CA Douai, 6e ch. corr., 12 septembre 1995, n° 94-02781
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ministère public, Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bouly de Lesdain
Conseillers :
M. Lambret, Mme Lefebvre
Avocat :
Me Mitchell
M. Emmanuel Y, PDG des X,
M. Daniel Z, directeur des achats habitation,
Mme Claudette A, directrice des achats habillement,
ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel de Lille pour avoir:
à Croix, au cours de l'année 1991, accepté des factures non conformes ne mentionnant pas les rabais, remises ou ristournes, dont le montant était pourtant acquis et chiffrable lors de la vente, en l'espèce des remises sur le chiffre d'affaires de:
1° -2 % de la SA Eurelem Marque Chromex,
2° - 2,5 % de la SA Tornado,
3° - de la SA Vogalu,
4° - 0,5 % de la SA Rowenta France,
5° -1% de la SA Hoover,
6° -1% de la SA Calor,
7° -5 de la SA Lee Cooper,
8° - 1,5 % de la SA Chantelle,
délit prévu et réprimé par les articles 31 et 54 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.
Par jugement du 8 juillet 1994, le tribunal a:
- relaxé M. Y des fins de la poursuite au motif qu'il avait régulièrement délégué ses pouvoirs aux deux autres prévenus dans la matière concernée par les poursuites;
- en considération des domaines d'activités respectifs de M. G et de Mme D,
- a relaxé le premier des infractions portant sur les factures SA Lee Cooper et SA Chantelle et l'a condamné à 50.000 F d'amende pour les autres infractions;
- a relaxé la seconde des infractions portant sur les factures SA Eurelem, Tornado, Vogalu, Rowenta France, Hoover et Calor et l'a condamnée à 100.000 F d'amende pour les autres infractions et a déclaré la SA X solidairement responsable du paiement des amendes prononcées.
Ont régulièrement relevé appel de cette décision la SA X, Mme D et M. G, sur les dispositions pénales et civiles et le ministère public à l'encontre des seuls prévenus appelants.
Ceux-ci sont représentés devant la Cour comme aussi X.
À juste raison, la défense fait observer que le tribunal correctionnel s'est prononcé sur des factures Playtex dont il n'était pas saisi et qu'il a omis de motiver sa décision sur les factures Chantelle. Il sera tenu compte de ces exactes observations dans l'arrêt.
En ce qui concerne Chantelle, il résulte de l'enquête de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes que le barème des ristournes annuelles était fondé sur des pourcentages de niveaux du chiffre d'affaire (par exemple de 0 à l MF : 1 %, de 2 MF à 3 MF : 2,5 % etc...).
Pour les autres remises accordées aux autres sociétés la Cour se réfère à l'analyse des faits opérée par les premiers juges.
La Cour estime, d'autre part, que c'est à bon droit que les premiers juges ont imputé la responsabilité des factures incriminées à chaque prévenu en fonction de ses propres délégations.
Les prévenus concluent à leur relaxe aux motifs résumés que :
- le taux des remises ou rabais ne pouvait être connus qu'en tin d'exercice ;
- que le montant effectif de la ristourne était appelé à être modifié postérieurement à la vente, en raison de la nature particulière et des spécificités de la VPC (réduction de prix, retours clients etc...) ;
- le défaut des mentions exigées par l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne leur sont pas opposables dans la mesure où les conditions générales d'achat X "imposent aux fournisseurs de respecter ledit texte.
Sur le fond :
Attendu que l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui réprime les ventes à perte précise que "le prix d'achat effectif est présumé être le prix porté sur la facture d'achat" ;
Que l'article 31 de la même ordonnance, clé de voûte de la répression de la vente à perte, dispose, en conséquence de la présomption de l'article 32, que les factures doivent comporter diverses mentions et notamment " les remises, rabais ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service, quelque soit leur date de règlement" ;
Attendu que "les remises... de principe acquis" signifie qu'elles ne sont assujetties à aucune condition ;
Que leur montant chiffrable signifie qu'elles sont susceptibles d'évaluation à la date de la vente, n'étant exactement connues, en application des accords commerciaux les plus courants, qu'en fin du terme convenu entre les parties ;
Attendu que selon les énonciations du jugement déféré auxquelles la Cour se réfère quant aux faits exactement décrits, les remises, ristournes et rabais incriminés n'étaient soumis à aucune condition; qu'ils étaient d'ailleurs réglés par lettre chèque mensuelle dès le mois d'avril pour le chiffre d'affaire du mois de janvieret que leur règlement se poursuivait ainsi de mois en mois jusqu'en fin de terme;
Que les remises n'étaient ainsi liées à aucune condition suspensive; qu'à défaut d'établir qu'elles devaient être restituées en fin de terme dans l'hypothèse où les objectifs prévus n'étaient pas atteints, les prévenus ne peuvent non plus soutenir qu'elles étaient assujetties à une condition résolutoire;
Que ces remises devaient donc figurer sur les factures quoiqu'il en soit des prétendues "spécificités " de la VPC;
Attendu que les obligations définies à l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 s'imposent tant au fournisseur qu'au distributeur.
Qu'à défaut de mise en demeure de leurs fournisseurs, X ne s'exonèrent pas de leurs responsabilités par la simple indication dans leurs conditions générales d'achat de l'obligation faite pour le fournisseur de produire des factures conformes à l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Le fait pour les prévenus d'avoir, en connaissance de cause, accepté des factures non conformes à la réglementation caractérise à leur charge l'élément moral des infractions.
En ce qui concerne les pénalités, les premiers juges ont fait une juste application de la loi.
Par ces motifs, Et ceux non contraires des premiers juges qui sont expressément adoptés, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Dans les limites de l'appel, Confirme le jugement déféré. Constate que la décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F (huit cents francs) dont est redevable chaque condamné.