, 121-2, 112-1 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X coupable d'infractions aux règles sur la facturation en délivrant avant le 1er mars 1994 des factures ne mentionnant pas les ristournes d'assortiment et a déclaré la société Y coupable des mêmes infractions pour la période d'avril à août 1994, et les a condamnés à des peines d'amende ;

"aux motifs adoptés que, sur les factures établies au premier trimestre 1994, une remise de 5 % était bien portée, mais pas la ristourne d'assortiment pourtant acquise ; il apparaît en effet qu'une promotion Hi-Fi prévoyait, pour la période du 1er février au 31 mars 1994, une ristourne d'assortiment de 5 % si étaient facturés au moins une fois (pour les distributeurs ayant de un à cinq points de vente) les produits suivants : Studio 610, Passion 2800, Alliance 209 ; or, ces ristournes d'assortiment ne figurent pas sur les factures produites par la partie civile, alors qu'elles étaient pourtant acquises et chiffrables au moment de la vente puisque les trois produits concernés étaient facturés ; il en est de même pour d'autres factures produites par la partie civile en ce qui concerne les ristournes d'assortiment sur les produits CDP 209, CDP 411 et TA AV 570 ; en revanche, les documents produits concernant une promotion audio de février/mars 1994 ne permettent pas au tribunal de s'assurer que les conditions d'octroi de la remise étaient remplies : - factures établies d'avril à juin 1994 sans mention d'une ristourne d'assortiment audio de 5 % acquise ; cette omission ne paraît pas contestée par la société Y qui, après réclamation de la partie civile, a refait ces factures en apposant par tampon la mention "ristournes acquises assortiment audio : 5 % assortiment Hi-Fi 5 %" et les a adressées le 3 juin 1994 aux sociétés C et Y ; - sept factures émises en juillet/août 1994 ne portant pas mention de ristournes promotionnelles valables jusqu'à la fin juillet ou courant août et acquises à la date de la facture. Ces factures ont, comme les précédentes, été rectifiées par la société Y en septembre ;

"et aux motifs propres que Y consentait à ses distributeurs des ristournes d'assortiment acquises et chiffrables dès la commande ; que de telles ristournes devaient ainsi être mentionnées sur les factures au contraire de celles liées à des opérations promotionnelles qui ne peuvent être déterminées qu'à l'issue des promotions ; que les infractions aux règles de la facturation commises après le 1er mars 1994 seront, par application de l'article 31, alinéa 7, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée, mise à la charge de la société Y ; et que les infractions aux règles de la facturation commises après le 1er mars 1994 seront, par application de l'article 31, alinéa 7, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée, mise à la charge de la société Y ;

"alors, d'une part, que, selon l'article 121-2 du Code pénal, applicable en matière de facturation (article 31, article 7, de l'ordonnance du 1er décembre 1986), à compter du 1er mars 1994, lorsque les personnes morales sont responsables pénalement, la responsabilité pénale de leurs dirigeants personnes physiques peut seulement être recherchée en tant que "auteurs ou complices des mêmes faits" ; que Michel X est dès lors fondé à solliciter l'application immédiate de cette loi nouvelle qui a incontestablement pour effet d'atténuer sa responsabilité pénale et d'imposer la recherche de son action personnelle dans la réalisation des infractions litigieuses pour la période antérieure au 1er mars 1994, ce que ne fait nullement l'arrêt attaqué qui se borne à faire une application distributive de la loi ancienne et de la loi nouvelle pour condamner successivement le dirigeant et la société ; qu'en statuant comme elle l'a fait à l'égard du dirigeant de Y, sans caractériser aucune intervention personnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 121-1, alinéa 3, du Code pénal ;

"alors, d'autre part, que pour entrer en voie de condamnation, les juges du fond ont considéré que la remise d'assortiment pourrait être considérée comme "acquise et chiffrable" dès la commande des trois produits assortis (arrêt, page 19, in fine), méconnaissant par là-même le principe de ladite remise qui est calculée non sur le prix des produits assortis mais sur la base du chiffre d'affaires réalisé au terme de la période promotionnelle pour toute la ligne de produits de même nature, comme le précise le document commercial qui est à la base de la poursuite ; qu'il résultait nécessairement de la condition ainsi posée que l'octroi de ladite ristourne demeurait subordonnée au caractère effectif des ventes intégrées au chiffre d'affaires, à l'exclusion de toute annulation ou retour de produit livré, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dans sa rédaction applicable en la cause ;

"alors, subsidiairement, que viole l'article 593 du Code de procédure pénale l'arrêt attaqué qui laisse dépourvues de toute réponse les conclusions d'appel (p. 24 et 25) faisant valoir que pour les mêmes types de remise, l'infraction dénoncée par les mêmes plaignants avait été écartée au bénéfice de Y aux termes d'un arrêt rendu en matière pénale par la Cour de Versailles le 14 mai 1992, selon lequel ce type de remise ne pouvait que prendre la forme d'avoir hors facture, ce dont il résultait que l'élément intentionnel de l'infraction n'était pas caractérisé pour des faits incriminés par les mêmes plaignants deux ans plus tard ;

"alors, enfin et subsidiairement, que la circonstance relevée par le jugement (p. 16, § 1 et 2) selon laquelle Y aurait finalement apposé, après réclamation, la mention "ristourne acquise" sur les factures d'avril à juin 1994 et de juillet-août 1994, ne saurait en aucun cas être opposée à Michel X dont la responsabilité pénale n'a été retenue par l'arrêt que pour la période antérieure au 1er mars 1994" ;

Attendu que les prévenus sont tous deux poursuivis pour infractions aux règles de la facturation à l'égard des sociétés Y et C ;

Attendu que, pour les déclarer coupables de ces infractions, la cour d'appel énonce que les prévenus ont omis de mentionner sur les factures les "ristournes d'assortiment", en méconnaissance des dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée; que les juges ajoutent que, contrairement aux factures liées aux opérations promotionnelles, dont les ristournes ne peuvent être déterminées qu'à l'issue des promotions, lesdites "ristournes d'assortiment" sont acquises et chiffrables dès la commande et doivent figurer sur les factures;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.