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Décisions

Cass. com., 30 janvier 1996, n° 94-11.440

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Siplec (Sté), Sodiplec (Sté)

Défendeur :

DKV Euro service France (SARL), Deutscher kraftverkehr ernst grimmke GmbH + CO KG (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Tiffreau, Thouin-Palat, Me Thomas-Raquin.

T. com. Paris, 3e ch., sect. B, du 17 ju…

17 juin 1992

LA COUR : - Sur le moyen unique de cassation : - Vu les articles 33 et 36-2° de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence ; - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 17 décembre 1993), que la société de droit allemand D K et sa filiale la société DKV ont pour objet, tant sur le territoire national qu'en Europe et en Afrique du Nord, de fournir aux transporteurs routiers et aux professionnels de la route, des carburants, des lubrifiants, ainsi que diverses prestations de service ; que ces fournitures sont réglées par les chauffeurs au moyen d'une carte de crédit délivrée aux transporteurs par la société DKV et leur donnent accès au réseau de stations-services approvisionnées par la société DKV ; qu'à cet effet, cette entreprise a conclu avec les distributeurs pétroliers de son choix des contrats relatifs à l'approvisionnement des stations-services liées à ces distributeurs et dont elle assure directement le règlement ; que la société pétrolière SIPLEC et la société SODIPLEC, qui exploitent une station-service sur l'autoroute près de Dijon, et qui appartiennent au "groupe" Leclerc, ont écrit en 1990, à quatre reprises, à la société DKV pour lui demander à faire profiter sa clientèle des services de sa carte de crédit ; qu'un refus lui ayant été opposé, au motif que la société DKV n'était ni producteur, ni prestataire de services et que les dispositions des articles 33 et 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne lui étaient pas opposables, les sociétés SIPLEC et SODIPLEC ont saisi le tribunal de commerce pour faire constater l'illicéité de refus de contracter qui leur était opposé par les deux sociétés et qu'elles soient condamnées au paiement de dommages-intérêts à son profit ;

Attendu que pour rejeter les demandes des sociétés SIPLEC et SODIPLEC, l'arrêt relève que le "mécanisme complexe" mis en place par les société DK et DKV ne s'analyse pas en une convention de prestations de services et qu'il résulte des énonciations du contrat d'approvisionnement passé par la société DK avec l'entreprise qui distribue le carburant de sa marque "étant précisé que la station-service n'est que l'émanation du distributeur" que la fourniture de produits pétroliers et de services est effectuée directement dans les stations-services par le distributeur "au nom et pour le compte de DK" qui règle ces fournitures, et les remises consenties, selon les quantités globales utilisées par les transporteurs ; que l'arrêt énonce encore qu'aucun mécanisme de cession de créance n'est stipulé dans le contrat d'approvisionnement et que l'unique débiteur des produits est la société DK qui a contracté directement avec le distributeur, celui-ci ne disposant d'aucun recours contre les transporteurs ; qu'il en découle que les sociétés DK et DKV ne servent pas de prestations de services au profit des distributeurs de produits pétroliers ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que les services fournis par les sociétés DK et DKV aux transporteurs sont financés par les rabais obtenus de la part des distributeurs en fonction des quantités de produits pétroliers achetés par ces deux sociétés et selon des modalités précises de facturation, et que ces entreprises se livrent ainsi, quelque soit le mécanisme juridique "complexe" mis en place, à des fournitures de prestations de services tant à l'égard de la station-service que du transporteur utilisateur, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 33 et 36-2° de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Par ces motifs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.