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Décisions

CA Caen, ch. corr., 29 mars 2000, n° 99-00726

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Ministère public, Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deroyer

Conseillers :

Mmes Clouet, Holman

Avocat :

Me Pointel.

TGI Caen, ch. corr., du 26 oct. 1999

26 octobre 1999

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Saisi de poursuites dirigées contre :

M. Y Ludovic

d'avoir à Agneaux, sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en tant que directeur du magasin Hypermarché X,

- sur des factures omis de mentionner la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA de produits vendus et des services vendus, les ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente de la prestation des services, en l'espèce en émettant les deux factures suivantes au nom du magasin Hypermarché X adressées à la SARL Y

- facture n° 4160 en date du 19 octobre 1995 d'un montant de 14.939,92 F,

- facture n° 3268 en date du 11 janvier 1996 d'un montant de 10.681,54 F,

dont leur intitulé est " location espace exposition " correspondant à de fausses coopérations commerciales non liées à la réalisation d'aucune vente ou de prestations de services, l'objet des contrats correspondant en fait à la simple mise en rayon des fruits et légumes et, ce, pour percevoir des ristournes de la SARL Y alors que ces ristournes de principes acquises et chiffrables au moment de la vente (puisque fixées au taux de 3%) auraient dû être mentionnées sur les factures d'achat de fruits et légumes de la SARL Y ;

Infraction prévue et réprimée par les articles 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifié par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, articles 54, 55 de l'ordonnance n° 86-1283 du 1er décembre 1986, article 121-2 du Code Pénal

La SA Z représentée par M. G Hervé, son Président Directeur Général,

d'avoir à Agneaux, sur le territoire national et depuis temps non prescrit, en tant qu'exploitante du magasin Hypermarché X

- sur des factures omis de mentionner la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA de produits vendus et des services vendus, les ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente de la prestation des services, en l'espèce en émettant les deux factures suivantes au nom du magasin Hypermarché X adressées à la SARL Y

- facture n° 4160 en date du 19 octobre 1995 d'un montant de 14 939,92 F,

- facture n° 3268 en date du 11 janvier 1996 d'un montant de 10 .681,54 F,

dont leur intitulé est "location espace exposition" correspondant à de fausses coopérations commerciales non liées à la réalisation d'aucune vente ou de prestations de services, l'objet des contrats correspondant en fait à la simple mise en rayon des fruits et légumes et, ce, pour percevoir des ristournes de la SARL Y alors que ces ristournes de principes acquises et chiffrables au moment de la vente (puisque fixées au taux de 3%) auraient dû être mentionnées sur les factures d'achat de fruits et légumes de la SARL Y ;

Infraction prévue et réprimée par les articles 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifié par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, articles 54, 55 de l'ordonnance n° 86-1283 du 1er décembre 1986, article 121-2 du Code Pénal ;

Le Tribunal correctionnel de Caen, par jugement en date du 26 octobre 1999, a déclaré M. Y et la SA Z coupables des infractions, a condamné M. Y à 5 000 F d'amende et la SA Z à 50.000 F d'amende.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Monsieur Y Ludovic, le 4 novembre 1999,

SA Z prise en la personne de son représentant légal, le 4 novembre 1999,

M. le Procureur de la République, le 4 novembre 1999 contre Monsieur Y Ludovic et la SA Z prise en la personne de son représentant légal,

M. Y et la SA Z concluent à la réformation du jugement et à leur relaxe par des moyens visés aux conclusions qu'ils déposent et auxquelles il est fait renvoi pour leur exposé.

La Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes dépose des conclusions tendant à la confirmation du jugement, au prononcé de la publication de l'arrêt sur le fondement de l'article 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et demande de déclarer en application de l'article 54 dans la même ordonnance la personne morale solidairement responsable du paiement de l'amende et des frais.

Le Ministère public conclut à la confirmation du jugement.

Le conseil des prévenus a eu la parole le dernier.

Motifs :

A la suite de la plainte d'un fournisseur, un contrôle de facturation a été effectué le 27 novembre 1996 dans les locaux de l'Hypermarché X à Agneaux.

Il est apparu que la SA Z facturait à 2 de ses fournisseurs la Société Y et la Société B des prestations intitulées "Optimisation régionale linéaire" ou "Location espace exposition".

M. W, responsable du département frais de la SA Z, a déclaré qu'il avait négocié 5 ou 6 ans avant son audition du 19 décembre 1996, notamment avec le représentant de la Société Y, une remise de 3 % sur le chiffre d'affaire de ce fournisseur dont les prix n'étaient pas aussi intéressants que ceux de la concurrence.

Tous les trimestres, le représentant de la Y lui faisait parvenir le montant du chiffre d'affaire réalisé avec la SA Z et celui de la ristourne correspondante pour laquelle M. W établissait une facture de coopération commerciale.

Les contrats de coopération étaient établis et signés aux dates figurant sur ces documents, mais les montants étaient laissés en blanc et rajoutés après communication des éléments nécessaires par la Y.

M. W déclarait que l'objet de ces contrats intitulés "location d'espace exposition" consistait en la mise en rayon.

Bien que n'ayant pas reçu d'instruction particulière pour établir ces contrats, il s'agissait pour lui de la manière habituelle de travailler avec les fournisseurs de la SA et qu'ainsi, une procédure similaire avait été observée à l'égard du fournisseur B, lequel avait consenti une remise d'un pourcentage sur le chiffre d'affaire dont le montant était mensuellement donné permettant ainsi à M. W d'établir sur la base de ces chiffres, une facture trimestrielle.

M. W confirmait que l'objet des contrats dits de" Location d'espace exposition" avec la société B recouvrait comme pour la Y, la mise en rayon normale et qu'il ne s'agissait pas d'une mise en avant spécifique.

Il ajoutait que M. Y était parfaitement informé de sa manière de travailler et ne lui avait fait aucune remarque à cet égard.

M. Y, Directeur du magasin de la SA Z a contesté les infractions en précisant que les prestations facturées au titre de la coopération commerciale étaient bien réelles et correspondaient soit à des communications publicitaires, soit à des mises en avant des produits en tête de gondole, dont il avait été décidé en accord avec les fournisseurs de rémunérer ces prestations par un pourcentage sur le chiffre d'affaire commandé.

Sur le principe de la responsabilité pénale de M. Y

M. Y exerce les fonctions de Directeur de magasin au coefficient 400.

Un avenant du 2 mai 1989 à son contrat de travail précise qu'il assume la gestion financière commerciale et administrative du magasin, la direction et la coordination des différents responsables de départements et qu'il a délégation de pouvoir pour appliquer et faire appliquer la législation économique et commerciale, notamment sur la régularité des facturations émanant des fournisseurs de la SA Z.

M. W, chef du département produits frais au coefficient 300 est responsable de la gestion du personnel du rayon produits frais, de l'achat des produits. Aux termes de son contrat de travail, il a délégation de pouvoir notamment pour faire appliquer et appliquer les lois et règlements en vigueur en matière de législation commerciale et notamment quant à la conformité des produits, des prix, de l'étiquetage.

Il résulte de la comparaison des termes de ces délégations de pouvoir, que M. W n'a pas reçu délégation pour veiller au respect de la législation sur les facturations des fournisseurs, quant bien même a t-il personnellement négocié le pourcentage de la remise consentie par ceux-ci.

De plus, il n'est pas établi qu'il était destinataire des facturations émises par les fournisseurs et qu'il était dans ses attributions le devoir de les contrôler.

Le jugement qui a écarté l'argument tenant à la délégation de pouvoirs sera confirmé sur ce point.

Sur le fond, il résulte des déclarations de M. W que l'objet réel des factures dites de coopération commerciale était une remise de 3 % sur le chiffre d'affaire du fournisseur avec la SA Z consentie globalement et uniformément sur l'ensemble des marchandises vendues. M. W a ajouté que ces facturations ne concernaient pas autre chose que la simple mise en rayon bien que la prestation soit portée sous la dénomination " Location d'espace exposition" ou " Optimisation régionale linéaire".

Il ne résulte pas du dossier que la SA Z ait pu fournir à son fournisseur une prestation ou un service spécifique et effectif pouvant justifier une facturation dans le cadre d'un contrat de coopération commerciale, la seule mise en rayon des produits n'étant pas une opération distincte et particulière de leur simple mise à disposition de la clientèle.

Les facturations dites de coopération commerciale ne peuvent correspondre à une prestation effective et distincte de l'acquisition à la vente dès lors qu'elles ont été établies uniformément par un pourcentage sur le chiffre d'affaire correspondant à l'ensemble des marchandises fournies.

Il apparaît donc que pour les fournisseurs concernés, chaque livraison faisait l'objet d'une réduction de prix qui était acquise et quantifiée à la date de la vente dès lors que le montant de cette remise et son assiette étaient déterminés et certains à la date de la vente.

De surcroît, la réduction accordée n'était assortie d'aucune condition suspensive dès lors que l'évènement dont elle dépendait était certain au moment de la conclusion de la vente.

Les réductions de prix consenties sans condition sont susceptibles ainsi d'évaluation à la date de la vente et devaient donc figurer sur les factures des fournisseurs.

Ces réductions de prix devaient apparaître sur les factures de vente des fournitures conformément à l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Dès lors, ont été à bon droit déclarés coupables les prévenus, M. Y et la SA Z qui ont accepté de leurs fournisseurs en connaissance de cause des factures non conformes à une réglementation qui s'impose tant aux fournisseurs qu'au distributeur, peu important en l'espèce que ces derniers fournisseurs ne soient pas visés par la poursuite.

Le jugement sera donc confirmé sur les déclarations de culpabilité des 2 prévenus.

Il sera également confirmé sur les peines, celles-ci apparaissant adaptées au regard des faits commis et de la personnalité de chacun des prévenus.

Il sera ajouté la condamnation de la SA Z au paiement de l'amende prononcée contre M. Y.

En revanche, la publication de la décision ne s'impose pas en raison de l'ancienneté des faits.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de toutes les parties, Reçoit les parties en leurs appels, Vu les articles 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifié par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, articles 54, 55 de l'ordonnance n° 86-1283 du 1er décembre 1986, article 121-2 du Code Pénal, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Prononce la contrainte par corps à l'encontre de M. Y ; Y ajoutant : Condamne solidairement la SA Z au paiement de l'amende prononcée contre M. Y, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chacun des condamnés.